N°32. Octobre 2005. - Centre Régional des Lettres de Basse ...
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OCTOBRE<br />
À partir du 18 octobre<br />
Les Petits Outrages<br />
<strong>de</strong> Clau<strong>de</strong> Bourgeyx<br />
Qu’ont en commun<br />
Clau<strong>de</strong> Bourgeyx,<br />
François Bott et Henri<br />
Calet ? La justesse<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> mots et du trait<br />
quand ils parlent <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
petites choses <strong>de</strong> la<br />
vie. Et une cohabitation<br />
imaginaire au<br />
sein <strong>de</strong> la nouvelle<br />
saison <strong><strong>de</strong>s</strong> Rencontres<br />
Clau<strong>de</strong> Bourgeyx<br />
pour Lire imaginée par<br />
François <strong>de</strong> Cornière.<br />
Premier ren<strong>de</strong>z-vous est pris avec Clau<strong>de</strong><br />
Bourgeyx. Ce romancier et novelliste, « maître<br />
dans l’art du dérapage », a publié une quinzaine<br />
d’ouvrages. Ce sont les textes <strong><strong>de</strong>s</strong> Petits outrages<br />
(Castor astral) que Jean-Marc Dupré et Marc<br />
Frémond liront sur scène à partir du 18 octobre, à<br />
l’Espace Puzzle à Caen dans un premier temps<br />
puis en tournée dans la région (Granville, Lisieux,<br />
Argentan, Bayeux, Louvigny…).<br />
Rencontres pour lire<br />
Renseignements au 02 31 30 48 20.<br />
Espace Puzzle à Caen, rue <strong>de</strong> Bretagne<br />
Renseignements au 02 31 38 28 28.<br />
À partir du 18 octobre<br />
L’Université populaire<br />
fait sa rentrée<br />
Initiée par Michel Onfray en 2002 à Caen,<br />
l’Université populaire rouvre ses portes le 18<br />
octobre prochain. Gratuite, ouverte à tous et collective,<br />
la saison 2005-2006 s’enrichit <strong>de</strong> nouveaux<br />
séminaires comme la littérature contemporaine<br />
(Bénédicte Lanot évoquera notamment<br />
Annie Ernaux, Emmanuelle Bernheim, Sylvie<br />
Germain…) ou les politiques sexuelles. Les habitués<br />
retrouveront les cours <strong>de</strong> philosophie hédoniste<br />
<strong>de</strong> Michel Onfray, les séminaires traitant <strong>de</strong><br />
l’histoire <strong><strong>de</strong>s</strong> idées féministes, <strong><strong>de</strong>s</strong> idées politiques,<br />
<strong>de</strong> la philosophie <strong><strong>de</strong>s</strong> sciences, <strong>de</strong> l’art<br />
contemporain ou encore du jazz… L’intégralité du<br />
programme, les précisions sur les horaires et les<br />
lieux sont disponibles sur le site.<br />
http://perso.wanadoo.fr/michel.onfray/UPcaen.htm<br />
NOVEMBRE<br />
Le 14 novembre<br />
Les Boréales :<br />
journée <strong>de</strong> sensibilisation<br />
Ouverte aux bibliothécaires et enseignants<br />
comme au grand public, cette journée <strong>de</strong> sensibilisation<br />
propose une première approche <strong>de</strong> la littérature<br />
norvégienne pour la jeunesse et rend<br />
hommage à Hans Christian An<strong>de</strong>rsen à l’occasion<br />
du bicentenaire <strong>de</strong> sa naissance.<br />
Elle débutera à 11h par une conférence <strong>de</strong> Régis<br />
Boyer : « Un autre An<strong>de</strong>rsen ». À 14h, Marc<br />
Auchet évoquera « An<strong>de</strong>rsen ou la métamorphose<br />
du conte ». À 15h, Jean-Baptiste Coursaud<br />
dressera une brève histoire <strong>de</strong> la littérature norvégienne<br />
pour la jeunesse.<br />
À la bibliothèque <strong>de</strong> Caen-la-mer. Entrée libre.<br />
Inscriptions indispensables au 02 31 15 36 40.<br />
Du 14 au 26 novembre<br />
Les Belles Étrangères :<br />
<strong>de</strong> Roumanie en Normandie<br />
Les Belles Étrangères invite douze écrivains roumains<br />
du 14 au 26 novembre. Deux d’entre eux<br />
seront présents en <strong>Basse</strong>-Normandie : Dan<br />
Lungu (Le Paradis <strong><strong>de</strong>s</strong> gallinacés, chez Jacqueline<br />
Chambon, 2005) et Simona Popescu. Rédacteur,<br />
titulaire d’une chaire <strong>de</strong> sociologie, Dan Lungu a<br />
constitué le groupe littéraire Club 8. Simona<br />
Popescu, elle, fait partie <strong>de</strong> la « nouvelle vague »<br />
<strong>de</strong> la littérature roumaine actuelle. Elle a publié<br />
plusieurs recueils <strong>de</strong> poèmes et un roman autobiographique.<br />
Le 22 novembre à 20h30 à la médiathèque <strong>de</strong> Granville.<br />
Le 23 novembre à 17h à la bibliothèque <strong>de</strong> Caen.<br />
Le 22 novembre<br />
Le Théâtre <strong>de</strong> la Rampe propose<br />
« Une famille ordinaire »<br />
Pour son projet « Du commerce amoureux au<br />
négoce du désir », le théâtre <strong>de</strong> La Rampe a souhaité<br />
associer trois auteurs au sein d’une même<br />
recherche pour tenter <strong>de</strong> saisir le cheminement et<br />
l’incarnation d’une pensée singulière au-<strong>de</strong>là<br />
d’une préoccupation commune.<br />
Après la création <strong>de</strong> La Double Inconstance <strong>de</strong><br />
Marivaux en février 2004, celle <strong>de</strong> L’Échange <strong>de</strong><br />
Paul Clau<strong>de</strong>l en novembre 2004, Annie Pican,<br />
directrice <strong>de</strong> la compagnie mettra en scène Une<br />
famille Ordinaire <strong>de</strong> José Pliya.<br />
Né en 1966 à Cotonou au Bénin, José Pliya suit<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> étu<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> <strong>Lettres</strong> à La Sorbonne. Professeur<br />
<strong>de</strong> <strong>Lettres</strong> puis directeur <strong>de</strong> l’Alliance Française<br />
pendant plusieurs années, il fon<strong>de</strong> en 2002 l’association<br />
« Écritures théâtrales contemporaines<br />
en Caraïbe ». Cet automme, José Pliya prendra la<br />
direction <strong>de</strong> l’Artchipel, Scène Nationale <strong>de</strong> la<br />
Gua<strong>de</strong>loupe.<br />
Première au Théâtre <strong>de</strong> Saint-Lô, le 22 novembre.<br />
« Une famille ordinaire » <strong>de</strong> José Pliya sera également<br />
accueillie à la Scène Nationale d’Alençon/Flers<br />
/Mortagne le 10 janvier 2006 puis à La Renaissance <strong>de</strong><br />
Mon<strong>de</strong>ville le 27 janvier 2006.<br />
Le 29 novembre<br />
Rencontre avec<br />
Patrice Delbourg<br />
Poète, romancier, chroniqueur littéraire pour la<br />
presse et la radio, Patrice Delbourg multiplie les<br />
casquettes avec le même talent. Un talent primé<br />
en 1995 lors <strong>de</strong> la parution <strong>de</strong> son recueil <strong>de</strong> poésie,<br />
L’Ampleur du désastre (Cherche-Midi) : il<br />
reçoit le Prix Apollinaire et celui <strong>de</strong> la Société <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
gens <strong>de</strong> lettres. Son <strong>de</strong>rnier ouvrage Le Bureau<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> latitu<strong><strong>de</strong>s</strong> est paru en 2005 au Serpent à<br />
Plumes. Il sera le <strong>de</strong>rnier invité <strong>de</strong> Pierre Charras<br />
dans le cadre <strong><strong>de</strong>s</strong> rencontres d’auteur <strong>de</strong> la BDP<br />
du Calvados.<br />
À 20h30, au Théâtre du Champ Exquis <strong>de</strong> Blainvillesur-Orne.<br />
Entrée libre.<br />
Renseignements au 02 31 06 02 06.<br />
octobre 2005 - livre / échange 16<br />
/ agenda<br />
DÉCEMBRE<br />
Du 5 au 9 décembre<br />
« Illuminations –<br />
coloured plates »<br />
La fascination qu’exerce Rimbaud est intacte :<br />
mystère <strong><strong>de</strong>s</strong> formes poétiques, mystère <strong>de</strong> la<br />
fulgurance d’un génie créatif précocement né<br />
et très tôt épuisé, mystère d’une vie tapageuse<br />
– les amours transgressives, les trafics illicites,<br />
la fièvre <strong><strong>de</strong>s</strong> voyages et <strong><strong>de</strong>s</strong> retours, l’humeur<br />
barou<strong>de</strong>use, l’aventure orientale, le coup <strong>de</strong><br />
revolver <strong>de</strong> Verlaine, la mort sordi<strong>de</strong> à l’hôpital<br />
<strong>de</strong> Marseille… Thierry <strong>de</strong> Peretti l’a compris et<br />
met en scène l’un <strong><strong>de</strong>s</strong> plus beaux textes rimbaldiens,<br />
Les Illuminations, après avoir déjà<br />
exploré l’univers du poète dans « Une saison<br />
en enfer ». Sur un plateau nu, <strong>de</strong>ux hommes,<br />
une femme, leurs corps, leurs peaux, leurs<br />
voix, <strong>de</strong> la musique, <strong><strong>de</strong>s</strong> bruits, les paroles <strong>de</strong><br />
Rimbaud, Les Illuminations.<br />
Au CDN <strong>de</strong> Normandie, 32 rue <strong><strong>de</strong>s</strong> Cor<strong><strong>de</strong>s</strong> à Caen.<br />
Les 5, 6 et 9 décembre à 20h30 et les 7 et 8<br />
décembre à 19h30.<br />
Renseignements au 02 31 46 27 29.<br />
À partir du 7 décembre<br />
« Une nuit à la bibliothèque »<br />
Quel est celui qui, dans sa naïveté d’enfant, ne<br />
s’est jamais <strong>de</strong>mandé ce que font les objets<br />
lorsque nous avons le dos tourné ?<br />
Dialoguent-ils entre eux ? Bougent-ils ?<br />
Restent-ils à leur place ? Comment vivent-ils<br />
en notre absence ? Et si ces objets si particuliers<br />
que sont les livres se mettaient à parler et<br />
à prendre vie… Une expérience théâtrale à vivre<br />
dans la bibliothèque <strong>de</strong> l’IMEC grâce au texte<br />
<strong>de</strong> Jean-Christophe Bailly, « Une nuit à la<br />
bibliothèque », mis en scène par Gilberté Tsaï.<br />
Le temps <strong>de</strong> quelques représentations, les<br />
livres se retrouvent, se parlent comme <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
vivants, parlent <strong>de</strong> ceux qui les lisent, craignent<br />
qu’on ne les lise plus. La bibliothèque se<br />
peuple <strong>de</strong> ces fantômes littéraires, et <strong>de</strong>vient<br />
un espace <strong>de</strong> jeu scénique, un théâtre. En collaboration<br />
avec le Théâtre <strong>de</strong> Caen, le <strong>Centre</strong><br />
dramatique national <strong>de</strong> Montreuil, le Jeune<br />
Théâtre National, le Festival d’Automne et<br />
l’IMEC.<br />
Du 7 au 17 décembre à l’Abbaye d’Ar<strong>de</strong>nne, Saint-<br />
Germain-la-Blanche-Herbe.<br />
Renseignements au 02 31 29 37 37.<br />
JANVIER<br />
Du 13 au 21 janvier<br />
« Plus loin que loin »<br />
<strong>de</strong> Zinnie Harris<br />
Tristan da Cuhna est une île perdue au milieu<br />
<strong>de</strong> l’Atlantique, à mi-chemin entre le Cap et la<br />
Pointe d’Amérique du Sud. Désolée, battue par<br />
les vents, elle abrite une poignée d’hommes<br />
dont le seul contact avec l’extérieur est le<br />
bateau qui accoste tous les six mois pour les<br />
ravitailler. Lorsque malgré eux, les îliens se<br />
trouvent confrontés au mon<strong>de</strong> du « D’hors »,<br />
ce sont tous leurs repères qui volent en éclats.<br />
Further than further things est une pièce <strong>de</strong> la<br />
dramaturge Zinnie Harris.<br />
La nouvelle création du Panta-Théâtre sera jouée du<br />
13 au 21 janvier au Panta à Caen et le 25 janvier au<br />
Théâtre du Préau à Vire.<br />
À 20h30. Renseignements au 02 31 85 15 07.<br />
Journal trimestriel édité par le <strong>Centre</strong> régional <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Lettres</strong><br />
<strong>de</strong> <strong>Basse</strong>-Normandie<br />
n.32 / Oct. 2005<br />
livre / échange<br />
Vie littéraire et actualité du livre en <strong>Basse</strong>-Normandie<br />
Jean Teulé L’amour <strong><strong>de</strong>s</strong> âmes égratignées<br />
XIV e BORÉALES<br />
La Norvège<br />
au-<strong>de</strong>là <strong><strong>de</strong>s</strong> fjords<br />
Commémoration<br />
Jules Verne<br />
Exposition et publication<br />
Figure littéraire<br />
Regain d’intérêt<br />
pour Octave Mirbeau
éditorial<br />
Vie littéraire et actualité du livre en <strong>Basse</strong>-Normandie.<br />
Arnaud Fontaine<br />
Prési<strong>de</strong>nt du <strong>Centre</strong><br />
régional <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Lettres</strong><br />
<strong>de</strong> <strong>Basse</strong>-Normandie.<br />
Livre/échange<br />
Àl’heure où d’autres viennent<br />
d’emprunter le chemin <strong><strong>de</strong>s</strong> écoliers,<br />
le <strong>Centre</strong> régional <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Lettres</strong> revient<br />
avec <strong><strong>de</strong>s</strong> surprises plein son cartable.<br />
Ce nouveau numéro <strong>de</strong> Livre/Échange<br />
témoignera une fois <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> la vitalité,<br />
<strong>de</strong> la diversité et <strong>de</strong> la richesse <strong>de</strong> la galaxie<br />
littéraire bas-norman<strong>de</strong>.<br />
À côté <strong><strong>de</strong>s</strong> Boréales (consacrées cette année<br />
à la Norvège), ren<strong>de</strong>z-vous automnal<br />
désormais classique dont le succès populaire<br />
n’a jamais été aussi manifeste, c’est toute<br />
une série d’événements et <strong>de</strong> publications<br />
que nous vous invitons à découvrir.<br />
Fidèles à notre engagement d’ouvrir au plus<br />
grand nombre l’accès à la littérature en<br />
favorisant notamment le lien lecteur/auteur,<br />
nous avons pris le parti <strong>de</strong> soutenir une<br />
multitu<strong>de</strong> d’initiatives dans toute la Région.<br />
Du Perche au Cotentin, du Maine Normand<br />
à la Côte Fleurie ne vous étonnez pas <strong>de</strong><br />
retrouver partout la présence discrète mais<br />
active du <strong>Centre</strong> régional <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Lettres</strong>.<br />
Cette multiplication et cette diversification<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> partenariats est l’expression d’une<br />
volonté collective et le fruit du travail <strong>de</strong><br />
toute une équipe.<br />
Mais voilà que la cloche sonne !<br />
Bonne rentrée littéraire à tous.<br />
#32<br />
Livre/échange <strong>Octobre</strong> 2005<br />
Journal trimestriel publié par le <strong>Centre</strong> régional <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Lettres</strong> <strong>de</strong> <strong>Basse</strong>-Normandie<br />
14 rue <strong><strong>de</strong>s</strong> Croisiers, BP 133 - 14009 Caen Ce<strong>de</strong>x 1. Tél. 02. 31. 15. 36. 36.<br />
Fax 02. 31. 15. 36. 37.<br />
Le CRL est une association loi 1901, soutenue par le Conseil régional <strong>de</strong> <strong>Basse</strong>-Normandie<br />
et le ministère <strong>de</strong> la culture - Direction <strong>Régional</strong>e <strong><strong>de</strong>s</strong> Affaires Culturelles<br />
<strong>de</strong> <strong>Basse</strong>-Normandie - avec le concours <strong><strong>de</strong>s</strong> Conseils généraux du Calvados,<br />
<strong>de</strong> la Manche et <strong>de</strong> l’Orne.<br />
Directeur <strong>de</strong> la publication : Arnaud FONTAINE<br />
Rédacteur en chef : Sylvie BÉNARD<br />
Textes et reportages : Nathalie COLLEVILLE<br />
Conception graphique et réalisation : www.aprim-caen.fr.<br />
Impression : Imprimerie Presse Calvados<br />
Ont participé à ce numéro :<br />
Francine Berenguer, Yann Hascoët, Sophie Houtteville, Jérôme Rémy, Danielle Vincent,<br />
Danielle Leullier, Valérie Schmitt, Isabelle Misan<strong>de</strong>au.<br />
ISSN : 1274-3712 Dépôt légal à parution.<br />
Abonnement<br />
Pour recevoir gratuitement Livre / échange chez vous tous les trimestres,<br />
écrivez au <strong>Centre</strong> régional <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Lettres</strong>, en indiquant votre nom, votre adresse<br />
(éventuellement votre âge et votre activité).<br />
Une version <strong>de</strong> Livre / échange sur cassette est disponible auprès du service<br />
