Traité des monnaies - Institut Coppet
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ÉCRITS MONÉTAIRES DU XIV· SIÈCLE<br />
dans cet ouvrage, et elle sera reproduite à peu près à l'identique<br />
dans ses travaux postérieurs: les traductions commentées<br />
de l'Ethique et de la Politique. Le <strong>Traité</strong> <strong>des</strong> <strong>monnaies</strong> est souvent<br />
donné comme le premier ouvrage de science dans le<br />
domaine monétaire. Pourtant, à sa lecture, il ressemble plus à<br />
un pamphlet, à un réquisitoire dressé par un politique contre<br />
<strong>des</strong> pratiques monétaires jugées abusives, qu'à l'ouvrage rigoureux<br />
d'un savant. A travers le <strong>Traité</strong> <strong>des</strong> <strong>monnaies</strong>, apparaît en<br />
effet l'engagement politique de Nicolas Oresme (et du groupe<br />
social tout entier qu'il représente: la bourgeoisie) sur la question<br />
de la monnaie3• Nicolas Oresme ne cherche nullement,<br />
dans ses travaux, à démontrer une thèse monétaire. Le corps<br />
conceptuel du <strong>Traité</strong> <strong>des</strong> <strong>monnaies</strong> est en effet faible, très en<br />
deçà de celui <strong>des</strong> Questions de Jean Buridan. L'échange, le prix,<br />
le besoin ne sont que très peu étudiés. De même, dans les traductions<br />
de l'Ethique et de la Politique, les passages très théoriques<br />
d'Aristote sur la valeur ou la mesure ne donnent lieu à<br />
aucune glose. Sa thèse monétaire se résume à l'affirmation, dans<br />
le chapitre 1 du <strong>Traité</strong>, d'un concept: la monnaie est un instrument<br />
du commerce permettant la commutation <strong>des</strong> richesses<br />
marchan<strong>des</strong>. Démontrer ce concept n'est pas le propos de Nicolas<br />
Oresme (au contraire de Jean Buridan qui s'attachera, dans<br />
ses Questions sur la politique, à développer sur ce sujet une rhétorique<br />
scolastique). Son intérêt se porte ailleurs, et notamment<br />
sur les conséquences pratiques de la fonction marchande de la<br />
monnaie. Nicolas Oresme s'élève contre les agissements <strong>des</strong> princes,<br />
héritiers <strong>des</strong> temps féodaux, pour qui la monnaie est un<br />
instrument du pouvoir dont le prix peut varier selon les impératifs<br />
politiques. Pour Nicolas Oresme, la fin à laquelle la monnaie<br />
3. On ne connaît pas exactement les circonstances de rédaction du <strong>Traité</strong> <strong>des</strong> <strong>monnaies</strong>.<br />
Emile Bredrey, A.O. Menut et Hector Estreuf avancent néanmoins <strong>des</strong> hypothèses<br />
confirmant le caractère politique de l'ouvrage. En 1356, Nicolas Oresme aurait<br />
été appelé par le roi Jean II en tant que conseiller pour proposer <strong>des</strong> solutions au<br />
désastre financier du trésor royal. Le <strong>Traité</strong> <strong>des</strong> <strong>monnaies</strong> serait donc une sorte de<br />
rapport qui aurait inspiré la réforme monétaire du régent Charles V, marquant le<br />
5 décembre 1360 une tentative de retour à la bonne monnaie.<br />
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