d'essai - Québec Audio & Vidéo

Avec NATHALIE FREDETTE
nfredette@quebecaudio.com
66 QA&V-TED, février-mars 2009
FEMI KUTI
Day by Day
MERCER STREET RECORDS / FONTANA, DWT 70054
Fight to Win, le dernier disque enregistré en studio par Femi
Kuti, remonte à 2001. Il aura fallu sept ans au fils du légendaire
Fela Kuti, père de l’afrobeat, pour mettre au monde ce
Day by Day. Une période pendant laquelle les combats tant
politiques (démêlés avec les autorités policières et gouvernementales)
que personnels (deuil, rupture et désertion) furent
nombreux, période aussi où le chanteur nigérian s’est remis
sérieusement au piano et à la trompette, médiums qu’il avait
délaissés pour le saxophone. Son nouvel opus s’éloigne parfois
de l’afrobeat pour mieux y revenir, en lorgnant notamment
du côté du jazz et de la soul. Si Femi s’y montre à certains
moments plus posé, il sait également dénoncer avec
fougue, comme auparavant, la corruption, les inégalités et la
misère qui sévissent en Afrique. « How the richest continent
get majority of the poorest people » demande le chanteur
dans You Better Ask Yourself. « Democrazy make us
crazy », constate-t-il encore sur l’envoûtant Demo Crazy,
appuyé par une solide section rythmique, des cuivres rutilants
et un orgue qui semble possédé. Le musicien et son groupe
Positive Force étaient de passage à Montréal le 14 janvier, au
Club Soda.
TIKEN JAH FAKOLY
Le Caméléon
BARCLAY / DEP, S31059-5
Plus d’un auditeur reconnaîtra et entonnera d’entrée de jeu
certaines pièces de ce Caméléon, en dépit du fait que le cd soit
tout nouvellement arrivé chez les disquaires. Des pièces
comme Le Pays va mal et Y’en a marre, en plus de se
retrouver sur Françafrique paru en 2002, sont en effet des
succès chantés depuis longtemps par Tiken Jah Fakoly, à chacun
de ses flamboyants spectacles. En revanche, d’autres
titres de ce Caméléon sont tout à fait méconnus. On goûtera
donc cette réédition d’un disque paru d’abord en 2000, uniquement
en Afrique toutefois. Le cadeau s’ajoute à ce bel
Africain sorti il y a moins d’un an, de même qu’à ce Live à
Paris mis en vente chez les disquaires tout récemment. De
quoi combler tous les fans de cet extraordinaire reggaeman
ivoirien, qui dénonce haut et fort les inégalités et les injustices
qui affectent le continent africain, sur des rythmes chaloupés
irrésistibles.
AMADOU ET MARIAM
Welcome to Mali
WEA / WARNER
L’engagement politique des musiciens africains revêt plusieurs
formes. Il y a la manière Femi Kuti essentiellement
acoquinée avec l’afrobeat ; la manière Tiken Jah Fakoly portée
par le reggae ; et il y a celle d’Amadou et Mariam mâtinée,
cette dernière étant sous influence rock plutôt que bon
enfant. Depuis que Manu Chao leur a concocté en 2004 un
étonnant Dimanche à Bamako, écoulé à un demi-million
d’exemplaires, le couple aveugle du Mali n’a plus besoin de
présentation. Amadou et Mariam nous reviennent ici avec un
invitant Welcome to Mali, toujours rock, même si certaines
pièces s’enveloppent de différentes textures musicales au
contact des nombreux collaborateurs (parmi lesquels Keziah
Jones, M et Juan Rozoff). L’une d’elles, saluée par les uns,
décriée par les autres, est électronique. La pièce qui ouvre le
disque, intitulée Sabali et signée Damon Albarn, appartient à
ce dernier genre. Personnellement, j’aime bien ce son à la fois
kitsch et techno, cette voix aigüe, cet effet vieil enregistrement.
À vous de juger. Le reste du disque ressemble davantage
à ce que l’on connaît déjà de la musique du couple. L’esprit
de Manu plane encore un peu sur tout ça, mais prévaut également
sur toute autre chose nonobstant l’empreinte de ce
fameux bidouilleur de sons : la signature Amadou et Mariam,
une musique rock blues funk des plus accrocheuses, qui
combine allègrement guitares électriques et instruments traditionnels.
TCHEKA
Lonji
TIMES SQUARE RECORDS / FUSION 3, FQT-CD-1809
Du Cap-Vert nous sont venues depuis quelques années de fort
agréables chanteuses, renouvelant de brillante façon la voie
tracée par Cesaria Evora et ses mornas. Parmi elles, Sara
Tavares, Gabriella Mendes et Lura. Cette fois, c’est une voix
masculine douce et aigüe qu’il nous est donné de découvrir
sur ce très beau Lonji, troisième album néanmoins, de ce
jeune chanteur et guitariste talentueux. Le style et la voix de
Tcheka ne sont pas sans rappeler Lilison et Márcio Faraco.
Même douceur, même sens mélodique. Produit par le
Brésilien Lénine, le disque coule de source, tout du long. Les
pièces mettent à l’avant-plan cette voix haut perchée du capverdien,
servie par de riches arrangements où s’entremêlent
avec bonheur guitare acoustique, trompette, accordéon et
effets musicaux de toutes sortes (sons de pluie, de projecteur
de cinéma, de téléphone, etc.). Un disque frais et original.