23.06.2013 Views

Télécharger le tome 1 - IUFM

Télécharger le tome 1 - IUFM

Télécharger le tome 1 - IUFM

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

marquent en même temps qu’à la manière de vivre ces événements, à la manière de se<br />

vivre, pourrait-on dire. Le père de R est mort, el<strong>le</strong> a déménagé plusieurs fois, celui de Nas<br />

était très malade et c’est vraisemblab<strong>le</strong>ment pour cette raison qu’el<strong>le</strong> est partie dans <strong>le</strong> sud<br />

de la France. Au moment de l’entretien el<strong>le</strong> a retrouvé son « éco<strong>le</strong> d’avant ». El<strong>le</strong>s sont<br />

devant un événement qui <strong>le</strong>s affectent, dont el<strong>le</strong>s ne savent pas tout, mais subissent pour<br />

el<strong>le</strong>s-mêmes des souffrances à la fois physiques et mora<strong>le</strong>s. Nas dit de cette éco<strong>le</strong> « y’en<br />

a qui me tapaient… j’étais obligée de rester dans <strong>le</strong>s toi<strong>le</strong>ttes des fil<strong>le</strong>s parce que sinon ils<br />

me taperaient, <strong>le</strong>s fil<strong>le</strong>s el<strong>le</strong>s étaient méchantes, el<strong>le</strong>s arrêtaient pas de me pousser dans<br />

<strong>le</strong>s escaliers ». Raïssa dit « j’ai pas envie qu’on me frappe, ça fait mal ». El<strong>le</strong>s sont l’objet<br />

de rail<strong>le</strong>ries. Nas raconte « y en a qui me tapaient parce que j’avais des grosses dents de<br />

lapin et p<strong>le</strong>in d’autres choses qu’ils n’aimaient pas comme des baskets, ils disaient “ils sont<br />

moches ces baskets” » Raïssa se sent menacée, el<strong>le</strong> craint aussi ce qu’on peut dire : « j’ai<br />

pas envie de me faire frapper, d’avoir tout ça, d’avoir par exemp<strong>le</strong> un œil au beurre noir et<br />

après qu’on dise que ma mère el<strong>le</strong> m’a frappé alors que ça sera pas vrai ». Nas se sent<br />

rejetée « j’étais toute seu<strong>le</strong> à une tab<strong>le</strong>… (et quand tu faisais de sorties ?) ben je me mettais<br />

toute seu<strong>le</strong> (tu t’es fait aucune copine ?) aucune » répond-el<strong>le</strong> tristement. En contraste el<strong>le</strong><br />

laisse éclater sa joie au retour. Raïssa p<strong>le</strong>ure dans l’entretien en parlant de la mort de son<br />

père et en évoquant ce qu’aurait dit un élève de sa classe à propos de son père… ce qui<br />

l’aurait amené à <strong>le</strong> dire, alors qu’avant el<strong>le</strong> n’en parlait à personne. Les émotions sont fortes<br />

et teintent <strong>le</strong>ur soi profond comme <strong>le</strong>urs rapports aux autres.<br />

Ce qui va <strong>le</strong>s différencier va tenir à la possibilité qu’el<strong>le</strong>s ont ou non de dire dans l’entretien<br />

ce qu’el<strong>le</strong>s vivent en classe. En effet Nas ne semb<strong>le</strong> pas en mesure de sortir de ces impacts<br />

émotionnels très forts : d’un côté la séparation et <strong>le</strong> rapport aux autres très diffici<strong>le</strong>, de<br />

l’autre <strong>le</strong> bonheur retrouvé. On serait tenté de penser à la bonne mère et la mauvaise mère<br />

introjectée (M. K<strong>le</strong>in, ) : « j’aime tout dans mon éco<strong>le</strong> (c’est pas la même chose que<br />

dans l’autre éco<strong>le</strong> où tu avais été ?) c’est pas la même chose que dans l’autre éco<strong>le</strong> ! j’ai<br />

regretté tel<strong>le</strong>ment d’être partie. » Tout se passe comme si par<strong>le</strong>r de l’éco<strong>le</strong> introduirait un<br />

élément tiers impossib<strong>le</strong> à supporter, ouvrir une brèche dans <strong>le</strong> « tout mauvais » ou dans <strong>le</strong><br />

« tout bon ». Tenter de l’aider à en par<strong>le</strong>r se heurte à un refus : « (et dans cette éco<strong>le</strong> quel<br />

endroit tu aimes bien ? j’aime bien tout (et ta classe tu aimes bien ?) el<strong>le</strong> est bien décorée,<br />

el<strong>le</strong> est grande et <strong>le</strong>s autres aussi el<strong>le</strong>s sont grandes et el<strong>le</strong>s sont bien décorées (et dans<br />

ton éco<strong>le</strong> y’ a un endroit que tu n’aime pas ?) » Suit un si<strong>le</strong>nce qui s’achève par une marque<br />

de possession et un regard sur la porte…« et pis après c’est tout, j’aime tout dans mon<br />

éco<strong>le</strong> ». C’est là que se situe la différence : ce n’est pas ail<strong>le</strong>urs que Raïssa vit des relations<br />

très diffici<strong>le</strong>s, c’est dans cette éco<strong>le</strong> Freinet et pourtant el<strong>le</strong> n’a pas l’attitude de Nas de tout<br />

rejeter en bloc. Bien au contraire c’est en parlant de ce qu’el<strong>le</strong> fait dans cette éco<strong>le</strong> qu’el<strong>le</strong> se<br />

reconstruit peu à peu dans l’entretien et arrivera à livrer des choses tout à fait imprévisib<strong>le</strong>s<br />

au début de l’entretien.<br />

Nas est prise dans des relations interpersonnel<strong>le</strong>s dont el<strong>le</strong> ne peut pas sortir. À un moment<br />

el<strong>le</strong> dira « oui <strong>le</strong>s enseignants ils me plaisaient mais <strong>le</strong>s enfants non ». Pourtant, enfermée<br />

dans <strong>le</strong>s toi<strong>le</strong>ttes pour éviter d’être tapée el<strong>le</strong> se sent aussi victime : « (tu <strong>le</strong> disais à ton<br />

enseignant ?) si, mais la maîtresse el<strong>le</strong> me disait rien du tout ». À un autre moment el<strong>le</strong> va<br />

par<strong>le</strong>r d’un enseignant « sport anglais » pour décrire essentiel<strong>le</strong>ment la relation enseignant/<br />

élève dans des termes de contrô<strong>le</strong> « il disait par contre en anglais si on pouvait sauter à<br />

pied, s’il disait quelque chose en anglais ça serait nous qui devions deviner, en fait si on a<br />

faux on serait éliminé… y a <strong>le</strong> groupe des fil<strong>le</strong>s, y a <strong>le</strong> groupe des garçons et pis si ils par<strong>le</strong>nt,<br />

ils seront éliminés ». L’autre éco<strong>le</strong> ne pouvait lui apporter que rejet, mise à l’écart. Revenir<br />

ici est synonyme d’être aimé : « (qu’est-ce que ça t’a fait de retrouver ton ancienne éco<strong>le</strong> ?)<br />

<strong>IUFM</strong> Nord-Pas de Calais

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!