Traité des monnaies - Institut Coppet
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AVANT-PROPOS<br />
ignoré du citoyen, est présenté comme le mettant dangereusement<br />
en relation avec l'étranger suspecté de l'intention maligne<br />
de corrompre la cité.<br />
Comment cette analyse sociale a-t-elle été comprise par ces chrétiens,<br />
appartenant à une Eglise qui se voulait catholique, donc<br />
universelle, et comment cette condamnation du commerce a-telle<br />
été lue? Au XIIIe siècle, période de l'extraordinaire développement<br />
<strong>des</strong> relations marchan<strong>des</strong> et de l'éclosion <strong>des</strong> foires,<br />
pouvait-on suspecter le marchand toscan ou vénitien de vouloir<br />
corrompre son partenaire commercial lyonnais ou champenois<br />
en le détournant de son devoir de citoyen? Docteur chrétien,<br />
Thomas d'Aquin mena une analyse finaliste de la société<br />
et rejoignit ainsi Aristote dans sa condamnation morale du commerce.<br />
Mais c'était avec un embarras certain qu'il reprit son argumentation<br />
dans le livre Il du Gouvernement roya/38• Ainsi, si<br />
Thomas d'Aquin citait partiellement Aristote: « Les relations avec<br />
les [marchands] étrangers corrompent le plus souvent les mœurs<br />
nationales, comme l'enseigne Aristote dans la Politique », il donnait<br />
immédiatement une interprétation chrétienne de cette corruption<br />
: « C'est pourquoi la cité parfaite devra se servir <strong>des</strong> marchands,<br />
mais d'une façon modérée », c'est-à-dire sans que ne se<br />
développe l'esprit de lucre, en respectant l'idéal chrétien de pauvreté<br />
et de modération dans le profit.<br />
Mais ce fut chez les nominalistes que la formidable action interprétative<br />
a le plus joué. Cette condamnation du commerce heurtait<br />
de plein fouet leur analyse sociale humaniste et leur analyse<br />
politique de promotion de la merchandise. Le commentaire du<br />
chapitre IX de la Politique de Nicolas Oresme retourna, de ce<br />
fait, l'argutie aristotélicienne. Tout d'abord, Nicolas Oresme traduisit<br />
de façon très confuse le passage de la Politique où Aristote<br />
présente l'historique de la relation marchande dans la cité<br />
grecque. Pour lui, les hommes formant dès l'origine de l'humanité<br />
une vaste communauté, et non pas une multitude éclatée<br />
38. Thomas d'Aquin, Du Gouvernement royal, t. II et Ill, traduction de Claude Roquet,<br />
coll. Les Maîtres de la politique chrétienne, Paris, 1931.<br />
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