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Groupe Consensus Attitudes Il faut hospitaliser les AVC en unité neurovasculaire L’épidémiologie des AVC : le Registre dijonnais Sténose serrée de la bifurcation carotidienne : quelle place pour le traitement endovasculaire ? Prévention des accidents thromboemboliques cérébraux Prévention secondaire après un infarctus cérébral ou un AIT non cardio-emboliques Démences vasculaires : le traitement antihypertenseur est essentiel Cas clinique Stenting carotidien et chirurgie cardiaque Congrès Session commune Société française de cardiologie-Société française neuro-vasculaire Art & Cœur La destruction d’un cœur de rubis par Jacques Prévert NEUROVASCULAIRE ÉDITION SPÉCIALE ● ●
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Groupe <strong>Consensus</strong><br />
Attitudes<br />
Il faut hospitaliser les AVC en unité<br />
neurovasculaire<br />
L’épidémiologie des AVC : le Registre dijonnais<br />
Sténose serrée de la bifurcation<br />
carotidienne : quelle place pour le<br />
traitement endovasculaire ?<br />
Prévention des accidents<br />
thromboemboliques<br />
cérébraux<br />
Prévention secondaire après un infarctus<br />
cérébral ou un AIT non cardio-emboliques<br />
Démences vasculaires : le traitement<br />
antihypertenseur est essentiel<br />
Cas clinique<br />
Stenting carotidien et chirurgie cardiaque<br />
Congrès<br />
Session commune Société française<br />
de cardiologie-Société française<br />
neuro-vasculaire<br />
Art & Cœur<br />
La destruction d’un cœur de rubis<br />
par Jacques Prévert<br />
NEUROVASCULAIRE<br />
ÉDITION SPÉCIALE<br />
● ●
Rédacteur en chef<br />
Nicolas Danchin<br />
Comité éditorial<br />
Éric Abergel<br />
Christophe Bauters<br />
Stéphane Cosson<br />
Nicolas Danchin<br />
Jean-Noël Fabiani<br />
François Luizy<br />
Jean-Michel Mallion<br />
Jean-Jacques Mourad<br />
Comité scientifique<br />
et de lecture<br />
Loïc Belle<br />
Alain Berrebi<br />
Didier Blanchard<br />
Eric Bruckert<br />
Philippe Buffet<br />
Romain Cador<br />
Yves Cottin<br />
Nicolas Danchin<br />
Denis Duboc<br />
Laurent Fauchier<br />
Pascal Guéret<br />
Alain Hagège<br />
Yves Juillière<br />
Serge Kownator<br />
Jean-François Leclercq<br />
Jean-Yves Le Heuzey<br />
Nicolas Méneveau<br />
Hugues Milon<br />
François Philippe<br />
Pascal Poncelet<br />
Hanna Raffoul<br />
Simon Weber<br />
Directeur de la publication<br />
Yves Nadjari<br />
Directeur médical<br />
Anne Teyssédou-Mairé<br />
Éditeurs<br />
Alexandre Nadjari<br />
Fabrice Nadjari<br />
Secrétaire de rédaction<br />
Virginie Condamine<br />
Chargée de clientèle<br />
Muriel Fixot<br />
Coordination commerciale<br />
Valérie Renouf<br />
Congrès<br />
Jiriane Kouevi<br />
Christine Salinas<br />
Rédactrice graphiste<br />
Lara Eve<br />
Groupe <strong>Consensus</strong><br />
MEDIQUID, 122, rue d’Aguesseau,<br />
92641 Boulogne-Billancourt Cedex<br />
Téléphone : 01 55 38 91 85<br />
Rédaction : redaction@mediquid.fr<br />
Publicité : publicite@mediquid.fr<br />
Editorial<br />
ISSN : 1767-5162<br />
Site internet : www.consensus-medical.com<br />
Corlet Imprimeur SA - ZI, route de Vire<br />
14110 Condé-sur-Noireau, France<br />
Prix au numéro : 4,50 €<br />
CONSENSUS CARDIO pour le praticien - N° 40 Juin 2008<br />
Si les bienfaits du sport sur la santé sont - à mon sens - contestables, ses effets favorables<br />
sur le système cardiovasculaire sont indéniables. Pourtant, il est des circonstances où le<br />
sport peut majorer le risque d'accident cardiaque, comme cela a été bien démontré dans<br />
une étude allemande de qualité parue il y a peu (1) …<br />
Dans leur travail épidémiologique, les auteurs ont analysé la survenue des accidents cardiovasculaires<br />
(infarctus, mort subite, troubles du rythme ventriculaire graves) dans la région de Munich<br />
pendant la Coupe du monde de football de 2006. L'analyse a été détaillée, séparant les jours où<br />
l'équipe d'Allemagne avait joué des jours où elle n'était pas sur le terrain, et comparant la fréquence<br />
des événements à celle de plusieurs périodes contrôles : mois précédant et suivant la<br />
Coupe du monde en 2006, et mêmes mois (juin-juillet) de 2003 et 2005. L'année 2004 a été intentionnellement<br />
« oubliée » car avait lieu aux mêmes dates une coupe d'Europe de football.<br />
Les résultats sont impressionnants. Globalement, les accidents cardiaques ont été multipliés par<br />
près de 3 (odds ratio = 2,66 ; intervalle de confiance 2,33 à 3,04) les jours où l'Allemagne jouait,<br />
par rapport à la période de référence. En revanche, le risque n'était pas significativement différent<br />
les jours où l'équipe allemande n'était pas impliquée (odds ratio = 1,10). L'excès de risque a touché<br />
les deux sexes, mais plus encore les hommes que les femmes (odds ratio = 3,26 chez les<br />
hommes, 1,82 chez les femmes) et a été particulièrement sensible chez les sujets ayant des antécédents<br />
coronaires connus (odds ratio = 4,03). Les sujets sans antécédents ont néanmoins vu leur<br />
risque d'accident cardiaque doubler (odds ratio = 2,05). Tous les types d'accidents cardiaques<br />
recensés ont été concernés; ainsi, le risque d'infarctus avec sus-décalage de ST a été majoré par<br />
2,49, celui d'arythmies entraînant des symptômes sévères, par un facteur de 3,07.<br />
Il peut y avoir différentes lectures de ces résultats; en particulier, on pourrait penser que les Bavarois<br />
sont particulièrement nationalistes. Nous avons pourtant la preuve qu'il ne s'agit pas d'une<br />
spécificité allemande : 6 ans auparavant, à l'occasion d'une précédente Coupe du monde, nos amis<br />
d'outre-Manche avaient déjà rapporté un net excès de morts subites, lors d'une mémorable séance<br />
de tirs au but d'un match Argentine-Angleterre (2) ; l'histoire ne dit pas ce qu'il se passait au même<br />
moment en Argentine. En un mot, le sentiment nationaliste paraît largement partagé. Une autre<br />
hypothèse consisterait à faire le lien, qui serait lui aussi certainement significatif, entre la consommation<br />
aiguë de bière et le risque d'accident cardiaque; l'Allemagne comme l'Angleterre seraient<br />
bien placées pour confirmer cette hypothèse. Mais ce serait méconnaître la composante certainement<br />
la plus importante, liée à l'impact du stress émotionnel, qui peut déclencher les accidents cardiaques,<br />
comme en ont attesté des observations faites dans les suites de grands tremblements de<br />
terre à Thessalonique, au Japon, ou en Californie (3) .<br />
En bref, le sport, lorsqu'il est pratiqué avec fougue devant un écran de télévision, fait courir un<br />
risque accru d'accident cardiaque grave. Préparez-vous donc, si vous voulez suivre les prochains<br />
Jeux olympiques. Mon conseil serait, lorsque vous regarderez les compétitions, de délaisser la bière<br />
pour préférer un verre de vin rouge, dont on connaît les propriétés à la fois anxiolytiques et<br />
favorables sur le plan artériel…<br />
Et surtout que cela ne vous empêche pas de passer de bonnes vacances !<br />
1. N Engl J Med 2008; 358: 475-83.<br />
2. BMJ 2002; 325: 1439-42.<br />
3. N Engl J Med 1996; 334: 413-9.<br />
Rescapés de l’Euro,<br />
gare aux Jeux olympiques !<br />
Nicolas Danchin<br />
Rédacteur en chef<br />
3
Education sanitaire :<br />
le cardiologue en<br />
première ligne<br />
Il y a un certain nombre<br />
d’années, je m’apprêtais, par<br />
une belle après-midi, à<br />
« déguster » un match de haut<br />
niveau à Roland-Garros quand<br />
derrière moi un spectateur fit<br />
un arrêt cardiaque. Je le massais et le sortis<br />
d’affaire, le match fut arrêté pendant<br />
40 minutes, mais une vie valait bien cela.<br />
Depuis j’ai une sensibilité particulière au<br />
moment du tournoi, surtout lorsqu’une campagne<br />
sur les gestes qui sauvent a lieu.<br />
Imagine-t-on la puissance que les cardiologues<br />
ont dans toute la France au niveau des municipalités,<br />
des stades, des salles de sport, etc.,<br />
pour faire valoir l’importance de s’équiper en<br />
défibrillateurs et faire apprendre les gestes<br />
qui sauvent.<br />
Dans un autre registre, un de mes confrères<br />
me citait le cas d’une patiente qui buvait<br />
2 litres d’une eau minéralisée fortement sodée<br />
et avait une PAS à 200 mmHg. Il lui fit arrêter<br />
cette boisson, et sa PAS passa à 140 mmHg.<br />
À New York où j’étais le mois dernier, j’ai<br />
remarqué une publicité vantant l’absence de<br />
sodium dans certaines eaux minérales (y compris<br />
sur l’étiquette). Où en sommes-nous en<br />
France ? Pouvons-nous faire pression sur le<br />
ministère ? Rendons-lui grâce, lorsque nous<br />
avions dans l’éditorial du n°35 de <strong>Consensus</strong><br />
plaidé pour une meilleure information que le<br />
sous-titre rouge « Manger et Bouger… » figurant<br />
sur tous les produits alimentaires, nous<br />
ne pensions pas qu’une campagne de lutte<br />
contre l’obésité infantile allait encadrer les<br />
publicités alimentaires diffusées sur les chaînes<br />
télévisées.<br />
Apportons donc le poids de la cardiologie<br />
(de ville et hospitalière) qui a plébiscité notre<br />
journal pour dire que, par l’intermédiaire de<br />
nos lecteurs, nous sommes partie prenante<br />
dans toute réflexion en ce domaine, car c’est<br />
le cardiologue qui, en définitive, sera le maître<br />
d’œuvre et surtout la référence scientifique<br />
d’une telle démarche dans toute la France.<br />
Au plaisir, à mon tour, de vous lire sur ce sujet.<br />
Amicalement<br />
Sommaire numéro 40 Juin 2008<br />
Yves Nadjari<br />
Directeur de la publication<br />
ynadjari@mediquid.fr<br />
Ce numéro comporte un supplément de 12 pages :<br />
« Peut-on réellement traiter le patient hypertendu<br />
selon les recommandations ? La théorie et la pratique»,<br />
un 4 pages « REACH : mieux dépister les<br />
patients polyartériels » et un encart 4 pages « Avantpremière<br />
25 e Salon <strong>Consensus</strong> Cardio & Pratique ».<br />
CONSENSUS CARDIO pour le praticien - N° 40 Juin 2008<br />
Éditorial<br />
3 Rescapés de l’Euro, gare aux Jeux olympiques !<br />
Nicolas Danchin<br />
Attitudes<br />
7 L'IRM en post-infarctus<br />
Nicolas Meneveau<br />
12 Conduite à tenir devant la découverte d’une HVG chez un sportif<br />
Richard Brion, François Carré<br />
18 Fibrillation auriculaire et ALD :<br />
lecture critique des recommandations de la HAS<br />
Laurent Fauchier<br />
20 La mort subite dans les cardiopathies congénitales :<br />
incidence, facteurs prédictifs et prévention<br />
Elisabeth Villain<br />
22 Les valvulopathies familiales existent-elles vraiment ?<br />
Vincent Probst<br />
Généalogie<br />
NOUVELLE RUBRIQUE<br />
24 Histoire du gène des laminopathies<br />
Denis Duboc<br />
Art et Cœur<br />
29 Le cœur de Louise Bourgeois<br />
Carole Libercier<br />
Question juridique<br />
30 Inaptitude du patient à la conduite automobile : que faire ?<br />
Frédérique Claudot, Yves Juillière<br />
Cahier diabétologie<br />
35 Editorial<br />
Serge Halimi<br />
36 Les nouveaux insulinosécréteurs dans le traitement du diabète de type 2<br />
Serge Halimi<br />
40 Les sulfonylurées n’exercent pas toutes la même protection cardiovasculaire<br />
Marie Virally<br />
43 Le diabète de type 2 sous l’angle physiopathologique de l’hyperglucagonémie<br />
Anne Teyssédou<br />
Congrès<br />
45 Printemps de la cardiologie (Montpellier)<br />
Actualité du médicament<br />
52 - 54<br />
ERRATUM<br />
Dans le n°39 de <strong>Consensus</strong> Cardio Spécial Neurovasculaire, le Cas clinique «Stenting carotidien et<br />
chirurgie cardiaque» a été rédigé par l’équipe de l’hôpital Sainte-Anne<br />
Photos couverture : DR et Getty Images<br />
5
Attitudes Avant-propos<br />
6<br />
<strong>Consensus</strong> Cardio<br />
fête ses 4 ans !<br />
Lorsque nous avons lancé <strong>Consensus</strong> Cardio il y a quatre ans nous n’imaginions pas<br />
le succès qu’allait rencontrer la revue et que l’ensemble de la cardiologie française,<br />
aussi bien hospitalière que libérale, la plébisciterait. Les raisons en sont simples :<br />
l’éthique et l’amitié qui nous lient, notre enthousiasme vivifié en permanence par toute<br />
l’équipe de notre revue, depuis le comité de rédaction jusqu’aux médecins, journalistes,<br />
concepteurs en interne. Notre ligne éditoriale «Du consensus à la pratique » anticipait<br />
nettement l’une des réflexions qui allait prendre de plus en plus d’importance, en particulier<br />
dans l’exercice quotidien du cardiologue.<br />
Il s’est passé tellement de choses en quatre ans : la polémique sur les stents actifs, la<br />
place de l’angiographie dans l’angor stable, le développement de l’ablation pour la fibrillation<br />
atriale, les raffinements de la prévention secondaire, l’impact croissant du diabète<br />
et du syndrome métabolique.<br />
Au fil de nos réunions éditoriales passionnées et passionnantes, nous avons construit<br />
pour vous cette revue qui se veut une référence en recommandations et en actualité<br />
pour la profession cardiologique. Le retour direct ou à travers le groupe éditeur<br />
<strong>Consensus</strong> est considérable montrant en permanence la richesse de notre spécialité.<br />
Notre clin d’œil vis-à-vis de vous, fidèles lecteurs, c’est que quatre ans est aussi l’âge de nos<br />
auteurs… en couverture ! Saurez-vous deviner qui est qui ?<br />
Nicolas Danchin<br />
Yves Nadjari<br />
Jean-Yves Le Heuzey<br />
Anne Teyssédou<br />
Nicolas Danchin Hugues Milon<br />
Serge Halimi Yves Juillière<br />
Yves Nadjari<br />
Albert Hagège<br />
Laurent Fauchier<br />
Pascal Guéret<br />
CONSENSUS CARDIO pour le praticien - N° 40 Juin 2008
Nicolas Meneveau<br />
Pôle Cœur-Poumons,<br />
CHU Jean-Minjoz, Besançon<br />
Attitudes<br />
I FMC - recommandations - sociétés savantes - pratique clinique I<br />
L'IRM est devenue un examen de référence pour l'imagerie<br />
cardiaque morphologique et fonctionnelle. Elle présente<br />
un intérêt diagnostique et pronostique évident dans la prise<br />
en charge des patients en post-infarctus. Sa très bonne résolution<br />
spatiale offre une définition nette des structures tissulaires,<br />
tandis que l'imagerie de perfusion myocardique<br />
permet d’évaluer l’étendue de la zone nécrosée et son évolution<br />
dans le temps. En post-infarctus, l’injection de gadolinium<br />
permet d’apprécier les altérations de la microcirculation<br />
et l’extension transmurale de la nécrose, qui sont des<br />
facteurs prédictifs de remodelage ventriculaire gauche et<br />
de récupération fonctionnelle myocardique. Enfin, l'IRM de<br />
stress est aujourd’hui l’examen le plus performant pour évaluer<br />
la viabilité myocardique en post-infarctus.<br />
Etude de la fonction ventriculaire gauche<br />
en post-infarctus<br />
L'IRM est la méthode de référence pour analyser les volumes<br />
ventriculaires, la masse myocardique, la fraction d'éjection<br />
et la cinétique segmentaire. Le ciné-IRM, réalisé à partir<br />
de séquences en écho de gradient synchronisées à<br />
l'électrocardiogramme, donne une imagerie dynamique<br />
d'excellente qualité où le sang circulant apparaît en hypersignal<br />
et le myocarde en hyposignal. Ces séquences, réalisées<br />
lors d'une apnée de quelques secondes, sont non irradiantes<br />
et ne nécessitent pas d’injection de produit de<br />
contraste. Dans l'infarctus du myocarde, on observe une<br />
diminution de l'épaississement systolique associée à un amincissement<br />
diastolique de la paroi infarcie. Les séquences faisant<br />
appel à une technique de marquage myocardique<br />
(le tagging) permettent d'affiner l'analyse segmentaire de<br />
la fonction ventriculaire gauche. Le principe du tagging<br />
repose sur une présaturation du myocarde sous la forme de<br />
lignes orthogonales qui suivent les déformations des parois<br />
myocardiques en systole et en diastole.<br />
La qualité de l'imagerie anatomique, la bonne résolution spatiale<br />
et la visualisation des flux facilitent en outre le diagnostic<br />
des complications mécaniques du post-infarctus en IRM. Ce<br />
bénéfice s'applique en particulier au diagnostic des épanchements<br />
péricardiques, des communications interventriculaires,<br />
des insuffisances mitrales, des faux anévrysmes et des thrombi<br />
intracavitaires.<br />
Caractéristiques du post-infarctus en IRM<br />
Les séquences pondérées T1 sans injection de produit de<br />
contraste ne permettent pas de distinguer la zone infarcie<br />
du myocarde sain. Les séquences turbo spin-écho en pondération<br />
T2 permettent de diagnostiquer l’infarctus du myocarde,<br />
et d'en préciser le siège et l’étendue avec une excellente<br />
résolution spatiale. Toutefois, à la phase aiguë,<br />
CONSENSUS CARDIO pour le praticien - N° 40 Juin 2008<br />
L'IRM en post-infarctus<br />
l'hypersignal observé surestime probablement la taille de<br />
l’infarctus.<br />
IRM de perfusion et post-infarctus<br />
L'imagerie de perfusion constitue un apport fondamental<br />
de l'IRM. Dans le contexte du post-infarctus, l’injection intraveineuse<br />
de gadolinium révèle les altérations de la microcirculation<br />
et de la perfusion tissulaire et permet<br />
l'identification de deux situations physiopathologiques :<br />
le no-reflow observé au cours du premier passage 1 minute<br />
après l’injection de gadolinium et le rehaussement tardif<br />
obtenu 1 à 30 minutes après l’administration de produit de<br />
contraste.<br />
Le phénomène de no-reflow<br />
En l'absence de lésions cellulaires, le gadolinium ne traverse<br />
pas la paroi cellulaire et se distribue exclusivement dans le<br />
secteur vasculaire extracellulaire. Dans ce cas, l’injection<br />
intraveineuse de gadolinium s'accompagne d’une prise<br />
rapide et uniforme de contraste au cours du «premier passage»<br />
(clairance de 1 à 2 minutes), suivie d’une élimination<br />
progressive (< 10 minutes). En post-infarctus, apparaît au<br />
centre de la zone infarcie un territoire en hyposignal par<br />
rapport au myocarde sain ou même nécrosé adjacent. Cet<br />
hyposignal précoce, de localisation souvent sous-endocardique,<br />
résulte de lésions cellulaires sévères avec œdème et<br />
obstruction capillaire. Ce défaut de perfusion observé lors<br />
du premier passage correspond à une arrivée retardée du<br />
produit de contraste (wash-in). Les études histopathologiques<br />
ont révélé une accumulation intravasculaire de neu-<br />
Phénomène de no-reflow avec hyposignal précoce observé<br />
au cours du premier passage (< 1 minute) dans le cadre d’un<br />
infarctus inférieur transmural.<br />
7
8<br />
Rehaussement tardif avec hypersignal observé à la 15 e minute dans le cadre d’un infarctus antérieur étendu.<br />
trophiles associée à une stase de globules rouges. Il s'agit<br />
d'une zone de no-reflow dont la prise de contraste très lente,<br />
supérieure à 5 minutes, correspond à un territoire myocardique<br />
non perfusé. L'hyposignal précoce après injection de<br />
gadolinium reflète donc la sévérité des lésions cellulaires<br />
myocardiques, responsable d'un défaut de reperfusion tissulaire,<br />
même après restauration du flux coronaire.<br />
Le rehaussement tardif<br />
Les lésions myocytaires observées en cas de nécrose myocardique<br />
sont à l'origine d'une stagnation du gadolinium dans<br />
les espaces extracellulaires (secteur interstitiel), entraînant<br />
un contraste tardif qui apparaît en hypersignal.<br />
Dans la zone pathologique, la clairance du gadolinium<br />
(wash-out) est rallongée du fait de l'augmentation du secteur<br />
extracellulaire, conséquence des ruptures de membranes<br />
cellulaires, de l'œdème interstitiel et éventuellement d'une<br />
augmentation de la matrice extracellulaire en phase<br />
subaiguë, ou de la cicatrice fibreuse en phase chronique. Le<br />
gadolinium s'accumule dans la zone infarcie au cours des<br />
10 à 15 minutes suivant l’injection, et s'élimine plus lentement<br />
(> 20 minutes). Cette technique, dite du rehaussement<br />
tardif, est extrêmement sensible dans l'identification de la<br />
zone infarcie, la détection des infarctus non transmuraux,<br />
des extensions au ventricule droit ou des nécroses de<br />
l'appareil sous-valvulaire. Elle se montre supérieure à toute<br />
autre imagerie, en particulier scintigraphique, PET comprise.<br />
L'hypersignal atteint initialement la zone sous-endocardique,<br />
et l’IRM permet de déterminer avec précision<br />
l'extension de la nécrose du sous-endocarde vers le sous-épicarde.<br />
Le rehaussement tardif n'est toutefois pas spécifique de<br />
l'infarctus. La prise de contraste tardive après injection de<br />
gadolinium représente, en effet, la fibrose myocardique<br />
quelle que soit son étiologie. Ainsi, des foyers de rehaussement<br />
tardif peuvent être observés dans le cadre des myo-<br />
cardiopathies, des pathologies de surcharge (amylose), ou<br />
inflammatoires (myocardite, sarcoïdose…).<br />
Intérêt de l’IRM en post-infarctus<br />
Evaluation de la taille de l’infarctus<br />
Le ciné-IRM visualise les anomalies de la cinétique segmentaire<br />
grâce à une excellente détection de l'endocarde. Les zones où<br />
la contraction myocardique apparaît réduite peuvent correspondre<br />
à un territoire infarci, hibernant ou sidéré. La quantification<br />
du volume du rehaussement tardif permet le calcul<br />
de la taille de l’infarctus exprimée en pourcentage de la masse<br />
ventriculaire. En phase aiguë, le rehaussement tardif correspond<br />
à l'addition du myocarde nécrosé et de l'œdème périphérique.<br />
Au-delà, il apporte des arguments déterminants<br />
dans l'évaluation de la viabilité myocardique. Les zones de<br />
rehaussement tardif correspondent le plus souvent à du myocarde<br />
non viable, et permettent la différenciation des états de<br />
sidération ou d'hibernation. Les mesures répétées de la taille<br />
de l'infarctus à partir de la zone de rehaussement tardif font<br />
apparaître une réduction de 28% à 8 mois liée au remplacement<br />
du tissu nécrotique par du tissu cicatriciel fibreux.<br />
Impact pronostique du rehaussement tardif<br />
L'étendue du rehaussement tardif est étroitement corrélée à<br />
la récupération fonctionnelle des troubles de la cinétique segmentaire<br />
et à la survenue d’un remodelage ventriculaire<br />
gauche péjoratif à distance de l'infarctus. La récupération de<br />
la contractilité myocardique après revascularisation est inversement<br />
corrélée au degré d'extension transmurale de la nécrose<br />
(Figure 1). Un hypersignal inférieur à 25% de l'épaisseur pariétale<br />
s'accompagne d'une probabilité de récupération fonctionnelle<br />
de l’ordre de 70%. À l'inverse, lorsque l’épaisseur de<br />
l’hypersignal est supérieure à 75% (nécrose transmurale), la<br />
probabilité de récupération fonctionnelle est virtuellement<br />
CONSENSUS CARDIO pour le praticien - N° 40 Juin 2008
Amélioration de la contractilité (%)<br />
Segments avec hypokinésie sévère,<br />
akinésie ou dyskinésie<br />
100<br />
90<br />
80<br />
70<br />
60<br />
50<br />
40<br />
30<br />
20<br />
10<br />
0<br />
128/148<br />
0<br />
56/86<br />
1-25<br />
29/68<br />
26-50<br />
10/103<br />
51-75<br />
Figure 1. Relation entre l’extension transmurale du rehaussement<br />
tardif et l’amélioration de la contractilité segmentaire<br />
après revascularisation (d’après Kim R, et al.<br />
N Engl J Med 2000 ; 343 : 1445-53).<br />
nulle et le risque de remodelage péjoratif très élevé. Le degré<br />
de transmuralité a toutefois ses limites, et il existe une large<br />
zone d'incertitude où le seul rehaussement n'est pas capable<br />
de déterminer la possibilité de récupération. En particulier,<br />
lorsque l’épaisseur du rehaussement tardif varie entre 25 et<br />
75%, la probabilité de récupération fonctionnelle est de l'ordre<br />
de 50%, soit une chance sur deux.<br />
Impact pronostique de l’obstruction microvasculaire<br />
L'obstruction microvasculaire définie par une zone<br />
d'hyposignal lors du premier passage reflète l'état de la<br />
microvascularisation et de l'endothélium (Figure 2). Son<br />
incidence au décours d'un infarctus myocardique transmural<br />
aigu varie entre 25 et 87%. Il s'agit d'un phénomène<br />
évolutif dans le temps au décours de la reperfusion myocardique.<br />
Les modèles expérimentaux animaux rapportent<br />
une extension de la zone de no-reflow au cours des premières<br />
48 heures, puis une stabilisation pendant la<br />
première semaine et une disparition complète en règle<br />
générale après quelques mois. Certains auteurs ont<br />
suggéré que ces lésions d’obstruction microvasculaire pourraient<br />
correspondre aux lésions myocardiques d'ischémiereperfusion.<br />
Le phénomène de no-reflow a également une implication<br />
pronostique importante. La persistance d'une obstruction<br />
microvasculaire au 10 e jour d'un infarctus transmural reperfusé<br />
est étroitement corrélée à la taille de l'infarctus et<br />
associée à la survenue d'événements cardiovasculaires<br />
graves incluant décès, récidive d’infarctus, insuffisance cardiaque,<br />
ou revascularisation. La taille réelle de l'infarctus<br />
CONSENSUS CARDIO pour le praticien - N° 40 Juin 2008<br />
0/57<br />
76-100<br />
Extension transmurale du rehaussement tardif (%)<br />
Survie sans événement en fonction<br />
de la présence ou non d’une obstruction<br />
microvasculaire<br />
Survie sans événement (%)<br />
100<br />
95<br />
90<br />
85<br />
80<br />
75<br />
70<br />
65<br />
p = 0,044<br />
Sans obstruction microvasculaire<br />
60<br />
0 50 100 150 200 250 300<br />
Temps (jours)<br />
Avec obstruction microvasculaire<br />
Figure 2. (d’après Hombach V, et al. Eur Heart J 2005 ; 26 :<br />
549-57).<br />
semble étroitement corrélée à cette zone d'hyposignal précoce,<br />
dont l'étendue au cœur de la zone infarcie constitue<br />
un facteur de mauvais pronostic lié au développement de<br />
la cicatrice fibreuse et à un remodelage péjoratif. En particulier,<br />
il est établi que la persistance d'une zone de noreflow<br />
au décours d'une reperfusion précoce (par traitement<br />
fibrinolytique ou angioplastie) est associée à l'absence<br />
de récupération fonctionnelle en termes de cinétique segmentaire<br />
à 7 semaines.<br />
Evaluation de la viabilité myocardique<br />
post-infarctus<br />
L'extension transmurale du rehaussement tardif permet, on<br />
l’a vu, de prédire la récupération de la contractilité segmentaire<br />
après revascularisation. Lorsque le score de transmuralité<br />
est intermédiaire, entre 25 et 75%, il est nécessaire de<br />
compléter l'analyse par un stress pharmacologique visant à<br />
identifier une réserve contractile.<br />
L'IRM de stress est devenue l'examen de référence dans<br />
l'évaluation de la viabilité myocardique post-infarctus<br />
compte tenu de sa capacité à combiner à la fois les informations<br />
anatomiques et fonctionnelles. La réalisation d'une<br />
IRM de stress fait appel à une technique identique à celle<br />
utilisée en échographie. La même étude est réalisée au repos,<br />
puis sous perfusion de dobutamine à faibles doses en plusieurs<br />
paliers (< 10 µg/kg/min). Un segment est dit viable<br />