<strong>de</strong> prêt <strong>de</strong> livres enregistrés du CRL (pour le public empêché <strong>de</strong> lire).<br />
www.crl.basse-normandie.com<br />
Jean Teulé<br />
Le talent dans les mains<br />
du hasard<br />
Un talent bourré d’humanisme et un hasard bienveillant ont mené<br />
Jean Teulé d’un succès à l’autre, que ce soit en ban<strong>de</strong>-<strong><strong>de</strong>s</strong>sinée,<br />
à la télévision, au cinéma ou en littérature. Amoureux <strong><strong>de</strong>s</strong> âmes<br />
égratignées et <strong><strong>de</strong>s</strong> poètes maudits, Jean Teulé a construit une œuvre<br />
essentiellement tournée vers ces êtres malmenés par la vie mais<br />
toujours « lumineux ». Né en 1953 à Saint-Lô, il a reçu au Salon du<br />
livre <strong>de</strong> Caen, en mai <strong>de</strong>rnier, le Prix littéraire <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> Caen et le<br />
Prix <strong><strong>de</strong>s</strong> lycéens pour Ô Verlaine ! : le récit amoureux et enlevé <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
<strong>de</strong>rnières années noires et pourtant flamboyantes <strong>de</strong> la vie du poète.<br />
En attendant la sortie <strong>de</strong> son prochain livre consacré à François<br />
Villon, Ego comme x réédite Gens <strong>de</strong> France, gens d’ailleurs,<br />
un travail jamais égalé mêlant <strong><strong>de</strong>s</strong>sin, photographie et reportage.<br />
Livre/Échange :<br />
Comment avez-vous rencontré Verlaine ?<br />
Jean Teulé : J’étais au collège, en sixième ou cinquième.<br />
J’ai entendu une chanson <strong>de</strong> Léo Ferré<br />
à la radio, « C’est extra ». J’ai beaucoup aimé.<br />
Un copain m’a alors passé un disque. Les paroles<br />
étaient d’une beauté incroyable. Je me suis<br />
aperçu qu’en réalité, Ferré chantait Rimbaud et<br />
Verlaine sur cet album. Et je me suis passionné<br />
pour ces <strong>de</strong>ux-là. Ils sont <strong>de</strong>venus en quelque<br />
sorte <strong><strong>de</strong>s</strong> grands frères. Quand j’ai voulu commencer<br />
ce livre sur Verlaine, je ne savais pas<br />
comment l’attraper ! Mais toutes ses biographies<br />
parlaient <strong>de</strong> Cornuty, cet adolescent qui<br />
passe tout son temps auprès <strong>de</strong> Verlaine. J’ai<br />
rencontré Verlaine en suivant ce garçon. Je me<br />
suis aperçu que la fin <strong>de</strong> vie <strong>de</strong> Verlaine était<br />
spectaculaire. Clochard hier dans un hôtel <strong>de</strong><br />
passe, il <strong>de</strong>venait une idole peu <strong>de</strong> temps avant<br />
<strong>de</strong> mourir. Je trouve joli cet enthousiasme d’une<br />
jeunesse pour rattraper et sauver Verlaine. Alors<br />
lorsque le livre reçoit le prix <strong>de</strong> jeunes lycéens,<br />
comme à Caen, ou d’étudiants, ça me touche.<br />
L/É : Qui est donc Henri-Albert Cornuty, ce<br />
jeune garçon qui ne quitte jamais Verlaine d’un<br />
pas ?<br />
J.T. : Cornuty a réellement existé. Tous les<br />
témoins disaient que c’était un garçon extrémiste.<br />
Lorsque Verlaine meurt, il n’y avait que<br />
Cornuty auprès <strong>de</strong> lui et Nini-Mouton (l’une <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
compagnes <strong>de</strong> Verlaine, ndlr). Quelques mois<br />
plus tard, elle écrit à Cazals et Deschamps (<strong>de</strong>ux<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> compères du poète, ndlr) qu’elle a une révélation<br />
à leur faire, concernant la mort <strong>de</strong><br />
Verlaine. Mais lorsqu’ils arrivent à son chevet,<br />
elle vient juste <strong>de</strong> mourir… On ne saura jamais.<br />
Peut-être Cornuty a-t-il aidé Verlaine à mourir…<br />
Il était un ange protecteur. Mais les anges sont<br />
aussi parfois <strong><strong>de</strong>s</strong> exterminateurs…<br />
L/É : Après Rimbaud et Verlaine, vous venez <strong>de</strong><br />
terminer un troisième ouvrage sur François<br />
Villon qui paraîtra bientôt...<br />
J.T. : Ce sont les trois poètes que je préfère. Mais<br />
après Rainbow pour Rimbaud, j’ai longtemps<br />
hésité avant d’écrire le Verlaine. Rainbow pour<br />
Rimbaud avait plu, j’avais peur que les gens<br />
trouvent celui-ci moins bien. Pour Verlaine, je<br />
suis parti <strong>de</strong> ce gamin venu <strong>de</strong> Béziers rencontrer<br />
son idole, Henri-Albert Cornuty. Pour le<br />
Villon, j’ai écrit à la première personne, je m’approche<br />
du nerf ! Rimbaud, Verlaine, Villon<br />
/<br />
n’étaient pas vraiment recommandables.<br />
Rimbaud était un monstre d’égoïsme. Verlaine a<br />
été mêlé à <strong>de</strong>ux tentatives <strong>de</strong> meurtre. Villon,<br />
lui, a été condamné pour avoir tué un prêtre à<br />
coups <strong>de</strong> pierres ! Au Moyen-Âge, ce n’était pas<br />
rien. Il a été mêlé à une tentative <strong>de</strong> meurtre sur<br />
le notaire du pape aussi ! Villon a fait partie <strong>de</strong><br />
la plus gran<strong>de</strong> ban<strong>de</strong> <strong>de</strong> bandits <strong>de</strong> l’époque…<br />
Mais lorsque ces trois-là écrivent, cela <strong>de</strong>vient<br />
lumineux, incroyable <strong>de</strong> beauté. J’aime ce paradoxe.<br />
Verlaine était un type bizarre, spécial mais<br />
touchant. Je tenais beaucoup à insérer <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
poèmes dans mon livre pour rééquilibrer les<br />
choses…<br />
L/É : Comment avez-vous accueilli la proposition<br />
<strong>de</strong> Loïc Néhou, le responsable <strong><strong>de</strong>s</strong> éditions<br />
Ego comme x, <strong>de</strong> rééditer Gens <strong>de</strong> France et<br />
Gens d’ailleurs ? Cela ne vous donne pas envie<br />
<strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>siner à nouveau pour la BD ?<br />
J.T. : Plusieurs éditeurs me l’avaient déjà proposé.<br />
J’ai toujours refusé, pensant que c’était fini.<br />
Loïc Néhou m’a écrit me disant qu’il voulait<br />
rééditer Gens <strong>de</strong> France et il m’a envoyé<br />
quelques albums <strong>de</strong> sa maison d’édition.<br />
J’ignorais que la BD, c’était <strong>de</strong>venu aussi bien<br />
que ça ! J’ai également rencontré <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>sinateurs<br />
qui me disaient s’être mis à la BD parce<br />
que j’avais fait ce travail avant… Je n’avais pas<br />
relu Gens <strong>de</strong> France <strong>de</strong>puis que je l’avais <strong><strong>de</strong>s</strong>siné.<br />
Sans vouloir paraître prétentieux, j’ai été<br />
impressionné ! Je ne me rendais pas compte du<br />
résultat ! D’un point <strong>de</strong> vue pratique, c’était<br />
plus simple aussi lorsque je faisais <strong>de</strong> la BD. On<br />
pouvait en vivre. Aujourd’hui, les <strong><strong>de</strong>s</strong>sinateurs<br />
<strong>de</strong> BD sont rmistes et vivent <strong><strong>de</strong>s</strong> droits d’auteur.<br />
Ça ne me tente plus. Je crois que c’est fini. Là<br />
encore, si je me remets à la BD j’ai peur que les<br />
gens soient déçus.<br />
L/É : Tous ces individus croqués dans Gens <strong>de</strong><br />
France, Verlaine, Villon, Darling aussi, ce récit<br />
vrai <strong>de</strong> la vie <strong>de</strong> Catherine, humiliée et battue,<br />
ce ne sont que <strong><strong>de</strong>s</strong> êtres cabossés par la vie, <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
âmes en marge…<br />
J.T. : Il n’y a qu’eux qui m’intéressent, ces êtres<br />
fêlés, excentriques, en marge oui… Ils disent<br />
qu’ils n’ont pas d’histoire, ce n’est pas vrai.<br />
J’aime les rencontrer. Je les attire même ! Le<br />
Professeur Choron disait : « Lorsque Teulé arrive<br />
dans une ville les fous sortent ! ». Pour Darling<br />
(récit éponyme et authentique d’une femme<br />
battue par son père comme son mari, humiliée<br />
et violée, paru chez Julliard, ndlr), c’est elle qui<br />
est venue me trouver à Canal plus. J’étais dans<br />
mon bureau, on m’appelle pour me dire qu’une<br />
femme à l’accueil ne veut pas partir sans m’avoir<br />
rencontré. Elle était phénoménale ! On a déjeuné<br />
ensemble. Ma décision était prise : « Je vais<br />
écrire votre vie comme un roman ! ». Elle m’a<br />
répondu qu’elle avait déjà le titre : Darling, son<br />
nom <strong>de</strong> co<strong>de</strong> sur la C. B. !<br />
Aujourd’hui, je souhaite repasser à la fiction.<br />
J’arrête le réel ! Il ne faut pas que cela <strong>de</strong>vienne<br />
une habitu<strong>de</strong>. Avant la réalité me servait <strong>de</strong><br />
béquille. Maintenant il me faut partir <strong>de</strong> rien,<br />
mais c’est plus curieux, plus stimulant.<br />
L/É : Vous êtes passé d’un univers très visuel, la<br />
BD, la télé à celui <strong>de</strong> l’écriture. Comment s’est<br />
fait ce cheminement ?<br />
J.T. : J’ai un peu tout fait par hasard… Au collège,<br />
j’étais très mauvais élève. Je suis passé en<br />
conseil d’orientation où l’on ma dit que j’irai en<br />
section mécanique automobile ! J’étais effondré.<br />
Mon professeur <strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>sin s’en est aperçu. Il<br />
n’y avait qu’avec lui que j’étais bon élève ! Il m’a<br />
encouragé à prendre <strong><strong>de</strong>s</strong> cours du soir, me<br />
disant que je <strong><strong>de</strong>s</strong>sinais bien. J’ai passé un<br />
concours d’entrée dans une école d’art et j’ai<br />
réussi. Ce professeur m’a sauvé la vie ! Je voulais<br />
bosser pour qu’il soit fier <strong>de</strong> moi. Il s’est suicidé<br />
quelque temps après… Depuis, j’ai tout fait en<br />
roue libre.<br />
Plus tard après la publication <strong>de</strong> Gens <strong>de</strong> France,<br />
Bernard Rapp est venu me trouver. Il voulait<br />
monter son émission « L’assiette anglaise ». Son<br />
fils avait lu mon album ! C’est ainsi que j’ai commencé<br />
à la télévision. La même semaine, l’éditrice<br />
Élisabeth Gilles, chez Julliard, m’a appelé et<br />
<strong>de</strong>mandé si je ne voulais pas faire en roman ce<br />
que je proposais à la télévision… Depuis, je n’ai<br />
publié que chez Julliard et je n’ai plus jamais fait<br />
<strong>de</strong> BD. Tout s’est enchaîné. Après avoir lu<br />
Rainbow pour Rimbaud, l’épouse <strong>de</strong> Costa-<br />
Gavras, productrice, m’a proposé d’adapter moimême<br />
le roman pour le cinéma… Je n’ai jamais<br />
rien <strong>de</strong>mandé… Bizarrement, je suis tombé sur<br />
quatre ou cinq personnes vraiment bonnes pour<br />
moi. C’est injuste. Il y a <strong><strong>de</strong>s</strong> gens à qui ça n’arrive<br />
jamais. Darling m’a dit : « Tu sais Jean, si<br />
j’avais eu tes parents, si j’avais fait les mêmes<br />
rencontres que toi, aujourd’hui c’est moi qui<br />
écrirais un livre sur toi ! ». Elle a raison. C’est l’effet<br />
papillon… Au bout du compte, ça fait une<br />
jolie trajectoire.<br />
Propos recueillis par Nathalie Colleville<br />
Bibliographie non exhaustive :<br />
Bloody Mary avec Jean Vautrin, Glénat.<br />
Sita Java avec Gourio, Glénat.<br />
Gens <strong>de</strong> France, Gens d’ailleurs, Ego comme x.<br />
Rainbow pour Rimbaud, Julliard.<br />
L’Œil <strong>de</strong> Pâques, Julliard.<br />
Bala<strong>de</strong> pour un père oublié, Julliard.<br />
octobre 2005 - livre échange 2 octobre 2005 - livre / échange 3<br />
CRL<br />
/<br />
portrait<br />
Ô Verlaine !, Éditions Julliard, 2004<br />
Verlaine se meurt. Verlaine agonise. Et la Poésie<br />
tressaille encore <strong>de</strong> ce souffle nouveau qu’il lui a<br />
offert. Dans les rues <strong>de</strong> Paris, la jeunesse estudiantine<br />
s’émeut <strong>de</strong>vant le roi moribond mais<br />
toujours flamboyant. Elle l’encense et le glorifie<br />
avant que la mort ne le prenne. En toile <strong>de</strong> fond,<br />
le Quartier latin qui grouille et s’enivre.<br />
Verlaine, lui, sombre au plus profond. Passe d’un<br />
taudis à l’autre, d’une prostituée à une autre.<br />
L’alcool lui fait perdre la raison et son corps<br />
rongé, perclus <strong>de</strong> maux, le précipite vers la<br />
tombe. C’est cette pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> la vie du Prince <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
poètes que Jean Teulé a choisi <strong>de</strong> retracer dans<br />
cette biographie au titre comme une prière.<br />
Pour cela il nous emmène sur les pas du discret et<br />
dévoué Henri-Albert Cornuty, venu <strong>de</strong> Béziers<br />
approcher « le monstre mythologique ». Henri-<br />
Albert, promu gardien du corps et <strong><strong>de</strong>s</strong> rimes, ne<br />
quitte plus Verlaine, le couve sur son lit d’hôpital<br />
comme une mère son enfant. Tue quiconque<br />
osera médire sur le compte du poète. On ne<br />
touche pas à Verlaine. Tel est d’ailleurs le mot<br />
d’ordre à Paris, en haut lieu <strong><strong>de</strong>s</strong> forces <strong>de</strong> police.<br />
On ne touche pas au génie.<br />
Le Verlaine <strong>de</strong> Jean Teulé est loufoque et attendrissant<br />
: les blessures du passé – Mathil<strong>de</strong>,<br />
Rimbaud – et le Verbe, étroitement mêlés le tiennent<br />
<strong>de</strong>bout dans <strong><strong>de</strong>s</strong> effluves d’absinthe. Il est<br />
tour à tour Dieu et petit enfant. Amoureux blessé<br />
et amant sordi<strong>de</strong>. Génial et ingrat. Dans ce<br />
récit envoûtant, les jacinthes fleurissent dans <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
bottines bleues arrosées <strong>de</strong> larmes. Les femmes<br />
ont pour nom La Nuit et se lovent dans <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
danses macabres avec <strong><strong>de</strong>s</strong> serpents. Quant à<br />
l’écriture <strong>de</strong> Jean Teulé, elle porte l’hommage<br />
bien plus haut encore : elle est musique. Il faut<br />
cela pour évoquer le Verlaine. « Tout le reste est<br />
littérature. »<br />
N. C.<br />
Prix littéraire <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> Caen et Prix <strong><strong>de</strong>s</strong> lycéens<br />
au Salon du livre <strong>2005.</strong><br />
Gens <strong>de</strong> France, Gens d’ailleurs,<br />
Ego comme X, <strong>2005.</strong><br />
« Heureux les êtres fêlés car ils laissent passer la<br />
lumière. » Jean Teulé pourrait faire sien cet<br />
adage tant il sait nous toucher avec ses reportages,<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> tranches <strong>de</strong> vies, croquées, photographiées<br />
et écrites, capturées dans leur folie ou<br />
leur fragilité. Portraits cabossés, parcours déjantés<br />
et autres aléas retiennent inévitablement le<br />
regard <strong>de</strong> Teulé. Et <strong>de</strong> croquer les fêlés et les<br />
attendrissants, la bêtise et l’injustice, la tristesse<br />
et le sordi<strong>de</strong>. De l’histoire <strong>de</strong> Christine Villemin à<br />
celle <strong>de</strong> Jean-Clau<strong>de</strong>, entêté à construire une<br />
soucoupe volante pour emmener sa mère mourir<br />
sur Altaïr ! Mais aussi Zohra qui préfère la<br />
mort au regard <strong>de</strong> son père, Cynthia la prostituée,<br />
Madame Visnelda, la désenvoûteuse… Et<br />
entre <strong>de</strong>ux phrases, le sentiment <strong>de</strong> Jean Teulé<br />
qui se moque, s’interroge, se livre… En rééditant<br />
dans un seul et superbe album Gens <strong>de</strong> France,<br />
Gens d’ailleurs et quelques planches inédites,<br />
Loïc Néhou se et nous fait plaisir. « Jean Teulé est<br />
le passeur attentif <strong><strong>de</strong>s</strong> individus en marge. Il n’a<br />
pas son pareil pour dégoter en France, ou à l’autre<br />
bout du mon<strong>de</strong>, <strong>de</strong> drôles d’allumés en proie à<br />
