La convention pluriannuelle de pâturage - Le Journal des Maires
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Jdm7_61-62_FT <strong>convention</strong> <strong>pâturage</strong> 7/07/05 13:01 Page 61<br />
<strong>La</strong> loi du 23 février 2005 sur le développement <strong>de</strong>s territoires<br />
ruraux (voir le <strong>Journal</strong> <strong>de</strong>s <strong>Maires</strong>, mai 2005, p. 39<br />
et suivantes) a assoupli le dispositif <strong>de</strong>s <strong>convention</strong>s <strong>pluriannuelle</strong>s<br />
<strong>de</strong> <strong>pâturage</strong>. Il est désormais possible <strong>de</strong><br />
consentir un tel bail, même à défaut d’arrêté préfectoral<br />
déterminant les conditions <strong>de</strong> prix et <strong>de</strong> durée, celle-ci<br />
étant désormais d’au moins 5 ans. <strong>Le</strong> point sur le régime<br />
juridique applicable à ces <strong>convention</strong>s <strong>de</strong>puis les récentes<br />
modifications législatives.<br />
1. Un territoire élargi<br />
AFFAIRES RURALES<br />
<strong>La</strong> <strong>convention</strong> <strong>pluriannuelle</strong> <strong>de</strong> <strong>pâturage</strong><br />
Traditionnellement, les <strong>convention</strong>s <strong>pluriannuelle</strong>s <strong>de</strong> <strong>pâturage</strong><br />
(CPP) étaient limitées aux seules zones <strong>de</strong> montagne<br />
et d’économie pastorale ou extensive. <strong>La</strong> loi du 23 janvier<br />
1990 avait permis <strong>de</strong> mettre en place <strong>de</strong>s <strong>convention</strong>s <strong>pluriannuelle</strong>s<br />
d’exploitation agricole. <strong>La</strong> loi du 23 février 2005<br />
(art. 121) ouvre le champ d’application <strong>de</strong>s CPP aux forêts<br />
domaniales et à celles <strong>de</strong>s collectivités locales. L’article<br />
L. 481-3 du Co<strong>de</strong> rural modifié précise que « les espaces à<br />
usage <strong>de</strong> <strong>pâturage</strong> extensif saisonnier et relevant du régime<br />
forestier peuvent donner lieu à l’établissement <strong>de</strong><br />
<strong>convention</strong>s <strong>pluriannuelle</strong>s <strong>de</strong> <strong>pâturage</strong> prévues aux articles<br />
L. 481-1 et L. 481-2 ». <strong>Le</strong>s forêts relevant du régime<br />
forestier sont celles appartenant à <strong>de</strong>s collectivités locales,<br />
<strong>de</strong>s établissements publics, <strong>de</strong>s sociétés mutualistes, <strong>de</strong>s<br />
caisses d’épargne. <strong>Le</strong>s éleveurs pourront ainsi disposer<br />
d’espaces supplémentaires, et la collectivité aura, par le<br />
<strong>pâturage</strong>, un moyen extensif et écologique d’entretien <strong>de</strong><br />
ses espaces boisés.<br />
<strong>La</strong> nécessité d’un arrêté préfectoral a longtemps été une<br />
condition nécessaire à la qualification <strong>de</strong> <strong>convention</strong> <strong>pluriannuelle</strong><br />
<strong>de</strong> <strong>pâturage</strong> (Rép. min. à la QE n° 371, JO Sénat<br />
(Q) du 12 août 1993, p. 1383). <strong>La</strong> Cour <strong>de</strong> cassation, par un<br />
arrêt du 23 mars 2003 (Pollet c/ commune <strong>de</strong> Villard-sur-<br />
Doron) a censuré sa 3 e chambre civile (21 juin 2000) et validé<br />
une CPP alors que l’arrêté préfectoral concerné était<br />
incomplet, car dépourvu <strong>de</strong> mention relative à la durée du<br />
contrat. Cette exigence, qui constituait un frein, est assouplie,<br />
et il convient <strong>de</strong> distinguer selon le zonage.<br />
Ainsi, la CPP est possible :<br />
☛ dans les communes classées en zone <strong>de</strong> montagne<br />
définies par l’article R. 113-14 du Co<strong>de</strong> rural (art. 120 <strong>de</strong> la<br />
loi). Il s’agit <strong>de</strong>s communes ou parties <strong>de</strong> communes caractérisées<br />
par une limitation considérable <strong>de</strong>s possibilités d’utilisation<br />
<strong>de</strong>s terres et un accroissement important <strong>de</strong>s coûts<br />
<strong>de</strong>s travaux dus selon les cas :<br />
