Traité des monnaies - Institut Coppet
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ÉCRITS MONÉTAIRES DU XIV' SIÈCLE<br />
hommes se multiplièrent sur la terre et les biens furent répartis<br />
comme il convenait. De ce fait, d'une chose donnée, l'un eut<br />
plus que de besoin, tandis qu'un autre en eut peu ou point, et<br />
ce fut l'inverse pour une autre chose. Par exemple, le pasteur<br />
avait <strong>des</strong> moutons en abondance, mais était dépourvu de pain,<br />
et c'était le contraire pour le laboureur. De même, une région<br />
regorgeait de ceci et manquait de cela.<br />
Les hommes commencèrent donc à commercer sans monnaie:<br />
l'un donnait à l'autre un mouton pour du blé, un troisième donnait<br />
son travail pour du pain ou de la laine, et ainsi de suite.<br />
Cela resta d'usage longtemps encore après cette époque dans<br />
certaines cités, comme le raconte Justin2•<br />
Mais, de cette façon, cependant, bien <strong>des</strong> difficultés se présentèrent<br />
dans l'échange et le transport <strong>des</strong> choses. Pour les diminuer,<br />
les hommes imaginèrent l'usage de la monnaie: elle serait<br />
l'instrument de la permutation <strong>des</strong> richesses naturelles, celles<br />
qui permettent d'elles-mêmes de subvenir aux besoins humains.<br />
L'argent est, pour sa part, qualifié de richesse artificielle. En effet,<br />
on peut très bien le posséder en abondance et mourir de faim.<br />
Aristote donne ainsi l'exemple d'un roi cupide qui avait prié pour<br />
que tout ce qu'il touche devînt or : les dieux le lui accordèrent,<br />
et il périt de faim, selon les dires <strong>des</strong> poètes3• C'est que l'argent<br />
ne permet pas de pourvoir directement aux besoins vitaux, mais<br />
qu'il est un instrument ingénieusement inventé en vue de permuter<br />
plus commodément les richesses naturelles.<br />
Cela suffit pour qu'il soit évident que l'argent est fort utile à une<br />
bonne communauté civile, et avantageux, voire nécessaire, aux<br />
usages de l'Etat, comme le démontre Aristote dans le livre V <strong>des</strong><br />
Ethiques4• Quoique Ovide en dit: « [ ... ] sont extraites les richesses<br />
qui exacerbent les passions <strong>des</strong> méchants. Eh bien oui, il<br />
2. Nicolas Oresme pense ici à la vie frugale <strong>des</strong> Scythes telle que Justin l'avait décrite<br />
au début de son Abrégé <strong>des</strong> histoires philippiques de Trogues Pompée (l, 2). II Y fait<br />
explicitement référence dans la glose de sa traduction de la Politique.<br />
3. Aristote, la Politique, l, 9 (1 257b). Le roi en question est bien sûr le Midas de la fable.<br />
4. Aristote, Ethique à Nicomaque, V, 8 (I233a 20).<br />
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