quelques drames, qu’il épingle sur sa page avec<br />
une attention délicate et parfois cruelle. »<br />
Darling, Julliard.<br />
Bord cadre, Julliard.<br />
Longues peines, Julliard.<br />
Les Lois <strong>de</strong> la gravité, Julliard.<br />
Ô Verlaine !, Julliard.<br />
Et à paraître : Je, François Villon chez Julliard.<br />
N. C.
Dossier / LES XIV e BORÉALES - DU 18 AU 26 NOVEMBRE 2005<br />
Norvège,<br />
au-<strong>de</strong>là <strong><strong>de</strong>s</strong> fjords<br />
Les Boréales ne pouvaient ignorer les cent ans d’indépendance que la Norvège commémore cette année.<br />
Une semaine durant, à Caen et en <strong>Basse</strong>-Normandie, le festival démontrera donc la vitalité <strong>de</strong> la scène<br />
culturelle norvégienne : littérature, danse, musique…<br />
Sans oublier les auteurs et artistes <strong><strong>de</strong>s</strong> autres pays nordiques : Islan<strong>de</strong>, Danemark, Finlan<strong>de</strong> et Suè<strong>de</strong>.<br />
Après la clôture du cycle balte, c’est pour le festival le retour à sa formule fétiche : mettre un pays<br />
à l’honneur lors <strong>de</strong> chaque édition. Une nouvelle semaine d’échanges et <strong>de</strong> découvertes donc,<br />
à vivre du 18 au 26 novembre à Caen et en région <strong>Basse</strong>-Normandie.<br />
Soirée d’ouverture :<br />
une première pour Les Boréales<br />
Vendredi 18 novembre, le festival débutera en croisant danse<br />
contemporaine, cinéma et musique <strong>de</strong> Norvège. Pour cette soirée<br />
d’ouverture, une première, un verre <strong>de</strong> vodka sera offert<br />
à chaque spectateur. Pour l’occasion le bar du CDN prendra <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
accents nordiques et enneigés. Un premier temps fort qui donne le ton<br />
<strong>de</strong> ces quatorzièmes Boréales, au CDN d’Hérouville Saint-Clair.<br />
Et à gagner : un voyage pour <strong>de</strong>ux dans les fjords <strong>de</strong> Norvège.<br />
Court-métrage<br />
« Un an le long <strong>de</strong> la route<br />
abandonnée »<br />
Un long travelling avant dans un paysage désertique<br />
que la pixillation (technique <strong>de</strong> tournage<br />
image par image) permet <strong>de</strong> faire durer à travers<br />
les saisons et l’espace. Un moment porté par la<br />
musique <strong>de</strong> Jan Garbarek.<br />
(16 min).<br />
Electro-Jazz World<br />
Ragatronik<br />
Mumbai-Oslo<br />
Apaisante, saisissante, la musique <strong>de</strong> Ragatronik<br />
Mumbai-Oslo est à l’image <strong>de</strong> la composition du<br />
groupe. Le quintet réunit Shrikanth Sriram du groupe<br />
anglais Badmarsh & Shri, Bugge Wesseltoft et<br />
Per Martinsen. Association magique que celle<br />
réunissant la finesse <strong><strong>de</strong>s</strong> instruments traditionnels<br />
indiens et le savoir faire <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong>ux Norvégiens,<br />
maîtres du jazz et <strong>de</strong> la musique électronique.<br />
Vendredi 18 novembre à partir <strong>de</strong> 20h30 au CDN d’Hérouville Saint-Clair.<br />
De 8 à 18€ . Renseignements au 02 31 46 27 29.<br />
Danse<br />
« Gap » <strong>de</strong> Katrine<br />
Bølstad et Sean<br />
En cinq tableaux oscillant entre pop art<br />
et expressionnisme, le duo norvégien<br />
Katrine Bølstad et Sean séduit, surprend.<br />
Difficile <strong>de</strong> présenter « Gap ».<br />
(Dés)articulée autour <strong>de</strong> l’idée du<br />
sampling, la pièce, non dénuée<br />
d’humour, met en scène le<br />
corps <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong>ux danseurs<br />
sous le flux incessant d’extraits<br />
<strong>de</strong> B.O. originales <strong>de</strong><br />
films comme « Twin Peaks »,<br />
« Bla<strong>de</strong> runner » ou encore<br />
<strong>de</strong> chansons <strong>de</strong> Nina Simone.<br />
Au final : une grammaire chorégraphique<br />
singulière signée Katrine<br />
Bølstad, l’une <strong><strong>de</strong>s</strong> danseuses nordiques<br />
les plus étonnantes du<br />
moment.<br />
octobre 2005 - livre échange 4<br />
/<br />
Temps forts<br />
Voici <strong>de</strong>ux temps forts du quatorzième festival : la venue <strong>de</strong> Jan Garbarek.<br />
Et une première pour Les Boréales : la collaboration<br />
avec l’émission <strong>de</strong> documentaires <strong>de</strong> France 3, « Thalassa » .<br />
« Officium » <strong>de</strong> Jan Garbarek<br />
et l’Ensemble Hilliard<br />
Après un passage triomphal en 1996 aux<br />
Boréales, le saxophoniste <strong>de</strong> jazz norvégien, Jan<br />
Garbarek revient à Caen en compagnie <strong>de</strong><br />
l’Ensemble Hilliard. « Officium » souhaite réunir<br />
jazz et polyphonie, <strong>de</strong>ux courants à l’origine <strong>de</strong><br />
<strong>de</strong>ux <strong><strong>de</strong>s</strong> idées les plus importantes <strong>de</strong> la musique<br />
occi<strong>de</strong>ntale : l’improvisation et la composition. Le<br />
quatuor anglais, The Hilliard Ensemble, s’empare<br />
ici <strong>de</strong> chants moyenâgeux. Sans forme écrite, sans<br />
règles musicales, l’interprétation <strong>de</strong> ces chants est<br />
aujourd’hui laissée à la seule intuition <strong><strong>de</strong>s</strong> voix du<br />
quatuor ici mêlées aux improvisations <strong>de</strong> Jan<br />
Garbarek.<br />
<br />
En collaboration avec le Théâtre <strong>de</strong> Caen.<br />
Mardi 22 novembre à 20h, à l’abbatiale Saint-Étienne, à Caen.<br />
11€, 14€, 18€, 21€, 23€.<br />
Pour la première année, Les<br />
Boréales seront partenaires du<br />
magazine <strong>de</strong> France 3, « Thalassa<br />
», pour un programme documentaire<br />
<strong>de</strong> 90 minutes consacré à la<br />
Norvège. Six reportages permettront<br />
<strong>de</strong> découvrir la Norvège<br />
sous <strong><strong>de</strong>s</strong> angles différents, mais<br />
toujours liés à l’environnement<br />
Thalassa présente :<br />
« Regards sur la Norvège »<br />
et aux caractéristiques du territoire<br />
: les orques, l’industrie du<br />
saumon et la transhumance <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
rennes mais aussi le portrait d’un<br />
photographe français, Jean<br />
Gaumy, attaché aux îles Lofoten<br />
ou encore <strong>de</strong>ux phénomènes très<br />
étonnants : les aurores boréales<br />
et le maëlstrom.<br />
<br />
Un verre <strong>de</strong> glögg, vin chaud à la cannelle<br />
typiquement scandinave, sera offert à<br />
chaque spectateur.<br />
Dimanche 20 novembre, à 19h, au Café<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> images à Hérouville Saint-Clair.<br />
Entrée libre<br />
octobre 2005 - livre / échange 5<br />
DR<br />
Les autres ren<strong>de</strong>z-vous<br />
Art<br />
Le 19 novembre<br />
• 10h30 Ouverture <strong>de</strong> l’exposition « I<strong>de</strong>ntité »<br />
<strong>de</strong> Rune Johansen au Musée <strong>de</strong> Normandie<br />
à Caen (Église Saint Georges).<br />
Jusqu’au 31 décembre ts les jours sauf le mardi.<br />
• 11h00 Ouverture <strong>de</strong> l’exposition <strong>de</strong> Knut<br />
Åsdam au Musée <strong><strong>de</strong>s</strong> beaux-arts, à Caen.<br />
Jusqu’au 15 janvier ts les jours sauf le mardi.<br />
Le 22 novembre<br />
• 18h30 Ouverture <strong>de</strong> l’exposition Børre Sæthre<br />
au FRAC <strong>de</strong> <strong>Basse</strong>-Normandie, à Caen.<br />
Jusqu’au 15 janvier. Ts les jours.<br />
Cinéma / Documentaires<br />
Le 19 novembre<br />
• 16h30 « Cool & Crazy » <strong>de</strong> K.-E. Jensen<br />
au Lux, à Caen. De 3,30€ à 5,30€.<br />
• 18h30 « Eggs » <strong>de</strong> B. Hamer<br />
au Lux, à Caen. De 3,30€ à 5,30€.<br />
Le 21 novembre<br />
• 19h30 « Junk Mai » <strong>de</strong> Pal Sletaune et « Uno »<br />
d’Aksel Hennie au Lux à Caen. De 3,30€ à 5,30€.<br />
Le 23 novembre<br />
• 14h00 « Gourine et la queue <strong>de</strong> Renard »<br />
au Lux à Caen. De 3,30€ à 5,30€.<br />
Le 24 novembre<br />
• 09h45 « Gourine et la queue <strong>de</strong> Renard »<br />
au Lux à Caen. Pour les primaires.<br />
Réservations au 02 31 82 09 15<br />
• 20h00 Courts-métrages <strong>de</strong> Norvège<br />
à la Maison <strong>de</strong> l’Étudiantà Caen. Entrée libre.<br />
Le 25 novembre<br />
• 19h30 Soirée Bent Hamer<br />
« Kitchen Stories » à 18h15 et « Factotum » à<br />
20h00 au Lux à Caen. De 3,30€ à 5,30€.<br />
Le 26 novembre<br />
• 10h30 ARTE présente : « Escales en Norvège<br />
et en Islan<strong>de</strong> ». Entrée libre. Petit-déjeuner<br />
documentaire au Café <strong><strong>de</strong>s</strong> Images à Hérouville<br />
Saint-Clair.<br />
• 14h30 Edvard Munch : portrait d’un visionnaire,<br />
conférence <strong>de</strong> Franck Claustrat sur Munch. Entrée libre.<br />
• 15h30 Projection d’ « Edvard Munch »<br />
<strong>de</strong> Peter Watkins. Avec la société <strong><strong>de</strong>s</strong> amis<br />
du Musée <strong><strong>de</strong>s</strong> beaux-arts <strong>de</strong> Caen. Auditorium<br />
du Musée. Entrée libre.<br />
• 20h30 Ciné-concert « L’Homme à la caméra »<br />
<strong>de</strong> Dziga Vertov par Biosphere (Geir Jenssen et<br />
Per Martinsen) au Café <strong><strong>de</strong>s</strong> Images, Hérouville<br />
Saint-Clair. 5,30€.<br />
Design<br />
Le 19 novembre<br />
• 18H30 Ouverture <strong>de</strong> l’exposition Norway Says<br />
à l’Artothèque, Caen. Jusqu’au 17 décembre.<br />
Entrée libre.<br />
Le 23 novembre<br />
• 12h30 Ouverture <strong>de</strong> l’exposition <strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>ign<br />
suédois FAFNER à L’Hôtel (salle d’exposition <strong>de</strong><br />
l’École <strong><strong>de</strong>s</strong> beaux-arts <strong>de</strong> Caen-la-mer). Jusqu’au<br />
16 décembre. Show-room chez Pure Galerie à Caen.<br />
Concerts<br />
Le 23 novembre<br />
• 17h30 Showcase <strong>de</strong> Bjørn Berge au forum FNAC.<br />
• 20h30 Concert <strong>de</strong> Bjørn Berge<br />
au BBC à Hérouville Saint-Clair.<br />
<br />
Programmation susceptible <strong>de</strong> modifications.<br />
Pour tout renseignements, appelez le 02 31 15 36 40 ou<br />
consultez notre site : www.crl.basse-normandie.com.
Dossier / LES XIV e BORÉALES<br />
Côté littérature<br />
Le 14 novembre<br />
Journée <strong>de</strong> sensibilisation<br />
à la littérature jeunesse en Scandinavie<br />
À la bibliothèque <strong>de</strong> Caen. De 11h à 16h.<br />
Entrée libre.<br />
Inscriptions indispensables au 02 31 15 36 40.<br />
Le 19 novembre<br />
Débats littéraires et dédicaces<br />
• 14h00 La Norvège au-<strong>de</strong>là <strong><strong>de</strong>s</strong> fjords<br />
Avec Eva Joly, Jean-François Battail, Erlend Loe<br />
et Knut Åsdam.<br />
• 15h30 Romans <strong>de</strong> Norvège<br />
Avec Thorvald Steen, Herbjørg Wassmo,<br />
Lars Saabye Christensen.<br />
• 17h30 Raconter l’enfance en Norvège<br />
et en France<br />
Avec Bjørn Sortland, Ragnfrid Trohaug,<br />
Guri Vesaas, Agnès Desarthe.<br />
• 14h à 18h dédicaces du <strong><strong>de</strong>s</strong>sinateur Jason<br />
À l’auditorium du Musée <strong><strong>de</strong>s</strong> beaux-arts<br />
<strong>de</strong> Caen. Entrée libre.<br />
Le 20 novembre<br />
Débats littéraires et dédicaces<br />
• 11H00 Café croissant littéraire avec Herbjørg<br />
Wassmo au café La Coupole à Caen.<br />
Entrée libre.<br />
Débats littéraires<br />
• 14H30 Une heure avec Arto Paasilinna<br />
• 15h30 Rencontres-lectures<br />
Avec Pia petersen, Søren Jessen, Sigurdur<br />
Pállsson.<br />
• 16h30 Carte blanche à Henning Mankell,<br />
l’Africain. Rencontre avec José Eduardo<br />
Agualusa et Suleiman Cassamo.<br />
A l’auditorium du Musée <strong><strong>de</strong>s</strong> beaux-arts <strong>de</strong><br />
Caen. Entrée libre.<br />
Le 21 novembre<br />
• Rencontre avec les auteurs en région<br />
pour les scolaires.<br />
• 20h30 Rencontre avec Henning Mankell.<br />
À la Médiathèque d’Hérouville Saint-Clair.<br />
• 20h00 Rencontre avec Soren Jessen.<br />
À la bibliothèque <strong>de</strong> Cherbourg.<br />
Le 22 novembre<br />
• Rencontre avec les auteurs en région<br />
pour les scolaires.<br />
• 17h30 Rencontre avec Arto Paasilinna<br />
au forum FNAC à Caen.<br />
• 18H00 rencontre avec Soren Jessen.<br />
À la Médiathèque d’Alençon.<br />
• 18H00 rencontre avec Ragnfrid Trohaug.<br />
À la bibliothèque d’Yvetot.<br />
Le 23 novembre<br />
• Rencontre avec les auteurs en région<br />
pour les scolaires.<br />
• 16h00 Quand les tiroirs font <strong><strong>de</strong>s</strong> histoires,<br />
spectacle autour d’An<strong>de</strong>rsen<br />
avec la bibliothèque <strong>de</strong> Caen-la-mer,<br />
à l’Auditorium du conservatoire.<br />
Réservations au 02 31 30 47 00. Entrée libre.<br />
De 3 à 8 ans.<br />
Du 2 au 30 novembre<br />
Exposition Karen Blixen<br />
à la médiathèque d’Alençon.<br />
DR<br />
Arto Paasilinna, universel<br />
La venue du Finlandais Arto Paasilinna sera l’un <strong><strong>de</strong>s</strong> temps forts <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
prochaines Boréales. Il présentera son <strong>de</strong>rnier livre L’Homme heureux.<br />
Anne Colin du Terrail, sa traductrice française, évoque pour nous<br />
cet écrivain d’envergure internationale.<br />
L/É : Arto Paasilinna revient en France dix ans<br />
après la première fois. Quelle relation entretient-il<br />
avec ce pays?<br />
Anne Colin du Terrail : On a quelquefois décrit Arto<br />
Paasilinna comme un ours solitaire, mais rien n’est<br />
plus faux. Il est au contraire très ouvert et toujours<br />
heureux <strong>de</strong> rencontrer son public. Je crois qu’il a été<br />
sincèrement ému par le fait que ce soit la France,<br />
qu’il considère à l’instar <strong>de</strong> la plupart <strong><strong>de</strong>s</strong> Finlandais<br />
comme un grand pays <strong>de</strong> culture, qui ait donné le<br />
coup d’envoi <strong>de</strong> son succès international, avec la<br />
traduction du Lièvre <strong>de</strong> Vatanen. Lors <strong>de</strong> son premier<br />
séjour en Normandie, il s’est également montré<br />
extrêmement sensible au passé historique <strong>de</strong> la<br />
région et notamment à tout ce qui touche à la<br />
Secon<strong>de</strong> Guerre mondiale, conflit qui a durement<br />
éprouvé la Finlan<strong>de</strong> et qui y reste très présent, aussi<br />
bien dans les mémoires que dans l’imaginaire collectif<br />
et dans la littérature.<br />
L/É : Les années n’ont pas démenti le succès et la<br />
renommée d’Arto Paasilinna en France. Qu’en estil<br />
<strong>de</strong> la réception <strong>de</strong> son œuvre en Finlan<strong>de</strong> ?<br />
A. C.T. : L’accueil <strong><strong>de</strong>s</strong> lecteurs finlandais, et en particulier<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> jeunes adultes, est très chaleureux et le<br />
nouveau roman qu’Arto Paasilinna publie fidèlement<br />
chaque automne est toujours attendu avec<br />
impatience, mais les critiques littéraires ont tendance<br />
à le bou<strong>de</strong>r – peut-être à cause <strong>de</strong> la virulence<br />
avec laquelle il a brocardé dans certains <strong>de</strong> ses<br />
livres l’establishment culturel <strong>de</strong> son pays. Avec la<br />
« Hunt », le superbe solo du Finlandais Tero<br />
Saarinen est encore dans toutes les mémoires (Il<br />
avait été présenté lors <strong><strong>de</strong>s</strong> Boréales <strong>de</strong> 2003).<br />
« Hunt » sera à nouveau proposé lors <strong>de</strong> la soirée<br />
consacrée au danseur finlandais, le 19 novembre,<br />
octobre 2005 - livre / échange 6<br />
Tero Saarinen<br />
distance, les Français, moins directement concernés,<br />
semblent mieux percevoir l’aspect universel <strong>de</strong><br />
son humour et <strong>de</strong> sa morale. Et ses compatriotes<br />
sont bien sûr totalement insensibles à l’aspect parfois<br />
« exotique » – ou plus exactement typiquement<br />
finlandais, y compris du point <strong>de</strong> vue <strong><strong>de</strong>s</strong> traditions<br />
littéraires – <strong><strong>de</strong>s</strong> récits <strong>de</strong> Paasilinna, qui ajoute à<br />
son charme pour le lecteur étranger.<br />
L/É : Les éditions Denoël publient en septembre le<br />
<strong>de</strong>rnier livre d’Arto Paasilinna, Un homme heureux,<br />
traduit par vos soins. Que raconte ce nouveau<br />
roman ?<br />
A. C. T. : C’est l’histoire d’un ingénieur, Akseli<br />
Jaatinen, qui est envoyé construire un pont dans un<br />
village du Sud <strong>de</strong> la Finlan<strong>de</strong>, dans les années 1970.<br />
Très vite, il se heurte à la mesquinerie et à l’hostilité<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> notables du coin, qui font tout pour lui pourrir<br />
l’existence, allant même jusqu’à le faire renvoyer<br />
<strong>de</strong> son poste. Mais Jaatinen n’est pas du genre à se<br />
laisser faire, et il va mettre en œuvre une féroce<br />
vengeance, en faisant au passage souffler dans la<br />
vie locale un formidable vent <strong>de</strong> mo<strong>de</strong>rnité. Ce livre<br />
trace le portrait d’un homme, bien sûr, mais aussi<br />
d’un affrontement entre <strong>de</strong>ux visions <strong>de</strong> la société,<br />
l’une conformiste et ploutocratique, l’autre humaniste<br />
et hédoniste.<br />
<br />
parmi <strong>de</strong>ux autres chorégraphies : « Westward Ho ! »<br />
et « Wavelengths ». Dans « Hunt », Tero Saarinen<br />
interprète en tutu un être tiraillé entre passé et<br />
avenir, androgyne fort et fragile à la fois. Dans<br />
« Wavelengths », il chorégraphie un duo, forme qu’il<br />