s'il gagne un grade de score de cinétique segmentaire<br />
(un segment akinétique au repos devient hypocinétique, ou<br />
un segment hypocinétique au repos devient normocinétique<br />
9
10<br />
sous stress). La présence d'un amincissement pariétal télédiastolique<br />
inférieur à 5,5 mm témoigne d'une fibrose transmurale<br />
incompatible avec une viabilité myocardique. Pour<br />
autant, une épaisseur pariétale supérieure à cette valeur<br />
n'est pas une preuve de viabilité : au-delà de 5,5 mm<br />
d'épaisseur, seuls 62% des segments sont viables. La quantification<br />
de l'épaississement myocardique en diastole sous<br />
faibles doses de dobutamine est prédictive d'une récupération.<br />
En effet, un gain d’épaississement sous dobutamine<br />
inférieur à 2 mm signe l'absence de viabilité myocardique<br />
dans 84% des cas. Lorsque cet épaississement est supérieur<br />
à 2 mm, une récupération de la contractilité segmentaire<br />
est obtenue dans 79% des cas après revascularisation.<br />
Ces paramètres confèrent une sensibilité de 89% et une spécificité<br />
de 94% pour prédire une récupération fonctionnelle<br />
après revascularisation. Associée à l'analyse de l'épaisseur<br />
myocardique, l'IRM de stress sous dobutamine est donc hautement<br />
prédictive d'une viabilité myocardique. La combinaison<br />
de l'évaluation du caractère transmural du rehaussement<br />
tardif et de la réponse de la contractilité segmentaire<br />
sous dobutamine paraît souhaitable avant revascularisation<br />
chez les patients à haut risque ayant une dysfonction ventriculaire<br />
gauche sévère.<br />
En conclusion<br />
En post-infarctus, l'IRM fournit des renseignements déterminants<br />
d'ordre diagnostique, mais également pronostique.<br />
L'obstruction microvasculaire et le rehaussement tardif sont<br />
de puissants facteurs pronostiques de l’évolution clinique,<br />
indépendamment de la fraction d'éjection ventriculaire<br />
gauche ou de la taille de l'infarctus. L'IRM permet en outre<br />
d'évaluer la viabilité myocardique en post-infarctus à la fois<br />
sur la simple mesure de l'épaississement pariétal diastolique,<br />
sur l'extension transmurale du rehaussement tardif, et sur<br />
l'analyse de la cinétique segmentaire sous faibles doses de<br />
dobutamine. Ces éléments sont aujourd'hui à prendre en<br />
compte avant revascularisation chez les patients peu<br />
échogènes ou ayant une dysfonction ventriculaire gauche<br />
sévère. ■<br />
Pour toute correspondance avec l’auteur<br />
nicolas.meneveau@univ-fcomte.fr<br />
Pour en savoir plus<br />
- Kim R, et al. Relationship of MRI delayed contrast-enhancement to irreversible<br />
injury, infarct age, and contractile function. Circulation 1999; 100: 1992-<br />
2001.<br />
- Kim R, et al. The use of contrast-enhancement MRI to identify reversible myocardial<br />
dysfunction. N Engl J Med 2000; 343: 1445-53.<br />
- Hombach V, et al. Sequelae of acute myocardial infarction regarding cardiac<br />
structure and function and their prognostic significance as assessed by MRI.<br />
Eur Heart J 2005 ; 26 : 549-57.<br />
CONSENSUS CARDIO pour le praticien - N° 40 Juin 2008
12<br />
Richard Brion *<br />
François Carré **<br />
* Dieulefit Santé, Dieulefit<br />
** Hôpital Pontchaillou, Rennes<br />
Attitudes<br />
I FMC - recommandations - sociétés savantes - pratique clinique I<br />
La distinction entre hypertrophie cardiaque liée au sport et cardiopathie<br />
est le plus souvent simple, mais peut parfois être<br />
d’une grande complexité. Les conclusions en termes d’aptitude<br />
à la pratique sportive reposent alors souvent davantage sur<br />
des arguments probabilistes que sur des certitudes. Ces difficultés<br />
nous ont incités à proposer des recommandations adaptées<br />
au contexte français*.<br />
L’hypertrophie cardiaque du sportif<br />
Nature<br />
L’hypertrophie cardiaque (HC), synonyme d’hypertrophie myocardique,<br />
est due à une hypertrophie myocytaire. C’est le plus<br />
souvent un mécanisme d’adaptation à une contrainte, qui peut<br />
être soit physiologique (croissance, grossesse, pratique sportive<br />
intense), soit pathologique (hypertension artérielle, anomalie<br />
génétique…).<br />
L’HC du sportif diffère totalement des hypertrophies secondaires<br />
à des contraintes pathologiques où l’HVG majeure est associée<br />
à une fibrose importante et à une inadéquation vasculaire.<br />
L’hypertrophie du sportif est par définition non pathologique<br />
et indemne de complications.<br />
Limites habituelles<br />
Chez le sportif, l’échocardiogramme transthoracique de repos<br />
peut être normal ou révéler des modifications de la morphologie<br />
cardiaque de type hypertrophie-dilatation sur les quatre<br />
cavités. Ces modifications équilibrées et proportionnelles<br />
s’observent dans les deux sexes et à tout âge. Elles restent dans<br />
la majorité des cas modérées, aux limites supérieures de la normale<br />
et loin des valeurs relevées en pathologie.<br />
La comparaison entre les valeurs observées dans une population<br />
sédentaire témoin et des populations sportives montre que<br />
le diamètre ventriculaire gauche est en moyenne majoré de<br />
3 à 6 mm et l’hypertrophie pariétale de 2 à 3 mm. Des modifications<br />
plus importantes ne sont observées que dans moins de<br />
5% des cas. Cette HC est associée à un remplissage VG souvent<br />
« supranormal » et à une fraction d’éjection ventriculaire gauche<br />
dans les limites de la normale.<br />
Facteurs déterminants<br />
- Le niveau d’entraînement<br />
L’HC du sportif ne s’observe que chez des pratiquants ayant un<br />
haut niveau d’entraînement, c'est-à-dire au moins 10 heures<br />
* Membres du comité de réflexion : J.-F. Aupetit, E. Abergel, L. Auriacombe,<br />
R. Carlioz, P. Charron, H. Douard, P. Fornes, A. Hagège, P. Mabo,<br />
M.-C. Malergue, E. Mousseaux, P. Obert, J.-F. Paul.<br />
Conduite à tenir devant<br />
la découverte d’une HVG<br />
chez un sportif<br />
par semaine à plus de 60% de la consommation maximale<br />
d’oxygène (VO2 max), et est associée à une performance<br />
physique correspondant à l’entraînement suivi.<br />
- Le sexe<br />
Chez l’homme adulte sportif<br />
L’épaisseur pariétale est rarement supérieure à 13 mm.<br />
Entre 13 et 15 mm, elle doit être considérée dans une zone<br />
d’incertitude diagnostique réclamant un bilan complémentaire<br />
complet avant que ne soit proposée une attitude définitive.<br />
Une épaisseur pariétale supérieure à 15 mm est,<br />
jusqu’à preuve du contraire, en faveur d’une cause pathologique<br />
d’hypertrophie.<br />
Classiquement, le diamètre ventriculaire gauche chez le<br />
sportif dépasse rarement 60 mm en télédiastole et exceptionnellement<br />
70 mm. Ces grandes dilatations sont plus<br />
souvent observées chez des sportifs hyperendurants,<br />
comme les cyclistes sur route, ou présentant des surfaces<br />
corporelles importantes. La limite de normalité est de<br />
31 mm/m 2 .<br />
Chez la femme adulte sportive<br />
L’épaisseur pariétale du VG ne dépasse qu’exceptionnellement<br />
12 mm. Le diamètre ventriculaire gauche en télédiastole<br />
dépasse rarement 55 mm et exceptionnellement<br />
65 mm (sportives hyperendurantes, surfaces corporelles<br />
importantes).<br />
- L’âge<br />
Chez les filles comme chez les garçons prépubertaires, les<br />
modifications sont moins nettes et se limitent à une dilatation<br />
cavitaire sans hypertrophie pariétale réactionnelle significative<br />
qui reste modérée sans dépasser 12 mm avec une<br />
fonction diastolique souvent «supranormale». Chez les sportifs<br />
vétérans, qui débutent tard dans la vie un entraînement<br />
intense, un épaississement pariétal prédominant sans nette<br />
dilatation ventriculaire gauche a été décrit.<br />
- L’influence du dopage sur l’hypertrophie cardiaque<br />
du sportif<br />
Les données de la littérature sont assez contradictoires, et<br />
il est aujourd’hui difficile d’affirmer quels sont les effets<br />
du dopage sur la morphologie et la fonction myocardiques<br />
du sportif. Cependant, certaines données cliniques et expérimentales<br />
semblent en faveur du développement d’une<br />
hypertrophie concentrique après prise d’anabolisants et/ou<br />
d’hormone de croissance et d’une hypertrophie excentrique<br />
après utilisation d’érythropoïétine.<br />
CONSENSUS CARDIO pour le praticien - N° 40 Juin 2008
Diagnostic différentiel entre hypertrophie<br />
ventriculaire gauche du sportif<br />
et hypertrophie pathologique<br />
Les problèmes diagnostiques concernent les hypertrophies pariétales<br />
et/ou les dilatations cavitaires importantes.<br />
Principaux diagnostics différentiels de l’hypertrophie<br />
pariétale<br />
Toute hypertrophie associée à une diminution significative<br />
de la capacité de performance sportive est a priori pathologique.<br />
Les pathologies candidates au diagnostic différentiel<br />
sont celles qui peuvent induire une hypertrophie pariétale du<br />
VG sans atteinte des capacités sportives. Trois pathologies<br />
principales sont concernées : l’hypertension artérielle et les<br />
valvulopathies faciles à diagnostiquer et la cardiomyopathie<br />
hypertrophique (CMH), qui représente le vrai problème<br />
diagnostique avec un risque vital souvent inaugural.<br />
Diagnostic différentiel entre CMH et hypertrophie ventriculaire<br />
gauche du sportif<br />
a) Cardiomyopathie hypertrophique : les caractéristiques<br />
Le rôle de l’exercice physique intense tel qu’il est pratiqué<br />
en compétition a été considéré chez les sujets porteurs de<br />
CMH comme un facteur individuel pouvant favoriser la<br />
mort subite. L’expérience italienne va dans le même sens<br />
en montrant qu’un bilan médical codifié avant autorisation<br />
à la pratique sportive intensive permet le dépistage<br />
de la CMH et que la contre-indication à la compétition dans<br />
une population ainsi identifiée s’accompagne d’une baisse<br />
marquée de la mort subite.<br />
Le diagnostic de CMH doit être évoqué sur une épaisseur<br />
pariétale du VG, évaluée en mode bidimensionnel, à partir<br />
de 15 mm en dehors de tout contexte familial et de<br />
13 mm dans un contexte de CMH familiale.<br />
Bien que des patients ayant d’authentiques CMH à formes<br />
génétiques particulières puissent présenter des hypertrophies<br />
pariétales VG moins importantes, voire aux limites<br />
de la normale, il est admis qu’une HVG inférieure ou égale<br />
à 13 mm chez l’homme et à 12 mm chez la femme, chez<br />
des sujets très entraînés, asymptomatiques et performants,<br />
sans antécédents familiaux ou personnels pouvant faire<br />
suspecter une cardiomyopathie, est a priori liée à<br />
l’entraînement physique.<br />
Dans la zone d’incertitude entre 13 et 15 mm d’épaisseur<br />
ventriculaire gauche, le diagnostic de CMH doit être évoqué<br />
systématiquement chez l’homme sportif.<br />
Une épaisseur de plus de 12 mm chez les sportives et de<br />
15 mm chez les hommes doit faire considérer qu’il s’agit,<br />
jusqu’à preuve du contraire, d’une CMH.<br />
b) Eléments du diagnostic différentiel entre CMH et cœur<br />
d’athlète<br />
Les éléments de présomption<br />
- L’échocardiographie-Doppler transthoracique de repos<br />
Une HVG isolée est a priori anormale chez un sportif si elle<br />
n’est pas associée à une dilatation cavitaire adaptée, souvent<br />
plus importante si l’entraînement est à prédominance<br />
dynamique. Un diamètre télédiastolique VG supérieur à<br />
CONSENSUS CARDIO pour le praticien - N° 40 Juin 2008<br />
55 mm est évocateur d’un cœur d’athlète, alors qu’un diamètre<br />
inférieur à 45 mm associé à une hypertrophie pariétale<br />
est un argument, non formel, en faveur d’une CMH.<br />
Le rapport de la somme des épaisseurs pariétales sur le diamètre<br />
VG chez le sportif est en règle générale inférieur à<br />
0,48 et ne dépasse pas 0,50.<br />
L’hypertrophie pariétale du sportif est plus souvent globale<br />
et symétrique. Elle peut être asymétrique, mais dans<br />
ce cas le rapport paroi postérieure/épaisseur du septum<br />
interventriculaire est inférieur à 1,5.<br />
L’existence d’un gradient intraventriculaire gauche de repos<br />
observé à l’analyse Doppler est en faveur d’une CMH. Il n’y a<br />
pas actuellement de consensus sur la valeur discriminante des<br />
gradients obtenus à l’effort ou par test pharmacologique.<br />
Le remplissage VG est analysé au minimum par le flux mitral.<br />
Chez un sportif de moins de 40 ans, un flux transmitral anormal<br />
(E
14<br />
- l’apparition ou l’aggravation à l’effort d’une arythmie<br />
ventriculaire (chez un sportif qui présente une HVG<br />
«limite», cela représente une contre-indication à la pratique<br />
intensive du sport);<br />
- un profil tensionnel d’effort et de récupération inadapté à<br />
la performance. Un défaut d’augmentation tensionnelle<br />
à l’effort est un argument diagnostique et pronostique pour<br />
une CMH ;<br />
- un niveau de performance : la puissance maximale<br />
d’exercice et la VO 2 max doivent être corrélées avec le<br />
niveau d’entraînement dynamique suivi et au moins égale<br />
à 120% des valeurs théoriques.<br />
- Des explorations rythmologiques invasives peuvent être indiquées<br />
en fonction du contexte (3,4,5) .<br />
Les éléments de « certitude »<br />
La découverte d’antécédents familiaux de CMH est un argument<br />
diagnostique majeur. Une enquête cardiologique chez<br />
les parents du premier degré (parents, fratrie) avec au moins<br />
ECG et échocardiogramme transthoracique de repos doit<br />
être réalisée au moindre doute.<br />
La pratique systématique des tests génétiques dans ce contexte<br />
est prématurée, mais leur réalisation peut être discutée<br />
dans certaines situations ciblées. Il semble actuellement logique<br />
de tester les 5 gènes les plus prévalents (MYBPC3, MYH7,<br />
TNNT2, TNNI3, MYL2).<br />
Si la découverte d’une mutation apporte un argument majeur<br />
pour le diagnostic de CMH, son absence ne permet ni<br />
d’éliminer formellement la maladie (30 à 40% de faux négatifs)<br />
ni de rassurer le sportif sur l’absence de pathologie. Il n’y<br />
a pas de forme génétique sans risque pour le sportif.<br />
Une interruption de l’entraînement peut être proposée. Une<br />
régression significative de l’hypertrophie pariétale dans un délai<br />
de 2 à 6 mois est en faveur du diagnostic de cœur d’athlète.<br />
A l’inverse, le maintien ou une régression modérée de<br />
l’hypertrophie est en faveur d’une cardiopathie.<br />
L’interruption d’entraînement doit être totale car une pratique<br />
d’entretien physique, même modérée, risque de maintenir<br />
le niveau d’hypertrophie. Il faut insister sur le fait que<br />
l’arrêt temporaire de l’entraînement peut avoir des conséquences<br />
importantes sur la carrière sportive de l’intéressé<br />
et que cette décision doit être mûrement réfléchie, parfaitement<br />
expliquée et proposée en dernier recours.<br />
Ainsi dans certains cas rares d’HVG chez un sportif, le<br />
diagnostic différentiel entre hypertrophie du sportif et<br />
CMH reste difficile et repose sur un faisceau d’arguments<br />
(Tableau 1).<br />
En cas de décès, le diagnostic rétrospectif passe par l’autopsie<br />
qui doit être complétée par un examen anatomopathologique<br />
du cœur. Les études génétiques à la recherche de mutations<br />
géniques dans la CMH sont souvent possibles sur des prélèvements<br />
post-mortem. L’autopsie permettra enfin un examen toxicologique<br />
à la recherche d’agents dopants ayant pu favoriser<br />
le décès à partir de prélèvements de sang, d’urine et de phanères.<br />
Le médecin qui constate le décès d’un sportif devrait impérativement<br />
cocher la case «Obstacle au permis d’inhumer» sur<br />
le certificat de décès afin de faire ouvrir une enquête judiciaire<br />
dans le cadre de l’article 74 du Code de procédure pénale.<br />
Diagnostic différentiel entre cœur d’athlète<br />
et cardiomyopathie hypertrophique<br />
(d’après 4,5,7,8 modifiés)<br />
Paramètres CA CMH<br />
Interrogatoire<br />
Entraînement < 10 h/semaine +<br />
Performance de haut niveau +<br />
CMH familiale +++<br />
Mort subite familiale ++<br />
Symptômes (palpitations, malaise, dyspnée,<br />
douleur thoracique)<br />
Syncope d’effort ++<br />
Examen physique<br />
Souffle +<br />
Electrocardiogramme de repos<br />
Troubles de la repolarisation ±<br />
ECG ondes q pseudo-nécrose ++<br />
Arythmie ++<br />
Echocardiogramme<br />
Hypertrophie concentrique ± ±<br />
Hypertrophie asymétrique S/PP > 1,5 - ++<br />
Diamètre VG < 45 mm - +<br />
Diamètre VG > 55 mm +<br />
Oreillette gauche dilatée isolément - +<br />
Remplissage VG anormal (avant 40 ans) - ++<br />
Anomalie Doppler tissulaire - ++<br />
Epreuve d’effort<br />
Profil TA effort anormal - ++<br />
VO 2 maximale < théorique - +<br />
Arythmie - +<br />
Persistance si déconditionnement - +++<br />
Test génétique positif - +++<br />
CA : cœur d’athlète. CMH : cardiomyopathie hypertrophique.<br />
± point d’appel, + en faveur, ++ forte<br />
présomption, +++ très forte présomption.<br />
Tableau1.<br />
CONSENSUS CARDIO pour le praticien - N° 40 Juin 2008<br />
+
16<br />
Conduite à tenir chez le sportif<br />
■ Quand rechercher une hypertrophie<br />
cardiaque chez un sportif ?<br />
➜ A) Ce qui est recommandé<br />
Echocardiographie systématique pour les sportifs de haut<br />
niveau<br />
Depuis février 2004, un arrêté ministériel, paru au Journal<br />
officiel, impose à tous les sportifs susceptibles d’être inscrits<br />
sur les listes de haut niveau ou espoirs de leur fédération<br />
sportive de bénéficier au moins une fois dans leur carrière<br />
d’un échocardiogramme transthoracique de repos. Certaines<br />
fédérations demandent la répétition des échocardiogrammes<br />
à un rythme précisé dans leurs statuts. Ces examens systématiques<br />
sont pris en charge par les fédérations ou les sportifs<br />
eux-mêmes et ne doivent en aucun cas être pris en charge<br />
par l’Assurance maladie.<br />
Echocardiographie uniquement à visée diagnostique<br />
chez les autres sportifs<br />
Une échocardiographie doit être systématiquement réalisée<br />
chez tout sportif dans les contextes suivants :<br />
1. Épaisseur pariétale : ≤ 12 mm chez la femme<br />
ou l’enfant et 13 mm chez l’homme<br />
Sportif asymptomatique et performances corrélées<br />
à l’entraînement<br />
Examen clinique normal<br />
Sans antécédent familial de CMH, ni de mort subite<br />
Échocardiogramme normal par ailleurs<br />
Hypertrophie d’adaptation probable<br />
Aptitude au sport de compétition sans restriction<br />
2. Épaisseur pariétale entre 13 et 15 mm<br />
chez l’homme<br />
2a- Bilan normal par ailleurs<br />
Sportif asymptomatique et performances<br />
corrélées à l’entraînement<br />
Sans antécédent familial de CMH,<br />
ni de mort subite<br />
Examen clinique normal<br />
Échocardiogramme normal par ailleurs<br />
Absence totale d’arythmie<br />
Épreuve d’effort normale<br />
Hypertrophie pariétale limite<br />
Conduite à tenir et détermination de l’aptitude<br />
- antécédent familial de cardiomyopathie ou de mort subite<br />
particulièrement chez un parent jeune ;<br />
- signe fonctionnel (dyspnée anormale, douleurs thoraciques,<br />
lipothymie, syncope, arythmie, baisse anormale<br />
des performances…) ;<br />
- signes physiques (souffle cardiaque, hypertension…) ;<br />
- anomalie électrocardiographique pouvant faire suspecter<br />
une cardiopathie (en particulier anomalies de la repolarisation<br />
à type d’onde T négative ou sous-décalage du<br />
segment ST dans les dérivations précordiales) ;<br />
- anomalies lors d’une épreuve d’effort ;<br />
- toute autre circonstance pouvant faire évoquer l’existence<br />
d’une cardiopathie.<br />
Ces examens réalisés dans un contexte pathologique peuvent<br />
être pris en charge par l’Assurance maladie.<br />
➜ B) Ce qui n’est pas recommandé<br />
La réalisation d’une échocardiographie systématique chez<br />
tous les autres sportifs, sauf en cas d’anomalie pouvant faire<br />
suspecter une cardiopathie (interrogatoire, examen clinique,<br />
biologie, ECG, etc.).<br />
Aptitude au sport de compétition<br />
sous surveillance<br />
Tests génétiques recommandés chez les sportifs<br />
jeunes orientés vers une carrière de compétiteurs<br />
S’ils s’avèrent positifs cf. paragraphe 3<br />
2b- Bilan anormal par ailleurs<br />
cf. paragraphe 3<br />
3. Épaisseur pariétale > 12 mm chez la femme<br />
ou l’enfant et > 15 mm chez l’homme<br />
ou hypertrophie limite avec un critère<br />
associé évocateur de CMH<br />
(cf. tableau 1, critères ++ et/ou +++)<br />
CMH jusqu’à preuve du contraire<br />
Arrêt total de la compétition et de l’entraînement<br />
6 mois avec contrôle écho à 3 mois<br />
Tests génétiques<br />
Si négatifs et normalisation épaisseur VG :<br />
reprise progressive de l’entraînement, puis de la<br />
compétition sans restriction<br />
Si positifs ou persistance de l’hypertrophie :<br />
contre-indication définitive à la compétition et<br />
à un entraînement intensif<br />
Tableau 2. Conduite à tenir devant la découverte d’une hypertrophie ventriculaire gauche pariétale chez un(e) athlète<br />
de haut niveau d’entraînement.<br />
CONSENSUS CARDIO pour le praticien - N° 40 Juin 2008
■ Comment affirmer une HVG chez un sportif ?<br />
➜ A) L’échocardiographie est la méthode de référence<br />
Les recommandations proposées pour la réalisation des<br />
mesures et calculs échographiques doivent être particulièrement<br />
respectées.<br />
Le risque principal est la surestimation des épaisseurs pariétales.<br />
La mesure en mode TM du VG qui présente une meilleure<br />
résolution est la seule validée actuellement dans cette<br />
population. Elle devra être complétée par des mesures 2D<br />
en cas d’hypertrophie pariétale localisée en dehors de la<br />
zone d’incidence TM classique. Chez le sportif où l’HC est de<br />
type excentrique avec allongement des fibres myocardiques,<br />
l’évaluation de la MVG par la méthode elliptique est mal<br />
adaptée.<br />
➜ B) Les autres méthodes d’imagerie<br />
Les autres méthodes d’imagerie ont un rôle complémentaire<br />
de l’échocardiographie et ne doivent pas être utilisées<br />
d’emblée.<br />
L’imagerie par résonance magnétique (IRM) du myocarde<br />
réalisée dans un centre spécialisé est l’examen de choix pour<br />
éliminer les pièges échographiques de surestimation pariétale<br />
(distinction d’une structure ventriculaire droite surajoutée,<br />
etc.) et pour préciser une hypertrophie apicale.<br />
■ Conduite à tenir et détermination<br />
de l’aptitude au sport<br />
Une hypertrophie cardiaque exclusivement en rapport avec<br />
l’entraînement physique est compatible avec la pratique de<br />
tous les sports en compétition et avec tous les niveaux<br />
d’entraînement.<br />
Une hypertrophie cardiaque en rapport avec une pathologie<br />
cardiovasculaire entraîne des restrictions d’aptitude au<br />
sport qui dépendent de l’étiologie en cause, du risque de<br />
complications et de la nature du<br />
sport pratiqué.<br />
Une cardiomyopathie hypertrophique<br />
ou une cardiomyopathie<br />
dilatée contre-indique les entraînements<br />
de haut niveau énergétique<br />
et/ou la compétition en<br />
dehors des sports à composante<br />
dynamique et isométrique faible.<br />
En cas de doute diagnostique entre<br />
hypertrophie liée exclusivement au<br />
sport et CMH, les recommandations<br />
concernant la démarche<br />
diagnostique et l’attitude vis-à-vis<br />
de l’activité sportive sont présentées<br />
dans le Tableau 2.<br />
CONSENSUS CARDIO pour le praticien - N° 40 Juin 2008<br />
En conclusion<br />
La découverte d’une HVG chez un sportif doit conduire à<br />
rechercher une cause pathologique à l’hypertrophie, et<br />
principalement une CMH. La décision diagnostique doit<br />
être étayée sur un faisceau de données cliniques et<br />
d’examens complémentaires. Le diagnostic de cœur<br />
d’athlète implique la poursuite sans réserve de la compétition.<br />
Un diagnostic de CMH entraîne aujourd’hui un arrêt<br />
de la compétition en dehors des sports à très faible<br />
dépense énergétique. La décision de la poursuite ou non<br />
de la pratique sportive de compétition doit être établie<br />
sans ambiguïté et très bien argumentée. C’est une décision<br />
grave qui peut avoir d’importantes répercussions psychologiques<br />
et professionnelles. Il est donc recommandé<br />
en cas de doute diagnostique d’associer d’autres spécialistes<br />
à la prise de décision. ■<br />
Pour toute correspondance avec les auteurs<br />
richard.brion@wanadoo.fr<br />
francois.carre@univ-rennes1.fr<br />
Pour en savoir plus<br />
1. Pellicia A, Maron BJ, Di Paolo FM, Biffi A, et al. Prevalence and clinical significance<br />
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Working Group of Cardiac Rehabilitation and Exercise Physiology and the<br />
Working Group of Myocardial and Pericardial Diseases of the European<br />
Society of Cardiology. Eur Heart J 2005 26: 1422-45<br />
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on lung volumes, airway resistance and on the maximal expiratory flowvolume<br />
relationship in prepubertal girls. Eur J Appl Physiol 1997; 76: 264-9.<br />
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assessment of clinical determinants of functional capacity in hypertrophic<br />
cardiomyopathy. Am J Cardiol 2000; 86: 162-8<br />
Bibliographie complète dans « recommandations »<br />
sur le site de la Société française de cardiologie :<br />
www.sfcardio.fr<br />
17
18<br />
Attitudes<br />
I FMC - recommandations - sociétés savantes - pratique clinique I<br />
Laurent Fauchier<br />
CHU Trousseau, Tours<br />
La fibrillation auriculaire (FA), pathologie si fréquente,<br />
est associée à plusieurs contraintes<br />
de prise en charge dans les recommandations<br />
internationales. Celles-ci sont basées sur de<br />
grandes études ayant fait la preuve de<br />
l’intérêt de certaines stratégies d’évaluation<br />
ou de traitement. Se conformer à ces recommandations<br />
demande une mise à niveau quasi<br />
constante des connaissances, ce qui est parfois difficile<br />
au quotidien. Les guides des affections de longue durée<br />
(ALD) de la Haute Autorité de santé (HAS) ont pour objectif de<br />
synthétiser ces multiples recommandations pour une prise en<br />
charge facilitée, mais également conforme aux données les<br />
plus récentes de la science. Il n’est bien sûr pas question de paraphraser<br />
ou de résumer ici un document dont l’objet est d’être<br />
une synthèse d’experts accessible à tous. Les commentaires suivants<br />
concernent donc plus des conséquences sur des points<br />
notables de notre pratique ou sur des éléments qui restent<br />
l’objet de discussions.<br />
La FA n’existe pas en tant que telle dans la<br />
liste des 30 ALD. Toutefois, elle peut<br />
s’intégrer dans l’ALD n°5 (1) (« Insuffisance<br />
cardiaque grave, troubles du rythme graves,<br />
cardiopathies valvulaires graves; cardiopathies<br />
congénitales graves »). On peut souligner que<br />
si la fibrillation atriale peut engendrer des<br />
