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question qui renvoie aux liens entre public et privé dans l’application de la loi. Dans les
conseils lillois, la classe, à l’initiative de l’enseignant, refuse systématiquement tous les
litiges qui ne sont pas liés au travail scolaire (au sens général de toutes les activités qui
concernent la vie de la classe) et, selon le discours des enseignants, apprendre à faire
cette distinction - entre ce qui peut être soumis au conseil et ce qui peut être résolu par
chacun en privé - est fondamental pour la prise de conscience du fonctionnement de la
classe. À Genève, au contraire, les litiges tournent systématiquement autour des plaintes
personnelles et l’enseignant utilise son droit d’intervention pour orienter les élèves vers des
questions de fonctionnement.
D’une manière générale, les observations qui précèdent nous amènent à considérer que
le système d’institutionnalisation des règles collectives qui est mis en place au sein de
cette école par différents moyens, crée un mode de fonctionnement basé sur la justice. Ce
fonctionnement vise, en réalité, à transformer les normes en lois explicites et formalisées
par des outils spécialement conçus à cet objectif. La pédagogie qui est mise en place repose
sur un questionnement de fond sur les normes scolaires aussi bien face à l’apprentissage
que face à la socialisation. La réflexion collective sur les normes d’évaluation des activités
de classe (écriture, compréhension exposés), la remise en question de la programmation
au profit de l’apprentissage créatif, la prise en charge par le collectif des élèves en difficulté
scolaire soulignés dans l’introduction et par les autres contributions de ce rapport, vont dans
ce sens-là. Nous sommes donc plus face à un espace de droit plutôt que face à un espace
de discipline au sens où Foucault ( ) en parle :
– la discipline, imposée par la norme, juge plutôt les individus et les dispositions tandis
que le droit juge les actes et les faits. La dépersonnalisation des interactions et des
objets de discussion au sein des conseils observés va dans ce sens-là.
– La loi qualifie les actes en distinguant entre le permis et le défendu tandis que la
norme est au contraire un critère positif qui se substitue à la spontanéité et à l’initiative
individuelles que la loi ménage : le recours à des procédures pour mettre en place un
système verrouillé de contrôle réciproque peut être un indicateur de ce principe.
–
La loi marque les frontières entre l’espace public et l’espace privé des individus tandis
que la norme pénètre cet espace privé pour classer ou hiérarchiser les individus selon
leur comportement : cette distinction est clairement effectuée au sein des conseils
comme nous venons de le signaler.
Nos observations ont montré que « cet espace de droit » gagne la confiance des élèves et
que sa conceptualisation est en cours d’élaboration même si elle n’est pas complètement
accomplie, et avec des différences importantes par rapport à d’autres populations. Des
recherches plus fines (basées sur un plus grand nombre de situations pour chaque notion
liée au droit) et plus étendues (auprès d’un plus grand nombre d’élèves) seraient nécessaires
pour montrer mieux le bien-fondé de ces interprétations.
Bibliographie
Audigier F. et Lagelee G. dir., ( ), Éducation civique et initiation juridique dans les
collèges, Paris, INRP.
Canivez P., ( ), Éduquer le citoyen ? Paris, Hatier.
Dworkin R., ( ), Prendre les droits au sérieux, Paris, PUF.
Foucault M., ( ), Surveiller et punir, Paris, Gallimard.
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