affectionne tout particulièrement, ici une course <strong>de</strong><br />
mouvements surréaliste, flui<strong>de</strong> dans laquelle les<br />
danseurs s’entrelaçent <strong>de</strong> la plus curieuse façon,<br />
montrant le désir désespéré et timi<strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> hommes<br />
d’être aimés. « Westward Ho ! » s’inspire d’un vers<br />
<strong>de</strong> Laurie An<strong>de</strong>rson : « Il n’y a plus <strong>de</strong> terre pure, <strong>de</strong><br />
lieu sûr. Et nous sommes <strong>de</strong>bout sur la digue, à<br />
vous regar<strong>de</strong>r vous noyer ». Cette chorégraphie<br />
pour un trio a marqué l’entrée <strong>de</strong> Tero Saarinen<br />
comme chorégraphe sur la scène internationale.<br />
<br />
Retrouvez Arto Paasilinna en débat, dimanche 20 novembre à<br />
14h30 au Musée <strong><strong>de</strong>s</strong> beaux-arts à Caen et gagnez l’intégrale<br />
<strong>de</strong> son œuvre.<br />
Samedi 19 novembre, à 20h30, au CDN – Comédie <strong>de</strong> Caen à<br />
Hérouville Saint-Clair.<br />
De 8€ à 18€.<br />
Renseignements au 02 31 46 27 29<br />
Les Brèves<br />
La Médiathèque<br />
d’Argentan fête ses dix ans<br />
Dimanche 16 octobre, <strong>de</strong> 14h à 18h, la médiathèque<br />
ouvre ses portes pour vous faire découvrir<br />
ses coulisses, et vous permettre <strong>de</strong> rencontrer<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> artistes, d’assister à <strong><strong>de</strong>s</strong> conférences, <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
concerts, <strong><strong>de</strong>s</strong> ateliers d’enluminure, <strong>de</strong> calligraphie,<br />
etc.<br />
<br />
Les Jeudis littéraires du CRL > Hommage à Christophe Tarkos<br />
C. Tarkos,<br />
le fabricant <strong>de</strong> poèmes<br />
Le poète Christophe Tarkos, disparu en décembre <strong>de</strong>rnier, n’a eu <strong>de</strong> cesse<br />
<strong>de</strong> mo<strong>de</strong>ler la langue, <strong>de</strong> la plier à ses obsessions. Le <strong>Centre</strong> régional <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
<strong>Lettres</strong> <strong>de</strong> <strong>Basse</strong>-Normandie et la médiathèque d’Hérouville-Saint-Clair lui<br />
ren<strong>de</strong>nt hommage le 13 octobre prochain.<br />
Fils <strong><strong>de</strong>s</strong> dadaïstes, obsédé par la tentative du tout<br />
dire, Christophe Tarkos s’est toujours dit « fabricant<br />
<strong>de</strong> poèmes ». La plasticité <strong>de</strong> la langue est une <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
évi<strong>de</strong>nces <strong>de</strong> sa poésie. C’est une matière, une<br />
« pâte-mot » dit-il. Et c’est <strong>de</strong> cette pâte dont Tarkos<br />
se sert pour capturer, retenir le réel, <strong>de</strong> peur qu’il ne<br />
lui échappe. « Tu vois dire la vérité, c’est le poème. »<br />
Arlette Albert-Birot animera la rencontre du 13<br />
octobre prochain initiée par la Médiathèque<br />
d’Hérouville Saint-Clair et le <strong>Centre</strong> régional <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
<strong>Lettres</strong> <strong>de</strong> <strong>Basse</strong>-Normandie. À ses côtés, Christian<br />
Prigent et Charles Pennequin évoqueront le poète<br />
décédé en décembre <strong>de</strong>rnier. Arlette Albert-Birot<br />
nous fait partager son regard sur l’œuvre <strong>de</strong><br />
Christophe Tarkos.<br />
L/É : À quelle famille littéraire Christophe Tarkos<br />
appartient-il ?<br />
A. A.-B. : Il a <strong><strong>de</strong>s</strong> ancêtres évi<strong>de</strong>nts : d’abord Dada,<br />
Haussman, Seuphor, Pierre Albert-Birot, Tristan<br />
Tzara, Huisenbeck, Artaud. Non pas pour le contenu<br />
mais pour la forme. Ghérasim Luca aussi, Et plus<br />
proche <strong>de</strong> nous : Joël Hubaut, Julien Blaine,<br />
Verheggen, Bernard Heidsieck, Francis Ponge aussi.<br />
Il y a aussi les parentés avouées avec Varèse, Berio<br />
et dans sa propre génération avec Christian Prigent,<br />
Charles Pennequin, Serge Pey. C’est selon moi l’un<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> poètes les plus forts et les plus intéressants <strong>de</strong><br />
la fin du XX ème siècle par son originalité, les sujets<br />
choisis et cette façon dont il les traite et qui n’appartient<br />
qu’à lui.<br />
L/É : La langue est une matière pour Christophe<br />
Tarkos. Quelles sont les conséquences <strong>de</strong> cette<br />
appréhension <strong>de</strong> la langue ?<br />
A. A.-B. : Oui il fabrique <strong><strong>de</strong>s</strong> poèmes mais il emploie<br />
ce terme au sens pur du latin, « faber ». Il fabrique<br />
Renseignements au 02 33 67 02 50.<br />
Une autre manière<br />
<strong>de</strong> marcher<br />
En collaboration avec l’agence <strong>de</strong> voyage<br />
caennaise Les chemins du vent, Véronique<br />
Lered<strong>de</strong>, libraire et écrivain, animera un atelier<br />
d’écriture sur le thème du désert en Mauritanie<br />
du 26 février au 5 mars. Plus précisément à côté<br />
<strong>de</strong> Chinguetti. Au programme <strong>de</strong> cette semaine,<br />
randonnée le matin et écriture l’après-midi.<br />
« Le désert ouvre sur <strong>de</strong> multiples possibilités<br />
d’écriture et le choix <strong>de</strong> la Mauritanie, « le pays<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> poèmes parce que c’est son travail, sa raison<br />
d’être, son sens. Il modèle la langue. Pour cela il est<br />
souverain. Tarkos a une maîtrise hallucinante du<br />
vocabulaire, <strong>de</strong> la syntaxe et <strong>de</strong> la progression, le<br />
sens <strong>de</strong> la polysémie. « Le poète vivifie la langue »,<br />
écrit-il. Chaque poème est une sorte <strong>de</strong> caisse,<br />
allusion à l’un <strong>de</strong> ses titres Caisses, un bloc parfait.<br />
Il y a cet effet visuel. Mais c’est aussi la question<br />
« Qu’est-ce ? ».<br />
Tarkos a aussi le sens <strong>de</strong> la sonorité. Pourquoi nous<br />
émeut-il avec <strong><strong>de</strong>s</strong> thèmes aussi dérisoires ? Je crois<br />
que la voix y est pour quelque chose. Il se passe<br />
quelque chose entre Tarkos et son auditeur.<br />
L/É : Quel rapport Tarkos entretenait-il avec le réel ?<br />
A. A.-B. : Les textes <strong>de</strong> Christophe Tarkos sont <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
textes en expansion qui veulent être une exploration.<br />
C’est une prolifération. C’est déstabilisant.<br />
Cela me fait penser à Pérec et sa tentative d’épuisement<br />
d’un lieu public. Tarkos va jusqu’au bout. Il<br />
explore le verbe et le mon<strong>de</strong>, sa façon d’être au<br />
mon<strong>de</strong>. Son moyen c’est le verbe mais il explore le<br />
verbe en même temps. Il y a dans ses textes<br />
presque une frénésie boulimique comme si le<br />
temps était conté. Il y a aussi une lucidité terrifiante.<br />
L’autobiographie affleure car l’autobiographie<br />
pure serait obscène. Dans Anachronisme, la maladie<br />
est très présente. On le sent menacé. C’est une<br />
tentative pathétique <strong>de</strong> captation du mon<strong>de</strong>. Il lui<br />
faut tout gar<strong>de</strong>r. On a presque l’impression que ce<br />
sont <strong><strong>de</strong>s</strong> exercices. Dans Anachronisme, il dit tout<br />
ce qu’il veut gar<strong>de</strong>r, la peur que les mots lui manquent.<br />
Il y a <strong><strong>de</strong>s</strong> énumérations. Cela <strong>de</strong>vient obsessionnel.<br />
Chez Tarkos, les mots prennent corps dans<br />
la voix. Il faut le lire et l’entendre !<br />
du million <strong>de</strong> poètes » s’est tout <strong>de</strong> suite imposé<br />
à mon idée », explique Véronique Lered<strong>de</strong>.<br />
« L’oasis <strong>de</strong> Chinguetti s’offre avec les bibliothèques<br />
du désert, comme le mythe éternel <strong>de</strong><br />
l’errance et le désir d’éternité <strong>de</strong> l’écrit. Du calme<br />
<strong>de</strong> la marche matinale et dans la fraîcheur retrouvée<br />
<strong>de</strong> Chinguetti, naîtra le désir d’écrire enfoui<br />
au fond <strong>de</strong> chacun. Et pour quelques jours alors,<br />
ce désir <strong>de</strong>viendra plaisir, évasion, révélation…<br />
L’atelier d’écriture se promet d’explorer quelquesuns<br />
<strong>de</strong> ces lieux magiques. »<br />
<br />
Propos recueillis par Nathalie Colleville<br />
Renseignements au 02 31 78 87 07.<br />
Aux amoureux<br />
<strong>de</strong> la Maison bleue<br />
Clau<strong>de</strong> Lechopier est amoureuse d’un lieu unique :<br />
la Maison bleue qu’Eucli<strong><strong>de</strong>s</strong> Da Costa a patiemment<br />
érigée <strong>de</strong> ses mains tout au long <strong>de</strong> sa vie à<br />
Dives-sur-Mer. Qui mieux qu’elle sait parler <strong>de</strong> ce<br />
temple <strong>de</strong> l’art brut et <strong>de</strong> la foi, <strong>de</strong> la nostalgie et<br />
<strong>de</strong> la poésie ? Auteure d’un superbe livre sur le<br />
sujet (Cahier du Temps), Clau<strong>de</strong> Lechopier<br />
continue à défendre et promouvoir l’héritage <strong>de</strong><br />
octobre 2005 - livre/ échange 7<br />
<br />
/ Actualité littéraire<br />
Da Costa, « ce lieu par lequel on est visité » .Elle<br />
est aujourd’hui directrice <strong>de</strong> publication <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
carnets Entrée Visité Merci publiés par l’association<br />
éponyme. Les premiers carnets viennent <strong>de</strong><br />
paraître. Non subventionnés et sans publicité, ils<br />
paraîtront semestriellement.<br />
<br />
Entrée Visité Merci La Renaudière 14130 Les Authieux-sur-Calonne.<br />
Des animaux<br />
et <strong><strong>de</strong>s</strong> hommes<br />
Le CRL <strong>de</strong> <strong>Basse</strong>-Normandie et le service bibliothèque<br />
sonore <strong>de</strong> la bibliothèque <strong>de</strong> Caen organisent<br />
un concours littéraire et ludique du 12<br />
octobre au 12 novembre intitulé « Des animaux et<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> hommes ». Une invitation à découvrir un zoo<br />
imaginaire via <strong><strong>de</strong>s</strong> textes et <strong><strong>de</strong>s</strong> questions.<br />
Ce concours s’adresse aux enfants comme aux<br />
adultes ainsi qu’au public empêché <strong>de</strong> lire bien<br />
entendu. Cassettes et bulletins seront disponibles<br />
à partir du 12 octobre dans les bibliothèques<br />
<strong>de</strong> Caen et <strong>de</strong> la région.<br />
<br />
Tous les ouvrages <strong>de</strong> C. Tarkos sont parus chez POL.<br />
Les Jeudis littéraires du CRL, Hommage à Christophe Tarkos, le 13<br />
octobre à 20h30. Avec Christian Prigent et Charles Pennequin,<br />
animé par Arlette Albert-Birot. À la médiathèque d’Hérouville<br />
Saint-Clair. Entrée libre.<br />
Tarkos édité à Caen<br />
Les éditions Cactus seront également présentes le<br />
13 octobre à Hérouville. Thierry Weyd, responsable,<br />
a édité « Expressif, le petit bidon » lectures et improvisations,<br />
<strong>de</strong> Tarkos en 2001 (CD008). Il est possible<br />
d’en écouter <strong><strong>de</strong>s</strong> extraits sur le site <strong>de</strong> Cactus.<br />
Par ailleurs, Cactus prépare la sortie <strong>de</strong> « Boîte n°3 »<br />
<strong>de</strong> Pierre Bastien (CD007) au début <strong>de</strong> l'année, ainsi<br />
que « The cactus Session Mix » par Metafonik Sounds<br />
en novembre, un travail <strong>de</strong> recomposition musicale à<br />
partir <strong>de</strong> l'ensemble du catalogue. Il sortira à l'occasion<br />
du vingtième anniversaire <strong><strong>de</strong>s</strong> éditions.<br />
<br />
www.editions-cactus.com<br />
Renseignements au 02 31 15 36 36 ou 02 31 30 47 05.<br />
© P.O.L./John Foley
Actualité littéraire<br />
BDP <strong>de</strong> la Manche > Rencontres littéraires<br />
Échos d’Afrique<br />
dans les bibliothèques <strong>de</strong> la Manche<br />
La BDP <strong>de</strong> la Manche propose durant le second semestre 2005 un programme ambitieux et multidisciplinaire<br />
autour <strong>de</strong> l’Afrique : littérature, musique, cinéma… L’auteure franco-ivoirienne Véronique Tadjo est invitée<br />
à côté <strong>de</strong> Kangni Alem. Elle rencontrera essentiellement <strong><strong>de</strong>s</strong> scolaires.<br />
Véronique Tadjo a grandi à Abidjan et vit aujourd’hui en Afrique du Sud.<br />
L/É : La littérature jeunesse occupe une place<br />
majeure dans votre œuvre. Comment êtes-vous<br />
venue à cette écriture et à l’illustration <strong>de</strong> vos<br />
albums par la même occasion ?<br />
V. T. : Je suis venue à la littérature jeunesse un peu par<br />
hasard. Vers les années 90, un éditeur m’a <strong>de</strong>mandé<br />
si cela m’intéresserait d’écrire pour le public jeune<br />
africain. À part quelques livres <strong>de</strong>venus <strong><strong>de</strong>s</strong> classiques<br />
comme par exemple Les Aventures <strong>de</strong> Leuk Le<br />
Lièvre écrit par Léopold Sédar Senghor, poète et premier<br />
prési<strong>de</strong>nt du Sénégal et quelques autres recueils<br />
<strong>de</strong> contes, il y avait un manque <strong>de</strong> textes pour la jeunesse.<br />
Je me suis dit qu’il serait bien <strong>de</strong> contribuer à<br />
combler cette lacune. La littérature africaine dans son<br />
ensemble ne s’en porterait que mieux. En effet, si les<br />
jeunes ont la possibilité <strong>de</strong> grandir en lisant <strong><strong>de</strong>s</strong> livres<br />
dans lesquels ils peuvent se reconnaître, retrouver<br />
leur environnement et constater que leur culture est<br />
valorisée, ils se tourneront tout naturellement vers les<br />
romans africains plus tard, au lieu d’être attirés par<br />
tous les livres importés qui occupent une si gran<strong>de</strong><br />
place dans les rayons <strong>de</strong> nos librairies.<br />
Je prends beaucoup <strong>de</strong> plaisir à abor<strong>de</strong>r <strong><strong>de</strong>s</strong> thèmes<br />
DR<br />
<strong>de</strong> la tradition orale ainsi que <strong>de</strong> la vie mo<strong>de</strong>rne. Il<br />
m’arrive <strong>de</strong> reprendre dans mes albums <strong><strong>de</strong>s</strong> sujets<br />
que j’ai traités dans mes livres pour adultes. Mais<br />
bien sûr, je ne les travaille pas sous le même angle. Je<br />
cherche une autre façon <strong>de</strong> dire.<br />
L’illustration me permet d’utiliser une forme d’expression<br />
que je trouve très forte parce que plus directe et<br />
plus spontanée. Ma mère était peintre et sculpteur.<br />
J’ai donc baigné dans une atmosphère artistique.<br />
Pour moi, l’aspect visuel compte beaucoup. Il complète<br />
l’écrit. Il y a un va-et-vient constant entre les<br />
<strong>de</strong>ux. Pour mes illustrations, je m’inspire beaucoup<br />
du graphisme traditionnel africain.<br />
L/É : Vous puisez régulièrement votre imagination<br />
dans les contes africains. Qu’y trouvez-vous ?<br />
V. T. : J’aime beaucoup les contes, quelles que soient<br />
leurs origines. Ils sont à plusieurs niveaux <strong>de</strong> compréhension<br />
et donc d’interprétation. Suivant la maturité<br />
intellectuelle et émotive du public, le conteur peut privilégier<br />
tel ou tel aspect <strong>de</strong> la narration. Cette fluidité<br />
est le propre <strong>de</strong> toute littérature orale.<br />
Un bon conte n’a pas d’âge. Bien souvent les messages<br />
qu’il contient sont encore très vivaces. En fait, il<br />
s’agit surtout d’une exploration <strong>de</strong> la nature humaine,<br />
<strong>de</strong> la vie <strong>de</strong> tous les jours. Il suffit <strong>de</strong> les relire avec <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
yeux neufs et <strong>de</strong> les réinterpréter pour les jeunes<br />
d’aujourd’hui.<br />
L/É : Faites-vous un lien entre les mythes fondateurs<br />
du continent africain, ses légen<strong><strong>de</strong>s</strong> et son actualité<br />
parfois cruelle, notamment le génoci<strong>de</strong> rwandais à<br />
propos duquel vous avez écrit ?<br />
V. T. : Oui, je fais un lien très fort entre certains mythes<br />
fondateurs du continent africain et l’actualité. Je ne<br />
l’ai pas véritablement fait avec L’Ombre d’Imana, le<br />
livre que j’ai écrit sur le génoci<strong>de</strong> après mes séjours<br />
au Rwanda. Le style est différent. Par contre, dans<br />
mon <strong>de</strong>rnier livre, Reine Pokou, le texte s’axe autour<br />
du mythe fondateur du peuple Baoulé qui a dominé la<br />
scène politique ivoirienne pendant plusieurs générations.<br />
Selon la légen<strong>de</strong>, à la suite d’une guerre <strong>de</strong> succession<br />
dans le royaume Ashanti vers le 18 ème siècle, la<br />
Reine Pokou a dû s’enfuir avec ses partisans. Au<br />
cours <strong>de</strong> son exo<strong>de</strong>, elle fut arrêtée par un fleuve qui<br />
lui barrait sa route. Elle sacrifia son enfant unique<br />
L’œuvre d’Imre Kertész, Prix Nobel 2002, est hantée par la déportation. Juif d’origine hongroise, né à<br />
Budapest, il est déporté à l’âge <strong>de</strong> 15 ans vers Auschwitz puis à Buchenwald. Il publie son premier roman dans<br />
l’indifférence générale en 1975, Être sans <strong><strong>de</strong>s</strong>tin. Il lui faudra attendre la chute du mur <strong>de</strong> Berlin pour être reconnu<br />
et lu dans son pays. Aujourd’hui, son œuvre est riche d’une dizaine d’ouvrages : Kaddish pour l’enfant qui ne<br />
naîtra pas, Un autre, Le Refus, Le Chercheur <strong>de</strong> traces, Liquidation, Le Drapeau anglais. En France, ses œuvres<br />