complications sévères, elle n’est pas habituellement<br />
considérée comme un trouble du<br />
rythme grave. Néanmoins, il s’agit d’une pathologie<br />
évolutive qui nécessite un suivi et des soins prolongés (plus de<br />
6 mois) et dont les traitements sont coûteux. En outre, elle est<br />
souvent associée à une insuffisance cardiaque, pour ne pas dire<br />
à son origine, chez de nombreux patients, soit avec insuffisance<br />
cardiaque systolique, soit plus fréquemment encore lorsque<br />
l’insuffisance cardiaque est à fonction systolique préservée.<br />
En ce qui concerne la première partie sur la prise en charge<br />
diagnostique de la FA, nous nous contenterons de signaler que<br />
l’échocardiographie transthoracique recommandée sert aussi<br />
à mesurer le diamètre de l’oreillette gauche. Bien des comptes<br />
rendus ne notent plus ce paramètre. Pourtant, il apparaît dans<br />
les recommandations européennes parues en 2006. Dans ce<br />
contexte, il nous semble au moins aussi important que la<br />
recherche d’une hypertrophie ventriculaire gauche citée dans<br />
le bilan initial. D’ailleurs, on constate l’importance de cette<br />
mesure simplissime dans l’algorithme de la page 14 où il est indiqué<br />
qu’un diamètre auriculaire gauche supérieur à 55 mm est<br />
un élément pour récuser la cardioversion.<br />
Fibrillation auriculaire et ALD :<br />
lecture critique des<br />
recommandations de la HAS<br />
Les antithrombotiques<br />
Concernant le risque antithrombotique, il y a eu un souci de<br />
simplification pour déterminer le traitement optimal en fonction<br />
du nombre de facteurs de risque thromboembolique. Le<br />
tableau de la page 9 est maintenant assez largement utilisé pour<br />
décider des prescriptions dans la pratique, avec une place reconnue<br />
à l’aspirine en alternative aux antivitamines K (AVK) dans<br />
certains cas (Tableau). L’aspirine à la dose de 75 à 325 mg (75 ou<br />
160 mg en pratique) est donc utilisée plus largement<br />
qu’auparavant lorsqu’il existe une contre-indication aux AVK<br />
ou si l’on pense que le traitement AVK risque d’être mal suivi.<br />
Plutôt que de s’en tenir aux recommandations conjointes de<br />
l’ACC/AHA/ESC de 2006 qui préconisent une dose minimale de<br />
81 mg/j d’aspirine, les rédacteurs de la HAS ont de manière pragmatique<br />
choisi une dose minimale de 75 mg/j comme dans les<br />
recommandations du National Institute for Health and Clinical<br />
Excellence (NICE) de 2006, et beaucoup de prescripteurs en<br />
France leur en sont reconnaissants.<br />
La cardiopathie ischémique est considérée comme un élément<br />
de risque mineur comparativement à l’insuffisance cardiaque.<br />
Dans ce domaine, il reste le problème courant mais non abordé<br />
des patients coronariens dilatés avec éventuellement mise en<br />
place d’une ou plusieurs endoprothèses, même non actives. La<br />
triple association aspirine-clopidogrel-AVK est souvent indiquée<br />
en théorie, au moins transitoirement, mais parfois difficile à<br />
mettre en pratique ou associée à des complications hémorragiques<br />
sévères (2) . Il n’y a que peu d’études pour ces patients et<br />
quelques éléments de recommandations. La tendance actuelle<br />
Pas de facteur de risque Aspirine 75-325 mg<br />
Un seul facteur<br />
de risque modéré (âge ≥<br />
75 ans, HTA, insuffisance<br />
cardiaque, FEVG<br />
≤ 35% ou diabète)<br />
> 1 facteur modéré<br />
ou au moins un facteur<br />
majeur (AVC, AIT,<br />
embolie, RM,<br />
prothèse valvulaire)<br />
Tableau<br />
Traitement antithrombotique chez<br />
les patients avec fibrillation auriculaire<br />
Aspirine 75-325 mg<br />
ou AVK avec INR 2 à 3<br />
AVK avec INR 2 à 3<br />
CONSENSUS CARDIO pour le praticien - N° 40 Juin 2008
Figure<br />
serait plutôt d’associer clopidogrel et AVK ou de favoriser une<br />
antiagrégation plaquettaire optimale s’il n’y a qu’un risque<br />
modéré, dans l’attente d’éléments nouveaux (3) .<br />
Il faut insister sur les recommandations concernant l’interruption<br />
du traitement anticoagulant du fait de procédures diagnostiques<br />
ou thérapeutiques (arrêt complet possible pour une durée<br />
d’une semaine s’il n’y a pas de valve mécanique). Elles sont malheureusement<br />
souvent insuffisamment mises en pratique avec<br />
des relais AVK-héparine inutiles et associés à un risque hémorragique<br />
élevé bien montré dans l’étude AFFIRM. Cela est particulièrement<br />
vrai pour les procédures assez anodines (soins<br />
dentaires, changement de pacemaker, coronarographie<br />
diagnostique). Une réévaluation régulière de l’opportunité du<br />
traitement AVK demeure nécessaire.<br />
La stratégie antiarythmique<br />
Traitement pharmacologique de la FA<br />
persistante récurrente ou permanente<br />
FA persistante récurrente FA permanente<br />
Peu ou pas de symptômes Symptômes invalidants Traitement antithrombotique*<br />
et contrôle éventuel<br />
de la FC<br />
Traitement antithrombotique*<br />
et contrôle éventuel<br />
de la FC<br />
* Antithrombotique = aspirine, AVK ou héparine<br />
** Anticoagulant = AVK ou héparine<br />
Traitement antithrombotique*<br />
et contrôle éventuel<br />
de la FC<br />
Traitement antiarythmique<br />
Cardioversion électrique<br />
si nécessaire<br />
(sous anticoagulant**)<br />
L’algorithme (Figure) concernant le maintien du rythme sinusal<br />
résume les messages clés. En outre, comparé aux recommandations<br />
européennes ou américaines de 2006, cet algorithme est<br />
adapté aux prescriptions françaises car le dofétilide (non disponible<br />
en France) n’apparaît pas. Le fait que l’ablation par radiofréquence<br />
de la FA soit justifiée pour les patients très symptomatiques<br />
rappelle que c’est finalement bien la symptomatologie<br />
(de tachyarythmie paroxystique ou de dyspnée) qui est l’élément<br />
majeur pour décider de toute la stratégie concernant le rythme:<br />
ralentir ou régulariser avec des antiarythmiques ou des procédures<br />
non médicamenteuses. L’ablation par radiofréquence du<br />
nœud atrio-ventriculaire est indiquée pour améliorer les symptômes<br />
de patients en FA avec fréquence ventriculaire rapide,<br />
non contrôlés par les agents pharmacologiques. Un bénéfice<br />
supplémentaire souvent escompté concerne les patients avec<br />
CONSENSUS CARDIO pour le praticien - N° 40 Juin 2008<br />
stimulateur biventriculaire pour lesquels<br />
la FA avec rythme ventriculaire rapide<br />
spontané empêche de « délivrer » la thérapeutique<br />
de resynchronisation.<br />
Le contrôle des facteurs de<br />
risque cardiovasculaire<br />
La seconde partie concernant la prise<br />
en charge des facteurs de risque cardiovasculaire<br />
est un peu surprenante. Les<br />
facteurs de risque cardiovasculaire (HTA,<br />
diabète, obésité) ont un rôle envisageable<br />
dans la FA et doivent faire l’objet<br />
d’un contrôle le plus strict possible. Le<br />
bénéfice sur les complications de la FA<br />
est probable mais non prouvé. Les<br />
recommandations en la matière sont<br />
appliquées à la FA sur le seul argument<br />
que les complications sont probablement<br />
identiques lorsque les deux terrains<br />
sont associés. Cela est finalement<br />
assez discutable car en cas de FA, le<br />
risque surajouté concerne principalement<br />
une aggravation de l’insuffisance<br />
cardiaque et des événements thromboemboliques,<br />
et non des événements athéromateux. Il n’est<br />
donc pas impossible que le bénéfice « relatif » de ces mesures<br />
soit moindre dans la FA que dans d’autres pathologies cardiovasculaires.<br />
A notre connaissance, il n’existe actuellement<br />
aucune recommandation internationale similaire concernant<br />
spécialement ce point pour la FA. Le côté « copier-coller » de<br />
ce chapitre apparaît nettement dans l’introduction du livret<br />
publié en juillet 2007 qui comporte une erreur («…la première<br />
partie aborde la prise en charge de la maladie coronarienne<br />
…» au lieu de « la fibrillation auriculaire »), erreur<br />
qui n’est toujours pas corrigée à ce jour. Le raisonnement est<br />
poussé à son terme dans les annexes très courtes mais qui<br />
comportent tout de même l’ensemble du questionnaire du<br />
test de Fagerström permettant d’évaluer la dépendance tabagique<br />
des patients avec fibrillation auriculaire. Cette partie<br />
nous paraît donc artificielle pour ne pas dire inappropriée car<br />
elle contribue plutôt à diluer les informations déjà assez riches<br />
de la première partie, le contrôle des facteurs de risque<br />
cardiovasculaire étant nécessaire de principe. ■<br />
Traitement AVK poursuivi<br />
4 semaines minimum,<br />
puis traitement antithrombotique*<br />
Traitement de maintien<br />
du rythme sinusal<br />
Envisager ablation pour<br />
les FA récurrentes<br />
très symptomatiques après échec<br />
de un ou plusieurs TAA<br />
Pour toute correspondance avec l’auteur<br />
lfau@med.univ-tours.fr<br />
Pour en savoir plus<br />
1. Haute Autorité de santé. Affections de longue durée. Guides ALD n°5 - Fibrillation<br />
auriculaire.<br />
www.hassante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/ald_5_fibrillation_auriculaire.pdf<br />
2. Francescone S, Halperin JL. Triple therapy or triple threat? Balancing the risks of<br />
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J Am Coll Cardiol 2008; 51 : 826-7.<br />
3. Lip GY. Post-stenting antithrombotic drug therapy in patients with atrial fibrillation.<br />
Am J Med 2007; 120 : 920-2.<br />
19
20<br />
Elisabeth Villain<br />
Hôpital Necker-Enfants malades,<br />
Paris<br />
Attitudes<br />
I FMC - recommandations - sociétés savantes - pratique clinique I<br />
Toute cardiopathie congénitale opérée peut se compliquer de<br />
mort subite (MS) tardive, en règle générale due à un trouble du<br />
rythme. Si les bradycardies brutales peuvent être prévenues par<br />
une stimulation prophylactique, aucun facteur ne permet pour<br />
l’instant d’identifier avec certitude les patients à risque de trouble<br />
du rythme ventriculaire. Quelle que soit la cardiopathie, la<br />
présence d’anomalies résiduelles constitue un facteur qui<br />
aggrave le substrat arythmogène, et c’est pourquoi ces patients<br />
doivent être suivis régulièrement par des équipes pluridisciplinaires<br />
très spécialisées.<br />
Bien que le résultat à long terme de la chirurgie des cardiopathies<br />
congénitales soit satisfaisant, l’un des grands risques<br />
encourus par ces patients est la mort subite tardive. En dehors<br />
des accidents emboliques et des défaillances cardiaques aiguës,<br />
ces MS tardives sont en règle générale imputées à un trouble<br />
du rythme (1) . Il s’agit d’un événement rare : en étudiant une<br />
population de 3 589 patients opérés entre 1958 et 1998, Silka,<br />
et al. (2) ont rapporté 41 MS tardives ; une étude plus récente,<br />
portant sur 2 609 adultes ayant des cardiopathies congénitales<br />
et âgés de 37 ans en moyenne, a montré une mortalité de 8%<br />
sur une période de 15 ans, dont plus du quart était des MS (3) .<br />
Les troubles de la conduction<br />
auriculo-ventriculaire<br />
La survenue retardée d’un bloc auriculo-ventriculaire complet<br />
après chirurgie cardiaque est étroitement liée au risque de MS<br />
tardives (4) . Sur une petite étude rétrospective, nous avions<br />
trouvé que les patients à risque étaient ceux qui avaient eu un<br />
bloc complet durant plus de 48 heures après la chirurgie, et<br />
qui gardaient ensuite un allongement de l’espace PR et/ou des<br />
complexes QRS avec bloc de branche et/ou déviation axiale<br />
(Figure 1). Chez ces patients, nous recommandons de réaliser<br />
une électrophysiologie endocavitaire et d’appareiller ceux qui<br />
ont des troubles de conduction infra-hissiens (5) .<br />
Les troubles du rythme ventriculaire<br />
La fréquence des troubles du rythme ventriculaire, en particulier<br />
après correction d’une tétralogie de Fallot, a joué<br />
un rôle historique dans la connaissance des arythmies postopératoires<br />
et de leur relation avec les MS tardives.<br />
La mort subite dans les<br />
cardiopathies congénitales :<br />
incidence, facteurs prédictifs<br />
et prévention<br />
Figure 1. ECG et enregistrement endocavitaire d’un enfant<br />
opéré de tétralogie de Fallot. BAV complet jusqu’au 4 e jour<br />
postopératoire, puis bloc trifasciculaire, avec HV long<br />
(100 ms) sur l’enregistrement endocavitaire. Indication prophylactique<br />
de stimulation.<br />
La tétralogie de Fallot<br />
Après cure complète de tétralogie de Fallot, l’incidence des<br />
MS augmente avec le recul postopératoire, surtout après<br />
20 ans de suivi, pour atteindre 6 à 8% à 30 ans (6) . On attribue<br />
ces MS à des troubles du rythme ventriculaire, mais<br />
l’identification des patients à risque est difficile, en raison du<br />
grand nombre de facteurs à prendre en compte. Outre l’âge<br />
opératoire tardif et le recul postopératoire, les facteurs de<br />
risque (6-8) sur lesquels on insiste le plus sont les anomalies<br />
résiduelles (insuffisance pulmonaire, dilatation et insuffisance<br />
ventriculaires droites), la baisse de la fraction d’éjection du<br />
ventricule gauche et certains marqueurs ECG (QRS > 180 ms).<br />
Le rôle de la stimulation ventriculaire programmée reste<br />
controversé, mais ce test doit être pris en compte chez les<br />
patients que les marqueurs non invasifs ont déjà repérés<br />
comme étant à risque (9) .<br />
Les interventions de Mustard et Senning<br />
Avant les années 80, les enfants ayant une transposition simple<br />
des gros vaisseaux étaient traités par chirurgie atriale. Ces<br />
interventions (Mustard et Senning) ont donné de bons résultats,<br />
avec néanmoins une incidence de MS qu’on peut évaluer<br />
CONSENSUS CARDIO pour le praticien - N° 40 Juin 2008
Figure 2. Tracés enregistrés chez un patient de 15 ans (intervention<br />
de Mustard) après une syncope avec séquelles<br />
anoxiques sévères :<br />
- en haut : fibrillation atriale, immédiatement après reprise<br />
de la conscience ;<br />
- au milieu : ralentissement de la conduction auriculo-ventriculaire<br />
;<br />
- en bas : rythme habituel du patient. Bon fonctionnement<br />
du stimulateur ventriculaire, implanté auparavant pour défaillance<br />
sinusale sévère.<br />
à 7,9 pour 1000 patients-année (10) . Tous ces patients ont une<br />
défaillance sinusale, parfois sévère, mais elle n’est pas en cause<br />
dans ces MS. La survenue d’un flutter ou d’une fibrillation auriculaires<br />
reste le facteur de risque considéré comme le plus<br />
important (11,12) , en particulier en cas d’anomalies sur le montage<br />
et de défaillance du ventricule droit sous-aortique. C’est<br />
un trouble du rythme ventriculaire qui semble être l’accident<br />
final qui tue ces patients soudainement ; la majorité d’entre<br />
eux décèdent à l’activité, ce qui souligne le rôle des tachycardies<br />
atriales (passage en conduction 1/1 à l’effort) conjointement<br />
à celui d’une altération hémodynamique par dysfonction<br />
ventriculaire droite (Figure 2).<br />
Les autres cardiopathies<br />
Dans les obstacles gauches, les causes de MS tardives ont été<br />
peu étudiées, mais la survenue d’arythmies ventriculaires est<br />
étroitement liée à la fonction ventriculaire gauche.<br />
Les interventions palliatives sur cœur univentriculaire se compliquent<br />
surtout de troubles du rythme atriaux ; sur une série<br />
récente concernant 261 patients suivis, il y a eu 7 MS tardives<br />
imputées à des troubles du rythme, mais aucun facteur prédictif<br />
n’a pu être identifié (13) .<br />
Le traitement<br />
La correction des séquelles hémodynamiques et le traitement<br />
des substrats arythmogènes vont de pair. En général, le traitement<br />
pharmacologique des TV n’est pas très efficace. L’ablation<br />
par radiofréquence de circuits de réentrée ventriculaire (14) est<br />
parfois possible, mais reste en règle générale associée à<br />
l’implantation d’un défibrillateur automatique implantable<br />
(DAI). Les recommandations des sociétés savantes concernant<br />
CONSENSUS CARDIO pour le praticien - N° 40 Juin 2008<br />
l’implantation d’un DAI en prévention secondaire sont applicables<br />
aux cardiopathies congénitales. En prévention primaire<br />
en revanche, les indications restent controversées, car la sensibilité<br />
et la spécificité des facteurs de risque connus sont trop<br />
faibles pour justifier l’implantation d’un DAI chez des patients<br />
asymptomatiques, compte tenu du taux important de complications<br />
(environ 30 %) liées à l’implantation d’un DAI dans<br />
cette population (15,16) .<br />
En conclusion<br />
Quelle que soit la cardiopathie, l’évaluation exacte du risque<br />
de MS tardive est difficile, en raison de la multiplicité des facteurs<br />
en cause et de la rareté des événements rapportés. Dans<br />
tous les cas, les anomalies anatomiques et hémodynamiques<br />
résiduelles constituent un facteur aggravant, et ces patients<br />
doivent donc être suivis très régulièrement par des équipes<br />
habituées à ces pathologies. ■<br />
Pour toute correspondance avec l’auteur<br />
elisabeth.villain@nck.aphp.fr<br />
Pour en savoir plus<br />
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21
22<br />
Vincent Probst<br />
Institut du thorax, CHU, Nantes<br />
Attitudes<br />
I FMC - recommandations - sociétés savantes - pratique clinique I<br />
La réponse à la question pourrait être extrêmement simple<br />
et se résumer à « oui bien sûr puisque j'en ai vu ». La question<br />
est en fait probablement plus complexe et doit amener<br />
à se demander si les formes familiales des valvulopathies<br />
ont véritablement un sens clinique.<br />
Nous allons donc voir, pour les deux formes de valvulopathie<br />
les plus fréquentes, le rétrécissement aortique et le<br />
prolapsus valvulaire mitral, si les formes familiales de ces<br />
maladies existent, quelle est leur fréquence et si<br />
l'identification de ces formes familiales doit modifier le<br />
mode de prise en charge.<br />
Le prolapsus valvulaire mitral<br />
Les valvulopathies à dégénérescence myxoïde sont des maladies<br />
cardiaques fréquentes. Elles forment un groupe complexe<br />
de maladies se caractérisant par une atteinte valvulaire<br />
commune définie par un épaississement valvulaire par<br />
l’accumulation de protéoglycanes et une rupture de la structure<br />
conjonctive.<br />
Le prolapsus valvulaire mitral est de loin la forme la plus fréquente.<br />
Il touche entre 2 et 3% de la population.<br />
L'identification des premières formes familiales de cette<br />
pathologie est ancienne, mais le caractère génétique, et<br />
donc indéniablement héréditaire, a été récemment trouvé<br />
lors de l'identification du premier locus de prolapsus valvulaire<br />
mitral en 1999 par l’équipe de X. Jeunemaître en 16p11-13 (1) .<br />
Depuis, deux autres localisations sur les chromosomes 11 et<br />
13 ont été rapportées par une équipe américaine (2,3) .<br />
La localisation chromosomique du prolapsus valvulaire dans<br />
ces différentes familles permettait donc d'affirmer que le<br />
Les valvulopathies familiales<br />
existent-elles vraiment ?<br />
BSIP<br />
prolapsus valvulaire mitral pouvait être d'origine génétique,<br />
mais à ce stade la cause génétique de la pathologie n'était<br />
pas encore identifiée.<br />
Notre équipe avait identifié une grande famille, comportant<br />
plus de 300 membres, atteinte de dystrophie valvulaire<br />
liée à l’X (XMVD). La valvulopathie coségrégait avec une<br />
hémophilie A mineure, ce qui nous a permis de localiser en<br />
1998 le gène responsable de XMVD en Xq28, puis récemment<br />
d'identifier une mutation faux sens C A c1910 dans<br />
l’exon 13 A qui est prédit pour entraîner le remplacement<br />
d’une proline par une glutamine au niveau de l’acide aminé<br />
637 (P637Q) du gène codant pour la filamine A (4-6) .<br />
L'identification de cette première anomalie génétique responsable<br />
de formes non syndromiques de prolapsus valvulaire<br />
mitral permet donc de commencer à comprendre la<br />
physiopathologie de cette maladie. En effet, la filamine<br />
module l’organisation du cytosquelette d’actine en réseaux<br />
parallèles ou orthogonaux. Elle joue un rôle dans<br />
l’interaction entre les réseaux d’actine et les récepteurs transmembranaires<br />
pour moduler les signaux de transduction de<br />
cellule à cellule et a un rôle essentiel dans la voie de signalisation<br />
du TGF-bêta.<br />
Nous avons depuis recherché des mutations dans ce gène<br />
dans plusieurs petites familles ayant une transmission liée<br />
à l’X de la valvulopathie. Nous avons pu retrouver la présence<br />
d'une mutation sur 4 des 7 familles qui correspondaient<br />
à ces critères montrant que la filamine A joue un rôle<br />
majeur dans la survenue des valvulopathies lorsque la transmission<br />
se fait sur le chromosome X.<br />
Une recherche systématique de la présence de mutations<br />
dans la filamine A sur des cas sporadiques de valvulopathie<br />
myxoïde n'a permis de retrouver une mutation que chez un<br />
seul des 50 patients testés, ce qui montre que ce type<br />
d'anomalie génétique n’est responsable que d'une part<br />
mineure des valvulopathies. En revanche, notre équipe a<br />
réalisé de manière systématique la recherche de formes familiales<br />
de la maladie sur les cas sporadiques hospitalisés pour<br />
une chirurgie de plastie mitrale. Parmi les 160 patients que<br />
nous avons contactés, une enquête familiale a pu être réalisée<br />
chez 65 d'entre eux. Sur ces 65 familles, 45 (69%)<br />
avaient au moins un deuxième cas de valvulopathie myxoïde<br />
mitrale. Ces résultats montrent que les formes familiales de<br />
valvulopathie myxoïde mitrale sont très fréquentes.<br />
Le rétrécissement aortique<br />
Le rétrécissement aortique est actuellement la forme la plus<br />
fréquente de valvulopathie. Il touche environ 2 à 3% des sujets<br />
âgés. Nous avons tous appris, lors de nos études de médecine,<br />
que le rétrécissement aortique est une maladie du sujet âgé,<br />
CONSENSUS CARDIO pour le praticien - N° 40 Juin 2008
du moins dans sa forme la plus fréquente, et que cette pathologie<br />
est liée à une dégénérescence progressive avec calcifications<br />
de la valve aortique liée à l'âge. Certains facteurs favorisants<br />
ont pu être rapportés comme l'insuffisance rénale ou<br />
l'hypercholestérolémie. Actuellement, la physiopathologie du<br />
rétrécissement aortique reste mal connue, et c’est probablement<br />
pour cette raison qu’aucun traitement médical n'est disponible.<br />
Afin de rechercher la présence de formes familiales de cette<br />
maladie, nous avons développé une approche d'épidémiologie<br />
génétique. Cette approche est basée sur l'hypothèse que la<br />
population de notre région étant très sédentaire, si un ancêtre<br />
était atteint d'une forme génétique de la maladie, il a dû<br />
la transmettre à ses descendants qui sont restés dans les mêmes<br />
communes. Par conséquent, les communes dans lesquelles des<br />
formes familiales de la maladie sont présentes doivent avoir<br />
une fréquence anormalement élevée de la maladie.<br />
Nous avons utilisé notre fichier hospitalier des patients opérés<br />
d'un remplacement valvulaire aortique au CHU de Nantes.<br />
Ce fichier comprenait 2 527 patients opérés entre 1992 et 2002.<br />
Le lieu de naissance de tous ces patients a été déterminé grâce<br />
au numéro de Sécurité sociale qui contient le code Insee permettant<br />
de localiser la commune de naissance. La fréquence<br />
des patients opérés a été calculée dans chaque commune en<br />
rapportant le nombre de patients opérés à la population de<br />
la commune estimée lors des recensements effectués entre1926<br />
et 1936. Cette approche nous a permis de montrer que la répartition<br />
de la fréquence du rétrécissement aortique était extrêmement<br />
variable avec des taux pouvant osciller entre 1 et 100.<br />
Nous avons alors étudié les communes dans lesquelles la fréquence<br />
du rétrécissement aortique était la plus élevée et dans<br />
lesquelles plusieurs patients avaient le même nom de famille.<br />
Une de ces communes a particulièrement retenu notre attention<br />
car elle avait le deuxième taux le plus élevé de rétrécissements<br />
aortiques et plusieurs patients étaient apparentés.<br />
A partir de ces patients, nous avons pu identifier une grande<br />
famille constituée de 135 membres parmi lesquels 83 étaient<br />
encore vivants au moment de l'étude. Treize patients étaient<br />
atteints d'une forme sévère de rétrécissement aortique, dont<br />
10 étaient toujours vivants au moment de l'étude. Huit avaient<br />
bénéficié d'un remplacement valvulaire aortique pour rétrécissement<br />
aortique symptomatique.<br />
Nous avons alors réalisé un dépistage de la maladie chez les<br />
habitants originaires de cette commune et des communes avoisinantes,<br />
et nous avons réalisé un large travail de généalogie<br />
pour connaître les ancêtres des patients que nous avions pu<br />
identifier comme étant porteurs d'un rétrécissement aortique.<br />
Ce travail nous a permis d'identifier 65 personnes atteintes<br />
d'un rétrécissement aortique sévère et toutes reliées au même<br />
ancêtre commun né en 1650 (7) .<br />
L'analyse génétique sur cette famille est rendue difficile car<br />
seule une génération est disponible (compte tenu de l'âge<br />
d'apparition du rétrécissement aortique). Une analyse de liaison<br />
a permis d'identifier des zones chromosomiques potentiellement<br />
liées à la maladie dans la famille, mais avec une<br />
ségrégation imparfaite. Ce travail a été la première démonstration<br />
que la forme classique de rétrécissement aortique pouvait<br />
être héréditaire. Nous avons parallèlement continué à<br />
identifier de nouvelles familles atteintes d’un rétrécissement<br />
CONSENSUS CARDIO pour le praticien - N° 40 Juin 2008<br />
aortique. Ainsi, en partant de 233 patients hospitalisés en vue<br />
d’une chirurgie de remplacement valvulaire pour un rétrécissement<br />
aortique nous avons pu réaliser une enquête familiale<br />
chez 73 d'entre eux. Parmi ces 73 familles, une forme familiale<br />
de la maladie a pu être identifiée chez 59. Pour chacune de<br />
ces familles, il s’agissait d’une forme classique de rétrécissement<br />
aortique avec des patients âgés généralement de plus<br />
de 70 ans et une valve tricuspide.<br />
Ce travail démontre donc que même dans la forme classique<br />
du rétrécissement aortique touchant le sujet âgé les formes<br />
familiales sont très fréquentes.<br />
En conclusion<br />
Ces travaux mettent donc en évidence que les formes familiales<br />
des valvulopathies existent et sont probablement fréquentes<br />
lorsqu’elles sont recherchées. Cependant, jusqu’à<br />
présent nous n’avons pas remarqué que l’évolution clinique<br />
des patients atteints d’une forme familiale de ces maladies<br />
était différente de celle des autres patients. Le clinicien<br />
pourrait donc se désintéresser de ce problème en considérant<br />
que, puisque cela ne va pas modifier la prise en charge<br />