✗ à l’existence, en raison <strong>de</strong> l’altitu<strong>de</strong>, <strong>de</strong> conditions climatiques<br />
très difficiles, se traduisant par une pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> végétation<br />
sensiblement raccourcie ;<br />
✗ à la présence à une moindre altitu<strong>de</strong>, dans la majeure<br />
partie du territoire, <strong>de</strong> fortes pentes, telles que la mécanisation<br />
ne soit pas possible ou bien nécessite l’utilisation<br />
d’un matériel particulier très onéreux ;<br />
✗ à la combinaison <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux facteurs, lorsque l’importance<br />
du handicap résultant <strong>de</strong> chacun d’eux pris séparément<br />
est moins accentuée ; dans ce cas, le handicap résultant <strong>de</strong><br />
cette combinaison doit être équivalent à celui qui découle<br />
<strong>de</strong>s situations ci-<strong>de</strong>ssus mentionnées.<br />
☛ dans les espaces à usage <strong>de</strong> <strong>pâturage</strong> extensif saisonnier<br />
<strong>de</strong>s forêts domaniales et les forêts <strong>de</strong>s collectivités locales<br />
et établissements publics relevant du régime forestier<br />
(art. 121).<br />
Cette faculté <strong>de</strong> conclure <strong>de</strong>s <strong>convention</strong>s <strong>pluriannuelle</strong>s<br />
<strong>de</strong> <strong>pâturage</strong> dans les forêts du domaine <strong>de</strong> l’Etat ou relevant<br />
du Co<strong>de</strong> forestier est facilitée par la loi du 23 février 2005.<br />
En effet, préalablement, les articles L. 137-1 et L. 146-1 du<br />
Co<strong>de</strong> forestier imposaient une procédure <strong>de</strong> concession<br />
avec appel <strong>de</strong> candidatures et avis d’une commission mixte<br />
composée <strong>de</strong> représentants <strong>de</strong> l’Office national <strong>de</strong>s<br />
forêts (ONF) et d’exploitants agricoles. Ce mo<strong>de</strong> opératoire<br />
est lourd et inopérant en raison du peu (ou <strong>de</strong> l’absence)<br />
<strong>de</strong> concurrence pour l’attribution <strong>de</strong> l’espace boisé en<br />
CPP. L’article L. 481-3 du Co<strong>de</strong> rural, modifié, permet désormais<br />
la conclusion <strong>de</strong> CPP sans être assujetti à la lour<strong>de</strong>ur<br />
<strong>de</strong> la procédure d’attribution.<br />
En outre, l’article L. 481-4 du Co<strong>de</strong> rural dispose désormais<br />
que « lorsque <strong>de</strong>s espaces à usage <strong>de</strong> <strong>pâturage</strong> extensif saisonnier<br />
inclus dans le périmètre d’une association foncière<br />
pastorale (AFP) relèvent du régime forestier, leur utilisation<br />
est concédée à l’AFP qui les met à la disposition <strong>de</strong>s<br />
éleveurs » par CPP dans les conditions précisées à l’article<br />
L. 481-1 du Co<strong>de</strong> rural.<br />
2. Une durée minimum <strong>de</strong> 5 ans<br />
<strong>Le</strong> « bail pastoral » déroge au statut du fermage et n’est<br />
donc pas soumis au statut <strong>de</strong>s baux ruraux (dont la durée<br />
est nécessairement d’au moins 9 ans). Mais cela découle <strong>de</strong><br />
Conventions en <strong>de</strong>hors<br />
<strong>de</strong>s zones <strong>de</strong> montagne<br />
fiches techniques<br />
suite page 62 ><br />
L’article 120 <strong>de</strong> la loi du 23 février 2005 rend désormais<br />
possible la conclusion d’une <strong>convention</strong> <strong>pluriannuelle</strong><br />
<strong>de</strong> <strong>pâturage</strong> en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong>s zones <strong>de</strong> montagne. Toutefois,<br />
le territoire autorisé doit être nécessairement fixé<br />
par arrêté préfectoral, après avis <strong>de</strong> la chambre d’agriculture<br />
(et non plus <strong>de</strong> la commission départementale<br />
d’orientation agricole). Cet arrêté définit les espaces<br />
<strong>de</strong>stinés à un <strong>pâturage</strong> extensif saisonnier, ainsi que la<br />
durée et le loyer <strong>de</strong>s CPP.<br />
www.journal<strong>de</strong>smaires.com – juillet-août 2005 – <strong>Journal</strong> <strong>de</strong>s <strong>Maires</strong> – 61