sont publiées chez Actes Sud. Aujourd’hui, Imre Kertész partage sa vie entre Budapest et Berlin où il est <strong>de</strong>venu<br />
une figure majeure du paysage intellectuel. Il écrit notamment pour le journal Die Zeit.<br />
C’est l’un <strong><strong>de</strong>s</strong> textes les plus forts d’Imre Kertész dont Joël Jouanneau et Jean-Quentin Châtelain s’emparent pour<br />
le mettre en scène : Kaddish pour l’enfant qui ne naîtra pas. C’est pour l’enfant auquel il n’a jamais voulu donner<br />
naissance qu’Imre Kertész prononce ici le kaddish, la prière <strong><strong>de</strong>s</strong> morts dans la religion juive. Ce monologue<br />
intérieur est le récit d’une existence confisquée par le souvenir <strong>de</strong> la tragédie concentrationnaire. Cette oraison<br />
funèbre affirme l’impossibilité d’assumer le don <strong>de</strong> la vie dans un mon<strong>de</strong> définitivement traumatisé par la Shoah.<br />
<br />
Cherbourg-Octeville > Théâtre<br />
Dire Kertész<br />
Les 26 et 27 janvier 2006 à 20h45 au Vox, à Cherbourg-Octeville.<br />
Rencontre avec les traducteurs en français <strong>de</strong> l’œuvre <strong>de</strong> Kertész, Charles et Natalia Zaremba. Ces <strong>de</strong>rniers présenteront l’ensemble <strong>de</strong><br />
l’œuvre <strong>de</strong> Kertész pour mieux en démontrer l’unité. Débat ponctué <strong>de</strong> lectures. Le 17 janvier à 20h, au Vox, à Cherbourg.<br />
Renseignements au 02 33 88 55 59.<br />
octobre 2005 - livre / échange 8<br />
Mario <strong>de</strong>l Curto<br />
pour sauver son peuple. Je me suis penchée sur cette<br />
légen<strong>de</strong> parce qu’elle est encore très connue et qu’elle<br />
figure même dans certains livres d’histoire en Côte<br />
d’Ivoire. J’ai estimé qu’il était important <strong>de</strong> la relire à<br />
la lumière <strong><strong>de</strong>s</strong> événements qui secouent le pays.<br />
Nous connaissons une crise i<strong>de</strong>ntitaire très grave. Qui<br />
est ivoirien et qui ne l’est pas ? Or, voilà que le groupe<br />
social considéré comme le plus ivoirien vient en fait<br />
du Ghana. Il nous faut donc accepter que nous<br />
sommes une nation faite <strong>de</strong> migrations successives.<br />
C’est notre diversité qui fera notre force. Par ailleurs,<br />
j’ai trouvé le personnage <strong>de</strong> la Reine Pokou extraordinaire.<br />
Une femme au <strong><strong>de</strong>s</strong>tin hors du commun qui ne<br />
correspond pas du tout à l’image que l’on se fait <strong>de</strong> la<br />
femme africaine en général. Pour moi, elle est à la fois<br />
madone, amazone et personnage politique prêt à tout<br />
pour asseoir son pouvoir. Je voulais me pencher aussi<br />
sur l’idée <strong>de</strong> sacrifice et poser la question fondamentale<br />
: Pokou avait-elle le droit <strong>de</strong> sacrifier son enfant ?<br />
C’est ce questionnement qui actualise le mythe et le<br />
replonge soudain dans la vie mo<strong>de</strong>rne.<br />
<br />
Propos recueillis par Nathalie Colleville<br />
Reine Pokou, Actes Sud.<br />
L’Ombre d’Imana, Actes Sud.<br />
Rencontre <strong>de</strong> Véronique Tadjo avec les élèves du<br />
lycée <strong>de</strong> Thère, le 14 octobre à 10h. Avec les scolaires,<br />
le 14 octobre à 14h30 à la bibliothèque<br />
d’Isigny-le-Buat. Avec <strong><strong>de</strong>s</strong> enfants, le 15 octobre à<br />
14h30, à la médiathèque municipale d’Avranches.<br />
Avec Kangni Alem dans un débat animé par<br />
Bernard Magnier, le 14 octobre à 20h45, à la<br />
médiathèque <strong>de</strong> Brécey ; le 15 octobre à 20h45 à la<br />
Médiathèque municipale <strong>de</strong> Villedieu-les-Poêles.<br />
<br />
L’intégralité <strong>de</strong> la programmation <strong><strong>de</strong>s</strong> Échos d’Afrique est disponible<br />
auprès <strong>de</strong> la BDP <strong>de</strong> la Manche au 02 33 77 70 10 ou<br />
à bdp@cg50.fr<br />
Véronique Tadjo sera également présente dans<br />
plusieurs communes du Calvados à l’invitation <strong>de</strong><br />
la BDP du Calvados.<br />
<br />
(Tout public, entrée libre).<br />
Renseignements au 02 31 78 78 87.<br />
Le comédien Jean-Quentin Châtelain<br />
CIJV d'Amiens,Editions Ouest France. Collection Alain Braut<br />
octobre 2005 - livre / échange 9<br />
/ Actualité littéraire<br />
Événement > L’année Jules Verne (1828-1905)<br />
Entrez dans l’univers fantastique<br />
<strong>de</strong> Jules Verne<br />
L’exposition proposée par Caen-Parc-Expo vous emmène à Nantes, ville natale <strong>de</strong> l’écrivain,<br />
mais aussi à bord du Nautilus. Naviguez jusqu’au Pôle, imaginez-vous dans l’une <strong>de</strong> ces machines volantes<br />
imaginées par Jules Verne. Une exposition géante à la hauteur <strong>de</strong> l’univers vernien. Philippe Bertin, directeur<br />
<strong>de</strong> Caen-Parc-Expo, nous indique le chemin à suivre.<br />
« Mon but a été <strong>de</strong> peindre la terre, et pas seulement la terre mais l’univers,<br />
car j’ai quelque fois transporté mes lecteurs loin <strong>de</strong> la terre dans mes<br />
romans. Et en même temps, j’ai essayé d’atteindre un idéal <strong>de</strong> style. »<br />
Conteur génial, Jules Verne délaisse son imagination<br />
alerte au profit <strong>de</strong> « la réalité la plus stricte »<br />
et se fait géographe le temps d’une nouvelle aventure<br />
livresque. En 1866, il entreprend <strong>de</strong> dresser un<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong>criptif minutieux et très complet <strong>de</strong> chaque<br />
département <strong>de</strong> la France. Une entreprise phénoménale<br />
dont il n’est pourtant pas à l’origine puisque<br />
c’était un projet d’un dénommé Théophile Lavallée.<br />
Mala<strong>de</strong>, ce <strong>de</strong>rnier se retire et laisse la place. « Je<br />
travaille comme un forçat. Imagine-toi que je fais un<br />
dictionnaire ! Oui, un dictionnaire sérieux ; c’est une<br />
géographie <strong>de</strong> la France illustrée », écrit Jules Verne<br />
à son père. A cette pério<strong>de</strong>, il a déjà publié quelques<br />
titres : Cinq semaines en ballon, Voyage au centre<br />
<strong>de</strong> la Terre. Vingt mille lieues sous les mers est en<br />
cours.<br />
À l’occasion du centenaire <strong>de</strong> la disparition <strong>de</strong> Jules<br />
Verne, Esther Flon, éditrice à Saint-Lô, propose une<br />
réédition <strong>de</strong> ce dictionnaire unique à la signature<br />
incomparable. Dans un ouvrage élégant comme à<br />
son habitu<strong>de</strong>, préfacé par Gérard Pouchain, elle<br />
publie donc cette année La Normandie illustrée où<br />
Jules Verne présente le Calvados, la Manche, l’Orne,<br />
l’Eure et la Seine-Inférieure. Les années passées<br />
confèrent à l’ouvrage un charme désuet qui séduira<br />
L/É : Comment est né ce projet d’une exposition<br />
Jules Verne ?<br />
Philippe Bertin : Quand nous avons commencé à<br />
réfléchir sur le projet 2005, j’ai avancé l’idée <strong>de</strong><br />
faire quelque chose sur les mystères <strong><strong>de</strong>s</strong> profon<strong>de</strong>urs,<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> océans… L’évi<strong>de</strong>nce d’un projet Jules<br />
Verne dont on célèbre cette année les cent ans <strong>de</strong> la<br />
mort est apparue très vite. En outre, l’IMEC possè<strong>de</strong><br />
un trésor : le fonds Hetzel (ndlr : l’éditeur <strong>de</strong><br />
Jules Verne). L’œuvre littéraire <strong>de</strong> Jules Verne se<br />
prête à ce genre d’expositions. Elle a traversé les<br />
générations et les mo<strong><strong>de</strong>s</strong>. Et son univers touche le<br />
plus grand nombre. Nous allons présenter <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
choses inédites : objets, manuscrits, gravures,<br />
maquettes… Un important travail <strong>de</strong> recherche<br />
autour <strong>de</strong> Jules Verne a été effectué <strong>de</strong>puis un an.<br />
Cette exposition elle-même est une aventure fantastique<br />
car il nous faut approcher une oeuvre<br />
colossale. Quand le public poussera les portes <strong>de</strong><br />
l’exposition, je souhaite qu’il soit pris dans la magie<br />
<strong>de</strong> Jules Verne.<br />
L/É : Avec qui avez-vous travaillé ?<br />
P.B. : C’est un travail d’équipe. Nous avons collaboré<br />
avec l’un <strong><strong>de</strong>s</strong> spécialistes <strong>de</strong> l’œuvre <strong>de</strong> Jules<br />
Verne en France, Samuel Sadaune. Il vient <strong>de</strong><br />
publier Les Soixante Voyages extraordinaires <strong>de</strong><br />
Jules Verne (Éditions Ouest-France). Mais aussi<br />
avec <strong><strong>de</strong>s</strong> collectionneurs privés qui possè<strong>de</strong>nt <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
manuscrits originaux, avec le <strong>Centre</strong> international<br />
Jules Verne, le Musée Jules Verne <strong>de</strong> Nantes, la<br />
le lecteur. Ainsi Jules Verne ne se contente-t-il pas<br />
d’énumérer monts et rivières, routes et communes,<br />
cheptels et usines. Il propose également une<br />
vision <strong>de</strong> la population <strong>de</strong> chaque département :<br />
bibliothèque <strong>de</strong> Saint-Brieuc, le fonds Jean<br />
Malaurie, l’IMEC… Et nous avons travaillé avec un<br />
plasticien installé à Hérouville Saint-Clair : Driss<br />
Arci<strong>de</strong>t. Il est le décorateur et scénographe <strong>de</strong> l’ensemble.<br />
L/É : Comment cette exposition est-elle conçue ?<br />
P.B. : D’abord, nous allons raconter l’enfance <strong>de</strong><br />
Jules Verne en reconstituant les quais <strong>de</strong> Nantes. On<br />
pense que le quartier <strong>de</strong> l’île Fey<strong>de</strong>au a influencé<br />
son œuvre. L’histoire <strong>de</strong> la marine l’a beaucoup<br />
intéressé. Lui-même était un navigateur. Ensuite, ce<br />
sera la salle <strong><strong>de</strong>s</strong> voyages extraordinaires. Puis, on<br />
découvrira les pôles qui le fascinaient. Il s’agit aussi<br />
<strong>de</strong> faire le lien avec les aventuriers d’aujourd’hui.<br />
Nouvelle étape avec Le Voyage au centre <strong>de</strong> la terre<br />
et l’étu<strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> volcans par une approche scientifique<br />
et journalistique. Ensuite, on entre dans le<br />
Nautilus. Puis grâce à <strong><strong>de</strong>s</strong> maquettes, on découvre<br />
les fameuses machines inventées par Jules Verne.<br />
L’exposition se termine par l’univers <strong>de</strong> l’écrivain<br />
avec la reconstitution <strong>de</strong> son bureau dans sa maison<br />
d’Amiens. C’est l’occasion <strong>de</strong> valoriser le fonds<br />
Hetzel <strong>de</strong> l’IMEC. En tout, ce sont cinq cents objets<br />
qui seront présentés : lettres, gravures, affiches,<br />
maquettes…<br />
<br />
Jules Verne, géographe pointilleux<br />
Du 17 au 30 octobre, tous les jours <strong>de</strong> 10h à 19h. Hall n°5 du<br />
Parc <strong><strong>de</strong>s</strong> expositions <strong>de</strong> Caen. Entrée : 8 Euros.<br />
Renseignements au 02 31 29 99 99.<br />
À voir : www.jules-verne.net et www.julesverne.fr<br />
Moins connue que ses romans, La Géographie illustrée <strong>de</strong> la France <strong>de</strong> Jules Verne témoigne pourtant du même<br />
talent. Les éditions du frisson esthétique rééditent <strong>de</strong> belle manière les textes concernant la Normandie.<br />
« L’intelligence, l’activité, l’amour du travail, la hardiesse<br />
sur terre et sur mer, beaucoup d’aptitu<strong>de</strong><br />
pour les affaires, <strong>de</strong> la franchise, <strong>de</strong> la probité, du<br />
dévouement, tels sont les caractères généraux <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
habitants <strong>de</strong> la Manche. » Quant à la population du<br />
Calvados, « elle a pour elle santé, vigueur, esprit<br />
d’ordre, intelligence ». Le trait prête à sourire. Nul<br />
atlas ne se risquerait aujourd’hui à avancer ce type<br />
d’opinion ! Mais le lecteur prendra intérêt à découvrir<br />
un Caen d’avant-guerre par exemple, une campagne<br />
en marche vers l’industrialisation, le souci<br />
scolaire <strong>de</strong> l’auteur qui entend ne rien oublier <strong>de</strong><br />
son inventaire… Le plaisir que prit Jules Verne à la<br />
tâche et l’ampleur <strong>de</strong> celle-ci transparaissent. « Je<br />
mords dur à la Géographie <strong>de</strong> la France, et vrai, cela<br />
m’amuse beaucoup à faire. […] Je me passionne<br />
comme pour un roman », écrit encore Jules Verne<br />
dans sa correspondance. « Il ne faut pas avoir l’air<br />
dictionnaire » disait-il aussi. Pari réussi puisque<br />
cent ans après, le plaisir <strong>de</strong> lire cette Normandie<br />
illustrée est intact.<br />
<br />
La Normandie illustrée <strong>de</strong> Jules Verne,<br />
éditions EFE, <strong>2005.</strong><br />
133, rue Maréchal-<strong>de</strong>-Tassigny 50000 Saint-Lô.
Actualité littéraire<br />
Maurice, naguère paradis fallacieux qui faisait<br />
rêver les Indiens, <strong>de</strong>venu aujourd’hui paradis pour<br />
touristes et chaînes d’hôtel ou terre d’hier pour qui<br />
l’a quittée : ce sont ces trois regards que la romancière<br />
mauricienne Nathacha Appanah nous fait partager<br />
en trois romans, <strong>de</strong> son écriture flui<strong>de</strong>, sans<br />
hypocrisie.<br />
Nous sommes en 1892. Dans Les Rochers <strong>de</strong><br />
poudre d’or, Merich (Maurice) est ce paradis lointain,<br />
une chimère presque, qui fait rêver les jeunes<br />
Indiens prisonniers d’une société <strong>de</strong> castes.<br />
Des « maistrys », <strong><strong>de</strong>s</strong> recruteurs leur promettent<br />
argent et terres fertiles… Au prix d’une traversée<br />
furieusement pénible, parfois fatale, ils ne trouveront<br />
que servage et exploitation même si l’esclavage<br />
a été aboli… Fresque historique mais aussi<br />
roman d’aventures, le premier roman <strong>de</strong> Nathacha<br />
Appanah entremêle les <strong><strong>de</strong>s</strong>tins individuels et celui<br />
<strong>de</strong> l’île. Ni cette terre, ni ces vies n’en ressortiront<br />
in<strong>de</strong>mnes.<br />
Maurice c’est aussi cette île au visage <strong>de</strong> Janus,<br />
« entre la semaine <strong>de</strong> rêve à six mille euros […] et le<br />
kilo <strong>de</strong> lentilles noires à trois centimes d’euro qui<br />
doit tenir toute la semaine ». D’un côté, ces hôtels<br />
<strong>de</strong> luxe abritant <strong><strong>de</strong>s</strong> flots <strong>de</strong> touristes aveugles, <strong>de</strong><br />
l’autre les quartiers pauvres. Maya, la narratrice <strong>de</strong><br />
Blue Bay Palace vient <strong>de</strong> l’un <strong>de</strong> ces quartiers et<br />
travaille dans l’un <strong>de</strong> ces hôtels, baptisé fort ironiquement<br />
Paradis. Et il est presque tentant <strong>de</strong> faire<br />
un parallèle entre l’idylle amoureuse qu’elle vit avec<br />
Dave le fils du gérant <strong>de</strong> l’hôtel et son pays. Ce qui<br />
pourrait être une histoire d’amour lisse et idéale<br />
<strong>de</strong>vient une douleur fiévreuse, tendue à l’extrême,<br />
/ Éditeur<br />
La Rebuveuse d’absinthe signe le<br />
premier pas, remarquable, <strong><strong>de</strong>s</strong> éditions BVR et<br />
donne la note pour les publications à venir : thèmes<br />
originaux, iconographie méconnue, prix non dissuasif<br />
et impression <strong>de</strong> qualité. Historien d’art, spé-<br />
Latitu<strong><strong>de</strong>s</strong> > Nathacha Appanah<br />
Trois romans, une île, une voix<br />
En trois livres, Nathacha Appanah nous fait découvrir Maurice, sa terre natale, Eldorado d’hier, paradis pour<br />
touristes aujourd’hui. Mais pas d’ethnocentrisme dans ces livres élégants, juste une écriture qui s’affirme et<br />
sur laquelle il faut désormais compter. Rencontre avec l’auteure le 28 septembre à Verson.<br />
au pire… Ainsi en est-il du pays, entre carte postale<br />
ensoleillée et quartiers <strong>de</strong> misère.<br />
Dernier roman : l’île Maurice s’éloigne mais <strong>de</strong>meure,<br />
fantôme intime parmi d’autres pour la narratrice<br />
Sonia. La Noce d’Anna est le roman du doute et <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
interrogations. Celles d’une mère, d’une femme :<br />
qu’a-t-elle légué, appris à sa fille ? A-t-elle été assez<br />
aimante, attentive, présente ? Anna se marie et<br />
Sonia s’interroge. Elle se retourne sur son passé,<br />
son pays, Maurice, qu’elle a quitté il y a longtemps,<br />
sa rencontre avec le père d’Anna qu’elle n’a jamais<br />
revu. Anna si différente : très organisée, ne laissant<br />
rien au hasard… Sonia, elle, se laisse happer par la<br />
vie, les émotions avec un bien vouloir touchant. En<br />
cette journée si particulière, il semble que tout se<br />
joue, se rejoue dans la vie <strong>de</strong> Sonia. Mais peut-être<br />
après tout n’est-ce que le temps qui fait son œuvre ?<br />
La Noce d’Anna est le portrait d’une femme vulnérable<br />
parce qu’elle laisse affleurer toutes les émotions,<br />
sans honte et sans retenue. À l’image <strong>de</strong><br />
l’écriture <strong>de</strong> Nathacha Appanah, entièrement perméable<br />
au libre cours <strong><strong>de</strong>s</strong> pensées <strong>de</strong> la narratrice...<br />
<br />
Nathalie Colleville<br />
Chez Gallimard, coll. « Continents noirs » :<br />
Les Rochers <strong>de</strong> poudre d’or (2003)<br />
Blue Bay Palace (2004)<br />
La Noce d’Anna (2005)<br />
Débat proposé et animé par Abdourahman Waberi<br />
et Bernard Magnier.<br />