du patient, il n’est pas nécessaire de le rechercher. Cela serait<br />
une erreur car l'identification de ces formes familiales peut<br />
permettre le dépistage précoce de la maladie dans la famille,<br />
et ainsi éviter des complications graves, telles que les endocardites,<br />
et peut-être, dans le futur, permettre la mise en<br />
place précoce de traitements médicaux afin d'éviter<br />
l'aggravation de la maladie. ■<br />
Pour toute correspondance avec l’auteur<br />
vincent.probst@chu-nantes.fr<br />
Pour en savoir plus<br />
1. Disse S, Abergel E, Berrebi A, Houot AM, Le Heuzey JY, Diebold B, Guize L,<br />
Carpentier A, Corvol P, Jeunemaître X. Mapping of a first locus for autosomal<br />
dominant myxomatous mitral-valve prolapse to chromosome 16p11.2-p12.1.<br />
Am J Hum Genet 1999; 65: 1242-51.<br />
2. Freed LA, Acierno JS Jr., Dai D, Leyne M, Marshall JE, Nesta F, Levine RA, Slaugenhaupt<br />
SA. A locus for autosomal dominant mitral valve prolapse on chromosome<br />
11p15.4. Am J Hum Genet 2003; 72: 1551-9.<br />
3. Nesta F, Leyne M, Yosefy C, Simpson C, Dai D, Marshall JE, Hung J, Slaugenhaupt<br />
SA, Levine RA. New locus for autosomal dominant mitral valve prolapse on<br />
chromosome 13: clinical insights from genetic studies. Circulation 2005 ; 112:<br />
2022-30.<br />
4. Trochu JN, Kyndt F, Schott JJ, Gueffet JP, Probst V, Benichou B, Le Marec H.<br />
Clinical characteristics of a familial inherited myxomatous valvular dystrophy<br />
mapped to Xq28. J Am Coll Cardiol 2000; 35: 1890-7.<br />
5. Kyndt F, Gueffet JP, Probst V, Jaafar P, Legendre A, Le Bouffant F, Toquet C,<br />
Roy E, McGregor L, Lynch SA, Newbury-Ecob R, Tran V, Young I, Trochu JN,<br />
Le Marec H, Schott JJ. Mutations in the gene encoding filamin A as a cause<br />
for familial cardiac valvular dystrophy. Circulation 2007; 115: 40-9.<br />
6. Kyndt F, Schott JJ, Trochu JN, Baranger F, Herbert O, Scott V, Fressinaud E,<br />
David A, Moisan JP, Bouhour JB, Le Marec H, Benichou B. Mapping of X-linked<br />
myxomatous valvular dystrophy to chromosome Xq28. Am J Hum Genet 1998 ;<br />
62: 627-32.<br />
7. Probst V, Le Scouarnec S, Legendre A, Jousseaume V, Jaafar P, Nguyen JM,<br />
Chaventre A, Le Marec H, Schott JJ. Familial aggregation of calcific aortic<br />
valve stenosis in the western part of France. Circulation 2006 ; 113: 856-60.<br />
23
NOUVELLE RUBRIQUE<br />
24<br />
Généalogie<br />
I Transmission - gène - découverte - mutation I<br />
Denis Duboc<br />
Hôpital Cochin, Paris<br />
La génétique moléculaire a fait des progrès considérables au<br />
cours des vingt dernières années. De nombreuses mutations<br />
situées sur l’ADN, qui constitue notre patrimoine génétique,<br />
ont été découvertes et rendues directement responsables ou<br />
sont au moins impliquées dans la pathogénie de nombreuses<br />
affections, en particulier cardiovasculaires. Cependant, l’outil<br />
clinique que représente la génétique moléculaire est encore<br />
difficilement appréhendable et perceptible par le cardiologue<br />
clinicien. Dans cette rubrique Généalogie, nous allons essayer<br />
de préciser dans quelques affections héréditaires auxquelles le<br />
cardiologue peut être confronté dans sa pratique quelle peut<br />
être la place de la généalogie, de la génétique, de la biochimie<br />
moléculaire dans la prise en charge d’un patient concerné et<br />
les retombées familiales que cela peut avoir.<br />
Histoire d’un gène :<br />
à propos des laminopathies<br />
Histoire du gène<br />
des laminopathies<br />
L’histoire commence à la fin des années 1990 par un patient<br />
que nous appellerons le propositus qui présentait des troubles<br />
du rythme ventriculaire et un problème neuromusculaire.<br />
Il était en effet suivi depuis de nombreuses années pour des difficultés<br />
à la marche, attribuées à un syndrome de Kugelberg-<br />
Welander qui est un type d’amyotrophie spinale de l’adulte.<br />
Or dans ce type d’affection neuromusculaire, l’atteinte cardiaque<br />
est quasi inexistante, ce qui rendait cette observation<br />
particulièrement troublante, mais aussi passionnante pour le<br />
jeune chercheur clinicien en quête de nouvelle publication.<br />
En fait, en réexaminant le patient, il ne s’agissait pas d’une<br />
amyotrophie spinale par atteinte du motoneurone antérieur<br />
de la moelle, mais très clairement d’une dystrophie musculaire<br />
assez rare, la dystrophie d’Emery-Dreifuss qui donne notamment<br />
des rétractions tendineuses au niveau des coudes et<br />
du tendon d’Achille et qui est associée à des anomalies cardiaques<br />
bien connues. Il s’agit de troubles du rythme supraventriculaire,<br />
puis de troubles de conduction auriculo-ventriculaire,<br />
enfin de troubles du rythme ventriculaire et parfois<br />
de dysfonctions ventriculaires gauches. Le chercheur clinicien<br />
pouvait donc être a priori déçu, puisqu’il s’agissait de quelque<br />
chose de connu et publié. Heureusement, l’histoire ne s’arrête<br />
pas là.<br />
La reconstitution de l’arbre généalogique de sa famille,<br />
particulièrement informatif, va permettre d’aboutir à la<br />
découverte du gène et des mutations impliqués dans la survenue<br />
de cette affection. En effet, au sein de cette très<br />
grande famille de l’ouest de la France se trouvaient de nombreux<br />
patients atteints de la dystrophie musculaire d’Emery-<br />
Dreifuss avec une évolution clinique assez stéréotypée qui<br />
comportait des troubles de la marche dans l’enfance, des<br />
rétractions tendineuses puis, vers l’adolescence, l’apparition<br />
des premiers symptômes cardiaques : arythmie complète,<br />
trouble de conduction conduisant à la pose d’un pacemaker<br />
et à la transplantation chez un certain nombre de<br />
patients vers l’âge de 30 à 40 ans.<br />
Au sein de cette même famille, une deuxième maladie semblait<br />
exister, il s’agissait de patients ayant une atteinte purement<br />
cardiaque avec la survenue de troubles du rythme vers<br />
l’âge de 20 ans, puis de troubles de conduction, puis de troubles<br />
du rythme très sévères, parfois même d’insuffisance cardiaque<br />
ayant nécessité de recourir à la transplantation cardiaque.<br />
Donc, au sein de cette grande famille, des patients<br />
consultaient le neurologue qui lui-même de temps en temps<br />
appelait le cardiologue comme consultant, à la recherche de<br />
complications cardiaques associées à la maladie d’Emery-<br />
Dreifuss. Et d’autres patients consultaient uniquement le cardiologue<br />
car eux n’avaient pas la maladie d’Emery-Dreifuss,<br />
mais simplement une cardiopathie souvent sévère qui pouvait<br />
les conduire à la transplantation cardiaque.<br />
La forme cardiaque et musculaire<br />
Là encore, l’histoire ne s’arrête pas là. Au sein de cette famille,<br />
un certain nombre de patients ne voyaient ni le neurologue<br />
ni le cardiologue car eux étaient frappés par la malédiction<br />
qui était connue dans de cette grande famille, la mort subite.<br />
Etant donné l’extrême similarité du phénotype cardiaque<br />
dans la maladie d’Emery-Dreifuss et dans la cardiomyopathie<br />
dilatée associée à des troubles conductifs et rythmiques<br />
observés tous les deux dans cette famille, nous avons fait le<br />
pari que le mécanisme moléculaire était probablement<br />
le même, responsable de ces deux affections, une s’exprimant<br />
au niveau du cœur et l’autre au niveau du muscle squelettique<br />
et du cœur. Enfin, probablement, mais cela restait à<br />
démontrer, que les patients ayant fait une mort subite inaugurale<br />
étaient atteints par la forme la plus extrême de la<br />
même affection. En pratique, tous les patients considérés<br />
comme phénotypiquement atteints ont pu être prélevés, et<br />
cela a abouti à la mise en évidence d’une mutation sur le<br />
gène des lamines AC. Le gène code pour une protéine située<br />
sur la membrane interne du noyau de la cellule.<br />
Les laminopathies venaient d’apparaître sur la scène de la neurologie<br />
mais aussi de la cardiologie, et la publication eut lieu<br />
en 1999. Cette mutation se transmet sur un mode autosomique<br />
dominant ce qui veut dire qu’un enfant sur deux est atteint<br />
et que le mode de transmission ne passe pas par les chromosomes<br />
sexuels mais par un autosome (chromosome non sexuel).<br />
Ainsi, lorsqu’un parent est porteur, il y a une chance sur deux<br />
qu’il transmette à son enfant le chromosome atteint ou le<br />
chromosome sain, ce qui explique l’arbre généalogique de<br />
cette famille (Figure).<br />
CONSENSUS CARDIO pour le praticien - N° 40 Juin 2008
I<br />
II<br />
III<br />
IV<br />
V<br />
1<br />
1<br />
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 1617 18 19 20 21 22 23<br />
2 3 4 5 6 7 8 9 11 1213 1415 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33<br />
1 2 3 4 5 6<br />
CONSENSUS CARDIO pour le praticien - N° 40 Juin 2008<br />
Arbre généalogique de la grande famille française<br />
ayant permis de localiser la mutation du gène des lamines AC<br />
2<br />
1<br />
2<br />
3 4 5 6 7 8<br />
Figure. Un des deux parents est porteur de la mutation (caractérisée par la couleur noire), et dans chaque fratrie un<br />
enfant sur deux est atteint, quel que soit le sexe. Il s'agit d'une transmission autosomique (non liée au sexe) dominante<br />
(un seul gène muté suffit à faire exprimer la maladie) (phénotype). Les ronds représentent les individus de sexe<br />
féminin, les carrés ceux de sexe masculin : quand le carré ou le rond est clair, il s'agit de sujets sains. Quand il est<br />
pleinement noir , le phénotype est complet (cardiaque et musculaire), quand il est à moitié noir , le phénotype<br />
est purement cardiaque. Quand le sigle rond ou carré est rayé, il indique que l'individu est décédé. Le patient<br />
numéro 13( ), monsieur W. W., est le « propositus » qui a été le départ de la reconstitution de cet arbre familial.<br />
Les * représentent les sujets prélevés pour analyse génétique, les ▲ ceux porteurs d’un pacemaker.<br />
Figure. Tracés ECG d'un patient ayant fait une mort subite<br />
récupérée sur la voie publique. L'interrogatoire retrouve<br />
une mort subite prématurée chez un jeune frère et le tracé<br />
met en évidence la coexistence de troubles de conduction<br />
AV et IV et de troubles du rythme supraventriculaire.<br />
Ces anomalies doivent faire évoquer le diagnostic de<br />
laminopathie.<br />
Cet arbre est tout de même un peu particulier puisque certains<br />
ont la forme cardiaque exclusive et d’autres la forme<br />
cardiaque et musculaire. Un point particulier mérite d’être<br />
mentionné, c’est celui de la bénignité du phénotype cardiaque<br />
au moment où certains patients (les plus jeunes)<br />
ont pu être examinés. Au sein de cette famille, il y avait une<br />
jeune fille de 17 ans qui présentait comme seule anomalie<br />
un bloc auriculo-ventriculaire du premier degré (PR entre<br />
0,22 et 0,24 centièmes de seconde). Certes, il peut s’agir<br />
d’une anomalie physiologique dans la population générale,<br />
mais nous avons fait le pari que cette patiente était<br />
porteuse de cette mutation car appartenant à une famille<br />
à haut risque d’anomalie de conduction. Le pari a été tenu<br />
puisque malheureusement cette jeune femme était également<br />
porteuse de la mutation et a développé dans les<br />
années de suivi une dysfonction ventriculaire gauche qui<br />
a conduit à la mise en place d’un défibrillateur, puis à<br />
une transplantation cardiaque.<br />
Cette histoire familiale illustre l’aspect pratique de la<br />
découverte, grâce au clonage positionnel, d’une nouvelle<br />
anomalie moléculaire responsable d’affections graves.<br />
Cela a été rendu possible sur une grande famille informative<br />
chez laquelle un arbre généalogique a pu être reconstitué,<br />
ce qui a permis le prélèvement de l’ADN d’un certain<br />
nombre de patients et de déterminer avec précision<br />
la localisation du gène impliqué dans la genèse de cette<br />
affection. Depuis, les laminopathies occupent une place<br />
non négligeable dans la pathologie cardiovasculaire,<br />
en particulier rythmique, car les formes cardiaques pures<br />
25
26<br />
peuvent se compliquer de mort subite, et un certain nombre<br />
de nouvelles familles sont découvertes à l’occasion<br />
d’une mort subite récupérée. Pour illustrer ce point,<br />
je rapporterai une observation particulière récente de<br />
laminopathie.<br />
De la mort subite récupérée au diagnostic<br />
de laminopathie cardiaque<br />
Il s’agit d’un patient de 39 ans, hospitalisé pour un arrêt cardiaque<br />
récupéré ayant démarré par une tachycardie ventriculaire<br />
à 200/min avec secondairement l’apparition d’une dissociation<br />
électromécanique qui a pu être réanimé par les mesures<br />
habituelles. L’histoire de ce patient retrouve 10 ans auparavant<br />
la notion d’un Holter anormal avec une hyperexcitabilité ventriculaire<br />
et supraventriculaire et une fraction d’éjection du ventricule<br />
gauche légèrement diminuée à environ 50%. L’histoire<br />
familiale est également troublante, puisque l’un de ses frères<br />
est décédé brutalement dans son sommeil à l’âge de 45 ans. Une<br />
fois les conditions hémodynamiques du patient redevenues normales,<br />
la fraction d’éjection a été mesurée à 37%. Le diagnostic<br />
de laminopathie est évoqué étant donné l’antécédent familial<br />
de mort subite qui suggère un mode de transmission<br />
autosomique dominant (décès brutal chez le frère) et par ailleurs<br />
la notion d’anomalie rythmique supraventriculaire et ventriculaire<br />
ayant précédé et accompagné la manifestation aiguë.<br />
Un prélèvement adressé en biochimie génétique confirme le<br />
diagnostic en retrouvant une mutation présente à l’état hétérozygote<br />
(en effet un seul des chromosomes autosomiques sur<br />
les deux est atteint). Un défibrillateur est implanté et le traitement<br />
conventionnel de la dysfonction ventriculaire gauche<br />
débuté. Pour mémoire, ce patient n’a aucun signe musculaire<br />
et présente donc la forme cardiaque pure de laminopathie.<br />
A partir de là, l’enquête familiale doit commencer.<br />
Il s’agit d’un mode de transmission autosomique dominant,<br />
50% des enfants de ce patient peuvent être porteurs, et exposés<br />
à ce même risque de mort subite. Ils sont âgés de 5 à 13 ans.<br />
Se pose donc le problème du diagnostic génétique présymptomatique<br />
chez de jeunes enfants, ce qui peut avoir des répercussions<br />
psychologiques et de comportement parental chez des<br />
enfants dont le risque clinique réel n’est pas probant avant l’âge<br />
de 15 ans. Là, deux attitudes sont possibles : soit instaurer une<br />
surveillance « phénotypique » en faisant régulièrement des électrocardiogrammes<br />
et des échographies sans savoir si les enfants<br />
sont porteurs du gène de la mutation sur le gène des lamines,<br />
soit faire une détermination génétique et ne focaliser cette surveillance<br />
« phénotypique » que chez les seuls porteurs de la<br />
mutation. Cela mérite sans doute une approche pluridisciplinaire<br />
avec un psychologue, un généticien médical, mais il est<br />
clair que passé l’âge de 10 ans, étant donné le risque vital, j’aurais<br />
tendance à recommander de discuter avec les parents et les<br />
enfants, pour que l’on puisse faire cette détermination génétique<br />
et voir si l’enfant, futur jeune adolescent, est exposé à un<br />
risque notamment rythmique.<br />
Mais l’enquête familiale doit continuer ; après les descendants,<br />
les ascendants. Dans ce cas particulier, les deux parents du patient<br />
ressuscité sont décédés de problèmes non cardiaques, aussi il<br />
est difficile de savoir si ce sont les collatéraux et leurs descen-<br />
dants du côté de la mère ou les collatéraux et leurs descendants<br />
du côté du père qui sont concernés. En effet, on a de bonnes<br />
raisons de penser que la mutation a été transmise par l’un des<br />
parents, une néomutation étant peu probable dans ce cas. Le<br />
patient et son frère décédé brutalement sont atteints du phénotype<br />
laminopathie, et on a du mal à imaginer deux néomutations<br />
au sein de la fratrie. Il s’agit donc d’une maladie qui a<br />
été transmise et il faut essayer de recueillir des informations,<br />
naturellement par l’intermédiaire du patient concerné, sur ces<br />
deux parties de la famille. Concernant les collatéraux du patient,<br />
c’est-à-dire ses frères et sœurs, il faut là aussi les amener à un<br />
examen cardiologique et à un prélèvement génétique. Pour<br />
mémoire, le patient est d’ores et déjà capable de dire que sa<br />
sœur est suivie pour des problèmes rythmiques en province, et<br />
il y a fort à parier qu’elle est porteuse de la mutation, ce qui probablement<br />
modifiera sa prise en charge, notamment en termes<br />
de prévention de mort subite.<br />
En conclusion<br />
Les laminopathies à présentation cardiaque illustrent une affection<br />
grave à mode de transmission autosomique dominant<br />
avec une sanction thérapeutique, la prévention de la mort<br />
subite et un suivi cardiologique en cas de survenue de dysfonction<br />
ventriculaire gauche. Cela a des implications pratiques<br />
considérables, aussi l’enquête génétique doit être menée le<br />
plus scrupuleusement possible. De plus, cela illustre l’application<br />
pratique de la découverte d’une mutation d’un gène. On peut<br />
aussi en conclure que dans ce cas particulier il aura fallu un<br />
peu moins de 10 ans entre le clonage positionnel à<br />
l’identification du gène et la prévention de la mort subite.<br />
En revanche, le lien physiopathologique entre la diminution<br />
quantitative d’une protéine sur la membrane nucléaire<br />
(et non cellulaire) et la survenue d’une arythmie reste pour<br />
l’instant obscur. ■<br />
Pour toute correspondance avec l’auteur<br />
denis.duboc@cch.aphp.fr<br />
Pour en savoir plus<br />
- Becane HM, Bonne G, Varnous D, Muchir A, Ortega V, Hammouda EH,<br />
Urtizberea JA, Lavergne T, Fardeau M, Eymard B, Weber S, Schwartz K, Duboc D.<br />
High incidence of sudden death with conduction system and myocardial<br />
disease due to lamins A and C gene mutation. Pacing Clin Electrophysiol 2000;<br />
23(11 Pt 1): 1661-6.<br />
- Van der Kooi AJ, Bonne G, Eymard B, Duboc D, et al. Lamin A/C mutations<br />
with lipodystrophy, cardiac abnormalities, and muscular dystrophy. Neurology<br />
2002; 59(4): 620-3.<br />
- Van Berlo JH, Duboc D ,Pinto Y. Often seen but rarely recognised: cardiac complications<br />
of lamin A/C mutations. Eur Heart J 2004; 25(10):812-4.<br />
- Meune C, Van Berlo JH, Anselme F, Bonne G, Pinto YM, Duboc D. Primary<br />
prevention of sudden death in patients with lamin A/C gene mutations.<br />
N Engl J Med 2006; 354(2): 209-10.<br />
CONSENSUS CARDIO pour le praticien - N° 40 Juin 2008
Art et Cœur<br />
I Photographie - sculpture - poésie - peinture - musique I<br />
Carole Libercier<br />
« Tout mon travail des<br />
cinquante dernières années,<br />
tous mes sujets trouvent leur<br />
source dans mon enfance »,<br />
Louise Bourgeois<br />
Heart 2004, caoutchouc, acier inoxydable, métal, fil, plastique,<br />
bois et carton (59,1 x 48,5 x 29,2 cm).<br />
CONSENSUS CARDIO pour le praticien - N° 40 Juin 2008<br />
Le cœur<br />
de Louise Bourgeois<br />
Née à Paris en 1911, Louise Bourgeois<br />
est une figure éminente de la sculpture<br />
du XXe siècle. Installée aux Etats-Unis<br />
depuis 1938, elle n’est reconnue qu’assez<br />
tardivement.<br />
Le Musée d’art moderne de New York lui<br />
consacre une grande rétrospective en<br />
1982, et c’est en 1999 qu’elle reçoit le<br />
Lion d’or de la Biennale de Venise pour<br />
l’ensemble de son œuvre. Ses créations,<br />
étonnantes et singulières, traversent tous<br />
les mouvements artistiques de la<br />
deuxième partie du XXe siècle : expressionnisme,<br />
surréalisme, minimalisme…,<br />
et échappent à toute classification.<br />
Qu’il s’agisse de la « Femme-maison »,<br />
des « Personnages» sculptés sous forme<br />
de totems, des « Cellules » ou lieux de<br />
mémoire, ses œuvres – dessins, gravures<br />
ou sculptures – tournent autour des<br />
mêmes thèmes obsessionnels déclinés<br />
tout au long de sa vie avec des matériaux<br />
différents.<br />
L’œuvre représentée ici<br />
Heart 2004 a été exposée au<br />
centre Pompidou du 5 mars<br />
au 2 juin 2008 dans le cadre<br />
d’une rétrospective présentant<br />
près de 200 œuvres<br />
allant de 1938 à 2007.<br />
Cette sculpture récente est<br />
intimement liée à son histoire<br />
familiale et s’inscrit dans cette<br />
thématique qui a toujours<br />
existé, mais qui revient de<br />
façon répétitive et obsessionnelle<br />
ces dernières années.<br />
Louise Bourgeois est la<br />
seconde fille d’une famille de<br />
3 enfants. Ses parents possèdent<br />
un atelier de restauration<br />
de tapisseries anciennes,<br />
et dès 12 ans elle est mise à<br />
contribution pour redessiner<br />
les pieds manquants sur les<br />
tissus endommagés. Elle tra-<br />
© ADAGP, Paris 2008. Galerie Karsten Greve AG, Saint-Moritz<br />
vaille sous l’œil aimant et<br />
attentif d’une mère patiente<br />
et ordonnée. Dans cette<br />
œuvre, l’artiste se réfère à<br />
son enfance, à cet univers tissé de<br />
bobines de fil, d’aiguilles et d’écheveaux.<br />
Cette sculpture, sorte de portemanteau<br />
ou arbre métallique, est composée d’un<br />
socle sur lequel est fixée une longue tige<br />
en acier d’où partent des « ramifications»<br />
auxquelles sont suspendus divers éléments<br />
: boules sphériques de couleur,<br />
bobines de fil, écheveaux, alors qu’un<br />
gros cœur en caoutchouc rose piqué<br />
d’aiguilles occupe le premier plan.<br />
L’ensemble ordonné et symétrique rassure,<br />
sorte de squelette familial où les<br />
différents matériaux s’équilibrent. Il renvoie<br />
à la géométrie que l’artiste étudia<br />
et à son goût pour les relations des<br />
figures entre elles dans l’espace. Ne ditelle<br />
pas: « Mes sculptures sont des équations<br />
infaillibles. »<br />
Les écheveaux ou bobines dans des tons<br />
de bleu de tailles différentes rappellent<br />
les adultes et les enfants de son<br />
passé. Le cœur piqué d’aiguilles exprime<br />
une émotion forte.<br />
L’aiguille évoque ici non seulement<br />
l’acte de restauration dans l’entreprise<br />
familiale, mais elle est aussi symboliquement<br />
celle qui répare les blessures du<br />
cœur. Louise Bourgeois a toujours eu<br />
une fascination pour le pouvoir<br />
magique de l’aiguille qui « sert à réparer<br />
les dommages ». La place prépondérante<br />
du cœur fait sans doute allusion<br />
à cette mère aimante qui restaurait<br />
inlassablement les tissus abîmés malgré<br />
ses peines dues à un mari coureur de<br />
jupons.<br />
Tous ces fils qui s’enroulent évoquent<br />
le long écheveau de ses souvenirs<br />
d’enfance. Avec cette œuvre, Louise<br />
Bourgeois donne à voir le long et<br />
patient travail d’une « Pénélope des<br />
temps modernes» qui remonte dans le<br />
temps en quête de reconstruction d’un<br />
passé.<br />
Elle est la « couseuse-réparatrice », celle<br />
qui a assemblé les différents éléments de<br />
son enfance et qui utilise l’aiguille pour<br />
réparer ce qui a été endommagé par le<br />
passé et se réconcilier avec lui. ■<br />
29
30<br />
Frédérique Claudot*<br />
Yves Juillière**<br />
Juridique<br />
I Déontologie - code - exercice de la médecine - droit - éthique I<br />
CHU, Nancy<br />
En France, tout conducteur doit disposer d’un permis de<br />
conduire délivré par la préfecture et adapté au type de véhicule<br />
qu’il conduit. Sauf dispositions particulières (1) , il n’existe<br />
ni examen médical préalable à l’obtention du permis de<br />
conduire ni suivi médical obligatoire après l’obtention dudit<br />
permis. Le titulaire est supposé s’assurer lui-même de son<br />
aptitude à la conduite en cas de maladie, traitement ou handicap<br />
susceptibles d’entraîner des risques pour la conduite<br />
automobile. Dans ce cas, il est censé contacter spontanément<br />
un médecin agréé ou la Commission médicale des permis<br />
de conduire (pour plus de détails concernant les pathologies<br />
cardiovasculaires, voir l’arrêté du 21 décembre 2005 (2) ).<br />
Lorsque le médecin se trouve confronté à un patient inapte<br />
à l’obtention d’un permis de conduire ou devenu inapte,<br />
peut-il lui interdire de conduire ? Que faire ? Quelle est la<br />
responsabilité du médecin ?<br />
1. Le médecin peut-il interdire à son patient de<br />
conduire ?<br />
La réponse est non. Même s’il estime que la maladie dont son<br />
patient est atteint et/ou le traitement qu’il suit peuvent être<br />
dangereux au regard de la conduite automobile, le médecin ne<br />
dispose d’aucun pouvoir lui permettant d’interdire à l’un de ses<br />
patients de conduire. Le législateur n’ayant pas prévu de dérogation<br />
pour le signalement des conducteurs à risque, le médecin<br />
reste soumis au secret professionnel et ne peut pas saisir<br />
directement la Commission des permis de conduire ou le préfet<br />
[le patient sera convoqué par le préfet devant la commission et<br />
ne pourra pas s’y soustraire. Le patient ne saura pas qui a alerté<br />
le préfet. La saisine du préfet ou de la commission est anonyme<br />
(sic)!…]<br />
2. Que faire ?<br />
2.1. Informer toujours et encore…<br />
2.1.1. L’information du patient<br />
En plus de l’information claire, loyale, appropriée et compréhensible<br />
que tout médecin doit à son patient (art. L. 1111-2 CSP),<br />
il doit également dispenser une information particulière en<br />
termes de conséquences de sa maladie et/ou de la mise en œuvre<br />
de son traitement sur l’aptitude à la conduite (signes annonciateurs<br />
des crises, éviter les heures de circulation difficile, stress,<br />
météo, altitude, association de l’alcool au traitement, troubles<br />
de la vigilance liés au traitement…). L’information doit notamment<br />
porter sur les risques, y compris les risques fréquents ou<br />
* Frédérique Claudot est avocat au barreau de Nancy,<br />
consultante juridique du CHU de Nancy.<br />
** Yves Juillière est professeur des universités en cardiologie<br />
et maladies vasculaires à la faculté de médecine de Nancy<br />
et expert de cardiologie près la cour d’appel de Nancy.<br />
Inaptitude du patient à la conduite<br />
automobile : que faire ?<br />
graves, normalement prévisibles liés à la maladie et/ou au<br />
traitement, pour lui et pour autrui.<br />
Il doit essayer de convaincre son patient (sans obligation de<br />
résultat) soit d’arrêter de conduire, soit de se présenter de luimême<br />
devant un médecin agréé ou une commission médicale<br />
du permis de conduire et, le cas échéant, signaler le problème<br />
au médecin du travail.<br />
L’information doit être réitérée lors de nouvelles consultations,<br />
à chaque évolution de la maladie, à chaque modification de traitement<br />
(changement de médicament ou de posologie).<br />
2.1.2. L’information de la personne de confiance/de la famille<br />
En principe, l’information doit être délivrée au patient lui-même.<br />
