Télécharger le tome 1 - IUFM

serait le rôle de l’animateur de la séance d’écarter les questions ou les compléments trop
anecdotiques ou éloignés du thème principal : mais au cours des séances observées, aucun
élève animateur n’a été à même d’opérer cette sélection en termes de pertinence, ce qui
semble un objectif essentiel mais ambitieux pour des élèves de cours moyen.
Un indicateur essentiel est en effet le niveau de traitement qu’induit la question ou le
commentaire : beaucoup restent des demandes d’information ou d’explicitation portant
sur des points factuels qu’on peut estimer de détail, qui appellent des réponses brèves et
informatives. Mais on pourra interpréter une question ou un commentaire comme pertinents
sans qu’on puisse toujours rattacher ce jugement à des phénomènes linguistiques réguliers.
Certaines questions peuvent être jugées pertinentes, en ce qu’elles ouvrent sur un autre
espace de questionnement, notamment par un déplacement de la thématisation (la question
posant comme thème l’élément présupposé par l’énoncé précédent). Mais ce déplacement
n’est pas toujours compris par l’élève questionné, à la fois parce qu’il n’entrevoit pas une
autre dimension des faits présentés, et parce que la question elle-même parvient mal à
expliciter son foyer et le déplacement qu’elle pourrait amener. Dans ce cas l’élève cherche
à reformuler, mais souvent répète l’énoncé non compris. Ainsi, après le récit par une élève
de l’accident, l’amputation et la guérison de son chat, le changement de niveau que propose
la question d’un élève sur le processus de guérison (interrogation sur les phénomènes de
cicatrisation) reste implicite, question qu’il réitère faute de savoir la reformuler :
Alex : comment ça s’est guéri ?
Jessica : ben ils l’ont recousu
Alex : ben oui mais comment ça s’est guéri ?
Jessica : ben ça s’est guéri (CM )
Quand il intervient dans la question d’un élève, ce déplacement de ce qui était thème et
présupposés ne parvient qu’exceptionnellement à ouvrir un nouveau développement
thématique si l’enseignant ne le relaye pas en explicitant les enjeux de la question et le
changement de niveau de traitement. Le jugement de pertinence de l’adulte ne converge
pas toujours avec les effets pragmatiques produits dans l’interaction : une question comme
celle d’Alexandre, pertinente aux yeux de l’enseignant, est souvent disqualifiée par les
élèves questionnés, qui ne comprennent pas ce qui en est le foyer :
Alexandre : moi j’ai deux petits choses à vous dire c’est comment le bébé il se fait et la
deuxième c’est comment il peut se nourrir
Hinde : ben on l’a dit
Alexandre : oui mais comment
Roxane : ben la maman elle mange et ça passe dans un tuyau
Alexandre : mais comment… (CE )
La difficulté didactique intrinsèque à l’exercice, pour l’enseignant, est de savoir quand
et jusqu’à quel point valoriser et renvoyer au groupe une question qu’il juge pertinente,
soit pour expliciter le mécanisme même d’une question d’approfondissement à partir d’un
énoncé, soit pour indiquer l’intérêt du domaine induit par la question. Ainsi Océane relève
une proposition dans un exposé (Amina elle a dit que quand on tombe sur le béton il y a des
microbes qui rentrent) et la prolonge par une question qui déplace le thème (moi je trouve
que c’est bien de faire ça et je me demande pourquoi il y a des microbes qui rentrent dans le
corps CE ), et ne soulève pas d’écho chez ses camarades. Relever une telle question et la
IUFM Nord-Pas de Calais