Création > Éditions BVR<br />
Éditeurs et passeurs d’art<br />
cialisé dans les dix-neuvième et vingtième siècles,<br />
Benoît Noël et sa compagne Véronique Herbaut,<br />
scénariste, misent sur <strong><strong>de</strong>s</strong> ouvrages pointus aux<br />
ouvertures multiples. « À travers l’analyse<br />
d’œuvres d’art, le but est <strong>de</strong> montrer une tranche<br />
<strong>de</strong> société », explique Véronique Herbaut. Ainsi en<br />
est-il pour la collection « Arrêt sur image » qu’inaugure<br />
La Rebuveuse d’absinthe. Le titre est emprunté<br />
à Félicien Rops, peintre belge et auteur <strong>de</strong> « La<br />
Buveuse d’Absinthe ». Le tableau permet ici d’explorer<br />
l’univers et l’œuvre <strong>de</strong> Rops mais aussi la<br />
place <strong>de</strong> l’absinthe, thème cher à Benoît Noël par<br />
ailleurs, dans un siècle traversé par Mirbeau,<br />
Bau<strong>de</strong>laire…<br />
Véronique Herbaut et Benoît Noël ont d’autres projets<br />
dont une anthologie A comme absinthe, Z<br />
comme Zola, dont la parution est prévue au printemps<br />
2006. Deux autres titres, toujours consacrés à<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> portraits <strong>de</strong> femmes, <strong>de</strong>vraient également<br />
rejoindre la collection « Arrêt sur image » : Madame X<br />
<strong>de</strong> John Singer Sargent, peintre reconnu aux États-<br />
Unis et méconnu en France et Madame R… J…<br />
d’Albert Besnard. « Cela ne m’intéresse pas <strong>de</strong> faire<br />
le cinq centième ouvrage sur Renoir ! Ce qui m’intéresse<br />
c’est <strong>de</strong> défricher, <strong>de</strong> faire connaître <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
peintres méconnus en France », commente Benoît<br />
octobre 2005 - livre / échange 10<br />
C. Hélie/Gallimard<br />
Le 28 septembre, à 20h30 à l’Espace Senghor à Verson.<br />
Entrée libre. Renseignements au 02 31 26 24 84.<br />
Née en 1973 à Mahébourg, Nathacha Appanah est également<br />
journaliste.<br />
Benoît Noël et Véronique Herbaut viennent <strong>de</strong> créer leur propre maison d’édition tournée vers l’art, dans le Pays<br />
d’Auge. Leurs atouts : <strong><strong>de</strong>s</strong> ouvrages pérennes aux illustrations rares, une distribution ciblée et un prix abordable.<br />
Benoît Noël et Véronique Herbaut. Les initiales <strong>de</strong> leurs prénoms<br />
et celle <strong>de</strong> Rémi leur fils donnent un sigle à la structure.<br />
CRL<br />
Noël. Autre terrain à explorer pour les éditions BVR,<br />
la région bas-norman<strong>de</strong>, grâce à <strong>de</strong>ux autres projets<br />
: l’un consacré aux peintres <strong>de</strong> Villerville,<br />
l’autre aux noces en Normandie.<br />
Créer leur propre structure permet à Benoît Noël et<br />
Véronique Herbaut <strong>de</strong> « maîtriser un projet <strong>de</strong> A à Z ».<br />
Ainsi peuvent-ils cibler eux-mêmes leurs points <strong>de</strong><br />
vente (La Maison <strong>de</strong> Franche-Comté et le musée<br />
Rops à Namur par exemple pour La Rebuveuse<br />
d’absinthe). « On a beaucoup réfléchi à notre distribution<br />
et notre présence. Notamment sur le net.<br />
On est référencé sur une quinzaine <strong>de</strong> sites. » Autre<br />
priorité pour BVR : maintenir un prix abordable<br />
pour l’acheteur, soit pas plus <strong>de</strong> 20€. Une gageure<br />
lorsque l’on sait que ce type d’ouvrage nécessite<br />
une iconographie très riche. « Nous travaillons<br />
beaucoup avec <strong><strong>de</strong>s</strong> collectionneurs privés afin d’exploiter<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> illustrations méconnues, <strong><strong>de</strong>s</strong> documents<br />
rares. » Qualité, maîtrise et intérêt <strong>de</strong> sujets inédits<br />
font <strong>de</strong> BVR un éditeur à suivre. Ren<strong>de</strong>z-vous en<br />
2006 pour le prochain ouvrage.<br />
<br />
Nathalie Colleville<br />
Éditions BVR, Lieu doré 14140 Sainte-Marguerite-<strong><strong>de</strong>s</strong>-Loges.<br />
02 31 31 15 78<br />
editionsbvr@club-internet.fr<br />
Octave Mirbeau > Écrivain et polémiste<br />
Mirbeau, l’exalté oublié<br />
Gérard Poulouin codirige le colloque Mirbeau proposé à Cerisy-la-Salle,<br />
cette année. Un temps qui témoigne du regain d’intérêt pour cet auteur<br />
bas-normand qu’universitaires et éditeurs se réapproprient.<br />
Misanthrope mais doué en amitié, anarchiste convaincu, pourfen<strong>de</strong>ur <strong>de</strong><br />
toutes les injustices, écrivain prolixe et botaniste passionné, amateur<br />
d’art à l’œil sûr, Mirbeau est réellement fascinant.<br />
Livre/Échange : Depuis quelques années, on redécouvre<br />
Mirbeau. Ce colloque en atteste. Comment<br />
expliquer ce regain d’intérêt ?<br />
Gérard Poulouin : Un colloque Mirbeau apparaissait<br />
d’autant plus légitime qu’il y a un renouveau <strong>de</strong><br />
la curiosité à son égard. Des ouvrages sont aujourd’hui<br />
disponibles grâce au travail phénoménal <strong>de</strong><br />
Pierre Michel (prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la Société Octave<br />
Mirbeau, ndlr). Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> Mirbeau, il y a un regain<br />
d’intérêt pour la pério<strong>de</strong> dite « fin <strong>de</strong> siècle », la fin<br />
du XIX ème et le début du XX ème . Cet intérêt s’explique<br />
par les rééditions mais aussi par les travaux <strong>de</strong><br />
recherche <strong>de</strong> jeunes doctorants. Globalement, il y<br />
avait donc cette désaffection pour ladite pério<strong>de</strong><br />
longtemps occultée dans les manuels scolaires.<br />
Mirbeau, en particulier, a sans doute souffert d’être<br />
perçu comme un écrivain mineur.<br />
L/É : Comment Mirbeau débute-t-il sa carrière <strong>de</strong><br />
journaliste ?<br />
G.P. : ll commence par travailler pour un bonapartiste,<br />
Henri <strong>de</strong> la Fauconnerie, antibourgeois et<br />
antisémite. Durant ces années <strong>de</strong> formation, <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
choses se profilent déjà. Il appartenait à une certaine<br />
droite populiste. Mirbeau a participé à une<br />
revue antisémite horrible Les Grimaces. Mirbeau<br />
est proche du mon<strong>de</strong> politique. Il <strong>de</strong>vient journaliste<br />
dans la presse populaire et fait preuve très vite<br />
<strong>de</strong> beaucoup <strong>de</strong> hargne. C’est un tempérament,<br />
une personne <strong>de</strong> la ferveur ! Il y a dans ces premiers<br />
romans, très autobiographiques, une certaine tonicité.<br />
Il abor<strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> sujets qui sont durs, manifeste<br />
plein <strong>de</strong> fougue. Très vite, il vole <strong>de</strong> ses propres<br />
ailes, gagne bien sa vie. C’est un individu foncièrement<br />
antibourgeois mais il a l’allure d’un dandy,<br />
porte <strong><strong>de</strong>s</strong> vestes <strong>de</strong> tweed, a un tailleur à Paris, il<br />
assiste aux courses <strong>de</strong> côte…<br />
L/É : Royaliste, antisémite dans sa première<br />
pério<strong>de</strong>, Mirbeau <strong>de</strong>vient anarchiste, prend la<br />
défense <strong>de</strong> Dreyfus et Zola. Comment explique-ton<br />
ce revirement ?<br />
G.P. : C’est un anarchiste même quand il ne le sait<br />
pas ! Il est insolent. Il va utiliser sa plume pour<br />
dénoncer les excès <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong> bourgeoisie qu’il<br />
dénonce déjà à partir du bonapartisme. Il va changer<br />
en 1880 (après une déception amoureuse,<br />
Mirbeau se retire quelques mois en Bretagne, ndlr).<br />
Mais il dénonçait déjà l’armée. Mirbeau dénonce le<br />
capitalisme, le colonialisme. Il est du côté <strong><strong>de</strong>s</strong> gens<br />
<strong>de</strong> peu, <strong><strong>de</strong>s</strong> humbles, <strong>de</strong> la justice et <strong>de</strong> la liberté<br />
<strong>de</strong> penser. Il s’est intéressé au sort <strong><strong>de</strong>s</strong> prostituées,<br />
s’est préoccupé <strong><strong>de</strong>s</strong> enfants sans doute à cause <strong>de</strong><br />
son histoire personnelle. Durant l’affaire Zola et<br />
Dreyfus, il vit une véritable conversion. Il a même<br />
été attaqué par ses amis qui ne le reconnaissaient<br />
pas dans ses positions. Il s’en est expliqué disant<br />
qu’il continuait son combat pour la vérité. Il est<br />
proche <strong><strong>de</strong>s</strong> écrivains dreyfusards, <strong><strong>de</strong>s</strong> membres <strong>de</strong><br />
la Ligue <strong><strong>de</strong>s</strong> droits <strong>de</strong> l’homme, fondée à l’époque.<br />
Il a payé les charges du procès <strong>de</strong> Zola. Malgré son<br />
revirement, il reste farouche ! De populiste, il<br />
<strong>de</strong>vient anarchiste et reste hostile aux autorités<br />
politiques, militaires, religieuses. Pour lui la démocratie<br />
est perverse.<br />
L/É : Mirbeau cultive avec une gran<strong>de</strong> passion <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
fleurs rares. Critique d’art, il s’est beaucoup intéressé<br />
à la peinture. Il a loué Rodin, Monet, acheté<br />
« Les iris » <strong>de</strong> Van Gogh. Que sait-on <strong>de</strong> cet aspect<br />
<strong>de</strong> sa vie ?<br />
G.P. : Mirbeau est un misanthrope. Il porte un<br />
regard acerbe sur le mon<strong>de</strong>. Il trouvera une fenêtre<br />
libératoire dans l’art. ll avait une collection fabuleuse<br />
: <strong><strong>de</strong>s</strong> Pissaro, Utrillo, Rafaëli, plusieurs<br />
Monet. Ce que je préfère véritablement dans ses<br />
écrits, ce sont ses notes sur l’art. Il est capable <strong>de</strong><br />
faire un parallèle entre un Chardin et un Monet,<br />
d’écrire sur le travail <strong>de</strong> la couleur. Ses catégories<br />
d’analyse me semblent efficientes.<br />
Mais c’est toujours une rencontre avec l’art vivant !<br />
Les artistes dont Mirbeau parle, il les fréquente.<br />
Une gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong> ses amis sont <strong><strong>de</strong>s</strong> artistes.<br />
Mirbeau est l’un <strong><strong>de</strong>s</strong> premiers à découvrir Monet, il<br />
<strong>de</strong>vient un familier <strong>de</strong> Giverny. Monet et lui partagent<br />
la passion <strong><strong>de</strong>s</strong> fleurs. Il a une façon d’appréhen<strong>de</strong>r<br />
la réalité, très sensuelle, très gustative, un<br />
côté panthéiste.<br />
L/É : Qu’était Mirbeau avant tout ? Polémiste<br />
engagé ou écrivain ?<br />
G.P. : Les opinions politiques sont premières.<br />
L’écriture est un mo<strong>de</strong> d’expression. On a pu penser<br />
que Mirbeau était difficile à sauver en raison <strong>de</strong><br />
ses écrits. Ses personnages n’ont pas <strong>de</strong> psychologie,<br />
pas <strong>de</strong> profon<strong>de</strong>ur. Ce sont <strong><strong>de</strong>s</strong> porte-parole.<br />
Ce qu’il a <strong>de</strong> sympathique, c’est qu’il va se révéler<br />
très attentif aux jeunes talents. C’est un trait <strong>de</strong> sa<br />
personnalité qui ne s’est pas démenti. Là où Zola<br />
est très sévère sur les nouveaux venus en littérature,<br />
Mirbeau soutient Gourmont, Régnier, les symbolistes.<br />
Il introduit le Belge Maeterlinck, préface<br />
Hamsun, lit Ibsen. Mirbeau lui est du côté <strong>de</strong> l’expressionisme.<br />
Il a une écriture hâchée, un peu syncopée<br />
parce que issue <strong><strong>de</strong>s</strong> feuilletons. Pour certains,<br />
ses romans sont un peu le déversoir <strong>de</strong> ce qui<br />
a été d’abord publié dans <strong><strong>de</strong>s</strong> journaux. D’où un<br />
certain désintérêt. Aujourd’hui, certains y voient<br />
une écriture résolument mo<strong>de</strong>rne.<br />
Propos recueillis par Nathalie Colleville<br />
octobre 2005 - livre / échange 11<br />
DR.<br />
Quelques dates<br />
/ Patrimoine<br />
1848 Naissance à Trévières dans le Calvados.<br />
Enfance à Rémalard dans l’Orne.<br />
1872 Secrétaire du député bonapartiste <strong>de</strong> La<br />
Fauconnerie.<br />
1879 Premières collaborations journalistiques.<br />
1887 Mariage avec Alice Regnault, ancienne actrice.<br />
1886 Le Calvaire, premier roman d’un cycle autobiographique,<br />
suivi <strong>de</strong> L’Abbé Jules (1888) et Sébastien<br />
Roch (1890).<br />
1890 Première version du Journal d’une femme <strong>de</strong><br />
chambre en feuilleton. Le roman sera publié en 1890.<br />
1897 Il rejoint le camp <strong><strong>de</strong>s</strong> dreyfusards.<br />
1899 Le Jardin <strong><strong>de</strong>s</strong> supplices.<br />
1907 La 628-E8, récit <strong>de</strong> son voyage en automobile.<br />
1917 Il meurt à Paris.<br />
Sur les pas<br />
d’Octave Mirbeau<br />
Dominique Bussillet vit à Trévières,<br />
la ville natale <strong>de</strong> Mirbeau. C’est là<br />
aussi qu’elle prépare un ouvrage<br />
consacré à cet écrivain, l’un <strong>de</strong> ses<br />
auteurs fétiches.<br />
Livre/Échange : Sur quels aspects <strong>de</strong> la vie <strong>de</strong><br />
Mirbeau travaillez-vous ?<br />
Dominique Bussillet : Ma première idée était <strong>de</strong><br />
montrer Mirbeau dans son ancrage, ses lieux privilégiés.<br />
Mais c’est très difficile, car il a souvent<br />
déménagé ! Mais l’œuvre donne à voir ses lieux <strong>de</strong><br />
prédilection, son itinéraire. Pour anecdote, quand<br />
Mirbeau a commencé Le Journal d’une femme <strong>de</strong><br />
chambre, il a décidé <strong>de</strong> déménager, persuadé que<br />
c’est à cause <strong>de</strong> l’endroit où il se trouve qu’il n’arrive<br />
pas à travailler !<br />
L/É : Quels étaient les rapports d’Octave Mirbeau<br />
avec sa région natale ?<br />
D.B. : Comme Gourmont, Flaubert ou Maupassant,<br />
Mirbeau est à la fois normand et parisien. Mirbeau<br />
est né à Trévières mais il a seize mois lorsque sa<br />
famille déménage à Rémalard dans l’Orne. Nous ne<br />
savons pas grand-chose sur les relations <strong>de</strong><br />
Mirbeau avec sa famille. Très tôt, il est éloigné <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
siens car il part à l’internat. « J’ai été cet enfant rare<br />
et maudit, un enfant qui s’ennuie », dit l’un <strong>de</strong> ses<br />
narrateurs. La Normandie n’est jamais loin dans son<br />
œuvre. Mais c’est très ambigu. Il a une gran<strong>de</strong><br />
affection pour la région mais Mirbeau est aussi un<br />
idéaliste. Lorsqu’il revient travailler quelques temps<br />
à l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> Rémalard, il s’aperçoit que les gens<br />
qu’il croisait durant son enfance, sont <strong><strong>de</strong>s</strong> paysans<br />
très chicaniers. Il voit leurs supercheries, leur rouerie.<br />
Avec le temps, il réalisera que c’est partout<br />
ainsi. Les Normands ont longtemps cru que Mirbeau<br />
les fustigeait ! Je crois qu’il avait une certaine tendresse<br />
pour leurs chicaneries, c’était une façon <strong>de</strong><br />
résister. Finalement, il ne s’est jamais éloigné <strong>de</strong> la<br />
Normandie.<br />
L/É : Où Mirbeau a-t-il été le plus heureux ?<br />
D.B. : Dans sa voiture ! La vie <strong>de</strong> Mirbeau ressemble<br />
un peu à une fuite puisqu’il ne s’aime pas, qu’il est<br />
triste. Il ne trouve pas d’endroit qui le stabilise et<br />
pense que c’est toujours mieux ailleurs. Au volant<br />
<strong>de</strong> sa voiture, il va avoir l’impression d’être enfin<br />
libre. Dans La 628-E8, le récit <strong>de</strong> l’un <strong>de</strong> ses longs<br />
périples en automobile, il évoque « cette sensation<br />
en un jour d’avoir vécu <strong><strong>de</strong>s</strong> mois et <strong><strong>de</strong>s</strong> mois, cette<br />
sensation que seule l’automobile peut donner ».<br />
Propos recueillis par N. C.<br />
Documents amablement prêtés par Gérard Poulain, membre <strong>de</strong> la<br />
société <strong><strong>de</strong>s</strong> Amis <strong>de</strong> la bibliothèque <strong>de</strong> Caen
Livres<br />
Le <strong>de</strong>rnier roman d’Arnaud Cathrine nous<br />
ressemble. Il dit la famille : ce lieu privilégié <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
premiers manques et <strong><strong>de</strong>s</strong> pertes, <strong><strong>de</strong>s</strong> premières<br />
fêlures. Ce lieu où l’on s’amoche les uns les autres<br />
en toute tranquillité. Trois voix, celles <strong><strong>de</strong>s</strong> trois<br />
enfants, Vincent et Lily, les jumeaux <strong>de</strong> seize ans, et<br />
Sweet home - Phase <strong>de</strong>ux<br />
L’esprit <strong>de</strong> famille<br />
Arnaud Cathrine situe son <strong>de</strong>rnier roman à Bénerville-sur-mer, dans le Calvados. Là, même la trêve <strong><strong>de</strong>s</strong> vacances<br />
ne dissimule plus rien <strong><strong>de</strong>s</strong> blessures d’un couple qui emmène ses enfants dans sa dérive.<br />
À 32 ans,Arnaud Cathrine est déjà l’auteur <strong>de</strong> huit romans.<br />
carte blanche<br />
Martin, trois ans au début,<br />
conduisent tour à tour l’histoire<br />
<strong>de</strong> la famille à <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
époques différentes. À Lily,<br />
l’été 83. À Vincent, l’année<br />
1990 et à Martin, l’année<br />
2003. Devant eux, trois<br />
adultes : le père, l’oncle<br />
Rémo et Susan, la mère.<br />
Une mère « fatiguée »<br />
doux euphémisme pour ne<br />
pas nommer le mal-être qui<br />
la conduira au suici<strong>de</strong>.<br />
L’adolescence, le <strong>de</strong>uil et la<br />
