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L’incident est marquant et le reste d’ailleurs longtemps après. On le repère extrêmement
facilement dans les discours pourtant tenus un an plus tard. La rupture de l’ordre des
interactions quotidiennes a des répercussions sur les relations qu’entretient l’enseignant
avec la personne responsable de cette rupture. Il y a un avant et un après et, dans cet
après, il n’est pas concevable de travailler encore avec, ce qui aboutira à la démission de
ce parent d’élève de son rôle au sein de l’APE. Les interactions portent par ailleurs la trace
d’une crainte d’un nouveau basculement :
« parce que le gars quand il arrive, tu vois, je sais pas, je le regarde… même la mère, tu
vois, je peux plus la regarder naturellement. »
« On voulait plus être intermédiaire, enfin on s’était dit c’est plus possible quoi qu’on ait à
discuter avec lui, organiser des fêtes d’école et tout avec un gars comme ça, qui a une image
des enseignants terrifiante, enfin, qui a pas confiance en nous, qui va dire des saloperies sur
notre compte et tout. Enfin tu vois, on s’est dit c’est plus possible quoi, ça peut plus être notre
interlocuteur. Il est plus, en plus, représentatif des parents, quoi. Donc je sais plus trop comment
ça s’est fait (silence) […] parce que le gars quand il arrive, tu vois, je sais pas, je le regarde…
même la mère, tu vois, je peux plus la regarder naturellement » (CE , année ).
« on sentait, tu vois déjà, qu’elle était prête à repartir »
« Moi j’ai ses deux enfants à lui, cette année dans la classe, tu vois. Mais il vient plus jamais
chercher ses enfants, il travaille maintenant, ça l’occupe, ça lui occupe l’esprit, il est peut-être un
peu fatigué le soir quand il rentre chez lui, tu vois. Alors sa femme… mais c’est pareil, tu vois […]
mais bon, la mère, elle a jamais rien dit, mais quand on était en stage (rire) je sais pas, on était
encore ici dans l’école, au moment du stage, c’était les premiers jours. Elle était en bas, elle m’a
dit « pourquoi A. elle a changé de place ? », enfin tu vois […], « alors pourquoi, elle a changé de
place A. ? », il y a peut-être une raison, je suis allé voir la remplaçante à sa place, pour éviter les
vagues, tu vois, on sentait, tu vois déjà, qu’elle était prête à repartir, on y va quoi, tu vois c’est
reparti à faire des histoires, tu vois » (CE , année ).
C’est en recourrant au statut de l’APE que l’équipe obtiendra la démission de son
président :
« Euh il a démissionné, c’est-à-dire que nous on a dit que tant que ce monsieur tant que monsieur
E., cette personne serait présidente de l’association de parents d’élèves euh, on ne travaillerait plus
avec l’association de parents d’élèves parce que les actes et ce qu’il a fait étaient contradictoires
avec les statuts de l’APE hein, puisqu’on a repris les statuts qui sont la défense de l’école, les
relations entre les parents etc. donc on a repris les choses le plus légalement possible et puis
après on a aussi posé des choses sur ce qui était diffamatoire et faux hein, donc là, par rapport
au savoir qui était dispensé ou que, qui ne l’était pas hein » (directeur, année ).
Dans l’échantillon, les enseignants qui se sont déclarés victimes en soulignent aussi les
conséquences ; elles sont d’ordre psychiques et professionnelles . Sentiment d’être démuni,
désarmé, impuissant, démotivés, découragés, déçus, écœurés, angoissés sont autant de
termes utilisés par ces enseignants pour décrire les répercussions de la violence dont
ils se déclarent victimes. Ce vécu est corrélé à un sentiment d’insécurité reposant sur le
sentiment que tout peut basculer à tout moment ; tout (et n’importe quoi) peut se produire.
Si l’imprévisibilité est constitutive de la construction d’un sentiment de violence, la menace
de l’imprévisible nourrit le sentiment d’insécurité. Pour autant, près de % de la population
enquêtée se déclarent « toujours » en sécurité. Les maîtres Freinet s’inscrivent dans cette
dernière tendance. Seul le directeur nuance en disant qu’il se dit « souvent » en sécurité et
Les enseignants ne parlent pas de conséquences physiques ni matérielles. Les agressions physiques
étant extrêmement rares expliquent qu’aucun enseignant ne fasse état de conséquences physiques. En
revanche, les vols le sont beaucoup moins, pour autant ils ne sont mentionnés ni à travers les faits, ni à
travers des répercussions. Autrement dit, le vol n’est pas considéré comme une violence contrairement aux
catégories institutionnelles de recueil des violences par le logiciel SIGNA. La grille institutionnelle de lecture
de la « réalité » de la violence apparaît ainsi en décalage avec celle des professionnels.
IUFM Nord-Pas de Calais