Hormis les situations d’urgence, la loi ne prévoit de dérogations<br />
que dans les cas :<br />
où un patient hospitalisé aurait désigné une personne de<br />
confiance. Cette personne peut être un parent, un proche ou le<br />
médecin traitant. Elle est consultée dans les cas où le patient est<br />
hors d'état d'exprimer sa volonté et de recevoir l'information<br />
nécessaire à cette fin. Si le malade le souhaite, la personne de<br />
confiance l'accompagne dans ses démarches et assiste aux entretiens<br />
médicaux afin de l'aider dans ses décisions ;<br />
de diagnostic ou de pronostic graves : dans ce cas, le secret<br />
médical ne s'oppose pas à ce que la famille, les proches de la<br />
personne malade ou la personne de confiance reçoivent les<br />
informations nécessaires destinées à leur permettre d'apporter<br />
un soutien direct à celle-ci, sauf opposition de sa part.<br />
Cependant, l’article 34 du Code de déontologie médicale<br />
dispose que « le médecin doit formuler ses prescriptions<br />
avec toute la clarté indispensable, veiller à leur compréhension<br />
par le patient et son entourage et s'efforcer d'en<br />
obtenir la bonne exécution ». L’ordonnance sur laquelle le<br />
médecin formule sa prescription (qui n’est pas obligatoirement<br />
une prescription d’actes d’investigation ou de traitement<br />
complémentaires ou une prescription médicamenteuse)<br />
engage sa responsabilité. Sa délivrance doit être<br />
accompagnée d’explications claires, précises et nécessaires<br />
au patient et à son entourage pour une bonne observance<br />
du traitement. Il est par ailleurs à noter que l’obligation<br />
de conseil du pharmacien ou d’information des autres<br />
confrères qui sont intervenus ou qui interviendront par<br />
la suite ne dispense pas le médecin de son obligation<br />
d’information.<br />
2.1.3. L’information des autres médecins<br />
Le médecin traitant<br />
Sauf opposition du patient, le cardiologue peut informer le<br />
médecin traitant des précautions à prendre ou des contre-indications<br />
à la conduite automobile en raison de la maladie<br />
et/ou du traitement, afin que celui-ci relaie et complète les<br />
conseils du cardiologue et, le cas échéant, tente également de<br />
CONSENSUS CARDIO pour le praticien - N° 40 Juin 2008
convaincre son patient d’arrêter de conduire ou de se présenter<br />
devant la Commission des permis de conduire.<br />
Le médecin du travail<br />
La collaboration entre le médecin du travail et le médecin<br />
traitant ou médecin spécialiste s’effectue dans le respect du<br />
secret professionnel. Une information concernant un patient<br />
ne peut - en principe - qu’être partagée entre les médecins<br />
concourant aux soins (sont exclues les situations d’expertise judiciaire,<br />
de contrôle médical…). Il s’ensuit que le médecin traitant<br />
(et par extension le médecin spécialiste) ne peut communiquer<br />
des informations médicales au médecin du travail qu’avec<br />
l’accord de l’intéressé et généralement par l’intermédiaire de<br />
l’intéressé (lettre remise au patient).<br />
Il est à noter que tout certificat d’inaptitude ou limitant l’aptitude<br />
du patient a une valeur informative, mais n’a aucune valeur<br />
légale vis-à-vis de l’employeur qui n’est tenu que des seules<br />
conclusions du médecin du travail.<br />
2.2. Consigner les informations dans le dossier du patient<br />
Les informations délivrées au patient et, le cas échéant, un<br />
double de tout certificat d’inaptitude à la conduite automobile,<br />
de tout document de mise en garde – conduite à tenir –,<br />
de toute prescription détaillée devront être consignés dans le<br />
dossier médical qui constituera le seul moyen de preuve en cas<br />
de mise en jeu de la responsabilité du médecin. Chaque venue<br />
du patient motivera une information et une consignation dans<br />
le dossier médical.<br />
3. Quelle responsabilité pour le médecin ?<br />
3.1.1. Sur le plan civil/administratif<br />
La responsabilité du médecin (ou de l’établissement en cas<br />
d’exercice public) pourrait être mise en cause s’il est établi qu’il a<br />
manqué à son obligation d’information (pas d’information, pas<br />
d’information suffisante, pas d’information réitérée…). Pour un<br />
certain nombre de juristes, le médecin pourrait être poursuivi<br />
dans les cas d’accidents graves, dans un premier temps dans les<br />
cas d’accidents mortels ou d’accidents aux conséquences lourdes.<br />
3.1.2. Sur le plan pénal<br />
La responsabilité du médecin pourrait être recherchée dans le<br />
cadre des délits de risques causés à autrui :<br />
La mise en danger de la vie d’autrui (art. 223-1 CPe) : « Le<br />
fait d'exposer directement autrui à un risque immédiat de mort<br />
ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une<br />
infirmité permanente par la violation manifestement délibérée<br />
d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée<br />
par la loi ou le règlement est puni d'un an d'emprisonnement<br />
et de 15 000 euros d'amende.»<br />
La violation d'une obligation de sécurité ou de prudence<br />
(art. 121-3 al. 3 CPe)<br />
Le médecin qui n’a pas causé directement le dommage, mais<br />
qui a créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation<br />
du dommage ou qui n’a pas pris les mesures permettant<br />
de l’éviter est pénalement responsable s’il est établi qu’il a soit<br />
violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière<br />
de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement,<br />
soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui<br />
CONSENSUS CARDIO pour le praticien - N° 40 Juin 2008<br />
à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer.<br />
L’intention délibérer de violer une obligation de sécurité sera<br />
dans ce cas difficile à établir puisque le médecin n’a aucun moyen<br />
d’interdire à son patient de conduire… Cependant, l’avocat de<br />
la victime pourrait plaider qu’entre deux maux, il faut savoir<br />
choisir le moindre : respecter le secret professionnel comme un<br />
absolu ou ne rien avoir fait pour éviter la survenue d’un accident<br />
d’une particulière gravité?<br />
En conclusion<br />
Les médecins sont de plus en plus sollicités pour jouer un rôle<br />
dans la prévention des accidents sans toutefois disposer de<br />
moyens préservant leur responsabilité.<br />
Le problème de l’information à l’assureur n’a volontairement<br />
pas été abordé. Tout conducteur est normalement dans<br />
l’obligation d’apporter toute information sur une maladie ou<br />
un handicap susceptible de modifier les clauses du contrat qu’il<br />
a signé avec son assurance. Ce signalement peut ne pas être sans<br />
conséquences sur les autres contrats que le patient aurait signés<br />
avec son assureur. Dans cette perspective, l’information du médecin<br />
doit-elle aller jusqu’à informer ou conseiller à son patient de<br />
prévenir son assureur ?<br />
Le problème des autres permis (chasse, bateau) n’a pas non plus<br />
été abordé. L’acquisition de ces permis est soumise à examen<br />
médical et production d’un certificat médical. Toutefois, aucun<br />
« contrôle » de capacité n’est organisé après la délivrance du<br />
permis. ■<br />
Pour toute correspondance avec les auteurs<br />
f.claudot@chu-nancy.fr ou fclaudot@medecine.uhp-nancy.fr<br />
y.juilliere@chu-nancy.fr<br />
Pour en savoir plus<br />
1. Liste des conducteurs soumis à un examen médical préalable :<br />
articles R. 221-10 à R. 221-14 du Code de la route consultable à l’url<br />
http://www.legifrance.gouv.fr/ rubrique « les codes en vigueur ».<br />
2. Arrêté du 21 décembre 2005, fixant la liste des affections médicales incompatibles<br />
avec l’obtention ou le maintien du permis de conduire ou pouvant<br />
donner lieu à la délivrance de permis de conduire de durée de validité limitée.<br />
JO du 28 décembre 2005, NOR EQUS0500620A téléchargeable à l’url<br />
http://www.legifrance.gouv.fr/ rubrique autres textes législatifs et réglementaires.<br />
A lire également<br />
Dossier « Médicaments et conduite automobile » publié par l'Afssaps ,<br />
consultable à l’url :<br />
http://agmed.sante.gouv.fr/htm/10/picauto/sommaire.htm<br />
« Le médecin et son patient conducteur », brochure réalisée par le<br />
Centre d’études et de recherches en médecine du trafic et La Prévention<br />
routière, avec le soutien de la Fédération française des sociétés<br />
d’assurances et du Conseil national de l’ordre des médecins téléchargeable<br />
à l’url : www.preventionroutiere.asso.fr<br />
Rôle des médecins devant des cas manifestes d'incapacité à la<br />
conduite. Bull Acad Natle Méd 2006 ; 190(4-5) : 1089-90.<br />
Article R. 5121-129 du Code de la santé publique - apposition des pictogrammes<br />
sur le conditionnement extérieur de certains médicaments.<br />
31
BSIP<br />
CONSENSUS CARDIO pour le praticien - N° 40 Juin 2008<br />
Sommaire<br />
35 EDITORIAL<br />
Contrôle glycémique et risque<br />
cardiovasculaire :<br />
ADVANCE, VADT, ACCORD<br />
Serge Halimi<br />
36 Les nouveaux insulinosécréteurs<br />
dans le traitement du diabète<br />
de type 2<br />
Serge Halimi, Laure Villaret,<br />
Isabelle Debaty<br />
40 Les sulfonylurées n’exercent pas<br />
toutes la même protection<br />
cardiovasculaire<br />
Marie Virally<br />
43 Le diabète de type 2 sous l’angle<br />
physiopathologique de<br />
l’hyperglucagonémie<br />
Anne Teyssédou<br />
33
DR<br />
Diabéto pour le praticien<br />
Serge Halimi<br />
Rédacteur en chef<br />
Dans le précédent numéro alors que nous ne disposions que<br />
de très peu d’éléments sur les résultats de l’étude ACCORD et<br />
de presque aucun détail concernant les raisons exactes de<br />
l’arrêt du bras « contrôle intensif » hormis une surmortalité<br />
significative, il me semblait déjà indispensable de ne pas aller trop<br />
vite en besogne et accuser l’optimisation glycémique de tuer les diabétiques<br />
de type 2 ! La grande presse s’en est emparé, certains praticiens<br />
ont déjà conclu à la seule priorité du contrôle lipidique et<br />
tensionnel et considérablement relativisé l’importance de gérer<br />
l’hyperglycémie, tenant ainsi les recommandations actuelles pour<br />
inadaptées et excessives.<br />
Le congrès américain de diabétologie 2008 ADA, qui vient de se terminer,<br />
a rapporté les résultats de trois études, ADVANCE, VADT et<br />
ACCORD, qui ont principalement porté sur les effets cardiovasculaires<br />
du renforcement intensif de la glycémie et permis de clarifier<br />
les choses. Les designs de ces études diffèrent, en particulier quant<br />
à l’HbA1c de départ, aux objectifs d’HbA1c (6,5% pour ADVANCE et<br />
< 6% pour les deux études américaines) et aux modalités pour les<br />
atteindre (nombre d’antidiabétiques oraux et vitesse d’abaissement<br />
des glycémies). De plus, ADVANCE est la seule étude représentative<br />
de la population mondiale (Europe, Chine, Inde, Australie, Amérique<br />
du Nord) alors que les deux autres essais portent sur une<br />
population nord-américaine. Dans les trois études, les autres facteurs<br />
de risque cardiovasculaire sont aux objectifs et le risque cardiovasculaire<br />
des diabétiques de type 2 n’avait jamais été aussi bas,<br />
en particulier dans les deux bras de l’étude ACCORD. C’est bien là,<br />
en premier lieu, ce qui doit retenir notre attention, comme le pointe<br />
l’éditorial qui accompagne la publication du NEJM rappelant: «ceci<br />
est l’affirmation du succès du traitement moderne du diabète, ce<br />
constat prime sur toute autre considération », et « ces résultats soulignent<br />
la difficulté d’aller plus loin dans la réduction du risque cardiovasculaire<br />
une fois le traitement optimisé. Le praticien doit<br />
continuer à œuvrer pour réduire tous les facteurs de risque cardiovasculaire,<br />
plutôt que d’envisager sans motif de relever les objectifs<br />
glycémiques des recommandations, s’efforcer au contraire d’y amener<br />
un grand nombre de patients qui en sont souvent si éloignés!»<br />
En effet, les deux études, ADVANCE comme VADT, ne retrouvent pas<br />
de bénéfice cardiovasculaire, mais pas non plus de surmortalité globale<br />
ou cardiovasculaire liée au contrôle glycémique intensif ni à aucun<br />
médicament, y compris la rosiglitazone dans VADT (ni dans<br />
ACCORD au demeurant).<br />
Dans une étude ancillaire de VADT* (RACED**), il a été mis en évidence<br />
un lien fort entre score calcique élevé et risque cardiovasculaire,<br />
ainsi qu’un bénéfice du contrôle glycémique intensifié sur le<br />
risque cardiovasculaire chez les patients dont le score calcique était<br />
bas et l’ancienneté du diabète faible, alors que les sujets dont le diabète<br />
évoluait de longue date avec score calcique élevé n’ont eu aucun<br />
bénéfice au plan cardiovasculaire. Dans VADT et plus encore<br />
dans ACCORD, l’incidence des hypoglycémies graves (comas, besoin<br />
d’assistance médicale) a été particulièrement élevée dans le groupe<br />
intensif, de façon inacceptable. Toutefois, l’imputabilité de la mortalité<br />
n’a pu être rattachée avec certitude aux accidents hypoglycémiques<br />
dans le groupe traitement intensif. L’âge, l’ancienneté du<br />
CONSENSUS CARDIO pour le praticien - N° 40 Juin 2008<br />
Contrôle glycémique et risque<br />
cardiovasculaire :<br />
ADVANCE, VADT, ACCORD<br />
diabète, le haut niveau de risque cardiovasculaire, les objectifs glycémiques<br />
très bas (en deçà des recommandations internationales),<br />
la forte prise de poids du bras intensif (28% ayant pris 10,5 kg) sont<br />
peut-être responsables de cette surmortalité. Néanmoins les responsables<br />
de l’étude eux-mêmes ont admis ne pas être en mesure de<br />
fournir une explication satisfaisante et devoir encore travailler leurs<br />
données. Mais quoi qu’il en soit la conclusion première à tirer de ces<br />
études, selon moi, est qu’un sujet âgé, fragile, dont le diabète est<br />
ancien, ne doit certainement se voir proposer une « normalisation<br />
glycémique », mais des valeurs d’HbA1c raisonnables, autour de 7%.<br />
En revanche, conclure à l’inutilité d’un bon contrôle glycémique dès<br />
le début ou plus tard dans le cours de la maladie et imaginer que<br />
seuls le risque et la protection cardiovasculaires comptent, que des<br />
statines, des antihypertenseurs et des glycémies médiocres suffisent<br />
à la prise en charge du diabète de type 2 serait lourd de conséquences.<br />
Les effets remarquables du traitement du diabète ont accru<br />
l’espérance de vie des diabétiques de type 2 laissant tout le<br />
temps à la microangiopathie de faire son œuvre. Rétinopathie, néphropathie,<br />
neuropathie sont les conséquences directes de<br />
l’hyperglycémie. Elles étaient le triste lot de la plupart de nos patients<br />
il y a deux décennies encore. Ce serait un dramatique retour<br />
en arrière que de mettre tous les diabétiques de type 2 sur le même<br />
plan et de leur proposer à tous le même objectif glycémique, très<br />
strict ou plus souple, mais surtout pas laxiste.<br />
Traiter le diabète de type 2 repose sur des objectifs faciles à atteindre<br />
et à prescrire « lipides, tension artérielle et antiagrégants », cela<br />
est à la portée de tout praticien et certainement pas d’une spécialité<br />
quelconque (sous réserve de connaître les objectifs et de veiller<br />
à les atteindre). En revanche, contrôler l’hyperglycémie demande<br />
« beaucoup plus d’efforts et de compétence » du patient comme du<br />
soignant. Il serait trop aisé de se servir des résultats d’ACCORD pour<br />
remiser au placard la spécificité du contrôle glycémique et ses bénéfices<br />
parfaitement démontrés depuis l’UKPDS.<br />
Si certains n’en sont pas convaincus ou pas capables qu’ils laissent<br />
d’autres soignants faire, plus motivés, plus persévérants et simplement<br />
plus compétents. De plus, les nouveaux antidiabétiques se<br />
multiplient enfin. Ils sont efficaces, ont peu d’effets secondaires,<br />
en particulier ils n’exposent plus au risque d’hypoglycémie qui fut à<br />
la fois un risque et un obstacle dans ces études. Ce n’est donc pas le<br />
moment de baisser la garde ou de démotiver patients et soignants.<br />
Cette mode qui tend à médiatiser à la hâte des résultats encore incertains,<br />
sans en connaître le moindre détail, sans réflexion ni mise<br />
en perspective, à céder à la tentation de les monter en épingle, de<br />
les colporter, de douter de tout, est irresponsable. Cela s’apparente<br />
au monde des médias à sensation qui ne doit en aucun cas aussi envahir<br />
et venir polluer « ce sanctuaire qui devrait y résister : la médecine<br />
». Le diabète de type 2 est responsable d’un tiers des<br />
cardiopathies ischémiques, la première cause d’insuffisance rénale,<br />
de cécité et d’amputation. Le contrôle glycémique y joue un rôle<br />
majeur. Mais le « bon sens et l’art médical » nous dictaient déjà<br />
d’appliquer avec prudence et de façon nuancée les recommandations<br />
selon le profil de chaque patient. Ces études n’ont fait que le<br />
confirmer. ■<br />
* Proliferative Diabetic Retinopathy in Diabetes type 2 is related to Coronary Artery Calcium in the Veterans Affairs Trial (VADT).<br />
** RACED : Risk Factors, Atherosclerosis and Clinical Events in Diabetes.<br />
35
36<br />
Diabéto pour le praticien<br />
Serge Halimi,<br />
Laure Villaret et<br />
Isabelle Debaty<br />
Service de diabétologie-nutrition,<br />
CHU, Grenoble<br />
Durant près de quatre décennies les médicaments antidiabétiques<br />
se sont limités à deux classes thérapeutiques : les<br />
sulfamides hypoglycémiants et la metformine. Puis en cas<br />
d’échec, c’est-à-dire de résultat glycémique jugé insuffisant<br />
sous antidiabétiques oraux (ADO), le seul recours était un<br />
passage à l’insuline souvent indispensable après 10 à 15 ans<br />
et qui demeure, aujourd’hui, la meilleure option pour nombre<br />
de patients. Puis vint l’acarbose (Glucor) dont l’effet<br />
hypoglycémiant est plus modeste, et enfin les glitazones<br />
(thiazolidinediones), depuis environ six ans en Europe et<br />
une dizaine d’années aux Etats-Unis. Cette dernière classe<br />
d’ADO a élargi notre arsenal thérapeutique en permettant<br />
d’agir sur l’insulinorésistance presque toujours présente<br />
mais à des degrés divers chez la plupart des diabétiques de<br />
type 2 (DT2), cette action s’exerce principalement en abaissant<br />
les acides gras libres circulants donc agissant ainsi sur<br />
le muscle (meilleure utilisation du glucose), mais aussi sur<br />
le foie (moindre production de glucose). Cette insulinorésistance<br />
n’était pas influencée par les traitements précédents<br />
hormis l’excès de production de glucose hépatique<br />
réduit par la metformine. Les glitazones ont surtout permis<br />
de diversifier les associations thérapeutiques indispensables<br />
pour traiter le DT2, où les troubles à corriger sont multiples<br />
expliquant que les monothérapies sont souvent rapidement<br />
mises en échec. Enfin, cela a ouvert la voie à de<br />
véritables trithérapies « metformine-sulfamides-glitazones».<br />
Les effets indésirables<br />
et les limites d’action des précédents ADO<br />
Quoique disposant de cinq classes thérapeutiques en pratique<br />
courante, le médecin est souvent confronté aux effets indésirables<br />
ou aux échecs des ADO (1) .<br />
Ainsi, la metformine, qui est aujourd’hui préconisée dans toutes<br />
les recommandations internationales comme le traitement de<br />
première intention pour la plupart des DT2, a néanmoins<br />
quelques inconvénients, d’abord une tolérance intestinale<br />
médiocre (diarrhées) chez au moins 20% des patients et un usage<br />
limité chez les sujets âgés, insuffisants rénaux, insuffisants cardiaques<br />
et en général chez les patients fragiles. Les sulfamides<br />
hypoglycémiants sont essentiellement pénalisés par les hypoglycémies<br />
qu’ils entraînent, les glitazones par la rétention hydrosodée,<br />
les décompensations d’insuffisances cardiaques sousjacentes<br />
et la prise de poids par rétention hydrosodée et<br />
accumulation de graisse sous-cutanée.<br />
Le passage sous insuline est lui-même responsable d’effets secondaires<br />
: risque hypoglycémique bien sûr mais aussi, chez les<br />
Les nouveaux insulinosécréteurs<br />
dans le traitement<br />
du diabète de type 2<br />
patients très insulinorésistants, en surpoids ou obèses, prise de<br />
poids supplémentaire avec peu de bénéfice glycémique malgré<br />
de fortes doses d’insuline, au grand désespoir des patients et de<br />
leur médecin. Les nouveaux antidiabétiques, oraux ou injectables,<br />
comblent en partie certaines de ces lacunes.<br />
Le phénomène « incrétine »<br />
Chez un sujet normal, lorsque le glucose est administré par voie<br />
orale, il entraîne une sécrétion d’insuline beaucoup plus importante<br />
que s’il est administré par voie veineuse, à même niveau<br />
glycémique (Figure 1). Cette plus grande amplitude de sécrétion<br />
est due au fait que la voie orale déclenche la sécrétion<br />
d’hormones du tube digestif, le GLP-1 et le GIP. Ce sont les hormones<br />
dites « incrétines » (2) . Elles sont sécrétées dès le début de<br />
la prise alimentaire, mais seul le GLP-1 est altéré chez les diabétiques<br />
de type 2 et constitue la base des nouveaux insulinosécréteurs.<br />
En effet, son taux est plus bas que chez les sujets non<br />
diabétiques et la réponse insulinique postprandiale au stimulus<br />
glucose serait réduite de 60% chez les DT2 du fait de ce déficit<br />
en GLP-1.<br />
Mais le GLP-1 a aussi d’autres effets intéressants, en particulier<br />
la régulation de la sécrétion de glucagon. Celui-ci est<br />
normalement freiné par la prise alimentaire. Chez les DT2,<br />
il reste trop élevé à jeun comme en postprandial, et il est<br />
ainsi responsable d’un excès de production de glucose par<br />
Glycémie (mmol/l)<br />
11<br />
5,5<br />
0<br />
0 1 02<br />
50 g de glucose par voie orale<br />
ou glucose isoglycémique<br />
en perfusion IV<br />
60 120 180 60 120 180<br />
Temps (min)<br />
L’effet incrétine<br />
Glucose oral<br />
Glucose IV<br />
Figure 1. Amplification de la réponse insulinique par l’apport<br />
oral de glucose par rapport à l’effet obtenu par son apport par<br />
voie veineuse.<br />
CPeptide- (nmol/L)<br />
2,0<br />
1,5<br />
1,0<br />
0,5<br />
00<br />
Non-Diabétiques<br />
0 1 02<br />
50 g de glucose par voie orale<br />
ou glucose isoglycémique<br />
en perfusion IV<br />
Temps (min)<br />
Effet<br />
incrétine<br />
CONSENSUS CARDIO pour le praticien - N° 40 Juin 2008
Échange d'AA<br />
Exénatide<br />
H A E G T F T S D V S S Y L E G Q A A K E F I A W L V K G R amide<br />
Site de dégradation<br />
protéolytique<br />
Les analogues du GLP-1<br />
Acide Gras sur chaîne<br />
Latérale Liraglutide<br />
Enzymes DPPIV<br />
Figure 2. Le GLP-1 est rapidement dégradé par des enzymes dites<br />
DPP IV (dipeptidyl peptidases IV), les solutions thérapeutiques<br />
passent par leur inhibition (inhibiteurs des DPP IV ou gliptines)<br />
ou des analogues du GLP-1 rendus résistants aux DPP IV de<br />
diverses manières (exénatide et bientôt liraglutide).<br />
le foie et d’une hyperglycémie à jeun et en partie aussi après<br />
les repas.<br />
De plus, la stimulation de la sécrétion d’insuline comme le freinage<br />
du glucagon par le GLP-1 sont « gluco-dépendants ». En<br />
effet, ils ne s’exercent que tant que la glycémie est au-dessus de<br />
la normale évitant ainsi tout risque d’entraîner une hypoglycémie<br />
même en cas de surdosage. Enfin, le GLP-1 retarde la vidange<br />
gastrique et accroît la satiété ; deux autres éléments importants<br />
pour le traitement des DT2. Rétablir des taux plus physiologiques<br />
de GLP-1 constitue donc une approche thérapeutique innovante<br />
et prometteuse.<br />
Les inhibiteurs des DPP IV ou gliptines<br />
Mais le GLP-1 est très vite détruit par des enzymes dites dipeptidyl<br />
IV ou « DPP IV », et de ce fait l’administration de GLP-1<br />
humain est inutile sauf à le perfuser de façon continue. Deux<br />
voies ont été développées avec succès : les inhibiteurs des<br />
DPP IV ou « gliptines », par exemple la sitagliptine (Januvia)<br />
récemment introduite sur le marché français (3) . Ces molécules<br />
permettent de rétablir des taux plus élevés de GLP-1 endogène<br />
en réduisant sa protéolyse. Il s’ensuit une amélioration du profil<br />
glycémique chez les DT2 tant à jeun qu’en postprandial, sans<br />
hypoglycémie, sans prise de poids avec une baisse moyenne de<br />
0,7 à 1,1% d’HbA1c. Comparée à la metformine, aux sulfamides<br />
hypoglycémiants et aux glitazones, la baisse d’HbA1c est considérée<br />
comme non inférieure, quoique en général un peu moins<br />
forte. En revanche, les gliptines entraînent moins de troubles<br />
digestifs que la metformine, pas d’hypoglycémie contrairement<br />
aux sulfamides et aucune prise de poids ou aucun œdème à<br />
l’inverse des glitazones. En bithérapie, la synergie est excellente<br />
avec la metformine et les glitazones, la première constituant<br />
néanmoins la combinaison la plus logique et promise à un développement<br />
important. Toutefois si les gliptines semblent présenter<br />
beaucoup d’avantages par rapport aux sulfamides hypoglycémiants,<br />
il n’est pas certain que leur pouvoir hypoglycémiant<br />
soit équivalent lorsque l’HbA1c de départ est > 8,5%. De ce fait,<br />
le choix entre ces deux classes d’insulinosécréteurs pourrait se<br />
faire sur le degré initial d’hyperglycémie. La tolérance et<br />
l’efficacité des gliptines semblent excellentes chez l’insuffisant<br />
CONSENSUS CARDIO pour le praticien - N° 40 Juin 2008<br />
Lien albumine<br />
CJC 1131<br />
Inhibiteur des DPPIV<br />
Figure 3.<br />
Exemple d’un analogue du GLP-1<br />
résistant aux DPP IV<br />
Exénatide HG EGT F T SD L S KQME EEA VRL FIE WLKNGGPSSGAPPPS-NH 2<br />
GLP 1<br />
HA EGT F TSDVSSY L EGQAAKE F I AWLVKGR-NH humain<br />
2<br />
Site d’action de la DPP IV<br />
L’exendine-4 a été isolé dans la salive d’un lézard,<br />
Heloderma suspectum.<br />
rénal et le sujet âgé. Dans un avenir proche cette classe pourrait<br />
donc être recommandée en bithérapie dès que les objectifs<br />
(entre < 6,5 ou 7% d’HbA1c) ne sont pas atteints en monothérapie<br />
par metformine d’autant qu’à ces niveaux d’HbA1c aucun<br />
risque hypoglycémique n’est encouru avec une telle bithérapie.<br />
En revanche, hormis certaines situations (intolérance absolue<br />
ou contre-indications formelles), la metformine devrait rester<br />
la première ligne de traitement de cette maladie pour toutes<br />
ses qualités, y compris son coût très faible.<br />
Les analogues du GLP-1<br />
C’est l’autre voie thérapeutique utilisant le principe des « incrétino-mimétiques<br />
» (4) . Il s’agit d’analogues du GLP-1 résistant aux<br />
enzymes DPP IV (Figure 2), le premier sur le marché est<br />
l’exénatide (Byetta), la version synthétique de l’exendine-4, peptide<br />
naturel isolé de la salive d’un lézard appelé Heloderma<br />
suspectum (Figure 3). Il présente 53% d’homologie structurelle<br />