fratrie – thèmes chers à l’auteur<br />
– sont au cœur <strong>de</strong> ce<br />
portrait <strong>de</strong> famille aux<br />
accents justes.<br />
Alph.B.Seny Dans cette « fratrie grelottante<br />
», on a une tendresse<br />
toute particulière pour<br />
Vincent qui prend le relais <strong>de</strong> la narration pour l’été<br />
90, le <strong>de</strong>uxième été dans la chronologie du roman.<br />
Vincent est <strong>de</strong>venu écrivain. « Tu te souviens<br />
quand je te disais qu’on a tous en nous <strong><strong>de</strong>s</strong> livres<br />
impossibles ? […] Ce livre impardonnable, ils doivent<br />
le craindre chez moi. Ils doivent l’attendre avec<br />
octobre 2005 - livre / échange 12<br />
appréhension. » Pour écrire selon Vincent, il faut<br />
<strong>de</strong>ux secrets dont l’un qu’on ne connaît pas. Peutêtre<br />
est-ce ce tabou qui cannibalise la vie <strong>de</strong> sa<br />
famille tout en l’unissant d’un lien invisible ? Un<br />
secret que le lecteur pressent, <strong>de</strong>vine dès le premier<br />
été. Martin, vingt ans plus tard, crèvera l’abcès.<br />
Mais après tant d’années, quand le mal est fait,<br />
est-ce salvateur ?<br />
Arnaud Cathrine ne propose ni conclusion, ni morale.<br />
Dans ce roman limpi<strong>de</strong> qui ressemble furieusement<br />
à la vie, chacun essaie <strong>de</strong> suivre son chemin<br />
avec au cœur et aux yeux le visage d’une mère trop<br />
tôt disparue, d’un père démissionnaire ou <strong>de</strong> cet<br />
oncle qui trouve l’oubli dans le whisky. Que fait-on<br />
<strong>de</strong> cet héritage que l’on reçoit sans testament, cet<br />
héritage immatériel contre lequel, avec lequel, il<br />
faut se construire ? Que nous croyons-nous obligés<br />
<strong>de</strong> prendre en charge <strong><strong>de</strong>s</strong> vies <strong>de</strong> nos proches ?<br />
Sweet home n’est pas la chronique rose et sucrée<br />
d’une famille-souriante-heureuse-et-soudée. Pas<br />
<strong>de</strong> happy end. Juste la vie. C’est déjà beaucoup.<br />
Nathalie Colleville<br />
Sweet home, Arnaud Cathrine, Phase <strong>de</strong>ux, <strong>2005.</strong><br />
Les éditions Verticales ont quitté le Seuil pour rejoindre<br />
Gallimard et se nomment désormais Phase <strong>de</strong>ux.<br />
Chaque trimestre, Livre/échange invite un lecteur à partager son coup <strong>de</strong> cœur<br />
Sophie Lucet, enseignante en arts et spectacles à l’Université <strong>de</strong> Caen, elle-même auteure et romancière, évoque<br />
Pourquoi appeler roman un livre qui s’inspire<br />
<strong>de</strong> faits réels, <strong><strong>de</strong>s</strong> trois usines Daewoo <strong>de</strong> Lorraine<br />
qui fermèrent les unes après les autres <strong>de</strong>puis 2002<br />
et qui tire son origine <strong>de</strong> nombreux entretiens réalisés<br />
avec les ouvrières <strong>de</strong> Fameck et <strong>de</strong> Villers, après<br />
leur licenciement ? Un livre qui mêle récits et<br />
moments <strong>de</strong> théâtre, une mise en scène <strong>de</strong> Charles<br />
Torjman étant initialement prévue pour le Festival<br />
d’Avignon en 2004 ? Un livre où l’on évoque le travail<br />
photographique <strong>de</strong> Schlomoff, tout entier<br />
consacré à capter l’histoire maintenant invisible <strong>de</strong><br />
ces lieux en voie <strong>de</strong> disparition dans le cadre du<br />
même projet artistique ? Faut-il alors parler <strong>de</strong> récit,<br />
<strong>de</strong> théâtre, <strong>de</strong> photographie, ou bien signifier que le<br />
terme <strong>de</strong> roman renverrait à toutes ces tentatives<br />
<strong>de</strong> captation du réel à la fois ?<br />
Car, pour François Bon, le roman est d’abord une<br />
enquête : « Je l’avais dit à Charles Torjman : venir<br />
avec nos quatre actrices ici dans ces salles dites<br />
polyvalentes, c’est ce que je voulais. Dire ou crier ce<br />
que cela signifiait <strong>de</strong> colère, les usines vi<strong><strong>de</strong>s</strong>, ce que<br />
cela évoquait pour notre idée d’humanité en partage,<br />
c’est ce que je voulais. L’enquête, le récit m’appartiennent.<br />
» Enquête sur le langage d’abord :<br />
« Vaste univers, cela veut dire, le nom Daewoo ».<br />
Nom qui disparaît un jour, les six lettres étant enlevées<br />
par le bras jaune d’une grue du toit bleu <strong>de</strong><br />
l’usine. « L’écriture, c’est après ce démontage <strong>de</strong><br />
l’enseigne. C’est après ce mot dans le ciel, et ce W à<br />
Daewoo <strong>de</strong> François Bon<br />
la fin promené <strong><strong>de</strong>s</strong>sous la grue. C’est après ces trois<br />
silhouettes d’hommes en bleu et jaune sur le toit<br />
muet. J’avais dit à Charles Torjman : la persistance<br />
d’une image dans la tête, cette intuition et rien<br />
d’autre, aussi mince que cela, et voilà : au retour <strong>de</strong><br />
Fameck, j’avais arrêté la 405 break du théâtre sur<br />
l’aire d’autoroute juste avant Metz, j’avais pris mon<br />
carnet et tout cela avait commencé <strong>de</strong> s’écrire. »<br />
Tout cela, c’est-à-dire les paysages-fer <strong>de</strong> la<br />
Lorraine, images d’un mon<strong>de</strong> qu’on ne veut –au<br />
sens littéral du terme– pas voir ; et les conversations<br />
avec ces ouvrières que personne ne souhaite<br />
entendre : « C’est cela qu’il faut reconstruire seul,<br />
dans les mois qui suivent, écoutant une fois <strong>de</strong> plus<br />
la voix, se remémorant ce qu’on apercevait <strong>de</strong> la<br />
fenêtre. (…) J’appelle ce livre roman d’en tenter la<br />
restitution par l’écriture, en essayant que les mots<br />
redisent aussi ces silences, les yeux qui vous regar<strong>de</strong>nt<br />
ou se détournent, le bruit <strong>de</strong> la ville tel qu’il<br />
vous parvient par la fenêtre (rien, une rue, les<br />
camions qui passent, la filée rapi<strong>de</strong> d’une voiture et<br />
le brusque et provisoire silence quand le feu passe<br />
au rouge) ».<br />
Enquête sur l’écriture même, le narrateur entamant<br />
une conversation ininterrompue avec le lecteur sur<br />
le processus <strong>de</strong> la création : il convient parfois que<br />
l’auteur se taise et laisse parler les événements ; il<br />
importe à d’autres moments que la voix <strong>de</strong> François<br />
Bon évoque la lente fabrication <strong>de</strong> l’œuvre à partir<br />
<br />
<strong>de</strong> ces fragments, car « on n’écrit pas <strong><strong>de</strong>s</strong> faits,<br />
mais <strong><strong>de</strong>s</strong> relations » : « Mon travail, c’est <strong>de</strong><br />
rendre compte par l’écriture <strong>de</strong> rapports et d’événements<br />
qui concernent les hommes entre eux ».<br />
Mais il y a surtout Sylvia, celle dont l’ombre suffit à<br />
cimenter l’ensemble <strong><strong>de</strong>s</strong> récits : Sylvia, désormais<br />
absente, qui préféra la mort au <strong><strong>de</strong>s</strong>tin fixé par le<br />
chômage, celle à qui le livre est dédié. Sylvia dont<br />
on parle toujours par allusion : « Moi je ne sais<br />
pas pourquoi, Sylvia », dit Ada, jusqu’à la fin du<br />
livre qui ose enfin la vérité : « Sylvia est morte. Et<br />
laisser toute question ouverte. Ne rien présenter<br />
que l’enquête. »<br />
Ce qui bouleverse, dans ce livre, est d’entendre<br />
encore les voix <strong>de</strong> celles dont on prétend parler et<br />
<strong>de</strong> poursuivre plus loin la conversation, l’auteur<br />
s’attachant à traduire la gageure que représente<br />
toute écriture du réel : « On a l’impression que ce<br />
qui vous reste d’un livre est plus vivant et net que le<br />
mon<strong>de</strong> vrai. À moins que là, dans nos promena<strong><strong>de</strong>s</strong><br />
réelles, ce n’ait été que du livre qu’on était en<br />
quête, comme si le réel qu’il évoque n’en était <strong>de</strong><br />
fait qu’un prolongement. » Aux voix <strong><strong>de</strong>s</strong> femmes se<br />
superpose celle <strong>de</strong> l’enquêteur, c’est-à-dire du<br />
romancier d’aujourd’hui.<br />
Daewoo, François Bon, Fayard, 2004.<br />
Sophie Lucet<br />
Jacques Sassier<br />
Andrélie - Mercure <strong>de</strong> France<br />
Ma mère, ce roman<br />
Né à Caen en 1919, Roger Grenier publie un texte magnifique sur sa mère,<br />
Andrélie. Derrière ce portrait <strong>de</strong> femme décidée, l’auteur esquisse<br />
avec pu<strong>de</strong>ur son propre autoportrait.<br />
Roger Grenier a longtemps été l’un <strong><strong>de</strong>s</strong> piliers <strong><strong>de</strong>s</strong> éditions Gallimard. Il gar<strong>de</strong> encore aujourd’hui un bureau, rue Sébastien-Bottin.<br />
C’est en parlant <strong><strong>de</strong>s</strong> siens que l’on parle<br />
parfois le mieux <strong>de</strong> soi. Roger Grenier le sait car ce<br />
portrait <strong>de</strong> sa mère paru au Mercure <strong>de</strong> France<br />
(dans la collection « Traits et portraits » dirigée<br />
par Colette Fellous) est aussi un autoportrait en<br />
contrepoint. Le mo<strong>de</strong> d’emploi rési<strong>de</strong> dans<br />
l’exergue empruntée à Julio Cortázar : « …un autoportrait<br />
d’où l’artiste aurait eu l’élégance <strong>de</strong> se retirer<br />
». « C’est probablement une gageure, je voudrais<br />
parler <strong>de</strong> moi le moins possible. » Une gageure,<br />
certes, mais celle-ci donne toute son élégance à<br />
l’exercice. Quant à Andrélie, femme étonnante, sa<br />
personnalité et son parcours justifient pleinement<br />
l’existence <strong>de</strong> ce récit éponyme. Petite paysanne<br />
cévenole, <strong>de</strong>venue commerçante et bourgeoise<br />
grâce à sa ténacité et une absence <strong>de</strong> doutes jamais<br />
démentie, Andrélie figure aussi un siècle que la<br />
Gran<strong>de</strong> Guerre a précipité dans la mo<strong>de</strong>rnité.<br />
Andrélie, figure romanesque ? C’est indéniable :<br />
obstinée et entreprenante, jamais assaillie par le<br />
doute, appréciant le confort bourgeois tout en<br />
admirant les originaux et les aventuriers que comptait<br />
sa clientèle, peu encline à la nostalgie... « Je<br />
me suis mis à envisager [ma mère] non comme une<br />
mère, mais comme un personnage <strong>de</strong> roman.<br />
Quelqu’un d’assez singulier pour qu’il soit légitime<br />
<strong>de</strong> faire son portrait et <strong>de</strong> raconter son histoire,<br />
sans en tirer la moindre leçon. Une personne ni<br />
plus ni moins mystérieuse que toutes celles qui,<br />
entre leur éclosion et leur extinction, ont le temps<br />
<strong>de</strong> penser, <strong>de</strong> souffrir, d’aimer, d’espérer et <strong>de</strong><br />
désespérer. »<br />
Arrivée à Paris en 1900 pour y être élevée par sa<br />
tante, opticienne, la gamine travaille très vite à la<br />
boutique et apprend le métier. Andrélie, dite<br />
Andrée, se marie et crée sa propre affaire onze ans<br />
plus tard. Son mari au front, Andrée assure la vie <strong>de</strong><br />
la famille et la gestion du magasin. Elle déménage<br />
très vite pour Caen où naîtra Roger en 1919 et où<br />
elle ouvre une nouvelle enseigne avant <strong>de</strong> repartir<br />
pour Pau cette fois-ci. Mais ce n’est pas dans une<br />
relation chronologique <strong><strong>de</strong>s</strong> faits <strong>de</strong> sa vie<br />
qu’Andrélie apparaît au lecteur. Elle prend davantage<br />
vie au travers <strong><strong>de</strong>s</strong> souvenirs <strong>de</strong> son fils, ces instants<br />
d’hier où la mémoire achoppe. On <strong>de</strong>vine la<br />
silhouette énergique et la fermeté <strong>de</strong> caractère dans<br />
ces petites scènes échappées <strong>de</strong> l’oubli – Andrélie et<br />
ses clients, Andrélie fan d’opérette, Andrélie amoureuse,<br />
infidèle, mère inconsolable… – qui confèrent à<br />
Roger Grenier <strong><strong>de</strong>s</strong> talents <strong>de</strong> peintre pointilliste.<br />
En outre, l’auteur a l’honnêteté <strong>de</strong> ne pas combler<br />
les carences <strong>de</strong> sa mémoire ou <strong>de</strong> sa connaissance.<br />
Les enfants sont bien souvent les plus mal lotis<br />
pour savoir les secrets <strong>de</strong> leurs parents. Roger<br />
Grenier ne loue ni ne fustige celle qui fut sa mère.<br />
Écrire n’est pas réparer. « Les trahisons <strong>de</strong> la<br />
mémoire sont plus utiles à l’écrivain que sa fidélité.<br />
[…] Plus elle est menteuse, plus elle est véridique. »<br />
C’est dans ce qu’il ne sait pas qu’Andrélie prend<br />
corps aussi à nos yeux.<br />
Une question <strong>de</strong>meure : qu’est-ce que Roger<br />
Grenier a pris, lui, <strong>de</strong> cette histoire, <strong>de</strong> cette femme<br />
et <strong>de</strong> l’éducation, <strong>de</strong> la vie qu’elle lui a offertes ?<br />
Quels liens entre cette enfance et l’œuvre <strong>de</strong> l’écrivain<br />
? C’est là l’objet d’un autre livre...<br />
<br />
Nathalie Colleville<br />
Andrélie, Roger Grenier, Mercure <strong>de</strong> France, <strong>2005.</strong><br />
octobre 2005 - livre / échange 13<br />
LITTÉRATURE<br />
/ Livres<br />
Youssouf le flamboyant<br />
<strong>de</strong> Georges Fleury<br />
Rien ne pré<strong><strong>de</strong>s</strong>tinait Youssouf, gamin grandi<br />
dans l’entourage <strong>de</strong> Napoléon 1er sur l’île<br />
d’Elbe jusqu’en 1815, à <strong>de</strong>venir un héros <strong>de</strong><br />
légen<strong>de</strong>. Capturé par <strong><strong>de</strong>s</strong> pirates, vendu<br />
comme esclave au bey <strong>de</strong> Tunis, le jeune<br />
homme <strong>de</strong>vient un <strong><strong>de</strong>s</strong> personnages les plus<br />
en vue <strong>de</strong> la ville. Son amour pour Kabira la<br />
petite-fille du bey le met en danger <strong>de</strong> mort :<br />
menacé, il fuit précipitamment en juin 1830.<br />
Il rejoint alors l’armée française qui s’apprête<br />
à envahir l’Algérie, participe à la prise<br />
d’Alger et à la conquête du pays… Youssouf<br />
le flamboyant est une conquête haute en<br />
couleurs, un récit trépidant, l’histoire poignante<br />
d’un homme dont la vie se confond<br />
avc la naissance <strong>de</strong> l’Algérie. C’est le quarante-huitième<br />
roman <strong>de</strong> l’auteur granvillais,<br />
Georges Fleury.<br />
Flammarion, <strong>2005.</strong><br />
<br />
Orages sur Calcutta<br />
d’Éric Le Nabour<br />
Depuis les années 1920, le nationalisme<br />
indien incarné par le Mahatma Gandhi progresse<br />
et la révolte gron<strong>de</strong> contre l’Empire<br />
britannique. Aussi lorsque la Secon<strong>de</strong><br />
Guerre mondiale éclate, les antagonismes<br />
ne font que s’exacerber.<br />
Entre Sanjay Pra<strong><strong>de</strong>s</strong>h et son frère Mardukar,<br />
récemment revenu d’Angleterre où il a étudié<br />
le droit, une forte opposition se fait<br />
jour. Autant l’aîné, Sanjay qui a repris la<br />
fabrique <strong>de</strong> cigarettes familiale se montre<br />
modéré, autant Mardukar ne craint pas d’afficher<br />
son radicalisme. Originaire <strong>de</strong> Caen,<br />
Éric Le Nabour dresse ici le portrait d’une<br />
civilisation et le récit <strong>de</strong> l’émergence <strong>de</strong><br />
l’In<strong>de</strong> mo<strong>de</strong>rne.<br />
Presses <strong>de</strong> la Cité, <strong>2005.</strong><br />
<br />
Victor Hugo et Juliette Drouet, 50 ans<br />
<strong>de</strong> lettres d’amour<br />
présenté par Gérard Pouchain<br />
Si la nuit du<br />
16 au 17<br />
février 1833<br />
recueillit la<br />
première<br />
étreinte <strong>de</strong><br />
Marius et<br />
Cosette dans<br />
Les<br />
Misérables,<br />
c’est parce<br />
qu’elle fut<br />
aussi la première<br />
nuit <strong>de</strong><br />
Victor Hugo<br />
et Juliette<br />
Drouet. Le<br />
commencement <strong>de</strong> cette passion amoureuse<br />
signe celui d’une correspondance fleuve<br />
entre les amants, attisée chaque année à la<br />
même époque par cette date anniversaire<br />
du 16 février. Ces lettres religieusement<br />
conservées occupent une place à part dans<br />
les relations épistolaires du couple. C’est<br />
pour eux Le Livre <strong>de</strong> l’anniversaire que<br />
Gérard Pouchain, universitaire, spécialiste <strong>de</strong><br />
Victor Hugo, publie aujourd’hui, accompagnant<br />
chaque missive <strong>de</strong> repères biographiques.<br />
Cette correspondance flamboyante<br />
ne prendra fin qu’à la mort <strong>de</strong> Juliette en<br />
1883. Hugo mourra <strong>de</strong>ux ans plus tard.<br />
<br />
Éditions Ouest-France, <strong>2005.</strong>
livres<br />
François <strong>de</strong> Malherbe,<br />
gentilhomme et poète<br />
<strong>de</strong> Gilles Henry<br />
Caen s’enorgueillit<br />
<strong>de</strong> ce<br />
que le grand<br />
réformateur <strong>de</strong><br />
la langue française<br />
soit né<br />
entre ses murs et<br />
célèbre donc<br />
cette année le<br />
450ème anniversaire<br />
<strong>de</strong> sa naissance.<br />
Le nom <strong>de</strong><br />
Malherbe (1555-<br />
1628) est aujourd’huiindissociable<br />
<strong>de</strong> la cité caennaise dont il fut élu échevin<br />
en 1594 et où il nomme aujourd’hui lieux<br />
et édifices. Mais c’est envers la langue française<br />
que le testament <strong>de</strong> François <strong>de</strong> Malherbe<br />
est le plus éloquent. Même s’il n’a laissé aucun<br />
traité théorique ou autre manifeste sur le<br />
sujet. « L’oeuvre poétique, selon lui, <strong>de</strong>vait<br />
possé<strong>de</strong>r la même rigueur logique que toute<br />
autre œuvre <strong>de</strong> l’esprit et sa signification<br />