Jdm7_61-62_FT <strong>convention</strong> <strong>pâturage</strong> 7/07/05 13:01 Page 62<br />
fiches techniques<br />
> suite <strong>de</strong> la page 61<br />
la volonté expresse <strong>de</strong>s parties appréciée souverainement<br />
par le juge compétent, c’est-à-dire le tribunal paritaire <strong>de</strong>s<br />
baux ruraux (art. L. 481-2 du Co<strong>de</strong> rural). Il convient donc<br />
d’être précis dans la rédaction (non imposée par la loi) du<br />
contrat, qui revêt, cependant, une incontestable utilité<br />
comme instrument <strong>de</strong> preuve <strong>de</strong> cette volonté. En effet, le<br />
bail rural est juridiquement possible, même lorsque le preneur<br />
n’a pas accès aux terres pendant certaines pério<strong>de</strong>s.<br />
Tel peut être le cas <strong>de</strong> la vente d’herbe qui permet le pacage<br />
<strong>de</strong>s animaux pendant une seule saison.<br />
<strong>La</strong> <strong>convention</strong> <strong>pluriannuelle</strong> <strong>de</strong> <strong>pâturage</strong> (CPP) apparaît<br />
ainsi comme une <strong>convention</strong> <strong>de</strong> droit commun régie par les<br />
dispositions <strong>de</strong>s articles 1714 et suivants du Co<strong>de</strong> civil et par<br />
l’article L. 481-1 du Co<strong>de</strong> rural. Mais la loi du 23 février 2005<br />
impose désormais une durée minimum <strong>de</strong> 5 ans, afin <strong>de</strong><br />
permettre à l’exploitant <strong>de</strong> satisfaire les engagements agrienvironnementaux<br />
pris nécessairement pour cette pério<strong>de</strong><br />
quinquennale, notamment dans le cadre <strong>de</strong>s contrats d’agriculture<br />
durable (voir le JdM d’avril 2005, p. 59) ou éligibles<br />
à l’in<strong>de</strong>mnité compensatoire <strong>de</strong> handicap naturel (ICHN).<br />
Ainsi, la CPP est conclue pour une durée d’au moins 5 ans<br />
et un loyer inclus dans les limites fixées pour les <strong>convention</strong>s<br />
<strong>de</strong> l’espèce par arrêté préfectoral, après avis <strong>de</strong> la<br />
chambre d’agriculture (mais, à défaut d’arrêté publié, la<br />
durée est alors <strong>de</strong> 5 ans).<br />
<strong>La</strong> CPP a une durée limitée et le bailleur n’est pas tenu <strong>de</strong><br />
donner congé ou <strong>de</strong> satisfaire quelque préavis (sauf disposition<br />
contractuelle contraire). <strong>Le</strong> preneur doit donc libérer<br />
les lieux à échéance, mais à défaut et si le bailleur ne réagit<br />
pas, la <strong>convention</strong> se renouvelle tacitement pour une<br />
durée <strong>de</strong> 5 ans.<br />
3. Un loyer encadré<br />
Conformément aux dispositions <strong>de</strong> l’article L. 484-1 du<br />
Co<strong>de</strong> rural, le prix du loyer est encadré par l’arrêté préfectoral,<br />
qui en fixe les limites. Si le loyer excè<strong>de</strong> les maxima<br />
autorisés, la <strong>convention</strong> <strong>pluriannuelle</strong> sera requalifiée<br />
par le juge en bail rural (Cass. civ. 3, 19 décembre 2000,<br />
n° 99-10798).<br />
A défaut d’arrêté, la valeur est déterminée par référence<br />
aux prix maxima et minima prévus par le statut du fermage<br />
(art. L. 411-11).<br />
L’article L. 411-15 du Co<strong>de</strong> rural a prévu un mo<strong>de</strong> particulier<br />
lorsque le bailleur est une personne morale <strong>de</strong><br />
droit public (commune, association foncière pastorale<br />
autorisée…), selon le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> conclusion du bail :<br />
☛ à l’amiable, le prix du fermage doit être compris entre<br />
les maxima et les minima prévus à l’article L. 411-11 ;<br />
☛ par adjudication : les enchères sont arrêtées dès que le<br />
prix offert pour le fermage atteint le montant maximum<br />
fixé par l’article L. 411-11. Dans ce cas, tous les enchérisseurs<br />
peuvent se porter preneur au prix maximum. En cas<br />
<strong>de</strong> pluralité d’enchérisseurs à ce prix, la commune-bailleur<br />
choisit parmi les enchérisseurs le bénéficiaire <strong>de</strong> la CPP. Elle<br />
