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LES PILIERS DE LA TRAITRISE - Scandale-France.org

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couvrir les déplacements, les frais informatiques et médicaux des cinq<br />

membres de la tribu.<br />

Autant avant ce marasme, je dépensais sans compter, sans être un<br />

panier percé, aussi bien par la suite, plus je compterai moins je dépenserai<br />

jusqu’à ce que ma carte bancaire et celle de ma mère soient avalées. A défaut<br />

de flâner dans les quartiers chics, de dévaliser les boutiques de luxe ou de<br />

faire du lèche-vitrine au très select Marks and Spencer, nous chinions dans<br />

les « Charity shop » à la conquête d’un trench coat pour passer l’hiver au<br />

chaud.<br />

En Angleterre, nous dénicherions en musardant dans les ruelles de<br />

Colchester, une friperie cédant trois anoraks fourrés pour une somme<br />

dérisoire. Dans cette boutique modeste, j’ai troqué mes baskets contre des<br />

bottes de sept lieux, mes compagnes de route en simili cuir, à deux pounds<br />

six cents. Les dames arborant leur plus beau chapeau, couvertes d’une mante<br />

ravissante, me toisaient du regard et mes yeux vitreux me servaient d’écran<br />

total. J’enfilais mon cérémonial costume de tous les jours et emmitouflée<br />

dans mon anorak de fortune, je dissimulais ma silhouette squelettique.<br />

La clandestinité limitant l’accès aux soins médicaux, un vêtement<br />

chaud nous prémunirait contre les maladies virales et infectieuses. Cette<br />

affaire avait brisé notre vie et nous réduisait à un statut de laissés-pourcompte.<br />

Nos accoutrements n’étaient pas loin de ressembler à des guenilles.<br />

Nous marchions à pied par tous les temps et rentrions parfois au<br />

logis trempés comme des souches. Transis de froid, nous nous roulions en<br />

boule dans la couette.<br />

Les semaines s’écoulèrent, et par la force des circonstances, nous<br />

nous étions habitués à la pluie, à la neige, aux engelures, à dormir sur des<br />

matelas de fortune, faute de lit. Dans l’invisibilité nous excellions au fur et à<br />

mesure que les difficultés se corsaient. Au dispensaire, j’accompagnais<br />

cycliquement maman, les soins étaient peu coûteux. A bon escient, nous<br />

sélectionnons sur l’ABC de la pauvreté les hôpitaux publics proposant des<br />

consultations gracieuses, au prix d’une attente interminable. A l’accueil, je<br />

prenais les devants pour remplir les fiches d’inscription, maîtrisant avec<br />

plus d’aisance la langue anglaise. Les médicaments étaient prescrits au<br />

compte-gouttes par le médecin, et délivrés après vérification de notre<br />

résidence temporaire, par l’apothicaire.<br />

Un des inconvénients majeurs de la clandestinité réside dans le fait<br />

qu’elle vous expose à des situations inédites, parfois frisant le désespoir,<br />

auxquelles nous devions nous adapter en mettant de côté nos principes. Cette<br />

cruelle humiliation se distillait dans nos veines comme un poison et nous<br />

rongeait les sangs. Malgré les caprices du ciel, nous cheminions à pied, le<br />

cœur en lambeaux, transportés par des bus à impériale, transbordés dans un<br />

cab jaune, le temps d’une course rapide. L’hiver, sous un épais brouillard,<br />

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