avec le GLP-1. Les études précliniques ont montré que l’exénatide<br />
possède tous les effets du GLP-1 : la stimulation glucodépendante<br />
de la sécrétion de l’insuline, l’inhibition de la sécrétion du<br />
glucagon, les effets trophiques et protecteurs sur la cellule bêta,<br />
l’inhibition de la prise alimentaire et de la vidange gastrique,<br />
l’induction d’une perte pondérale, et l’amélioration de la sensibilité<br />
à l’insuline. L’action globalement plus puissante de<br />
l’exénatide en comparaison aux inhibiteurs des DPP IV, y compris<br />
glycémique tient au fait que ces derniers ne font que rehausser<br />
partiellement le GLP-1 endogène, alors que cet analogue<br />
assure un effet exogène « pharmacologique » de type GLP-1<br />
like. Il est administré par voie injectable sous-cutanée à raison<br />
de 2 injections quotidiennes de 5 ou 10 µg. Les effets secondaires<br />
sont essentiellement digestifs, nausées (20 à 30%), mais<br />
s’amendent avec le temps et justifient de débuter par la plus<br />
37
38<br />
Diabéto pour le praticien<br />
petite dose le premier mois. Chez des patients DT2 insuffisamment<br />
contrôlés par la metformine et/ou une sulfonylurée,<br />
l’adjonction de l’exénatide pendant 30 mois a permis d’obtenir<br />
une baisse significative des glycémies à jeun et postprandiale,<br />
du taux d’HbA1c de 0,4 à 1%, et une perte pondérale progressive<br />
et dose-dépendante de 1 à 2 kg. Certains patients de ces<br />
trois études ont été suivis en ouvert jusqu’à 2 ans. Ils ont maintenu,<br />
voire accentué, la baisse initiale du taux d’HbA1c (-1,1%)<br />
et la perte pondérale (- 4,7 kg). En association à une glitazone<br />
chez des DT2 non contrôlés par celle-ci, l’exénatide sur<br />
16 semaines a apporté une diminution supplémentaire du taux<br />
d’HbA1c de 0,89% de même qu’une perte pondérale de<br />
1,75 kg. Une forme à libération prolongée, une injection hebdomadaire,<br />
est en cours de développement. L’indication princeps<br />
actuelle (comme l’AMM européenne) est l’échec de la bithérapie.<br />
En somme, l’exénatide est une alternative soit à la<br />
trithérapie orale, soit au passage à l’insuline. Une étude montre<br />
l’équivalence d’effet glycémique entre l’exénatide et la glargine<br />
(Lantus) en maintenant les ADO habituels, -1,1% d’HbA1c<br />
à 26 semaines, mais l’exénatide entraîne moins d’hypoglycémies<br />
nocturnes et la perte pondérale moyenne est de 2,3 kg comparativement<br />
à une prise pondérale d’environ 1,8 kg dans le groupe<br />
glargine (5) . Néanmoins cette étude ne doit surtout pas faire<br />
conclure à l’équivalence stricte avec quelques avantages pour<br />
l’exénatide dans la mesure où, d’une part, la titration de l’insuline<br />
semble avoir été inhabituellement prudente dans cette étude<br />
et, d’autre part, et surtout les indications de passage impératif<br />
sous insuline sont encore très nombreuses et spécifiques : carence<br />
insulinique patente, sécurité chez les sujets fragiles et/ou âgés,<br />
etc. Ce serait une grave erreur de croire que l’alternative existe<br />
chez tout diabétique étiqueté type 2 en échec de bithérapie<br />
ADO. Le praticien sera très vigilant et particulièrement avisé de<br />
prendre l’avis d’un spécialiste au moindre doute et plus encore<br />
de ne sevrer aucun diabétique déjà sous insuline sans avis spécialisé<br />
et encadrement strict.<br />
Les schémas et stratégies thérapeutiques<br />
de demain<br />
Ces deux nouvelles classes thérapeutiques enrichissent indéniablement<br />
l’arsenal thérapeutique et comblent des lacunes avec<br />
des effets indésirables très modestes (1,6) .<br />
On peut ainsi envisager d’introduire les gliptines en bithérapie<br />
dès que l’HbA1c dépasse 6,5 ou 7% chez des diabétiques<br />
de type 2 en échec de metformine seule. Cette association synergique<br />
offre l’avantage sur l’association metformine + sulfamides<br />
de ne pas exposer au risque d’hypoglycémie, surtout si la bithé<br />
7 ou 7,5% en monothérapie. Au-delà, aujourd’hui, il est logique<br />
de maintenir les indications de l’association metformine +<br />
sulfamides. L’autre bithérapie est bien sûr metformine + glitazone.<br />
Là encore, l’association metformine + gliptine semble préférable<br />
sur le plan pondéral et de la rétention hydrosodée. Toutefois,<br />
si le patient est de façon prédominante insulinorésistant,<br />
alors la glitazone semble préférable. On dispose encore d’assez<br />
peu d’indicateurs phénotypiques simples pour orienter vers l’une<br />
ou l’autre bithérapie. On pourrait donc voir plus souvent les glitazones<br />
repoussées au moment du passage en trithérapie. Quant<br />
à l’exénatide, si l’indication « officielle » est l’échec d’une bithé-<br />
rapie, on dispose encore d’assez peu de critères de choix. Certes,<br />
les résultats sont très encourageants, mais on doit rester prudent<br />
lorsque le choix « insuline ou exénatide » se pose et ne<br />
jamais interrompre une insulinothérapie déjà entreprise sans<br />
avis, dans la mesure où 10% des DT2 sont mal classés (les sujets<br />
les plus minces) et sont en réalité d’authentiques DT1 apparus<br />
à l’âge adulte ou chez des sujets âgés, de plus nombre de vrais<br />
DT2 évoluent vers une insulinopénie authentique. Ainsi dans<br />
toutes ces situations le choix de l’exénatide serait une erreur<br />
lourde de conséquences.<br />
En conclusion<br />
Ces nouvelles molécules ciblent des mécanismes physiopathologiques<br />
du DT2 mal connus jusqu’alors et surtout pour lesquels<br />
les traitements précédents étaient inopérants. Ils relancent, au<br />
moins partiellement, la réponse insulinosécrétoire au glucose<br />
chez les DT2, freinent l’excès de glucagon et exercent des effets<br />
sur la prise alimentaire et le poids à long terme. Cela leur confère<br />
une neutralité ou un bénéfice pondéral et aucun risque hypoglycémique<br />
(hormis en association aux sulfamides hypoglycémiants<br />
ou à l’insuline). Indéniablement elles ouvrent des perspectives<br />
très prometteuses et ont enrichi et diversifié notre<br />
arsenal thérapeutique. Néanmoins, tout remplacement systématique<br />
des sulfamides hypoglycémiants (ou d’une glitazone)<br />
par une gliptine en association avec la metformine serait une<br />
erreur et conduirait à quelques déconvenues. Il en serait de<br />
même pour l’usage de l’exénatide comme une alternative systématique<br />
à l’insuline. Une réflexion sur chaque patient s’impose<br />
plus que jamais tant les molécules se multiplient et les combinaisons<br />
thérapeutiques plus encore. Cette réflexion doit porter<br />
sur les spécificités de chaque patient afin d’orienter le traitement<br />
selon ses caractéristiques phénotypiques clinico-biologiques,<br />
donc physiopathologiques. Cet effort de compréhension<br />
et d’analyse s’impose plus que jamais face à une<br />
pharmacopée diversifiée. ■<br />
Pour toute correspondance avec l’auteur<br />
shalimi@chu-grenoble.fr<br />
Pour en savoir plus<br />
1. Virally M, Blicklé JF, Girard J, Halimi S, Simon D, Guillausseau PJ. Type 2 diabetes mellitus:<br />
epidemiology, pathophysiology, unmet needs and therapeutical perspectives. Diabetes<br />
Metab 2007; 33 : 231-44.<br />
2. Drucker DJ. Enhancing incretin action for the treatment of type 2 diabetes. Diabetes<br />
Care 2003; 26 : 2929-40.<br />
3. Rosenstock J, Zinman B. Dipeptidyl peptidase-4 inhibitors and the management of<br />
type 2 diabetes mellitus. Curr Opin Endocrinol Diabetes Obes 2007;14 : 98-107.<br />
4. Buse JB, Klonoff DC, Nielsen LL, et al. Metabolic effects of two years of exenatide treatment<br />
on diabetes, obesity, and hepatic biomarkers in patients with type 2 diabetes: an<br />
interim analysis of data from the open-label, uncontrolled extension of three doubleblind,<br />
placebo-controlled trials. Clin Ther 2007; 29 : 139-53.<br />
5. Amori RE, Lau J, Pittas AG. Efficacy and safety of incretin therapy in type 2 diabetes: systematic<br />
review and meta-analysis. JAMA 2007; 298 : 194-206.<br />
6. Heine RJ, Van Gaal LF, Johns D, Mihm MJ, Widel MH, Brodows RG; GWAA Study Group.<br />
Exenatide versus insulin glargine in patients with suboptimally controlled type 2 diabetes:<br />
a randomized trial. Ann Intern Med 2005; 143 : 559-69.<br />
CONSENSUS CARDIO pour le praticien - N° 40 Juin 2008
40<br />
Diabéto pour le praticien<br />
Les sulfonylurées n’ont pas toutes la même efficacité sur le<br />
risque et/ou la protection coronaires des patients diabétiques<br />
de type 2. Les « anciennes » molécules, comme le glibenclamide<br />
ou le tolbutamide, sont associées à un risque<br />
d’événements coronaires plus élevé que les plus « récentes»,<br />
comme le gliclazide et le glimépiride. Ces effets bénéfiques<br />
pourraient être expliqués par des propriétés anti-oxydantes<br />
des sulfonylurées récentes.<br />
Les données de l’étude FRAMINGHAM montrent que le diabète<br />
expose le patient à un haut risque vasculaire, au moins<br />
multiplié par 2 chez l’homme comme chez la femme, quel<br />
que soit l’événement cardiovasculaire (AVC, claudication intermittente,<br />
insuffisance cardiaque, accidents coronaires, infarctus<br />
du myocarde, angor, mort subite et décès coronaires). Le diabète<br />
de type 2 est une maladie évolutive dont la progression est<br />
essentiellement tributaire de la perte fonctionnelle de la cellule<br />
bêta au cours du temps. Cette évolution conduisant à une nécessaire<br />
escalade thérapeutique a été bien démontrée dans UKPDS.<br />
Depuis plus d’un demi-siècle, les cliniciens utilisent un sulfamide<br />
pour stimuler l’insulinosécrétion. Voilà 10 ans déjà que l’étude<br />
UKPDS a montré que la prescription d’un sulfamide (SU) chez<br />
des patients diabétiques nouvellement diagnostiqués est plus<br />
efficace que les simples règles hygiéno-diététiques pour améliorer<br />
le contrôle glycémique au long cours et diminuer<br />
l’incidence des complications liées au diabète. La diminution du<br />
risque d’infarctus du myocarde est de 16%, à la limite de la significativité<br />
(p = 0,052). La tolérance aux sulfamides s’est révélée<br />
tout à fait satisfaisante, sans augmentation du risque de complications<br />
cardiovasculaires levant ainsi le doute soulevé par<br />
l’étude américaine UGDP (University Group Diabetes Project)<br />
dans les années 1970.<br />
Les différences d’efficacité entre<br />
sulfonylurées anciennes et récentes<br />
La question reste posée sur l’efficacité vis-à-vis du risque cardiovasculaire<br />
des SU anciennes et récentes. Il n’existe pas d’étude<br />
d’intervention « head to head », c’est-à-dire comparant directement<br />
les effets de deux SU différentes, et on ne dispose que<br />
de données de registres. Mais toutes les données évaluant<br />
l’impact du traitement antidiabétique sur le risque d’infarctus<br />
du myocarde et son pronostic sont concordantes et semblent<br />
montrer que les SU ne sont pas identiques, avec une différence<br />
entre les SU anciennes et récentes. L’étude française USIC, réalisée<br />
en novembre 2000 sur une période de 1 mois dans les<br />
unités de soins intensifs cardiaques (369 USIC), a évalué<br />
Les sulfonylurées n’exercent<br />
pas toutes la même<br />
protection cardiovasculaire<br />
2 320 patients hospitalisés pour infarctus du myocarde dont<br />
487 diabétiques de type 2 (DT2). Les données montrent une<br />
diminution du risque de mortalité hospitalière (en analyse multivariée)<br />
chez les DT2 traités antérieurement par SU comparés<br />
aux DT2 non traités par SU (RR : 0,44 contre 0,37, p < 0,020). Les<br />
patients traités par SU avant l’admission n’étaient pas différents<br />
pour les caractéristiques d’HbA1c, le type et la localisation de<br />
l’IDM ainsi que l’index Killip. Ils étaient un peu plus âgés<br />
(71 contre 68 ans), avec une dyslipoprotéinémie un peu plus fréquente<br />
(52% contre 42%). La mortalité intrahospitalière a aussi<br />
été évaluée chez 1 268 diabétiques hospitalisés pour IDM en<br />
France fin 2005. Les données mettent en évidence que les diabétiques<br />
traités antérieurement par SU ont une mortalité significativement<br />
moindre que ceux non traités par SU (7,8% contre<br />
4,1%, p = 0,025). De plus, le type de SU a un impact différent.<br />
En effet, le traitement par glimépiride ou gliclazide est associé<br />
à une mortalité significativement abaissée comparé au traitement<br />
par glibenclamide (7,8% contre 3%).<br />
Les données des registres et des études<br />
L’étude cas-témoins des registres danois a évalué l’impact du<br />
traitement antidiabétique sur le risque d’infarctus du myocarde<br />
et son pronostic. Elle a été menée sur un effectif plus important<br />
de 6 738 patients, dont 867 DT2, admis dans les hôpitaux du<br />
comté du North Jutland pour un premier IDM. Les patients ont<br />
été appariés pour le sexe et l’âge avec 67 374 témoins (dont<br />
3 148 DT2) issus des registres de l’état civil. L’identification des<br />
médicaments antidiabétiques a été faite à partir des données<br />
de l’Assurance maladie. Les critères d’analyse de l’étude étaient<br />
2,5<br />
2<br />
1,5<br />
1<br />
0,5<br />
0<br />
Figure 1.<br />
Risque relatif de survenue d’un<br />
1 er IDM selon le type de sulfonylurée<br />
OR : 2,32<br />
OR : 2,08<br />
OR : 1,36<br />
OR : 1,37<br />
Non-diabétiques<br />
Glibenclamide<br />
Tolbutamide<br />
Gliclazide<br />
Glimépiride<br />
Non- Glibenclamide Tolbutamide Gliclazide Glimépiride<br />
diabétiques (Johnsen SP, et al. Am J Therap 2006 ;13 : 134-40)<br />
CONSENSUS CARDIO pour le praticien - N° 40 Juin 2008
1,4<br />
1,2<br />
1<br />
0,8<br />
0,6<br />
0,4<br />
0,2<br />
0<br />
Figure 2.<br />
Mortalité dans les 30 jours après IDM<br />
selon le type de sulfonylurée<br />
Non-diabétiques<br />
OR : 1,29 [1-1,67]<br />
OR : 1<br />
[0,53-1,90]<br />
Glibenclamide Gliclazide<br />
Tolbutamide Glimépiride<br />
(Johnsen SP, et al. Am J Ther 2006 ; 13 : 134-40)<br />
le risque de survenue d’un premier IDM et la mortalité au cours<br />
des 30 jours suivants chez les DT2 comparés aux témoins après<br />
ajustement sur les comorbidités et les traitements associés. Le<br />
risque de survenue d’un premier IDM augmente chez les DT2<br />
traités par des sulfonylurées « anciennes » comparés aux témoins<br />
(OR : 2,08 [1,77-2,45] avec glibenclamide et OR : 2,32 [1,48-3,64]<br />
avec tolbutamide). En revanche, le risque est le même chez les<br />
témoins ou les DT2 traités par des sulfonylurées « récentes»<br />
(OR : 1,37 [0,84-2,22] avec gliclazide et OR : 1,36 [0,93-1,99] avec<br />
glimépiride) (Figure 1). Le risque de mortalité 30 jours après IDM<br />
chez les DT2 comparés aux témoins est le même en cas de traitement<br />
par insuline (OR : 1,27 [0,92-1,74]) et par sulfonylurées<br />
« récentes » (OR: 1 [0,53-1,90] avec gliclazide et glimépiride). En<br />
revanche, il est augmenté chez les DT2 traités par SU<br />
« anciennes » (OR : 1,29 [1-1,67]) (Figure 2).<br />
L’impact du type de SU sur le risque et le pronostic des IDM a<br />
également été évalué dans la Florence Register Study. Il s’agit<br />
d’une étude de cohorte, menée chez 568 DT2 consécutivement<br />
inclus entre janvier 1998 et décembre 2001, puis suivis jusqu’en<br />
décembre 2004 (378 étaient traités par glibenclamide et 190 par<br />
gliclazide). Les critères d’analyse étaient la mortalité toute cause<br />
et les causes de décès. Le suivi a été de 5 ± 1,6 an pour les décès<br />
et de 4,4 ± 2 ans pour les événements coronaires. Les données<br />
CONSENSUS CARDIO pour le praticien - N° 40 Juin 2008<br />
Non-diabétiques<br />
Glibenclamide /<br />
Tolbutamide<br />
Gliclazide/<br />
Glimépiride<br />
Le stress oxydant au cours de la maladie diabétique<br />
Le stress oxydant peut être défini comme un déséquilibre<br />
de la balance entre les radicaux libres oxygénés et les<br />
systèmes antioxydants au profit des premiers. Le diabète<br />
sucré s’accompagne d’un stress oxydant. Celui-ci est la<br />
conséquence de concentrations anormalement élevées de<br />
glucose dans les milieux intra- et extracellulaires. Il conduit<br />
à une altération des macromolécules biologiques comme<br />
les acides nucléiques, les protéines et les lipoprotéines, ces<br />
dernières étant en particulier plus sensibles à l’oxydation.<br />
Les modifications de l’activité des facteurs de transcription,<br />
le métabolisme altéré du monoxyde d’azote et l’oxydation<br />
accrue des lipoprotéines (LDL, HDL) sont des facteurs contribuant<br />
au développement des complications vasculaires.<br />
Enfin, le stress oxydant est de plus en plus suspecté d’être<br />
à l’origine d’une réduction de la sécrétion d’insuline par les<br />
cellules bêta, et d’une aggravation de l’insulinorésistance.<br />
montrent que les diabétiques traités par gliclazide ont une diminution<br />
significative des décès toute cause (p < 0,006) et de<br />
l’incidence des événements coronaires (p < 0,016) comparativement<br />
aux DT2 traités par glibenclamide.<br />
Enfin, l’impact du type de SU sur la survie des DT2 après infarctus<br />
du myocarde aigu a été évalué dans l’étude FAST-MI 2005.<br />
Il s’agit du registre français national de la Société française de<br />
cardiologie, incluant tous les patients admis pour un IDM de<br />
moins de 48 heures, sur une période de 1 mois (2 mois pour<br />
les diabétiques). L’étude a été menée dans 223 centres,<br />
3 670 patients, dont 1 316 diabétiques, ont été évalués. La mortalité<br />
intrahospitalière est différente selon le type de traitement<br />
par SU avant admission. Celle-ci est significativement abaissée<br />
en cas de traitement par les SU « récentes » comparées aux SU<br />
« anciennes » (2,7% gliclazide/glimépiride contre 7,5% glibenclamide,<br />
p = 0,003). De même, la courbe de survie à 6 mois et à<br />
1 an est meilleure avec les nouvelles SU.<br />
En conclusion<br />
L’ensemble de ces données permet de dire qu’il existe aujourd’hui<br />
des arguments solides pour penser que les SU ne sont pas identiques<br />
en termes d’événements coronaires. Les SU<br />
« anciennes », comme le glibenclamide et le tolbutamide, sont<br />
associées à un risque d’événements coronaires plus élevé que<br />
les SU « récentes », comme le gliclazide et le glimépiride. Des<br />
propriétés particulières de ces nouvelles SU, qui ont bien été<br />
démontrées avec le gliclazide, pourraient expliquer ces effets<br />
favorables protecteurs.<br />
Le gliclazide est un agent hypoglycémiant oral appartenant au<br />
groupe des sulfonylurées. Il a une affinité spécifique pour le<br />
récepteur des sulfonylurées du pancréas (récepteur SUR-1) et<br />
ferme le canal ATP-dépendant sur la cellule bêta des îlots de<br />
Langerhans, ce qui initie le processus d’exocytose de l’insuline.<br />
Il possède un hétérocycle azoté à liaison endocyclique le différenciant<br />
des autres médicaments de cette classe. Cette configuration<br />
particulière du noyau expliquerait l’effet protecteur sur<br />
le stress. De nombreuses études se sont attachées à démontrer<br />
les effets propres de la molécule gliclazide, indépendants de<br />
ceux sur la glycémie, sur divers aspects de la problématique vasculaire<br />
comme la dysfonction endothéliale, le processus thrombotique,<br />
le stress oxydatif. Les propriétés antioxydantes spécifiques<br />
ont été mises en évidence in vivo et in vitro : réduction<br />
de la peroxydation lipidique in vitro et augmentation du pouvoir<br />
total antioxydant du sérum avec le temps in vivo chez des<br />
DT2, alors que les marqueurs du stress oxydant diminuent.<br />
En conclusion, le Pr Pierre-Jean Guillausseau a montré à partir<br />
des données des registres que les nouvelles sulfonylurées ont<br />
un effet protecteur coronaire chez le diabétique de type 2. Ces<br />
effets bénéfiques pourraient être expliqués par les propriétés<br />
antioxydantes, démontrées en pharmacologie et in vivo chez<br />
les DT2 avec le gliclazide. Enfin, les données du bras glycémique<br />
de l’étude ADVANCE, présentées au dernier congrès de<br />
l’American Diabetes Association, permettent d’apporter un<br />
niveau de preuve plus élevé de l’efficacité du gliclazide. ■<br />
Marie Virally<br />
D’après un déjeuner-débat «Le stress oxydatif, une<br />
nouvelle cible thérapeutique pour le diabète de type 2»<br />
41
Diabéto pour le praticien<br />
Le pancréas endocrine, au cours du diabète de type 2, présente<br />
une anomalie bifonctionnelle, caractérisée par une<br />
mauvaise sécrétion de l’insuline et de sa cinétique, et une<br />
hyperglucagonémie que le glucose ne peut freiner et qui<br />
perturbe l’homéostasie de la glycémie.<br />
Il est admis par tous que le diabète de type 2 est dû à<br />
l’incapacité du pancréas à compenser l’insulinorésistance des<br />
tissus périphériques, en particulier des muscles et du foie ; les<br />
défauts de sécrétion des cellules bêta du pancréas se caractérisent<br />
par des anomalies quantitatives, c’est-à-dire la diminution<br />
de la masse de ces cellules qui se réduit au fur et à<br />
mesure de l’évolution de la maladie, et qualitatives, avec une<br />
perte de la phase précoce de l’insulinosécrétion et de sa pulsatilité.<br />
Le défaut de sécrétion des cellules bêta-pancréatiques<br />
en période postprandiale est dû en partie à la diminution de<br />
l’effet incrétine (50% de l’insulinosécrétion dépend de l’effet<br />
incrétine). Curieusement, l’hyperglucagonémie a longtemps<br />
été ignorée dans la physiopathologie du diabète de type 2.<br />
Une hyperglucagonémie permanente<br />
Pourtant… les diabétiques de type 2 sont en permanence<br />
hyperglucagonémiques, et cela malgré l’hyperinsulinémie.<br />
Le diabète de type 2 se caractérise par une augmentation<br />
de la masse des cellules alpha-pancréatiques, le rapport<br />
des cellules alpha sur les cellules bêta s’en trouve augmenté:<br />
l’hyperglucagonémie est donc présente malgré l’hyper-<br />
glycémie qui est incapable de freiner la production de glucagon.<br />
La réponse au glucagon est également exacerbée<br />
par rapport à un sécrétagogue naturel, comme les aminoacides.<br />
Le glucagon est aussi beaucoup moins freiné en<br />
réponse au glucose, et il existe une diminution de l’effet<br />
incrétine (alors que le GLP-1 a pour rôle de freiner la sécrétion<br />
de glucagon). Grâce aux études menées dans les familles<br />
de diabétiques, on sait que le défaut de sécrétion du glucagon<br />
est une anomalie précoce qui précède l’apparition du<br />
diabète de type 2. Cette anomalie n’est vraisemblablement<br />
pas due à des défauts d’environnement métabolique et pourrait<br />
être prédéterminée.<br />
Les facteurs responsables de l’hyperglucagonémie dans le diabète<br />
de type 2 sont assez nombreux. Différentes hypothèses<br />
ont été émises, celle d’une insulinorésistance des cellules alpha,<br />
bien que le défaut des cellules alpha ne soit pas corrigé par<br />
une insulinothérapie appropriée, en particulier chez le diabétique<br />
de type 1. La deuxième hypothèse met en cause le tonus<br />
sympathique que l’on sait exacerbé chez les diabétiques de<br />
CONSENSUS CARDIO pour le praticien - N° 40 Juin 2008<br />
Le diabète de type 2 sous<br />
l’angle physiopathologique<br />
de l’hyperglucagonémie<br />
type 2 et qui exerce des effets stimulants sur la sécrétion de<br />
glucagon. Hypothèse pour laquelle peu d’éléments expérimentaux<br />
permettent de conclure. Enfin, l’hyperglycémie chronique<br />
pourrait désensibiliser la cellule alpha et l’empêcher de<br />
répondre à une deuxième stimulation hyperglycémique. Finalement,<br />
on ne connaît pas vraiment les mécanismes moléculaires<br />
responsables de la cécité au glucose des cellules alpha.<br />
Quel est le rôle de cette hyperglucagonémie ?<br />
L’hyperglucagonémie permet d’expliquer les anomalies de<br />
la période postprandiale. Du fait de l’hyperglucagonémie,<br />
le foie est exposé de façon chronique à des taux très élevés<br />
de glucagon, mais aussi d’AMP cyclique, le second médiateur,<br />
qui va jouer un rôle au niveau de la transcription des<br />
gènes : tous les gènes impliqués dans la production hépatique<br />
de glucose, en particulier ceux de la néoglucogenèse,<br />
sont augmentés. Cela a pour conséquence d’entraîner une<br />
néoglucogenèse à tous les moments de la journée (à jeun<br />
comme en postprandial). L’augmentation de la production<br />
de glucose est donc liée à celle de la néoglucogenèse, et ce<br />
facteur est particulièrement important puisque la néoglucogenèse<br />
est peu sensible à l’inhibition qu’exerce<br />
l’insulinémie portale, contrairement à la glycogénolyse, et<br />
participe probablement à l’insulinorésistance du foie. Enfin,<br />
l’absence d’inhibition de la sécrétion de glucagon en période<br />
postprandiale entraîne une intolérance au glucose due à la<br />
non-suppression de la production hépatique de glucose.<br />
Le rôle des GLP-1<br />
Le rétablissement d’une homéostasie normale du glucose<br />
chez le diabétique de type 2 nécessite premièrement de corriger<br />
les défauts de la sécrétion précoce d’insuline, en particulier<br />
en période postprandiale, et en second lieu d’inhiber<br />
la sécrétion de glucagon en période postabsorptive et postprandiale<br />
; les molécules telles que les inhibiteurs de la<br />
DPP IV, qui augmentent le taux de GLP-1, ont des propriétés<br />
qui permettent de restaurer ces deux fonctions. ■<br />
Dr Anne Teyssédou<br />
D’après la communication du Pr Jean Girard<br />
(faculté Cochin-Port-Royal, Paris) lors du symposium<br />
des laboratoires MSD : « Corriger les anomalies<br />
du pancréas endocrine »<br />
43
Pour les contempteurs de la réduction des<br />
apports sodés, le gain sur la PA est minime.<br />
Mais le Pr Albert Mimran a d’autres arguments<br />
pour promouvoir une politique de<br />
santé moins salée.<br />
U n<br />
Congrès<br />
I 28 au 31 mai 2008 - Printemps de la cardiologie - Montpellier I<br />
Dossier réalisé<br />
par le Dr Maia Gouffrant<br />
régime désodé permet au mieux<br />
de gagner 2 mmHg de PA, un chiffre<br />
qui réduit néanmoins de 5% les<br />
maladies coronaires et de 15% les<br />
AIT/AVC, «mais il semble encore plus<br />
important de raisonner en termes<br />
d’atteinte des organes cibles au niveau desquels<br />
le sodium alimentaire pourrait représenter<br />
un modulateur d’interactions»,<br />
a suggéré le Pr Albert Mimran (hôpital<br />
Lapeyronie, Montpellier). Ainsi il existe<br />
une relation linéaire entre le niveau de<br />
PA, l’index de masse ventriculaire gauche<br />
et la microalbuminurie, mais la pente de<br />
cette relation est majorée par la consommation<br />
de sodium, que le sujet soit ou<br />
non hypertendu. La prévalence de<br />
l’index de masse ventriculaire gauche<br />
et de la microalbuminurie, marqueurs<br />
de risque cardiovasculaire, augmente<br />
avec la consommation de sel, et passe<br />
respectivement de 38 à 57% et de<br />
16 à 34% entre les deux derniers<br />
quartiles.<br />
CONSENSUS CARDIO pour le praticien - N° 40 Juin 2008<br />
Lara Eve<br />
Le Printemps de la<br />
cardiologie<br />
Le Groupe de réflexion sur la recherche cardiovasculaire (GRRC), la Fédération<br />