peut aussi procé<strong>de</strong>r par tirage au sort.<br />
62 – <strong>Journal</strong> <strong>de</strong>s <strong>Maires</strong> – juillet-août 2005 – www.journal<strong>de</strong>smaires.com<br />
AFFAIRES RURALES<br />
4. <strong>La</strong> priorité d’attribution<br />
> <strong>La</strong> commune est propriétaire<br />
Lorsque le propriétaire-bailleur est une personne morale<br />
<strong>de</strong> droit public, le choix <strong>de</strong> l’exploitant n’est pas libre. Il<br />
relève <strong>de</strong>s modalités du même article L. 411-15 du Co<strong>de</strong><br />
rural, qui réserve, quel que soit le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> conclusion <strong>de</strong><br />
la CPP :<br />
✗ une priorité aux exploitants qui réalisent une installation.<br />
De plus, celle-ci doit bénéficier <strong>de</strong> la dotation aux jeunes<br />
agriculteurs (DJA) ;<br />
✗ à défaut, aux exploitants <strong>de</strong> la commune répondant aux<br />
conditions <strong>de</strong> capacité professionnelle et <strong>de</strong> superficie<br />
(art. L. 331-2).<br />
A noter ■ Pour être exploitant <strong>de</strong> la commune, il suffit d’avoir <strong>de</strong>s<br />
terres en propriété ou en jouissance sur le territoire, mais pas nécessairement<br />
le siège d’exploitation ou le domicile (Rép. min. à la QE<br />
n° 17703, JO Sénat (Q) du 26 décembre 1996).<br />
> <strong>Le</strong> propriétaire est une section <strong>de</strong> commune<br />
<strong>La</strong> section <strong>de</strong> commune est une portion du territoire communal<br />
possédant à titre permanent et exclusif <strong>de</strong>s biens ou<br />
<strong>de</strong>s droits distincts <strong>de</strong> ceux <strong>de</strong> la commune. Ils peuvent être<br />
mobiliers ou immobiliers et relèvent du domaine privé <strong>de</strong><br />
la section. <strong>Le</strong>ur gestion incombe à la commission syndicale<br />
et à son prési<strong>de</strong>nt. A défaut, c’est au conseil municipal et<br />
au maire <strong>de</strong> rattachement <strong>de</strong> la section.<br />
<strong>La</strong> loi <strong>de</strong> développement <strong>de</strong>s territoires ruraux, lorsque le<br />
propriétaire-bailleur est une section <strong>de</strong> commune (art.<br />
L. 2411-10 du Co<strong>de</strong> général <strong>de</strong>s collectivités territoriales),<br />
a clarifié l’ordre d’attribution en instituant la hiérarchie<br />
suivante :<br />
✗ priorité au profit <strong>de</strong>s exploitants ayant un domicile réel<br />
et fixe ainsi que le siège d’exploitation sur la section et, le<br />
cas échéant, au profit <strong>de</strong>s exploitants ayant un bâtiment<br />
d’exploitation hébergeant pendant la pério<strong>de</strong> hivernale<br />
leurs animaux sur la section. L’expression « le cas échéant »<br />
crée une hiérarchie, puisque les exploitants visés ne bénéficient<br />
que du reliquat <strong>de</strong>s biens à attribuer ;<br />
✗ à défaut, au profit <strong>de</strong>s personnes exploitant <strong>de</strong>s biens sur<br />
le territoire <strong>de</strong> la section et résidant sur le territoire <strong>de</strong> la<br />
section ;<br />
✗ à titre subsidiaire, au profit <strong>de</strong>s personnes exploitant seulement<br />
<strong>de</strong>s biens sur le territoire <strong>de</strong> la section.<br />
<strong>La</strong> loi du 23 février 2005 permet au conseil municipal ou à<br />
la commission syndicale <strong>de</strong> reprendre <strong>de</strong>s biens sectionnaux<br />
en fin <strong>de</strong> contrat, lorsque le preneur d’un bail ne remplit<br />
plus les conditions d’attribution du lot.<br />
A noter ■ <strong>Le</strong> bien sectionnal peut être également loué par « bail rural »<br />
et non plus seulement par « bail à ferme », ce qui comprend donc, désormais,<br />
le bail emphytéotique et les <strong>convention</strong>s <strong>de</strong> mise à disposition<br />
– par le biais <strong>de</strong> la SAFER, par exemple (art. L. 142-6 du Co<strong>de</strong> rural).<br />
Michel Casassus<br />
chargé d’enseignement en DESS <strong>de</strong> droit agricole<br />
université Paris I - Panthéon Sorbonne