Traité des monnaies - Institut Coppet
Traité des monnaies - Institut Coppet
Traité des monnaies - Institut Coppet
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
AVANT-PROPOS<br />
rence est immense entre la pensée du XIIIe siècle, dominée par<br />
les travaux d'Albert le Grand, de Thomas d'Aquin ou de François<br />
Accurse, et celle du XIVe siècle, représentée par nos trois<br />
auteurs. La prise de conscience de la différence entre ces deux<br />
pensées est nécessaire à leur approche, car l'une ne s'est développée<br />
qu'en opposition à l'autre. Les thèses <strong>des</strong> XIIIe et XIVe<br />
siècles sont donc étroitement liées, et l'analyse monétaire de Nicolas<br />
Oresme, ou celle de Jean Buridan, n'est compréhensible que<br />
si le détour par l'étude <strong>des</strong> textes de Thomas d'Aquin ou d'Albert<br />
le Grand a été fait. Cela est d'autant plus nécessaire que les références<br />
à leurs gloses sont constantes. Ainsi, il n'y a pas une théorie<br />
scolastique morne et répétitive, mais une théorie scolastique<br />
évolutive, contradictoire et vivante.<br />
Il faut souligner, en dernier lieu, les difficultés qui pourraient<br />
être qualifiées de matérielles et qui posent certainement le plus<br />
de problèmes au lecteur contemporain. Tout d'abord, ce lecteur<br />
est confronté à la délicate tâche de recherche et de sélection <strong>des</strong><br />
manuscrits, aux subtilités typographiques de l'écriture gothique,<br />
et enfin à la lecture du latin médiéval. Une fois ces handicaps<br />
initiaux surmontés, les textes ne sont pas plus limpi<strong>des</strong> pour lui,<br />
car la scolastique est non seulement un savoir organisé, mais<br />
aussi un mode d'exposition de la pensée. Ainsi, elle a développé<br />
ses propres règles de rhétorique et de logique. Or, ces règles,<br />
depuis longtemps oubliées, ne sont pas de manipulation aisée<br />
pour notre lecteur nourri de cartésianisme. La rhétorique scolastique<br />
développe une méthode d'expression qui est une généralisation<br />
d'un vieux procédé d'étu<strong>des</strong> bibliques20 • La pensée de<br />
l'auteur est développée sous forme de commentaires, gloses ou<br />
questions posés à partir d'un texte qui est reconnu comme étant<br />
le texte fondamental. A partir du milieu du XIIIe siècle, il s'agit<br />
exclusivement, pour les philosophes, du corps aristotélicien et,<br />
pour les juristes, du corps <strong>des</strong> lois justiniennes et gratiennes.<br />
Cette rhétorique exige donc un double niveau de lecture du<br />
20. Voir Jacques Le Goff, La Civilisation de l'Occident médiéval, coll. Champs, Flammarion,<br />
Paris, 1982, pp. 317-318.<br />
21