française de cardiologie (FFC) et la Société française de cardiologie (SFC) se sont<br />
retrouvés pour une nouvelle édition du « Printemps de la cardiologie » au centre<br />
de congrès le Corum à Montpellier du 28 au 31 mai 2008.<br />
Le Printemps de la cardiologie est un lieu privilégié pour faire le point sur l'avancée<br />
de la recherche française dans le domaine des pathologies cardiovasculaires, sous<br />
la direction scientifique des Prs Geneviève Derumeaux et Alain Lacampagne.<br />
Le sodium alimentaire au-delà de ses effets<br />
sur la pression artérielle<br />
Des études de G. du Cailar ont par ailleurs<br />
montré une relation entre la<br />
natriurèse et l’index de masse ventriculaire<br />
gauche indépendante des niveaux<br />
de PA, ainsi qu’entre le niveau de pression<br />
pulsée et la consommation de sel.<br />
Phanie<br />
Impact en termes<br />
d’événements<br />
cardiovasculaires<br />
Ces effets délétères du sodium se traduisent<br />
en termes de mortalité cardiovasculaire,<br />
et une étude finlandaise (2001)<br />
confirme qu’une élévation de la natriurèse<br />
de 100 mmol/j aboutit après 10 ans<br />
à un RR significatif de 1,51 pour les<br />
maladies coronaires, de 1,45 pour<br />
toutes les maladies cardiovasculaires et<br />
de 1,26 pour la mortalité toute cause.<br />
Sur le plan épidémiologique, il existe<br />
donc bien une relation entre l’apport<br />
sodé et la mortalité, mais on déplore<br />
l’extrême pauvreté de la littérature sur<br />
l’intérêt d’une réduction du sel alimentaire.<br />
L’impact du sodium sur les organes<br />
cibles pourrait s’expliquer partiellement<br />
par l’augmentation de la microalbuminurie,<br />
de l’hypertrophie ventriculaire<br />
gauche, de l’insulinorésistance, des<br />
lésions de fibrose induites par<br />
l’aldostérone endogène. Cela n’a pas<br />
encore été démontré, mais il existe des<br />
arguments en faveur d’une aggravation<br />
de la dysfonction endothéliale avec<br />
chez les sujets sensibles au sodium une<br />
45
MALADIE DE FABRY<br />
L’enquête TOPS confirme<br />
sa sévérité et son caractère<br />
évolutif<br />
La maladie de Fabry est une<br />
sphingolipidose héréditaire liée à l’X<br />
concernant 1 naissance sur 80 000.<br />
L’enquête TOPS, enquête observationnelle,<br />
rétrospective, multicentrique,<br />
réalisée en France de février à septembre<br />
2007, a inclus 108 sujets<br />
(71 hommes, 37 femmes,<br />
d’âge moyen 40 ans)<br />
dont 100 recevaient le traitement<br />
enzymatique substitutif.<br />
Au moment du diagnostic, 22% des<br />
patients avaient déjà une atteinte<br />
cardiaque, 15% une insuffisance rénale<br />
et 7% un antécédent d’AIT/AVC. Entre<br />
le diagnostic et le recueil des informations,<br />
49% ont développé une pathologie<br />
cardiaque (IDM chez 5% d’entre<br />
eux), 68% une atteinte rénale,<br />
43% une atteinte cardiaque et rénale et<br />
27% une atteinte neurologique. ■<br />
Une nouvelle technique<br />
de dépistage : résultats<br />
intermédiaires de l’étude<br />
FOCUS<br />
La maladie de Fabry peut se présenter<br />
chez l’adulte comme une cardiomyopathie<br />
hypertrophique (CMH) d’allure primitive.<br />
Une nouvelle technique simple<br />
de dépistage par microdosage d’un<br />
échantillon sanguin sur papier buvard<br />
de l’α-galactosidase A, enzyme déficiente<br />
dans la maladie, a été utilisée;<br />
si elle est ≤ 40%, elle est confirmée par<br />
dosage enzymatique leucocytaire chez<br />
l’homme et génotypage chez la femme.<br />
Chez les 273 patients atteints de CMH<br />
primitive inclus, 228 buvards ont été<br />
analysés, avec dans 9 cas une activité<br />
enzymatique ≤ 40%, confirmée dans<br />
3 cas (3 hommes), soit une prévalence<br />
de 1,3%.<br />
L’étude FOCUS confirme la faisabilité<br />
de ce dépistage systématique dans les<br />
CMH d’allure primitive, ce microdosage<br />
se montrant très spécifique en<br />
dessous d’un seuil de 20 %<br />
de l’α-galactosidase A. ■<br />
D’après les communications du<br />
Dr Georges Kruszynski (CH de Feurs) et du<br />
Pr Albert Hagège (HEGP, Paris)<br />
46<br />
La survenue d’accidents neurologiques<br />
ischémiques dont le bilan ne retrouve<br />
qu’un FOP pose la question de sa responsabilité<br />
dans l’événement et/ou sa récidive,<br />
car les liens entre FOP et AVC ne sont toujours<br />
pas clairement prouvés. L’étude française<br />
CLOSE devrait apporter une réponse<br />
en évaluant l’impact de la fermeture du<br />
FOP.<br />
D e<br />
FOP et AVC : close or not to close ?<br />
nombreuses études cas-témoins<br />
ont mis en évidence une relation<br />
entre FOP et infarctus cérébral cryptogénique<br />
(ICC), une relation d’autant plus<br />
forte que la taille du FOP est importante<br />
ou qu’il est associé à un anévrysme du<br />
septum interauriculaire (ASIA). L’étude<br />
de Handke (NEJM 2007) confirme le lien<br />
chez le sujet de moins de 55 ans, mais<br />
aussi chez le sujet âgé ainsi que le rôle<br />
de l’ASIA. En revanche, l’étude de Petty<br />
(2006) ne montre pas d’association chez<br />
1 022 personnes en population générale,<br />
mais ses conclusions ne sont peut-être<br />
pas très solides. Dans deux autres études<br />
– celle de Meissner (JACC 2006) et celle<br />
de Di Tullio (JACC 2007) –, l’ASIA semble<br />
un élément prédictif significatif d’ICC,<br />
mais pas le FOP.<br />
Des mécanismes<br />
physiopathologiques<br />
incomplètement connus<br />
Deux études prospectives – celle de<br />
Mas JL (NEJM 2001) et celle de Homma S<br />
(Circulation 2002) –, portant sur un nombre<br />
important de patients sont en<br />
contradiction avec les études cas-témoins<br />
en ce qui concerne les récidives d’ICC,<br />
dont le risque n’est pas augmenté par la<br />
présence d’un FOP, quelle que soit la<br />
taille du shunt (mais chez les sujets<br />
jeunes ce risque est faible, de l’ordre de<br />
1 à 2%). En revanche, l’étude FOP-ASIA<br />
a montré qu’entre 18 et 55 ans, le risque<br />
de récidive est multiplié par 4 en présence<br />
d’un FOP associé à un ASIA alors<br />
que les patients sont traités par aspirine.<br />
On incrimine toujours le rôle de<br />
l’embolie paradoxale dans la survenue<br />
d’un ICC, mais elle n’est pas seule en<br />
cause, et d’autres mécanismes ont été<br />
invoqués, comme un thrombus formé<br />
dans le tunnel du FOP sur un ASIA associé<br />
ou des troubles du rythme paroxystique.<br />
Aucune recommandation formelle ne<br />
peut être actuellement établie, mais les<br />
diverses sociétés savantes, comme le<br />
groupe de travail de la Société française<br />
de cardiologie et de la Société française<br />
neuro-vasculaire (SFC/SFNV), ont établi<br />
des propositions reposant sur un consensus<br />
d’experts :<br />
- les antiagrégants plaquettaires (AAP)<br />
réduisent le risque de récidive après un<br />
ICC, mais n’ont pas été spécifiquement<br />
étudiés dans les FOP. Ils sont actuellement<br />
indiqués devant un premier ICC<br />
associé à un FOP isolé ;<br />
- les anticoagulants oraux (ACO) sont<br />
logiques dans l’hypothèse de l’embolie<br />
paradoxale ou du thrombus, mais le<br />
risque hémorragique est loin d’être<br />
négligeable, et on les réserve aux associations<br />
FOP/ASIA, aux récidives sous<br />
AAP et aux thromboses veineuses associées<br />
;<br />
- la fermeture endovasculaire du FOP ne<br />
peut être efficace que sur l’embolie<br />
paradoxale. Or on ne connaît pas la<br />
proportion de patients concernés par<br />
ce mécanisme, et on manque de recul<br />
sur les risques à court et à long terme<br />
de cette intervention. Elle n’a pas<br />
d’indication après un premier ICC associé<br />
à un FOP isolé, mais pourrait être<br />
envisagée chez les moins de 55 ans<br />
dans les FOP avec ou sans ASIA en cas<br />
d’ICC récidivant sous traitement anticoagulant<br />
bien conduit, de contre-indication,<br />
de refus de ce traitement ou de<br />
maladie thromboembolique veineuse<br />
à haut risque de récidive thrombotique.<br />
Les recommandations américaines de<br />
2006 sont à peu près identiques.<br />
L’étude CLOSE<br />
Afin de vérifier le lien de causalité, plusieurs<br />
essais thérapeutiques sont en<br />
cours. L’étude CLOSE évite le biais que<br />
présentent certains essais, à savoir la comparaison<br />
en 2 bras, fermeture versus trai-<br />
CONSENSUS CARDIO pour le praticien - N° 40 Juin 2008
tement médical par AAP ou ACO, ce dernier<br />
déséquilibrant la balance bénéfice/risque<br />
du fait du risque hémorragique.<br />
CLOSE, dont les inclusions<br />
viennent de commencer, est une étude<br />
indépendante, menée sous l’égide de la<br />
SFC/SFNV, dont le promoteur est<br />
l’Assistance publique. Elle inclut des<br />
patients de 16 à 60 ans dans les 6 mois suivant<br />
un ICC confirmé modérément ou non<br />
La responsabilité d’un antiparkinsonien,<br />
le pergolide, dans la survenue d’atteintes<br />
valvulaires se précise dans des études<br />
comme PERGOLA où il semble exister un<br />
lien entre la valvulopathie et la dose<br />
cumulée de pergolide.<br />
L e<br />
pergolide est un agoniste dopaminergique<br />
ergoté efficace dans la<br />
maladie de Parkinson en monothérapie<br />
ou en association avec la lévodopa. Les<br />
3 premiers cas de valvulopathie associés<br />
à ce médicament ont été recueillis aux<br />
Etats-Unis, suivis par une douzaine<br />
d’observations entre 2002 et 2003 dans<br />
le registre de la FDA. Une étude de Van<br />
Camp (Lancet 2004), critiquée du fait<br />
des très fortes doses et des associations<br />
thérapeutiques utilisées, a ensuite<br />
retrouvé une prévalence de 33% de valvulopathie<br />
chez des patients prenant<br />
du pergolide versus aucun cas dans le<br />
groupe contrôle ; dans une étude rétrospective<br />
de Baseman (2004), la prévalence<br />
était de 44 %.<br />
D’autres études montrent que l'atteinte<br />
valvulaire associée au pergolide ressemble<br />
à celle décrite dans les cancers carcinoïdes<br />
ou les traitements par anorexigènes<br />
comme la fenfluramine. Les<br />
mécanismes responsables de la fibrose<br />
valvulaire ne sont pas connus, mais pourraient<br />
incriminer les récepteurs 5-HT(2B),<br />
exprimés en particulier au niveau des<br />
valves cardiaques.<br />
Devant la difficulté d’affirmer la responsabilité<br />
du pergolide chez des patients<br />
parkinsoniens âgés, donc plus volontiers<br />
atteints de régurgitations valvulaires,<br />
CONSENSUS CARDIO pour le praticien - N° 40 Juin 2008<br />
invalidant, ayant un FOP large (> 30 microbulles)<br />
ou associé à un ASIA. Ils seront<br />
randomisés en 3 bras, fermeture versus<br />
AAP versus ACO. Le critère principal est<br />
la survenue d’un AVC ischémique ou<br />
hémorragique, les critères secondaires<br />
portant sur les AVC invalidants, les accidents<br />
ischémiques, les décès et les<br />
complications iatrogènes. Une analyse<br />
intermédiaire permettra, si la fermeture<br />
ou les AVK sont 2 fois supérieurs à<br />
l’aspirine, d’arrêter celle-ci et de continuer<br />
par un essai de non-infériorité de<br />
la fermeture par rapport aux ACO. ■<br />
D’après la communication<br />
du Pr Jean-Louis Mas (hôpital Saint-Anne)<br />
lors de la session SFC/SFNV<br />
Des agonistes dopaminergiques impliqués<br />
dans les valvulopathies<br />
la Société française de cardiologie a<br />
entrepris l’étude PERGOLA, qui a comparé<br />
la prévalence des valvulopathies<br />
de grade ≥ 2 chez des parkinsoniens<br />
traités par pergolide depuis plus de<br />
6 mois ou par d’autres molécules.<br />
Les 86 patients sous pergolide et les<br />
47 du groupe contrôle avaient les<br />
mêmes caractéristiques démographiques,<br />
les premiers ayant cependant<br />
une maladie de Parkinson plus sévère.<br />
Le taux de valvulopathies était de 17 %<br />
dans ce groupe versus 4 % dans le<br />
groupe contrôle, un chiffre correspondant<br />
à la tranche d’âge. Les valvulopathies<br />
sont plus volontiers tricuspidiennes<br />
et mitrales, avec moins de<br />
lésions aortiques que sous anorexigènes.<br />
On a aussi mis en évidence une corrélation<br />
entre la sévérité de la valvulopathie<br />
mitrale - évaluée par l’aire sous la<br />
tente - et de la PAP systolique avec<br />
la dose cumulée de pergolide.<br />
Un risque<br />
avec le cabergolide<br />
Un autre agoniste dopaminergique,<br />
le cabergolide, est aussi impliqué<br />
dans la survenue de valvulopathies.<br />
Or il est prescrit chez des femmes<br />
jeunes pour des adénomes à prolactine<br />
; des études échographiques<br />
sont en cours chez ces patientes<br />
pour dépister les atteintes valvulaires.<br />
« La question de l’imputabilité n’est pas<br />
totalement résolue, en l’absence<br />
d’échographie avant traitement ; on a<br />
néanmoins observé quelques cas de<br />
régression après arrêt du pergolide, ce<br />
qui est plutôt en faveur de son implication,<br />
même si on ne comprend pas très<br />
bien comment une fibrose valvulaire<br />
pourrait régresser », a expliqué le<br />
Dr Jean-Christophe Corvol (hôpital de<br />
la Pitié-Salpêtrière, Paris). Dans le suivi<br />
de PERGOLA, une deuxième échographie<br />
a été réalisée environ 9 mois après<br />
la première chez certains patients. Chez<br />
ceux qui ont poursuivi le pergolide,<br />
l’épaisseur des valves a continué<br />
d’augmenter de façon significative - de<br />
façon non significative après son arrêt -,<br />
et on a aussi découvert 3 nouvelles<br />
régurgitations de grade ≥ 2 ainsi qu’une<br />
élévation de la PAP.<br />
Malgré le risque élevé (RR = 3,1,<br />
p = 0,001) de développer une valvulopathie<br />
sous pergolide, cette molécule<br />
continue à être autorisée en France (elle<br />
a été retirée aux Etats-Unis) en seconde<br />
intention vu son efficacité sur la maladie<br />
de Parkinson, mais sa prescription<br />
est soumise à certaines conditions par<br />
l’Afssaps : surveillance échographique<br />
tous les 6 à 12 mois et arrêt en cas de<br />
régurgitation. ■<br />
D’après la communication<br />
du Dr Jean-Christophe Corvol (Paris),<br />
lors de la session SFC/pharmacologie clinique<br />
et thérapeutique<br />
47
SYNDROME MÉTABOLIQUE<br />
Le rapport taille/hanche et<br />
graisse viscérale<br />
Trente diabétiques de type 2 tous porteurs d'un<br />
syndrome métabolique ont bénéficié d'une analyse<br />
de la répartition du tissu adipeux (TA) par<br />
IRM en L4. Une mesure de l'épaisseur intimamédia<br />
et du diamètre de l'aorte a été réalisée.<br />
Les résultats montrent que tous les patients ont<br />
une masse grasse tronculaire, mesurée par<br />
DEXA, prédominante. A tour de taille équivalent,<br />
deux tiers des sujets ont une adiposité majoritairement<br />
viscérale en IRM et un tiers à prédominance<br />
sous-cutanée abdominale. Le rapport<br />
taille/hanche est le paramètre clinique le mieux<br />
corrélé à cette répartition de la graisse abdominale<br />
(r = 0,65). La mesure du simple tour de<br />
taille n'était pas discriminante. Cette étude souligne<br />
l'importance de prendre en compte le pourcentage<br />
de tissu adipeux viscéral versus souscutané<br />
abdominal, reflété cliniquement par le<br />
rapport taille/hanche, dans l'évaluation du risque<br />
de stéatose hépatique et d'atteinte vasculaire de<br />
sujets présentant un syndrome métabolique. ■<br />
IMAGERIE<br />
Détermination de la taille de<br />
l’IDM: 2D strain versus IRM<br />
A la phase précoce de l'infarctus du myocarde,<br />
le taux de transmuralité de la nécrose<br />
est un élément déterminant du pronostic. Son<br />
analyse par IRM en utilisant le gadolinium<br />
pour montrer un rehaussement tardif est une<br />
méthode de référence largement validée. Plus<br />
récemment l'arrivée du « speckle tracking»<br />
permettant la détermination rapide et angleindépendante<br />
de la déformation myocardique<br />
semble prometteuse pour la prédiction de la<br />
viabilité. Une étude (Cécile Roiron, hôpital<br />
cardiologique Louis-Pradel, Bron) a analysé la<br />
corrélation entre les paramètres de strain longitudinal<br />
déterminés par méthode de 2D<br />
strain et le taux de transmuralité IRM à la<br />
phase précoce de l’IDM. Cette étude pilote<br />
permet de rapporter des valeurs moyennes de<br />
strain en phase aiguë d'infarctus, elle montre<br />
une bonne corrélation entre le taux de transmuralité<br />
IRM et le strain longitudinal<br />
d'analyse maintenant facilité par les modalités<br />
embarquées (AFI). Cette technique plus<br />
accessible et moins coûteuse que l'IRM<br />
nécessite d'être validée sur une plus large<br />
série de patients. ■<br />
48<br />
Taux de risque cumulé<br />
Chez les patients en prévention secondaire<br />
ou à haut risque cardiovasculaire,<br />
qui représentent 70% de la consultation<br />
de cardiologie, la balance bénéfice/tolérance<br />
est en faveur du telmisartan<br />
par rapport au ramipril.<br />
L’<br />
Prise en charge du patient<br />
à haut risque cardiovasculaire :<br />
les résultats d’ONTARGET<br />
étude ONTARGET a posé la question<br />
de savoir si un antagoniste de<br />
l’angiotensine II, le telmisartan, pouvait<br />
être aussi efficace que le ramipril et si leur<br />
combinaison pouvait apporter un bénéfice<br />
supérieur au ramipril seul.<br />
Les patients d’ONTARGET ont globalement<br />
les mêmes caractéristiques que ceux de<br />
HOPE : ils sont âgés de 66 ans en moyenne,<br />
74% sont coronariens, 21% ont des antécédents<br />
d’AVC, 13% d’AOMI, avec des artérites<br />
relativement sévères et 37% un diabète<br />
de type 2 à un stade assez avancé<br />
puisqu’ils doivent avoir au moins une<br />
atteinte d’un organe cible. Etaient exclus<br />
les insuffisants cardiaques et les hypertendus<br />
non contrôlés (> 160/100 mmHg),<br />
ONTARGET n’étant pas une étude axée sur<br />
le traitement de l’HTA, mais sur la prévention<br />
des complications vasculaires.<br />
Les critères de jugement sont similaires à<br />
ceux de HOPE, avec un critère principal<br />
combiné portant sur le premier événement<br />
- décès de cause cardiovasculaire, AVC ou<br />
IDM non mortel, et hospitalisation pour<br />
insuffisance cardiaque congestive.<br />
Il s’agit d’une étude relativement complexe<br />
avec deux hypothèses à confirmer : celle<br />
de la non-infériorité du telmisartan par<br />
0,25<br />
0,20<br />
0,15<br />
0,10<br />
0,05<br />
0<br />
0<br />
Principal résultat<br />
Telmisartan<br />
Ramipril<br />
1 2 3 4<br />
Années de suivi<br />
rapport au ramipril et celle de la supériorité<br />
de l’association telmisartan 80 mg/<br />
ramipril 10 mg sur le ramipril seul.<br />
L’hypothèse selon laquelle le double blocage<br />
du SRA était supérieur à l’IEC n’a pas<br />
été confirmée et, en raison des effets<br />
secondaires de l’association (dysfonction<br />
rénale et hyperkaliémie), la balance bénéfice/risque<br />
est en défaveur de cette combinaison.<br />
En revanche, la non-infériorité du telmisartan<br />
sur le ramipril est confirmée<br />
(RR = 0,1) avec une équivalence des<br />
2 bras en termes de prévention et un nombre<br />
inférieur d’effets indésirables sous telmisartan<br />
(en particulier moins de toux et<br />
d'angio-œdèmes). «La démonstration est<br />
clairement faite que la balance prévention/tolérance<br />
est en faveur du telmisartan,<br />
avec un nombre d’arrêts de traitement<br />
réduit de 10 % sous telmisartan, ce qui, de<br />
mon point de vue, constitue une avancée<br />
importante dans la prise en charge de nos<br />
patients », a conclu le Pr Xavier Girerd<br />
(hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris).<br />
La baisse de la PAS/PAD a été plus importante<br />
avec l’association telmisartan/ramipril<br />
(8,4/6 mmHg) que sous telmisartan (6,9/<br />
5,2 mmHg) ou sous ramipril (6/4,6 mmHg).<br />
Elle était plus marquée dans ONTARGET<br />
que dans HOPE (autour de 3 mmHg). Ce<br />
qui amène l’hypertensiologue à se poser<br />
certaines questions, comme de savoir si la<br />
méthode de mesure de la PA n’était pas<br />
meilleure dans ONTARGET et si l’horaire<br />
des prises des médicaments n’a pas joué<br />
un rôle. On doit aussi expliquer pourquoi<br />
la baisse de pression artérielle<br />
dans ONTARGET n’a pas amené de<br />
réduction plus importante des événements<br />
cérébro-vasculaires. « Certes,<br />
chaque millimètre de mercure<br />
compte, mais cette baisse n’apporte<br />
pas le même bénéfice en termes de<br />
prévention selon le niveau initial de la<br />
PAS », a expliqué le Pr Girerd. ■<br />
D’après la communication du<br />
Pr Xavier Girerd, lors du symposium<br />
organisé par les laboratoires<br />
Boehringer Ingelheim<br />
CONSENSUS CARDIO pour le praticien - N° 40 Juin 2008
L’âge de ses télomères<br />
Il existe deux façons pour les cellules<br />
de devenir sénescentes : la sénescence<br />
réplicative liée aux divisions successives<br />
des cellules et la sénescence prématurée<br />
résultant d’une exposition<br />
des cellules à un stress oxydatif. On<br />
cherche à savoir quel est le rôle de la<br />
sénescence dans les pathologies cardiovasculaires<br />
et l’impact respectif de<br />
ces deux mécanismes.<br />
D ans<br />
la pathologie cardiovasculaire,<br />
seraient impliquées à la fois la<br />
sénescence réplicative et la sénescence<br />
prématurée. La longueur des télomères<br />
est un marqueur de la sénescence réplicative<br />
puisqu’elle diminue à chaque division<br />
cellulaire, et elle d’autant plus<br />
réduite que l’athérosclérose est plus<br />
avancée. Mais on sait maintenant que<br />
si on expose l’arbre vasculaire à un stress<br />
oxydant, non seulement on crée une<br />
sénescence prématurée, mais on majore<br />
la sénescence réplicative. «Selon le<br />
concept actuel, a déclaré le Dr Serge<br />
Adnot (hôpital Henri-Mondor, Créteil),<br />
Neuf mois après la parution du « bras<br />
hypertension » de l’étude ADVANCE, le<br />
Pr Jean-Jacques Mourad remet en perspective<br />
l’amplitude de ses résultats.<br />
C hronologiquement,<br />
Etude ADVANCE : les diabétiques<br />
sous haute protection cardiovasculaire et rénale<br />
ADVANCE<br />
arrive après 30 ans de progrès dans<br />
le pronostic des diabétiques de type 2,<br />
marqués par une amélioration de la<br />
microangiopathie, mais sans preuves évidentes<br />
d’une réduction des complications<br />
macrocirculatoires, et en particulier<br />
de l’infarctus du myocarde. Les<br />
années 1990-2000 ont été marquées par<br />
HOPE, le premier essai «intelligent» sur<br />
l’HTA, qui a permis de se démarquer de<br />
la classification binaire, hypertendu à<br />
CONSENSUS CARDIO pour le praticien - N° 40 Juin 2008<br />
les stimuli athérogènes peuvent induire<br />
une sénescence réplicative ou prématurée,<br />
mais les deux sont associées à un<br />
raccourcissement des télomères et<br />
contribuent au remodelage vasculaire.»<br />
Pathologie coronaire<br />
et longueur des télomères<br />
Selon diverses études, chez des patients<br />
athéroscléreux, le risque de développer<br />
une insuffisance coronaire est d’autant<br />
plus élevé que les télomères sont plus<br />
courts, mais cette corrélation disparaît<br />
chez les sujets traités par statines. Il est<br />
difficile de savoir si la longueur des télomères<br />
pourrait permettre de prédire la<br />
durée de vie d’un individu, mais des<br />
études rétrospectives mettent en évidence<br />
que les sujets ayant des télomères<br />
courts meurent plus rapidement que les<br />
autres et plus volontiers de pathologies<br />
cardiovasculaires ou infectieuses. Par ailleurs,<br />
il existe une nette corrélation<br />
entre le raccourcissement des télomères,<br />
142 mmHg de PAS, normotendu à<br />
138 mmHg, qui a impacté tant de prescriptions<br />
; HOPE montrait clairement<br />
qu’il est indispensable d’élargir<br />
l’indication des médicaments cardioprotecteurs<br />
à tous les sujets exposés à un<br />
haut niveau de risque. Puis «l’avènement<br />
des sartans, avec leurs lettres de noblesse<br />
acquises sur le diabète de type 2, a expliqué<br />
le Pr Jean-Jacques Mourad (hôpital<br />
Avicenne, Bobigny), a quelque peu<br />
brouillé les pistes, puisque pour diverses<br />
raisons on a écarté les IEC et qu’entre<br />
2000 et 2006 on est resté sur l’option IEC<br />
dans le diabète de type 1 et sartans dans<br />
le diabète de type 2, ce qui a été partiellement<br />
corrigé par les recommandations<br />
la rigidité artérielle et la propagation<br />
de l’onde de pouls.<br />
Toutes les pathologies cardiovasculaires<br />
comprenant à des degrés divers une<br />
inflammation systémique sont associées<br />
à une sénescence réplicative et prématurée<br />
au niveau de l’arbre vasculaire<br />
avec un raccourcissement des télomères<br />
et des stigmates de vieillissement<br />
comme la rigidité vasculaire, mais la<br />
relation de cause à effet n’est pas évidente<br />
et il est encore difficile de savoir<br />
qui de l’inflammation ou de la sénescence<br />
est le primum movens. ■<br />
D’après la communication du Dr Serge Adnot,<br />
lors de la session FFC/SFC<br />
de la HAS en 2005 qui accordaient le<br />
même niveau de preuve à ces deux<br />
classes thérapeutiques dans le diabète<br />
de type 2.» Il faut donc se féliciter de<br />
l’idée du Pr John Chalmers de se lancer<br />
dans ce qui est le plus grand essai de<br />
morbi-mortalité dédié au diabétique<br />
afin d’évaluer l’intérêt d’opter systématiquement<br />
pour une stratégie qui a fait<br />
ses preuves dans l’HTA chez des diabétiques<br />
qui ne sont pas tous hypertendus.<br />
On connaît la réponse aujourd’hui, et le<br />
bénéfice d’une titration de Preterax<br />
allant jusqu’au Bipreterax est clairement<br />
apparu. Cette démarche thérapeutique<br />
est intéressante dans la mesure où elle<br />
augmente les doses tant que le patient<br />
49<br />
DR
50<br />
le tolère, alors que la pratique utilise plutôt<br />
le schéma inverse ; or il semble que<br />
la stratégie utilisée dans ADVANCE soit<br />
la meilleure pour contrôler les hypertendus<br />
- et pas seulement les diabétiques -<br />
dans la vraie vie.<br />
ADVANCE : faire encore<br />
mieux chez des patients bien<br />
contrôlés<br />
11 140 patients ont été inclus dans<br />
l’étude ADVANCE. «L’inclusion a été<br />
d’autant plus facile, remarque le Pr Mourad,<br />
que les candidats correspondaient<br />
aux patients de la consultation quoti-<br />
dienne, soit des diabétiques de plus de<br />
55 ans avec un facteur de risque additionnel<br />
qui pouvait être autre que l’HTA,<br />
et une prise en charge pré-inclusion déjà<br />
efficace, puisque la PA moyenne était de<br />
145/80 mmHg et l’HbA1c de 7,5%.»<br />
On a déjà pu constater que chez des<br />
patients recevant un traitement cardiovasculaire<br />
adapté, le traitement par Preterax<br />
permettait de gagner 5,5 mmHg<br />
supplémentaires sur la PAS, un gain<br />
important en termes de santé publique,<br />
d’autant qu’il ne se fait pas au détriment<br />
d’une baisse trop importante de la PAD.<br />
Les résultats parlent d’eux-mêmes avec<br />
une réduction de la mortalité totale de<br />
14 % et de la mortalité cardiovasculaire<br />
Quels stents, pour quels patients ?<br />
