23.06.2013 Views

LES PILIERS DE LA TRAITRISE - Scandale-France.org

LES PILIERS DE LA TRAITRISE - Scandale-France.org

LES PILIERS DE LA TRAITRISE - Scandale-France.org

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

Nous en étions, à la première semaine de septembre. Le<br />

thermomètre tombait. Notre existence qui n’était encore que solitaire et<br />

déshéritée s’est subrepticement métamorphosée en un quotidien<br />

insupportable. Maman se dévouait à tenir le rôle de lavandière. Tous les<br />

soirs, elle s’évertuait à laver nos effets vestimentaires et enroulait<br />

méticuleusement le linge encore humide dans une serviette de toilette qui<br />

faisait office de sèche-linge, à défaut de sèche-main. Sur l’échelle de<br />

l’évolution humaine, nous régressions indépendamment de notre volonté à<br />

l’âge de pierre, et expérimentions la genèse de la guerre du feu. Nous<br />

devrions pourtant nous accommoder de ce confort rudimentaire pendant<br />

plusieurs semaines voire plusieurs mois. Il me semblait que la vie au<br />

quotidien se composait de fractions temporelles disjointes.<br />

A Harwich, nous observions par obligation la règle d’or de la<br />

thésaurisation, au grand désarroi du tourisme et des commerçants. La<br />

menace étant omniprésente, nous nous gardions bien de régler nos menues<br />

dépenses par le truchement de la carte de crédit. En aucun cas, nous ne<br />

signalerons notre lieu de refuge ou notre présence dans un lieu public. Cette<br />

rude épreuve nous enseignerait les préceptes de la clandestinité. Loin de<br />

souffrir d’agoraphobie mais éperdus de crainte, nous étions devenus experts<br />

dans l’art de l’invisibilité. En un temps record, nous avions épousé les<br />

méthodes de l’espionnage et de l’exfiltration. De ce mariage blanc et à la<br />

fois de raison, conclu sans témoins, j’éprouverai par analogie les douleurs<br />

déchirantes d’un divorce pour faute et garderai les souvenirs amers de la<br />

dissimulation de notre identité. Au pas de course, le front suant à grosses<br />

gouttes, le cœur palpitant à deux doigts de la tachycardie, le souffle coupé,<br />

nous esquivions le passage devant les caméras de télésurveillance installées<br />

dans les gares. Nous foulions tout juste le sol puis survolions à grandes<br />

enjambées la station de Liverpool Street. L’espace de quelques centaines de<br />

kilomètres hors de nos frontières, et le laps de temps du débarquement ont<br />

suffi pour nous transformer en automates.<br />

Les maquisards sont entrés inconsciemment dans la matrice, les<br />

rôles se sont distribués indépendamment d’un maître de jeu. L’équipe de<br />

Mission Impossible unissait ses forces et talents respectifs, de cette synergie<br />

et symbiose dépendrait notre survie tout au long de la traversée de l’exil. A<br />

la hâte, nous traversions les halls de gares depuis l’East Anglia jusqu’à la<br />

Capitale londonienne nous laissant happer par le mouvement ascensionnel de<br />

l’escalator et brasser sur le trottoir de Piccadilly Circus parmi ce meltingpot,<br />

nous passions inaperçus. Dans ce damier urbain, la mixité sociale<br />

campait un paysage diversifié.<br />

Les fans des Beatles, les nostalgiques des Rolling Stones, les tons,<br />

les idiomes, les modes, les races se croisent et se rencontrent sans même se<br />

regarder. Nous avions au moins cet avantage de passer incognito dans les<br />

149

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!