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des savoir faire de référence, <strong>le</strong> cinquième celui de lisibilité du travail scolaire dans l’espace<br />
familial, de la reconnaissance extérieure de ce travail.<br />
On peut comprendre dès lors que l’évaluation (sous une forme de note ou d’appréciation)<br />
n’est pas <strong>le</strong> but ou la seu<strong>le</strong> source de légitimité de la production de l’élève. On voit éga<strong>le</strong>ment<br />
que des postures de coopération entre élèves peuvent se développer, que des échanges<br />
entre élèves (et non pas seu<strong>le</strong>ment entre élèves et enseignant) sont encouragés, puisque<br />
<strong>le</strong>s écrits ou <strong>le</strong>s paro<strong>le</strong>s d’un élève peuvent devenir des références pour <strong>le</strong>s autres.<br />
Les productions écrites individuel<strong>le</strong>s de recherche des élèves.<br />
Ces écrits sont signifiants pour l’élève : à Freinet, <strong>le</strong>s écrits sont signés (même à l’éco<strong>le</strong><br />
maternel<strong>le</strong> « on va mettre ton prénom pour voir qu’il est à toi ») ce sont des écrits d’auteur<br />
et non d’exécutant. Si nous reprenons cette distinction comme Goody la construit, cela<br />
permet d’interroger <strong>le</strong>s formes standardisées que revêtent ces écrits scolaires. Si nous<br />
analysons <strong>le</strong>s prescriptions ora<strong>le</strong>s de l’enseignant, nous constatons qu’à Freinet, c’est la<br />
planification ou l’organisation contrainte de l’activité, du travail qui formate avant tout <strong>le</strong>s<br />
écrits produits : « il faut mettre un titre, se donner un défi », « sur <strong>le</strong>s feuil<strong>le</strong>s on marque ce<br />
que l’on a appris » « il faut s’organiser sur son cahier ». Au contraire, dans d’autres classes,<br />
c’est davantage <strong>le</strong> respect de l’orthographe, la forme du résultat « la phrase pour indiquer <strong>le</strong><br />
résultat » qui formate <strong>le</strong>s écrits produits individuel<strong>le</strong>ment par <strong>le</strong>s élèves.<br />
Ajoutons que ces écrits ne sont pas uniformes pour l’ensemb<strong>le</strong> des élèves, ce qui signifie<br />
tout simp<strong>le</strong>ment que <strong>le</strong>s cahiers d’élèves à Freinet ne sont pas identiques, qu’ils sont des<br />
écrits retravaillés sans cesse, produits sur des supports différents des autres classes (des<br />
feuil<strong>le</strong>s de papier vierge et non pas des cahiers réglés), qu’ils peuvent être déchirés, jetés<br />
à la poubel<strong>le</strong> s’ils sont insatisfaisants… Cette caractéristique du dispositif pédagogique est<br />
importante, et rejoint cel<strong>le</strong> que nous avons soulignée plus haut, de la continuité du travail<br />
de l’élève. Les possibilités de réécriture, d’essais successifs contribuent selon nous à la<br />
responsabilisation de l’élève et à une construction du statut de l’erreur qui nous était déjà<br />
apparue comme très différenciée dans cette éco<strong>le</strong>.<br />
Enfin, et c’est peut être un des points <strong>le</strong>s plus importants, ces écrits ne sont pas notés.<br />
Certes ils sont évalués au sens de validés ou rejetés, mais la différence reste essentiel<strong>le</strong>.<br />
L’écrit de l’élève reste « intact » ou plutôt n’est modifié ou déchiré que par l’élève lui-même.<br />
Nous ne remarquons pas, comme cela est <strong>le</strong> cas ail<strong>le</strong>urs, de productions barrées au crayon<br />
rouge, ou annotées. Cette particularité contribue éga<strong>le</strong>ment au statut de l’erreur, au sens<br />
que ces écrits prennent dans <strong>le</strong> travail de l’élève.<br />
Le travail « individuel » de l’élève est en conséquence un travail continu, signifiant. Les<br />
productions écrites sont personnalisées, reprises, légitimées.<br />
Cependant, une interrogation demeure au regard de la diversité (apparente) des études<br />
menées : comment se fait-il que <strong>le</strong>s élèves que nous avons interrogé dans cet établissement,<br />
sur des thèmes scolaires mathématiques divers, fassent preuve de savoirs et de savoir faire<br />
comparab<strong>le</strong>s de façon très honorab<strong>le</strong> à ceux de <strong>le</strong>urs condiscip<strong>le</strong>s d’autres établissements ?<br />
En effet, si l’on peut supposer qu’un élève qui a travaillé longuement sur <strong>le</strong> thème de la symétrie<br />
orthogona<strong>le</strong> par exemp<strong>le</strong>, construit des connaissances sur cet objet, on peut s’étonner qu’il<br />
en manifeste à propos d’un autre objet. Comment est assurée dans ce dispositif particulier<br />
la rencontre avec d’autres thèmes d’études, comment des savoirs communs (et des savoir<br />
faire) peuvent-ils se constituer ? La diffusion et l’élaboration de tels savoirs, savoir faire<br />
GOODY J. ( ), La raison graphique, Éditions de Minuit, Paris.<br />
<strong>IUFM</strong> Nord-Pas de Calais