L’angioplastie coronaire continue à<br />
soulever au moins autant de questions<br />
qu’elle en résout. Dans le débat entre<br />
stents actifs et stents nus, Jean-Michel<br />
Juliard resitue la problématique dans<br />
une approche plus raisonnée des indications.<br />
L a<br />
première question est de déterminer<br />
le bénéfice apporté par les stents<br />
actifs (DES) par rapport aux stents nus<br />
(BMS), qui doit s’évaluer par des critères<br />
angiographiques - le late-loss* (LL) en<br />
sachant que sa pertinence dépend aussi<br />
du diamètre initial de la lésion -, des critères<br />
intermédiaires comme le taux de<br />
revascularisation et des critères cliniques<br />
comme le taux de réinfarctus et de décès.<br />
Globalement, les résultats étaient en<br />
faveur des stents actifs avec des LL et des<br />
taux de resténose et de revascularisation<br />
plus faibles, mais avec des événements cliniques<br />
peu nombreux donc difficiles à évaluer,<br />
jusqu’au pavé dans la mare lancé en<br />
2006. Ce qui a amené à intégrer certaines<br />
notions, comme le taux linéaire persistant<br />
de 0,6 % par an de thromboses de stent<br />
ou l’importance capitale de la compliance<br />
au traitement antiplaquettaire, et à revoir<br />
les définitions de la thrombose de stent,<br />
une mort subite chez un patient stenté<br />
n’étant pas obligatoirement liée à une<br />
thrombose de stent. « Si on s’en tient à une<br />
définition académique de la thrombose<br />
de stent, a expliqué le Dr Jean-Michel<br />
Juliard (hôpital Bichat, Paris), son taux se<br />
rapproche de celui des stents nus avec lesquels<br />
le risque n’est pas nul. »<br />
La décision d’implanter un stent actif<br />
dépend bien évidemment du risque de resténose.<br />
Un patient diabétique avec des<br />
lésions longues sur un petit vaisseau a un<br />
pourcentage de resténose de 18% avec un<br />
BMS versus 8% avec le DES, qui constitue<br />
l’option la plus intéressante ; en revanche,<br />
chez le même diabétique avec une lésion<br />
courte sur une artère de large diamètre,<br />
le DES devient certainement moins utile.<br />
Le DES garde des « niches » aussi chez les<br />
non-diabétiques, en fonction de la longueur<br />
de la lésion ou du diamètre du vaisseau,<br />
mais ces sujets à risque de resténose<br />
- auxquels il faut ajouter les sujets présentant<br />
des resténoses sur stent nu - représentent<br />
moins de 50%, ce qui correspond au<br />
taux d’implantation des DES de l’AP-HP<br />
(45%).<br />
Chez les autres patients, c’est le risque de<br />
thrombose de stent qui détermine la décision,<br />
comme chez les diabétiques pluritronculaires<br />
ou dans les SCA où le taux<br />
d’événements cardiovasculaires est en<br />
défaveur des DES.<br />
« En pratique, nous retiendrons comme<br />
bons candidats au DES les patients qui ont<br />
plusieurs facteurs de risque de resténose,<br />
ceux ayant des resténoses après BMS, ceux<br />
qui seront compliants au traitement par<br />
de 18%, et ce dans tous les sous-groupes<br />
de patients. La réduction de 6% des AVC<br />
est non significative, ce qui s’explique<br />
dans la mesure où plus le niveau initial<br />
de PAS est bas, moins le bénéfice sur la<br />
prévention des AVC est important. La<br />
diminution de 21 % des événements<br />
rénaux confirme l’effet néphroprotecteur<br />
d’un blocage du SRA. « Si on appliquait<br />
cette stratégie à la moitié des diabétiques<br />
français, a conclu Jean-Jacques<br />
Mourad, cela permettrait de sauver<br />
une ville de 30 000 habitants tous les<br />
5 ans.» ■<br />
D’après un déjeuner-débat «Une avancée<br />
décisive dans la prévention cardiovasculaire et<br />
rénale du patient diabétique»<br />
antiagrégants plaquettaires, qui ont une<br />
faible probabilité de saignement et pas de<br />
chirurgie programmée », a conclu Jean-<br />
Michel Juliard, et il sera aussi nécessaire<br />
d’optimiser l’implantation avec en particulier<br />
l’utilisation de l’échographie endocoronaire.<br />
» ■<br />
D’après la communication<br />
du Dr Jean-Michel Juliard, lors de la session<br />
parrainée par Abbott Vascular<br />
* Late-loss : perte tardive correspondant à la<br />
différence entre le diamètre minimum de la<br />
lésion mesuré en fin d’angioplastie et le diamètre<br />
minimum mesuré lors du contrôle angiographique<br />
(exprimé en millimètre). Cette mesure<br />
est corrélée au risque de resténose et<br />
d’événements cliniques. Le late loss est une<br />
méthode simple pour juger de l’efficacité d’un<br />
stent actif. Le late loss d’un stent « conventionnel<br />
» se situe entre 0,7 et 1 mm, le late loss<br />
d’un stent actif est inférieur à<br />
0,6 mm (pour CYPHER environ 0,2 mm, pour<br />
TAXUS environ 0,4 mm).<br />
D’après « Le glossaire de cardiologie<br />
interventionnelle », Didier Blanchard, Paris,<br />
<strong>Consensus</strong> Cardio n°15, janvier 2006<br />
CONSENSUS CARDIO pour le praticien - N° 40 Juin 2008<br />
BSIP
La fréquence cardiaque se hausse au<br />
niveau des autres facteurs de risque<br />
d’accident coronaire, mais dans la vie<br />
réelle sa prise en charge se heurte aux<br />
effets indésirables des thérapeutiques<br />
classiques. La spécificité d’action de<br />
l’ivabradine lui confère un intérêt particulier<br />
pour baisser la fréquence cardiaque<br />
sans modifier les paramètres<br />
hémodynamiques et cardiovasculaires<br />
essentiels.<br />
L a<br />
question cruciale dans l’angor est<br />
l’inadéquation entre la perfusion<br />
et les besoins myocardiques. Il existe<br />
divers moyens d’augmenter la perfusion,<br />
en diminuant les besoins en 02 par<br />
le ralentissement de la fréquence cardiaque,<br />
en augmentant la période de<br />
perfusion coronaire ou en luttant<br />
contre la vasoconstriction. «De plus en<br />
plus, la fréquence cardiaque nous<br />
apparaît comme un facteur de risque<br />
majeur, et on sait que plus elle est élevée<br />
au repos, plus le risque de complications<br />
est important », commente le<br />
Dr Patrick Jourdain (CH, Pontoise).<br />
La méta-analyse de Cucherat (Euro<br />
Heart J 2006) a ainsi montré qu’une<br />
baisse de 10 points de la fréquence cardiaque<br />
réduit de 26% la mortalité<br />
cardiovasculaire. «Or la fréquence car-<br />
P armi<br />
Ivabradine : une alternative<br />
thérapeutique pour réduire<br />
la fréquence cardiaque<br />
les 1 348 patients vus par<br />
360 cardiologues libéraux, 49% ont<br />
bénéficié d’au moins une exploration<br />
vasculaire. Les patients explorés sont à<br />
plus haut risque, et certains facteurs sont<br />
prédictifs de la réalisation d’un bilan<br />
d’extension : l’âge (entre 45 ans et<br />
75 ans), le diabète, l’hérédité coronaire,<br />
les antécédentsd’AOMI,d’athérosclérose<br />
carotidienne, de sténose de l’artère<br />
rénale ou d’anévrysme de l’aorte abdominale.<br />
Les patients explorés bénéficient<br />
CONSENSUS CARDIO pour le praticien - N° 40 Juin 2008<br />
diaque est un facteur de risque modifiable,<br />
qu’on devrait contrôler au<br />
même titre que la PA ou la dyslipidémie»,<br />
a poursuivi Patrick Jourdain.<br />
Jusqu’à présent on disposait des bêtabloquants,<br />
dont la prescription est souvent<br />
limitée dans la vie réelle chez des<br />
patients de plus en plus polypathologiques,<br />
et des inhibiteurs calciques,<br />
mais au prix d’une hypotension et<br />
d’anomalies de la conduction et de la<br />
contractilité myocardiques. Le mode<br />
d’action de l’ivabradine est innovant,<br />
puisqu’elle agit de façon spécifique sur<br />
les cellules du pacemaker sinusal. En<br />
réduisant la fréquence cardiaque, non<br />
seulement elle diminue la consommation<br />
en O 2 , mais elle augmente le<br />
temps passé en diastole, d’où une meilleure<br />
perfusion et un meilleur remplissage.<br />
Elle n’a pas d’effet inotrope<br />
négatif, ce qui lui assure donc le même<br />
impact que les bêtabloquants sur la fréquence<br />
cardiaque sans les conséquences<br />
négatives sur la contractilité.<br />
On dispose de plus en plus de données<br />
provenant d’études pilotes menées en<br />
particulier chez les patients avec une<br />
FEVG < 30-45%, qui montrent que<br />
l’ivabradine induit un remodelage<br />
inverse et permet probablement de<br />
récupérer une meilleure fonction ven-<br />
triculaire gauche. En conservant la<br />
vasodilatation à l’effort, contrairement<br />
aux bêtabloquants, elle maintient la<br />
possibilité d’adaptation à l’exercice.<br />
Le programme de développement de<br />
l’ivabradine a prouvé sa non-infériorité<br />
par rapport aux bêtabloquants ou<br />
aux inhibiteurs calciques, et ce quels<br />
que soient l’âge et l’indice de masse<br />
corporelle (IMC) et dans toutes les<br />
situations aiguës ou chroniques, avec<br />
une réduction de l’angor clinique ou<br />
de la prise de dérivés nitrés de l’ordre<br />
de 50% sous ivabradine.<br />
Un profil de tolérance adapté<br />
aux patients les plus fragiles<br />
L’ivabradine n’a montré aucune conséquence<br />
délétère sur les paramètres de<br />
contractilité, et la réduction des effets<br />
indésirables est un argument de poids<br />
quand on sait qu’après 4 ans, pratiquement<br />
la moitié des patients arrêtent<br />
spontanément les bêtabloquants. On<br />
observe essentiellement des symptômes<br />
visuels qui ne gênent pas la conduite ;<br />
transitoires, ils ne justifient pas l’arrêt<br />
du traitement. Le risque de bradycardie<br />
est faible et n’a entraîné la sortie<br />
d’étude que dans 1% des cas et le retentissement<br />
sur l’asthme est identique à<br />
celui du placebo. Par ailleurs, il n’y a pas<br />
d’effet rebond ni de modification du<br />
profil glucidique chez les diabétiques de<br />
type 2. ■<br />
D’après la communication<br />
du Dr Patrick Jourdain, lors du<br />
symposium «De l’ischémie à la dysfonction<br />
ventriculaire gauche : préserver la force<br />
contractile du cœur»<br />
DISCOVER : l’athérothrombose sous-diagnostiquée<br />
par ailleurs d’une prise en charge plus<br />
conforme aux recommandations.<br />
Lorsque l’atteinte coronaire était la seule<br />
connue (88 % des patients), une autre<br />
localisation n’était recherchée que chez<br />
39 % des patients, surtout chez les 45-<br />
75 ans, en cas d’hérédité coronaire, de<br />
dysfonction érectile ou si une réadaptation<br />
cardiaque post-SCA était prévue. Or<br />
le bilan dépistait une autre localisation<br />
dans 20 % des cas.<br />
La pratique d’une revascularisation amé-<br />
liore l’exploration des autres territoires,<br />
puisque chez ces 1 149 patients sans<br />
antécédent, elle a été réalisée chez<br />
35,2 % des sujets revascularisés versus<br />
26,6% en l’absence de revascularisation<br />
(p = 0,027). Une autre localisation athérothrombotique<br />
a été retrouvée respectivement<br />
chez 13,4 et 18,5 % de ces<br />
patients. ■<br />
D’après les communications du Pr Yves Cottin<br />
(CHU, Dijon) et du Dr Pierre Sabouret<br />
(hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris)<br />
51
52<br />
Actualité du médicament<br />
I Événements - AMM - nouvelle indication - conditionnement I<br />
ATHENA : Multaq réduit de 24% les hospitalisations d'origine<br />
cardiovasculaire ou les décès chez les patients atteints<br />
de fibrillation auriculaire<br />
L'étude ATHENA est la plus grande<br />
étude randomisée, en double aveugle,<br />
réalisée chez des patients<br />
atteints de fibrillation auriculaire.<br />
Elle a été menée dans plus de<br />
550 centres investigateurs dans<br />
37 pays, et a porté sur un total de<br />
4 628 patients. ATHENA est la première<br />
étude de morbi-mortalité et<br />
la plus importante d'un programme<br />
de développement clinique.<br />
Les résultats de l'étude internationale<br />
ATHENA montrent que la dronédarone<br />
(Multaq, sanofi aventis) diminue<br />
significativement le risque d'hospitalisation<br />
d'origine cardiovasculaire ou de<br />
décès de 24% (p = 0,00000002), chez les<br />
patients atteints de fibrillation auriculaire<br />
(FA) ou de flutter auriculaire, atteignant<br />
ainsi l'objectif principal. Les résultats de<br />
l'étude ATHENA ont été présentés lors des<br />
29es Journées scientifiques annuelles de la<br />
Heart Rhythm Society qui se sont tenues<br />
à San Francisco du 14 au 17 mai.<br />
Pour la première fois en vingt ans de<br />
recherche pharmaceutique dans la FA, un<br />
médicament en développement permet<br />
une réduction significative de 30%<br />
(p = 0,03) du risque de décès cardiovasculaire<br />
en complément de traitements<br />
conventionnels (comprenant entre autres<br />
I-PRESERVE teste le bénéfice de l’irbésartan dans l'insuffisance<br />
cardiaque à fonction systolique préservée<br />
L’insuffisance cardiaque est une pathologie<br />
fréquente, synonyme d'une<br />
morbi-mortalité lourde, et qui affecte<br />
prioritairement le sujet âgé. Un groupe<br />
d'experts, le groupe Tactic, se réunit<br />
depuis 2004 pour mieux comprendre<br />
les aspects de l'insuffisance cardiaque<br />
à fonction systolique préservée (IC-FSP)<br />
qui touche la moitié des patients<br />
atteints d'insuffisance cardiaque.<br />
des traitements antiarythmiques et des<br />
antithrombotiques). Multaq a également<br />
diminué significativement de 45 % le<br />
risque de décès pour cause d'arythmie<br />
(45%, p = 0,01). De plus, une tendance à<br />
une réduction de la mortalité toutes<br />
causes confondues de 16% a été observée<br />
dans le bras dronédarone (p = 0,17),<br />
et Multaq réduit également le risque de<br />
première hospitalisation d'origine cardiovasculaire<br />
de 25 % (p = 0,000000009)<br />
comparé au groupe placebo.<br />
Les effets indésirables les plus fréquemment<br />
rapportés par rapport au placebo<br />
sont digestifs (26% contre 22%), cutanés<br />
(10 % contre 8 %, essentiellement des<br />
éruptions) ainsi qu'une élévation de la<br />
La dronédarone<br />
La dronédarone (Multaq) est un nouveau<br />
traitement découvert et développé<br />
par la recherche sanofi aventis<br />
dans le traitement de la fibrillation auriculaire<br />
et du flutter auriculaire. La dronédarone<br />
est un inhibiteur des canaux<br />
calciques, potassiques et sodiques qui<br />
possède des propriétés antiadrénergiques.<br />
La dronédarone ne contient pas<br />
de radical iodé, et aucun signe de toxicité<br />
thyroïdienne ou pulmonaire n'a été<br />
mis en évidence lors des essais cliniques<br />
réalisés.<br />
La prévalence de l'IC-FSP augmente<br />
régulièrement, notamment en raison<br />
du vieillissement de la population et d'une<br />
meilleure prise en charge de certaines<br />
pathologies cardiovasculaires. Dans un<br />
cas sur deux, les patients souffrant<br />
d'insuffisance cardiaque ont une fraction<br />
d'éjection ventriculaire gauche (FEVG) normale<br />
ou subnormale. Le seuil de cette<br />
« normalité » se situe, selon les études,<br />
entre 40 et 50%.<br />
créatininémie (4,7% contre 1%). Le profil<br />
de tolérance cardiovasculaire de Multaq<br />
mis en évidence par l'étude indique<br />
un risque faible d'effet proarythmique<br />
et pas d'augmentation du nombre<br />
d'hospitalisations pour insuffisance cardiaque<br />
congestive. Le taux d'arrêts prématurés<br />
de traitement pendant l'étude<br />
était comparable dans les deux groupes.<br />
Cinq autres essais en cours<br />
Le programme de développement clinique<br />
de phase III de Multaq comprend<br />
également cinq autres études. Une étude<br />
initiale, ANDROMEDA, dédiée aux<br />
patients atteints d'insuffisance cardiaque<br />
sévère, ainsi que 4 autres études internationales<br />
dans la fibrillation auriculaire :<br />
EURIDIS, ADONIS, ERATO et l'étude en<br />
cours DIONYSOS. Sur la base de ces nouvelles<br />
données cliniques, sanofi aventis<br />
prévoit de soumettre une demande<br />
d'autorisation de mise sur le marché<br />
auprès de l'Agence européenne du médicament<br />
(EMEA) ainsi qu'une demande<br />
d'homologation « NDA » auprès de la<br />
Food and Drug Administration (FDA) d'ici<br />
au troisième trimestre 2008. ■<br />
D’après une conférence de presse<br />
des laboratoires sanofi aventis<br />
La vocation du groupe Tactic<br />
Fondé en 2004 avec le soutien de Bristol-<br />
Myers Squibb et de sanofi aventis, le<br />
groupe Tactic, composé de 12 experts en<br />
cardiologie, s'est constitué afin de mieux<br />
comprendre l'IC-FSP, d'en faire progresser<br />
la connaissance et la reconnaissance<br />
et de contribuer à en améliorer la prise<br />
en charge. En 2005, une première étape<br />
a consisté à réaliser un état des lieux en<br />
CONSENSUS CARDIO pour le praticien - N° 40 Juin 2008
France à travers deux enquêtes de perception<br />
auprès des cardiologues hospitaliers<br />
puis des cardiologues libéraux. En<br />
avril 2006, le groupe Tactic a proposé un<br />
algorithme diagnostique de l'IC-FSP afin<br />
de permettre d'établir un diagnostic avec<br />
fiabilité.<br />
Nécessité de mieux connaître<br />
les éléments du diagnostic<br />
de l'IC-FSP<br />
Afin d'évaluer comment est réellement<br />
appréhendée cette maladie en France, le<br />
groupe Tactic a mis en place deux études<br />
observationnelles actuellement en cours,<br />
l'une en cardiologie libérale, l'autre en<br />
cardiologie et gérontologie hospitalières.<br />
Ces deux études de pratique ont pour<br />
objectifs de répondre à 5 questions :<br />
- Sur quels éléments le diagnostic est-il<br />
porté ?<br />
- Quelles sont les caractéristiques de ces<br />
patients ?<br />
Procoralan couronné par le prix Galien 2008 et son découvreur,<br />
le Pr DiFrancesco, récompensé par le prix de la Fondation<br />
LeFoulon-Delalande<br />
L'ivabradine, commercialisée sous le<br />
nom de Procoralan, molécule innovante<br />
issue de la recherche des laboratoires<br />
Servier, vient de recevoir le<br />
prestigieux Prix Galien 2008.<br />
Procoralan est un inhibiteur sélectif<br />
et spécifique du courant If sinusal<br />
découvert et développé par le département<br />
de recherche des laboratoires<br />
Servier, qui représente une avancée<br />
dans le traitement symptomatique de<br />
l’angor stable chronique. Procoralan<br />
est le fruit de recherches approfondies<br />
qui ont eu pour objectif de parvenir à<br />
synthétiser une molécule capable<br />
d’induire une réduction exclusive de<br />
la fréquence cardiaque, sans incidence<br />
sur les autres paramètres hémodynamiques<br />
(contractilité, conduction, excitabilité).<br />
CONSENSUS CARDIO pour le praticien - N° 40 Juin 2008<br />
- Quelles sont les modalités de suivi ?<br />
- Quelle est la prise en charge thérapeutique<br />
?<br />
- Peut-on identifier des éléments pronostiques<br />
à moyen terme ?<br />
Intérêt d'une étude<br />
spécifique dans l'IC-FSP:<br />
l'étude I-PRESERVE<br />
L'étude I-PRESERVE a été réalisée chez des<br />
patients souffrant d'insuffisance cardiaque<br />
à fonction systolique préservée. C'est une<br />
étude randomisée menée en double aveugle<br />
avec irbésartan versus placebo chez<br />
4 133 patients dans 25 pays. Son objectif<br />
principal est de comparer l'efficacité de<br />
l'irbésartan au placebo sur la mortalité<br />
totale ou sur une hospitalisation pour<br />
cause cardiovasculaire : insuffisance cardiaque,<br />
angor instable, infarctus du myocarde<br />
non fatal, accident vasculaire cérébral<br />
non fatal, arythmie ventriculaire,<br />
arythmie auriculaire. A l'inclusion dans<br />
Indiqué dans le traitement<br />
symptomatique de<br />
l’angor chronique<br />
Procoralan ouvre désormais une nouvelle<br />
voie dans le traitement symptomatique<br />
de l’angor chronique stable<br />
par l’intermédiaire d’une réduction<br />
exclusive de la fréquence cardiaque.<br />
Procoralan est indiqué chez les patients<br />
en rythme sinusal et présentant une<br />
contre-indication ou une intolérance<br />
aux bêtabloquants, mais ne doit pas<br />
être administré chez les sujets ayant<br />
une fréquence cardiaque de base inférieure<br />
à 60 battements par minute<br />
avant le début du traitement.<br />
Par ailleurs, son mode d'action unique<br />
ouvre des perspectives thérapeutiques<br />
nouvelles dans bien d'autres domaines<br />
de la cardiologie, dans lesquels de très<br />
grandes études ont été entreprises : leurs<br />
résultats seront présentés dans les pro-<br />
l'essai, l'âge moyen des patients était de<br />
72 ans. 40% étaient des hommes et 60%<br />
des femmes. 80% étaient en surpoids ou<br />
obèses. Dans 64% des cas, l'insuffisance<br />
cardiaque était secondaire à une hypertension<br />
artérielle. Une fibrillation auriculaire<br />
était associée à l'IC-FSP chez un quart<br />
des patients et un diabète chez un tiers.<br />
83% des patients étaient traités par des<br />
diurétiques, 59% par des bêtabloquants,<br />
40% par des inhibiteurs calciques, 25%<br />
par des IEC, 15% par la spironolactone et<br />
14% par la digoxine. Les caractéristiques<br />
des patients de l'étude I-PRESERVE correspondent<br />
aux critères des études épidémiologiques<br />
sur I'IC-FSP, notamment la<br />
prédominance féminine et l'âge plus élevé<br />
que la population souffrant d'insuffisance<br />
cardiaque systolique.<br />
Les résultats de I-PRESERVE devraient être<br />
présentés en novembre prochain dans le<br />
cadre du congrès de l'American Heart<br />
Association (AHA). ■<br />
D’après une conférence<br />
de presse des laboratoires BMS et sanofi aventis<br />
chains congrès de la Société européenne<br />
de cardiologie. Procoralan est<br />
aujourd'hui utilisé avec succès chez des<br />
dizaines de milliers de malades coronariens<br />
en France et dans le monde.<br />
« I f » comme « funny »<br />
La mise au point de l'ivabradine couronne<br />
des années de recherche sur les<br />
mécanismes à l'origine du rythme cardiaque,<br />
qui ont conduit à la découverte<br />
du courant I f par le Pr Dario DiFrancesco,<br />
du département des sciences biomoléculaires<br />
et biotechnologies de l’université<br />
de Milan, qui vient de se voir décerner le<br />
Prix de la Fondation Lefoulon-Delalande.<br />
Créé en 2000, ce prix récompense chaque<br />
année un scientifique ayant contribué à<br />
améliorer les connaissances dans la physiologie,<br />
la biologie et la médecine cardiovasculaire.<br />
Le jury, composé d’un<br />
53
54<br />
panel de chercheurs et présidé par le<br />
Pr Alain Carpentier, a choisi cette année<br />
de récompenser les travaux du Pr Dario<br />
DiFrancesco. Ce prix, d’un montant<br />
de 500 000 euros, est reconnu par<br />
l’ensemble de la communauté scientifique<br />
comme la distinction la plus<br />
prestigieuse dans le domaine cardiovasculaire.<br />
Les travaux du Pr Dario DiFrancesco ont<br />
débuté dans les années 1970, ciblés<br />
Le Pr Dario DiFrancesco est directeur du laboratoire<br />
de physiologie moléculaire et neurobiologie,<br />
département des sciences biomoléculaires et biotechnologies<br />
à Milan. Actuellement l’équipe du<br />
Pr DiFrancesco est engagée dans plusieurs projets<br />
de recherche, tous centrés sur les différents développements<br />
du concept de pacemaker cardiaque<br />
fondé sur l’emploi du canal funny. Le laboratoire est<br />
équipé de toutes les technologies de pointe pour la<br />
biologie cellulaire, l’électrophysiologie, la génétique<br />
du DNA recombinant, l’immunofluorescence, etc.<br />
Première mondiale :<br />
les laboratoires MSD ouvrent<br />
une nouvelle voie dans le<br />
traitement contre le VIH<br />
Les laboratoires MSD-Chibret ont reçu l'autorisation de mise<br />
sur le marché d'Isentress, nouveau médicament contre le<br />
VIH. Cet inhibiteur de l'intégrase est le premier d'une nouvelle<br />
classe de traitement contre le VIH. Bénéficiant d'une<br />
procédure d'évaluation accélérée, Isentress a été autorisé<br />
par la Commission européenne et l'Afssaps (Agence française<br />
de sécurité sanitaire des produits de santé), dans le<br />
traitement de l'infection<br />
par le VIH1,<br />
en association avec<br />
d'autres agents<br />
antirétroviraux,<br />
chez des patients<br />
adultes prétraités,<br />
ayant une charge<br />
virale détectable<br />
sous traitement<br />
antirétroviral en<br />
cours. ■<br />
d’emblée sur les mécanismes qui gouvernent<br />
la naissance d’une activité électrique<br />
spontanée du nœud sinusal.<br />
Dario DiFrancesco et deux de ses collaborateurs,<br />
Hylary Brown et Susan<br />
Noble, ont publié leurs premiers résultats<br />
sur ce courant fantaisiste aux propriétés<br />
électriques inhabituelles, qu’ils<br />
baptiseront courant I f , le « f » pour<br />
« funny », dans la célèbre revue Nature<br />
en 1979.<br />
DR<br />
BEAUTIFUL : résultats<br />
en septembre 2008<br />
L’essai BEAUTIFUL est le premier essai<br />
de morbi-mortalité destiné à évaluer<br />
les bénéfices du ralentissement « pur »<br />
de la fréquence cardiaque par le<br />
Procoralan. Dans ce vaste essai, dont les<br />
résultats seront présentés en avant-première<br />
lors du prochain congrès de<br />
l’European Society of Cardiology<br />
à Munich en septembre prochain,<br />
10 000 patients coronariens avec dysfonction<br />
ventriculaire gauche ont été<br />
randomisés en deux groupes afin de<br />
recevoir un placebo ou le Procoralan à<br />
la dose de 5 mg deux fois par jour, pendant<br />
deux semaines, puis 7,5 mg deux<br />
fois par jour. Le critère primaire de cet<br />
essai est un critère composite associant<br />
la mortalité et les hospitalisations pour<br />
infarctus du myocarde, la survenue ou<br />
l’aggravation d’une insuffisance cardiaque.<br />
■<br />
Le programme IRM<br />
d’autoformation en français<br />
À travers un partenariat éditorial avec l'ACC, et avec l'aide<br />
des laboratoires Solvay Pharma, Cardinale et la société de<br />
production multimédia MVS sont en mesure de proposer ce<br />
programme de formation en français. Il s'agit d'un enseignement<br />
complet dans lequel chacun peut trouver la part<br />
qui l'intéresse, depuis l'ensemble d'une formation plutôt<br />
nécessaire à ceux qui seront amenés à réaliser des IRM cardiaques<br />
jusqu'à des notions d'usage pratique intéressant les<br />
prescripteurs de la méthode.<br />
La version française est présentée sous forme de 2 CD Rom,<br />
chacun accompagné d'une brochure introductive.<br />
Le premier de ces documents fait une large place aux aspects<br />
techniques, aux principes physiques mais aussi aux aspects<br />
pratiques. Comment ça fonctionne, qu'est-ce que cela veut<br />
dire, quelles sont les précautions, quelles sont les contreindications<br />
? Mais également quel type d'examen demander,<br />
pour quel type de problème clinique ? Telles sont les<br />
questions que ce premier volume se propose de dresser,<br />
étape pouvant paraître aride, mais ô combien utile !<br />
Le deuxième volume, à paraître sous quelques semaines,<br />
sera, quant à lui, consacré aux indications et aux résultats à<br />
travers des cas cliniques largement illustrés. Tout au long de<br />
ces deux CD Rom, on retrouvera des questions permettant<br />
de s'autoévaluer... outil de formation oblige. ■<br />
CONSENSUS CARDIO pour le praticien - N° 40 Juin 2008