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a dit “oui” ». Voilà une <strong>le</strong>çon de vocabulaire qui révè<strong>le</strong> à quel point <strong>le</strong> contexte scolaire peut<br />
provoquer un élève à intérioriser une réputation… Les autres élèves se montrent inf<strong>le</strong>xib<strong>le</strong>s :<br />
« je <strong>le</strong>ur donnais des gâteaux, des trucs bons pour eux, ils voulaient jamais me voir ». Un<br />
sentiment aussi fort ne peut que se transporter à l’arrivée dans la nouvel<strong>le</strong> éco<strong>le</strong>. Boris<br />
raconte s’être fait disputé par <strong>le</strong> maître parce qu’il n’avait pas compris la signification des<br />
rosaces en recherches mathématiques, il croyait que c’était de l’art plastique. Tom se sent<br />
toujours victime dans sa nouvel<strong>le</strong> éco<strong>le</strong> : « on n’arrête pas d’me marcher sur mon manteau<br />
et d’me faire des croche-pieds ».<br />
Une première brèche s’ouvre pour Boris quand il est en mesure de réutiliser <strong>le</strong>s mêmes<br />
mots pour établir des comparaisons « pour l’entretien aussi au début ça m’a choqué que <strong>le</strong><br />
matin on prenait un bout de temps pour expliquer la vie des autres comparé à ma classe<br />
avant que on n’avait aucun répit », alors que pour Tom c’est <strong>le</strong> seul ressenti qui s’impose. Il<br />
lui faut à tout prix empêcher cette sensation de remonter à la surface. Quand on lui demande<br />
s’il a encore du mal à s’habituer à certaines choses, il n’entend pas la question et répond<br />
« ouais… c’est euh… c’est à l’éco<strong>le</strong> à V ça m’énerve tel<strong>le</strong>ment puis j’lai encore dans la<br />
tête alors euh vaut mieux l’oublier hein ! ». N’ayant pas <strong>le</strong>s mots suffisants pour raconter,<br />
il ne peut que manifester physiquement l’émotion qui l’envahit : il tremb<strong>le</strong> et reprend son<br />
souff<strong>le</strong>.<br />
Les deux se ressemb<strong>le</strong>nt du point de vue de ce passé qui <strong>le</strong>s a meurtris. Ce qui va <strong>le</strong>s<br />
opposer c’est la pauvreté ou au contraire l’amp<strong>le</strong>ur des descriptions de ce qu’ils peuvent vivre<br />
maintenant dans <strong>le</strong>ur classe. Tom va se contenter de dire « euh ça fait du bien de changer<br />
d’éco<strong>le</strong>, par rapport à… », ce que pourrait dire aussi Boris. La différence c’est que lui, va<br />
pouvoir argumenter ce sentiment. Les mêmes questions provoquent des réponses verba<strong>le</strong>s<br />
très brèves, accompagnées de mimiques chez Tom. Donnons quelques exemp<strong>le</strong>s : « <strong>le</strong><br />
moment que tu préfères ?) hum arts plastiques (Ah oui ? t’es fort en arts plastiques ?) »Tom<br />
fait signe que oui de la tête avec un petit sourire et ne répond pas. « (T’aimes bien l’éco<strong>le</strong><br />
où t’es ?) ». Il fait signe oui de la tête en arborant un grand sourire. « Quel est ton meil<strong>le</strong>ur<br />
souvenir à l’éco<strong>le</strong> ?) Hum… à V. j’en ai pas ».<br />
Ces quelques lignes appuient bien ce qui a déjà été dit : il ne peut échapper au souvenir trop<br />
présent. Mais en même temps on peut se demander pourquoi <strong>le</strong> présent reste trop faib<strong>le</strong><br />
pour prendre <strong>le</strong> dessus. Ce qui n’est évidemment pas <strong>le</strong> cas pour Boris. Citons quelques<br />
éléments qui retiennent son attention : <strong>le</strong>s lieux comme la cour et la possibilité de voir à<br />
l’extérieur, <strong>le</strong>s dispositifs, qu’il appel<strong>le</strong> « procédés » (et là il range l’entretien, <strong>le</strong>s réunions de<br />
classe, la feuil<strong>le</strong> d’inscription pour <strong>le</strong>s ateliers du soir), <strong>le</strong>s activités proprement dites c’est<br />
à dire <strong>le</strong>s arts plastiques, <strong>le</strong>s ateliers et la possibilité d’apprendre de nouvel<strong>le</strong>s choses<br />
comme faire des masques vénitiens, la <strong>le</strong>cture aux petits, la présentation de conférence,<br />
<strong>le</strong>s recherches mathématiques, mais aussi ce qui se rapporte à la liberté de l’élève comme<br />
négocier avec <strong>le</strong> maître <strong>le</strong> fait de ne pas mettre dans <strong>le</strong> cahier ou de ne pas présenter à la<br />
classe un texte jugé personnel ou encore la possibilité de ne pas al<strong>le</strong>r en récréation.<br />
Une remarque apparaît tout à fait particulière. El<strong>le</strong> concerne la réaction du maître à propos<br />
des recherches mathématiques : « j’ai fait surtout des arbres de, toutes sortes d’arbres,<br />
des choses comme ça… la dernière fois j’ai fait, <strong>le</strong> maître il a bien apprécié ce que j’ai fait,<br />
c’est l’opération bonhomme ». On a peine à croire que c’est <strong>le</strong> même Boris « solitaire » qui<br />
puisse vivre une relation de cet ordre avec l’enseignant ! Notons toutefois que Boris ne l’a<br />
pas cherchée, il en paraît même étonné… De fait ce sont de tels éléments qu’il va mettre en<br />
évidence dans ses comparaisons spontanées :<br />
<strong>IUFM</strong> Nord-Pas de Calais