23.06.2013 Views

Traité des monnaies - Institut Coppet

Traité des monnaies - Institut Coppet

Traité des monnaies - Institut Coppet

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

ÉCRITS MONÉTAIRES DU XIVe SIÈCLE<br />

existence fausse la vérité <strong>des</strong> échanges et trouble l'ordre marchand.<br />

La richesse de l'analyse de Nicolas Oresme consiste dans la prise<br />

en compte de la double réalité monétaire de l'époque: le contenu<br />

métallique de la pièce et la certitude de son prix. Elle lui<br />

permet de montrer clairement que la monnaie résulte d'un acte<br />

de gestion par la communauté marchande d'un stock de métal<br />

dont celle-ci dispose pour effectuer ses transactions. Nicolas<br />

Oresme est conscient de la fragilité de la certitude du prix de<br />

cet instrument monétaire, qui n'est basé sur aucune donnée naturelle<br />

s'imposant à la décision humaine. La nature ne fournit pas<br />

la monnaie comme elle fournit les autres biens nécessaires à<br />

la vie. Elle est construite, donc manipulable par <strong>des</strong> princes peu<br />

scrupuleux. Seul le contrôle par la communauté marchande ellemême<br />

peut en garantir la stabilité. En philosophe nominaliste,<br />

Nicolas Oresme pousse donc très loin cette idée d'émancipation<br />

de l'instrument monétaire de toute tutelle absolutiste. Il reprend<br />

ainsi au niveau monétaire son analyse sociale de promotion d'activité<br />

marchande. Le <strong>Traité</strong> <strong>des</strong> <strong>monnaies</strong> avalise en fait le détournement<br />

de l'objet monétaire, conçu initialement comme un instrument<br />

de prélèvement par le seigneur, à <strong>des</strong> fins d'instrument<br />

de règlement pour les transactions entre agents privés. Ses<br />

œuvres postérieures, traductions de l'Ethique et de la Politique,<br />

reprennent globalement cette thèse. Nicolas Oresme réaffirme<br />

que le prix et le cours de la monnaie doivent rester stables pour<br />

le bien de la communauté, et que tout prélèvement opéré sur<br />

la monnaie est condamnable. Toutefois, les chapitres X et XII<br />

de la Politique contiennent un prolongement nouveau de sa thèse,<br />

prolongement qui est une merveilleuse illustration de l'appropriation<br />

totale <strong>des</strong> textes d'Aristote par l'auteur. La chrématistique<br />

mercantile dénoncée par Aristote se transforme chez Nicolas<br />

Oresme en chrématistique changeresse, et la condamnation<br />

qui pesait sur le commerçant de la cité antique frappe le changeur<br />

médiéval. Comment fut possible un tel glissement sémantique,<br />

et pourquoi le changeur fut-il ainsi cloué au pilori de sa<br />

44

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!