<strong>de</strong>vait être accessible à tous. [… ] Malherbe<br />
simplifie, unifie, cherche le mot idoine, exclut<br />
l’hiatus et définit la césure. » Dans une biographie<br />
richement illustrée, Gilles Henry, luimême<br />
très attaché à la ville <strong>de</strong> Caen, revient<br />
sur le parcours et l’œuvre <strong>de</strong> Malherbe.<br />
Malherbe <strong>de</strong>viendra le poète officiel <strong>de</strong><br />
Henri IV mais le geste <strong>de</strong> Ravaillac interrompra<br />
cette carrière si longtemps attendue. En<br />
effet, Malherbe pourrait presque passer pour<br />
un homme attaché aux apparences. Porté «<br />
aux affaires <strong><strong>de</strong>s</strong> rois », il recherchait les honneurs<br />
<strong>de</strong> la cour et la pension qui allait avec.<br />
Mais c’est oublier trop vite l’homme meurtri<br />
par la mort <strong>de</strong> trois <strong>de</strong> ses enfants puis peu <strong>de</strong><br />
temps avant son propre décès, par l’emprisonnement<br />
et la mort d’un autre <strong>de</strong> ses fils, Marc-<br />
Antoine. Gilles Henry rend hommage à ce<br />
gentilhomme et poète qui inspira directement<br />
à Richelieu la création <strong>de</strong> l’Académie française<br />
en 1635.<br />
<br />
Éditions Cheminements, <strong>2005.</strong><br />
ESSAIS<br />
Robbe-Grillet, cinéaste<br />
Auteur <strong>de</strong> onze romans, Alain Robbe-Grillet<br />
a également réalisé neuf films <strong>de</strong> fiction, ironiques,<br />
brillants et séduisants (L’Immortelle,<br />
L’E<strong>de</strong>n et après, Glissements progressifs du<br />
plaisir, La Belle Captive…) et plusieurs cinéromans<br />
qui travaillent jusqu’au vertige la narration,<br />
l’imaginaire, le montage et interrogent<br />
la nature profon<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’image. Signés<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> spécialistes qui l’ont révélée hier et <strong>de</strong><br />
ceux qui pointent aujourd’hui la troublante<br />
actualité <strong>de</strong> cette dimension fondamentale<br />
(et parfois méconnue) <strong>de</strong> sa création, dix<br />
essais proposent ici <strong>de</strong> pertinentes lectures <strong>de</strong><br />
ces films étrangers aux co<strong><strong>de</strong>s</strong> du réalisme et<br />
éloignés du psychologisme dominant.<br />
<br />
Presses universitaires <strong>de</strong> Caen, <strong>2005.</strong><br />
PATRIMOINE<br />
Caen-Ouistreham,<br />
un port <strong>de</strong> commerce<br />
<strong>de</strong> Karine Le Petit<br />
Fruit d’une enquête ethnologique menée par<br />
Karine Le Petit auprès <strong><strong>de</strong>s</strong> différents acteurs<br />
du port <strong>de</strong> commerce, ce huitième et nouveau<br />
titre <strong>de</strong> la collection « Les carnets d’ici »<br />
présente un univers et <strong><strong>de</strong>s</strong> métiers contemporains<br />
souvent méconnus. Officiers <strong>de</strong> port,<br />
rondiers, éclusiers, marins <strong><strong>de</strong>s</strong> phares et<br />
balises, pilotes, lamaneurs, dockers… Depuis<br />
l’ouverture à la navigation du canal <strong>de</strong> Caen à<br />
la mer en 1857, l’activité du port <strong>de</strong> commerce<br />
n’a jamais cessé.<br />
<br />
<strong>Centre</strong> régional <strong>de</strong> culture ethnologique et technique<br />
<strong>de</strong> <strong>Basse</strong>-Normandie, <strong>2005.</strong><br />
CRL.<br />
Mes maisons d’écrivains - Tallandier / Magazine littéraire<br />
Des lieux à la lettre<br />
Évelyne Bloch-Dano collabore régulièrement au Magazine littéraire où<br />
elle écrit pour la rubrique consacrée aux maisons d’écrivains.<br />
Ses chroniques sont réunies pour la première fois dans un ouvrage.<br />
En haut, la maison d’Alain à Mortagne et la maison <strong>de</strong> Jacques Prévert dans le Cotentin.<br />
Ci-<strong><strong>de</strong>s</strong>sus, le Tertre, le domaine <strong>de</strong> Martin du Gard dans l’Orne.<br />
Pour chaque article, l’écriture est la<br />
même, élégante et juste, guidée par le regard et<br />
l’intuition. Comme Bachelard, Évelyne Bloch-Dano<br />
pense que « la maison est un état d’âme ». C’est<br />
donc et le lieu et la sensibilité <strong>de</strong> celui qui l’a habitée<br />
qu’elle souhaite rendre dans ses chroniques du<br />
Magazine littéraire, croisant les faits et ses observations,<br />
ses impressions. Chaque mois, elle nous<br />
fait partager ses rencontres avec ces maisons<br />
d’écrivains, <strong>de</strong>venues parfois musées, préservées<br />
par <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>cendants vigilants, <strong><strong>de</strong>s</strong> admirateurs persévérants.<br />
« J’aime lire un peu avant <strong>de</strong> visiter, et<br />
beaucoup après. Dans mes promena<strong><strong>de</strong>s</strong>, même si<br />
par scrupule <strong>de</strong> biographe et <strong>de</strong> journaliste, je<br />
traque le détail vrai et me force à observer et à restituer<br />
le plus exactement possible le décor, mon<br />
regard intérieur, lui, suit sa propre piste, et s’échappe<br />
vers les mots, les livres, tout cet univers symbolique<br />
propre à l’écrivain qui s’inscrit dans une atmosphère,<br />
dans un cadre, dans les objets parfois. »<br />
Chaque visite – mais est-ce le mot qui convient ? –<br />
est plaisir pour la journaliste comme pour ses lecteurs.<br />
Accrochés à ses pas, nous voyons Sand dans<br />
Nohant, lieu métonymique. L’intérieur rudimentaire<br />
d’Alexandra David-Néel à Digne nous conforte dans<br />
cette image que nous nous étions forgée d’elle :<br />
voyageuse intrépi<strong>de</strong>, rompue à la vie du campement<br />
et du monastère tibétain. Intimidés, nous<br />
franchissons le seuil <strong>de</strong> la mythique Mbogani, la<br />
ferme kenyane <strong>de</strong> Karen Blixen. À Saint-Sauveur-en-<br />
Puisaye, il nous semble mieux comprendre Colette.<br />
« Parcourir ce musée d’écriture, c’est apprendre<br />
pas à pas à lire ses livres. » Et <strong>de</strong> découvrir encore<br />
l’école chaleureuse <strong>de</strong> René Guy Cadou. Le minuscule<br />
bureau d’où jaillit paradoxalement l’œuvre<br />
octobre 2005 - livre / échange 14<br />
immense <strong>de</strong> Balzac. La maison théâtre <strong>de</strong> Loti à<br />
Rochefort. La maison, « scène et décor », <strong>de</strong><br />
Hauteville House à l’image <strong>de</strong> l’œuvre hugolienne,<br />
immense et hyperbolique, est telle une nouvelle<br />
feuille à noircir : les murs sont recouverts <strong>de</strong> citations,<br />
<strong>de</strong> vers.<br />
Les interactions entre la <strong>de</strong>meure et l’œuvre d’un<br />
écrivain sont quasi naturelles et multiples : lieu<br />
paisible où écrire, béquille contre laquelle s’adosser,<br />
où se reposer, espace à construire comme on<br />
édifie une œuvre. Pour le lecteur, la maison <strong>de</strong><br />
l’écrivain peut être le préambule ou le prolongement<br />
<strong>de</strong> l’œuvre. « Tenter <strong>de</strong> saisir les liens entre<br />
un lieu et une écriture, tel est le propos <strong>de</strong> ces<br />
pages », confie Évelyne Bloch-Dano. Et l’on sourit<br />
<strong>de</strong> savoir qu’elle-même vient régulièrement se réfugier<br />
sur une terre d’écrivains, l’Orne <strong>de</strong> Mirbeau,<br />
Martin du Gard, Alain et <strong>de</strong> la Comtesse <strong>de</strong> Ségur…<br />
Le recueil <strong><strong>de</strong>s</strong> chroniques d’Évelyne Bloch-Dano est<br />
bien plus qu’une compilation. Il fait affleurer l’homme<br />
ou la femme <strong>de</strong>rrière chaque auteur(e). Il dit<br />
toute la richesse <strong>de</strong> notre patrimoine. Il est un voyage<br />
en littérature.<br />
<br />
Nathalie Colleville<br />
Mes maisons d’écrivains, Évelyne Bloch-Dano, Tallandier /Magazine<br />
littéraire, <strong>2005.</strong><br />
Évelyne Bloch-Dano sera l’invitée <strong><strong>de</strong>s</strong> Amis <strong>de</strong> la bibliothèque<br />
<strong>de</strong> Caen le 15 octobre à 15h pour un débat animé<br />
par Gérard Poulouin. Ren<strong>de</strong>z-vous à la bibliothèque <strong>de</strong><br />
Caen-la-mer, Place Louis-Guillouard. Elle y évoquera<br />
notamment ce <strong>de</strong>rnier ouvrage mais aussi les biographies<br />
qu’elle a consacrées à <strong><strong>de</strong>s</strong> femmes : Madame<br />
Zola, Flora Tristan et Madame Proust (Grasset).<br />
Petite suite cherbourgeoise - Éditions du Rocher<br />
Pas <strong>de</strong> trois dans les rues<br />
<strong>de</strong> Cherbourg<br />
Suite aux ateliers d’écriture <strong><strong>de</strong>s</strong> Mercurielles à Cherbourg en 2002,<br />
les éditions du Rocher publient les trois nouvelles <strong><strong>de</strong>s</strong> auteurs invités.<br />
Dans un Cherbourg<br />
bien réel, trois auteurs se passent<br />
le mot, les mots pour une<br />
Petite suite inédite. Invités en<br />
rési<strong>de</strong>nce à Cherbourg 2002 lors<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> Mercurielles, manifestation<br />
autour <strong><strong>de</strong>s</strong> ateliers d’écriture<br />
soutenue notamment par le CRL,<br />
Frédérick Tristan, Georges-Olivier<br />
Châteaureynaud et Hubert<br />
Haddad s’emparent <strong>de</strong> la ville<br />
dans trois récits où l’humour le<br />
dispute au désenchantement.<br />
Les trois nouvelles s’empruntent<br />
respectivement quelques héros,<br />
quelques phrases et s’approprient<br />
la ville cherbourgeoise.<br />
Le Renversement <strong>de</strong> Frédérick<br />
Tristan conte le rôle salvateur<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> livres et <strong>de</strong> l’écriture. Pour<br />
fuir un mon<strong>de</strong> bourgeois et un<br />
mariage sans amour, Alberte <strong>de</strong><br />
Chavreul se réfugie dans les<br />
livres. Ce sont les livres encore<br />
qui l’éva<strong>de</strong>ront <strong>de</strong> l’hôpital psychiatrique<br />
où on l’a internée. Et<br />
quand les livres manqueront,<br />
c’est l’écriture qui prendra le<br />
relais. Un récit rapi<strong>de</strong>ment mené<br />
avec ce qu’il faut <strong>de</strong> moquerie.<br />
Deuxième mouvement : Frédérick<br />
Tristan se retrouve héros du récit<br />
imaginé par Georges-Olivier<br />
Châteaureynaud. Récit où il croise<br />
Alberte, l’héroïne <strong>de</strong> sa<br />
propre nouvelle… L’Impromptu<br />
<strong>de</strong> Cherbourg, loufoque, nous<br />
présente un improbable cortège,<br />
celui <strong><strong>de</strong>s</strong> membres <strong>de</strong> la<br />
Nouvelle Fiction, en<br />
fuite pour l’on ne<br />
sait où à côté d’une<br />
comtesse qui voyage<br />
avec <strong><strong>de</strong>s</strong> valises<br />
remplies <strong>de</strong> gin et<br />
d’un homme cherchant<br />
à vendre une<br />
horloge comtoise<br />
qui… Mais non ce<br />
serait trop long à<br />
raconter… Si, juste<br />
une chose : dans<br />
leur périple, ils croisent<br />
Azadi, jeune<br />
réfugié kur<strong>de</strong> à la<br />
recherche d’un travail.<br />
La Gran<strong>de</strong><br />
Usine là-bas pourrait<br />
le lui offrir…<br />
C’est cette histoire<br />
mélancolique et dure<br />
que relate Hubert<br />
Haddad. L’Ange dans<br />
le chaudron dit avec<br />
poésie le sort d’un sans papier - «<br />
dans ce mon<strong>de</strong>, un cœur qui bat<br />
n’est pas un permis <strong>de</strong> séjour » -,<br />
l’hostilité <strong><strong>de</strong>s</strong> autres à son égard<br />
et tout ça sur fond d’usine<br />
nucléaire. Presque un défi d’écriture<br />
et au final, un récit émouvant.<br />
Tiens d’ailleurs dans cette<br />
usine, il y avait un Chavreul<br />
comme… Le mon<strong>de</strong> est petit et<br />
les vies très gran<strong><strong>de</strong>s</strong>. Ce pourrait<br />
être la conclusion <strong>de</strong> cette Petite<br />
suite cherbourgeoise. À vous <strong>de</strong><br />
poursuivre !<br />
Éditions du Rocher, 2004.<br />
Quartiers d’orange - Éditions Thierry Magnier<br />
Frédérick Tristan, Georges-Olivier<br />
Châteaureynaud et Hubert Haddad<br />
ont été accueillis en rési<strong>de</strong>nce à<br />
Cherbourg en 2002, à l’initiative <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
Mercurielles, le réseau <strong><strong>de</strong>s</strong> ateliers<br />
d’écriture <strong>de</strong> la Communauté urbaine<br />
<strong>de</strong> Cherbourg. Les Mercurielles<br />
bénéficient du soutien du <strong>Centre</strong><br />
régional <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Lettres</strong> <strong>de</strong> <strong>Basse</strong>-<br />
Normandie.<br />
La vie comme un quartier d’orange...<br />
Petra grandit doucement dans un<br />
village d’Andalousie auprès d’un<br />
grand-père bienveillant. Chaque matin,<br />
elle se réveille au son <strong>de</strong> la voix <strong>de</strong><br />
Pepe Juanito et du doux parfum du<br />
quartier d’orange qu’il lui tend…<br />
L’enfance <strong>de</strong> Petra est ainsi, douce et<br />
ron<strong>de</strong> comme le fruit jusqu’à ce qu’elle<br />
en prenne aussi le goût acidulé,<br />
lorsque Pepe Juanito tombe mala<strong>de</strong>…<br />
Les illustrations aux couleurs acidulées<br />
<strong>de</strong> Natali Fortier disent tout cela :<br />
le bonheur et le chagrin <strong>de</strong> la petite<br />
fille, la tendresse nostalgique <strong>de</strong> la<br />
jeune femme qu’elle <strong>de</strong>viendra à l’évocation<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> oranges <strong>de</strong> son grand-père.<br />
Originaire <strong>de</strong> Caen, Françoise Legendre<br />
est actuellement conservatrice générale<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> Bibliothèques <strong>de</strong> Rouen. Elle est<br />
déjà l’auteure d’un roman pour adultes<br />
et <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux ouvrages jeunesse. Elle<br />
signe ici un texte très doux et délicat<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong>tiné aux jeunes lecteurs..<br />
<br />
<br />
Quartiers d’orange, Françoise Legendre et<br />
Natali Fortier, éditions Thierry Magnier, 2005<br />
octobre 2005 - livre / échange 15<br />
CRL<br />
Hubert Haddad<br />
JEUNESSE<br />
/<br />
Livres<br />
Dernières nouvelles<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> cabines <strong>de</strong> bois<br />
d’Ann Rocard<br />
Ann Rocard habite tout près <strong><strong>de</strong>s</strong> plages norman<strong><strong>de</strong>s</strong><br />
qui abritent ces cabines <strong>de</strong> bois.<br />
Dans un nouveau livre, elle imagine une<br />
série <strong>de</strong> portraits, d’instantanés liés à ces<br />
espaces minuscules : lieu <strong>de</strong> l’action, éléments<br />
<strong>de</strong> décor. Parfois castelet ou boîte <strong>de</strong><br />
Pandore. À chaque porte, un nouvel univers.<br />
Dernières nouvelles <strong><strong>de</strong>s</strong> cabines <strong>de</strong> bois réunit<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> textes aux registres très différents :<br />
dramatiques, fantastiques parfois, drôles<br />
souvent, mais toujours sensibles et émouvantes.<br />
<br />
ART<br />
Éditions Charles Corlet, <strong>2005.</strong><br />
Cuisine et peinture au Louvre<br />
<strong>de</strong> Séverine Quoniam et Yves Pinard<br />
Originaire <strong>de</strong> Caen, juriste et diplômée en<br />
histoire <strong>de</strong> l’art et muséologie, Séverine<br />
Quoniam cosigne avec le chef Yves Pinard,<br />
ce très bel ouvrage qui <strong>de</strong>vrait ravir papilles<br />
et pupilles. L’ouvrage retient quelques-uns<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> plus beaux tableaux du Louvre qui ont<br />
trait aux plaisirs <strong>de</strong> la table. Chaque œuvre<br />
est commentée par les <strong>de</strong>ux auteurs et <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
recettes <strong>de</strong> cuisine alléchantes accompagnent<br />
textes et reproductions. Un très bel<br />
ouvrage pour ouvrir les yeux et l’appétit.<br />
<br />
Éditions Glénat, 2004.<br />
PHOTOGRAPHIE<br />
Cherbourg… en escale<br />
<strong>de</strong> Dominique Gros<br />
Sur la digue du large ou sur la ra<strong>de</strong>, dans<br />
l’ancienne gare transatlantique et sur les<br />
quais, dans les jardins exotiques et dans les<br />
rues, Dominique Gros nous tire par la<br />
manche et nous fait visiter un autre<br />
Cherbourg… Scènes <strong>de</strong> vie, <strong>de</strong> quartiers,<br />
détails captés par l’objectif répon<strong>de</strong>nt à <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
textes informatifs mais néanmoins élégants.<br />
Dominique Gros signe textes et photos <strong>de</strong> ce<br />
bel ouvrage.<br />
<br />
Le vent qui passe, <strong>2005.</strong><br />
Quai <strong><strong>de</strong>s</strong> songes<br />
<strong>de</strong> Daniel Juré<br />
Sur les photographies <strong>de</strong> Daniel Juré, tout<br />
est affaire <strong>de</strong> départ et d’arrivée. Les navires<br />
sont à quai, soli<strong>de</strong>ment amarrés par <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
filins comme d’impatients zeppelins qu’on<br />
empêcherait <strong>de</strong> s’envoler. Les crépuscules<br />
sereins sur les clochers, au loin, font<br />
remettre l’appareillage au len<strong>de</strong>main.<br />
Encore un jour, une nuit à terre, à l’attache,<br />
une escale. Sur ce quai du port <strong>de</strong> Caen, le<br />
temps s’est arrêté et gît en tas pointu <strong>de</strong><br />
scories comme le sable dans un sablier.<br />
Relâche. Le voyage peut commencer.<br />
<br />
Les Cahiers du temps, <strong>2005.</strong>