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Traité des monnaies - Institut Coppet

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NICOLAS ORESME • TRAITÉ DES MONNAIES<br />

de monnaie est injuste d'une façon tout spécialement contre<br />

nature.<br />

Il est naturel en effet à certaines richesses naturelles de se multiplier,<br />

tels les grains de céréales « que, semés, le champ rend<br />

avec force intérêt n, comme dit Ovi<strong>des</strong>l , mais il est monstrueux<br />

et contre nature qu'une chose inféconde engendre, qu'une chose<br />

stérile sous tous ses aspects fructifie ou se multiplie d'elle-même,<br />

et l'argent est une chose de cette sorte. Donc, lorsque cet argent<br />

rapporte du gain sans être engagé dans le commerce <strong>des</strong> richesses<br />

naturelles, selon son usage propre, celui qui lui est naturel, mais<br />

en étant converti en son semblable, comme lorsqu'on change<br />

une monnaie en une autre ou qu'on en donne une pour une<br />

autre, un tel profit est vil et contraire à la nature. C'est par cette<br />

raison en effet qu'Aristote prouve, dans le livre 1 de la Po/itiqué2,<br />

que l'usure est contre nature parce que l'usage naturel<br />

de la monnaie est qu'elle soit l'instrument de permutation <strong>des</strong><br />

richesses naturelles, comme on l'a souvent dit. Celui qui l'utilise<br />

d'autre façon commet donc un abus contre l'institution naturelle<br />

de la monnaie, car il fait en sorte que, comme dit Aristote,<br />

le denier engendre le denier, ce qui est contre nature.<br />

Mais, en outre, dans ces mutations où l'on prend un gain, il faut<br />

appeler « denier » ce qui n'est pas en vérité un denier, et « livre n<br />

ce qui n'est pas une livre, comme il a été dit auparavant. Et il<br />

est évident que ceci n'est pas autre chose que perturber l'ordre<br />

de la nature et de la raison. Cassiodore dit là-<strong>des</strong>sus: « On doit<br />

donner le montant exact d'un sou et parce que l'on a le <strong>des</strong>sus,<br />

on en retranche quelque chose; on doit verser une livre et, parce<br />

que cela vous est possible, on la diminue un peu. Voilà <strong>des</strong> agissements<br />

que ces noms eux-mêmes, on le voit bien, rendent<br />

impossibles. Ou bien on s'acquitte intégralement, ou bien on<br />

ne paie pas ce qui est dit: de toute façon, on ne peut pas employer<br />

les noms <strong>des</strong> intégralités en effectuant <strong>des</strong> diminutions scélé-<br />

51. Ovide, Les Pontiques, l, 5, 26.<br />

52. Aristote, la Politique, l, 10 (1258b 7).<br />

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