Traité des monnaies - Institut Coppet
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ÉCRITS MONÉTAIRES DU XIV· SIÈCLE<br />
chaque être humain est égal devant Dieu? De même, dans<br />
l'analyse sociale, la distinction entre patricien et plébéien était,<br />
pour le scolastique, sans signification. Cette hiérarchie sociale<br />
ne ressemblait en rien à la représentation de la société féodale<br />
structurée selon un critère fonctionnel en trois ordres nettement<br />
différenciés: « Les uns prient, les autres combattent et les autres<br />
encore travaillenP6.» Comment ces hommes du bas Moyen<br />
Age, dont l'image projetée de leur société était si différente de<br />
celle que leur fournissait Aristote, ont-ils lu la Politique? Au prix<br />
d'une vaste interprétation, Thomas d'Aquin y puisa la justification<br />
de la prédominance du spirituel et du religieux sur le temporel.<br />
Au nom d'Aristote, il fera du prince « un fonctionnaire<br />
de Dieu », et légitima ainsi un ordre théocratique médiéval. Le<br />
nominaliste trouva dans Aristote les éléments de sa critique<br />
sociale. Porteur d'idéal humaniste et démocratique, il y chercha<br />
une condamnation de la société <strong>des</strong> trois ordres fixant la<br />
place sociale du prêtre, du guerrier et du paysan. Le concept<br />
de tyran, très développé chez Aristote, fut repris avec rigueur<br />
dans la critique menée contre l'autocratie religieuse. Mais, pour<br />
cela, il interpréta et détourna totalement le contenu de ce terme.<br />
Si originairement chez Aristote, le tyran est un plébéien ayant,<br />
par la violence révolutionnaire, confisqué le pouvoir légitime<br />
du patricien, le nominaliste en fit un prince abusif, transgressant<br />
non plus la finalité religieuse de la cité antique, mais la<br />
volonté individuelle de chacun <strong>des</strong> hommes de la communauté<br />
civile.<br />
Un autre élément de l'analyse sociale d'Aristote posait problème<br />
à l'homme médiéval: la distinction, élémentaire pour un Grec,<br />
entre citoyen et étranger était totalement obscure pour lui. Chez<br />
Aristote, l'étranger est celui qui est exclu du culte <strong>des</strong> dieux et<br />
donc de la loi de la cité. Cette distinction est importante car elle<br />
fonde sa condamnation du commerce 37 • L'échange marchand,<br />
36. Georges Duby, Les Trois Ordres ou /'Imaginaire du féodalisme, P.U.F., Paris,<br />
pp. 69-71.<br />
37. Pour une analyse du commerce et de la monnaie dans la cité antique, se référer<br />
à Jean·Michel Servet, Homismata, P.U.L., Lyon, 1984.<br />
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