Traité des monnaies - Institut Coppet
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ÉCRITS MONÉTAIRES DU XIV· SIÈCLE<br />
de gens et de cités, le commerce s'inscrivait le plus logiquement<br />
possible dans la relation sociale de base. Ainsi, sa traduction et<br />
sa glose ne posèrent pas clairement la distinction, incompréhensible<br />
pour lui, entre la relation intracommunautaire <strong>des</strong> hommes<br />
de la même famille ou cité, basée sur le don, et la relation<br />
intercommunautaire entre citoyens et étrangers, basée sur<br />
l'échange marchand. Mais il garda cette idée d'opposition entre<br />
l'échange naturel posé par Aristote comme un dérivé historique<br />
du don, donc louable, et l'échange contre nature, condamnable<br />
car issu <strong>des</strong> relations avec les étrangers. Selon la démarche nominaliste,<br />
s'il conserva, sur le plan de la logique, cette opposition,<br />
il la nourrit d'un contenu totalement nouveau. Il introduisit une<br />
nuance ignorée d'Aristote sur la nature <strong>des</strong> biens faisant l'objet<br />
de l'échange. En bon matérialiste, il ne s'intéressa plus à la qualité<br />
de la relation, mais à la nature de l'objet échangé: s'il s'agit de<br />
biens naturels, leur échange est louable, indépendamment de<br />
la nature <strong>des</strong> échangistes et toute norme de profit; par contre,<br />
s'il s'agit de biens artificiels Oa monnaie), l'échange prend la forme<br />
de change, de mutation ou d'usure; il est alors illicite.<br />
Enfin, présentons dans un dernier exemple l'interprétation par<br />
les scolastiques <strong>des</strong> thèses monétaires d'Aristote. Cette interprétation<br />
était sans aucun doute centrale dans le débat entre nominalistes<br />
et réalistes, puisque Jean Buridan n'y consacra pas moins<br />
de quatre Questions, et Nicolas Oresme rédigea à ce sujet le premier<br />
traité d'économie monétaire. Elle conduisit d'ailleurs les<br />
deux écoles à <strong>des</strong> conclusions opposées. La conception aristotélicienne<br />
du gouvernement, doté de pouvoir à la fois politique<br />
(le roi), moral (le juge) et religieux (le prêtre) et chargé de conduire<br />
la cité vers le bien-vivre, fut reprise à peu près intégralement<br />
par Thomas d'Aquin. Il faisait, nous l'avons vu, du prince<br />
médiéval un « fonctionnaire de Dieu », investi par délégation du<br />
pouvoir temporel du pape. Son analyse monétaire était donc très<br />
proche de celle développée par Aristote, car elle s'inscrivait dans<br />
la même analyse finaliste de la société. La monnaie thomiste,<br />
dotée d'une force centripète permettant au prince de rassem-<br />
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