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Dmitri Trenine<br />
le début de la crise, la croissance américaine est très faible. Dans les pays de<br />
l’Union européenne, une récession durable s’est installée. La dette accumulée par<br />
de nombreux États a mis en danger non seulement l’unité de la zone euro, mais<br />
aussi l’existence même de la monnaie unique européenne. Dans plusieurs pays<br />
d’Europe, la crise a significativement amplifié les problèmes sociaux. L’explosion<br />
de la dette publique et du déficit budgétaire des États-Unis a nettement réduit leur<br />
marge de manœuvre sur la scène internationale.<br />
Dans le même temps, le bilan de la politique étrangère de Washington depuis<br />
le début du XXIe siècle n’est guère impressionnant. L’Irak sombre dans le chaos<br />
après le retrait des troupes américaines ; la perspective prochaine d’un retrait<br />
similaire en Afghanistan fait miroiter le spectre de la guerre civile ; l’Iran poursuit<br />
son programme nucléaire malgré les sanctions occidentales et les opérations de<br />
sabotage israéliennes ; la Corée du Nord effectue des essais balistiques et nucléaires,<br />
et menace de déclencher la guerre. Enfin, le « printemps arabe », que la Maison<br />
Blanche a décidé de soutenir après quelques atermoiements, a de toute évidence<br />
ouvert la voie du pouvoir à des islamistes qui n’ont aucune intention de perpétuer<br />
la politique étrangère pro-américaine menée par les régimes les ayant précédés.<br />
Pendant ce temps, en Syrie, le régime de Bachar el-Assad, violemment hostile à<br />
Washington, tient encore, bien que l’Occident l’ait « enterré » à de nombreuses<br />
reprises. S’y ajoute la croissance, certes un peu moins rapide dernièrement, d’une<br />
Chine qui affirme ses intérêts nationaux avec toujours plus d’assurance. La région<br />
Asie-Pacifique est en train de devenir le théâtre principal non seulement du<br />
commerce international, mais aussi de la politique mondiale.<br />
À Moscou, cette évolution a suscité plusieurs conclusions, qui peuvent être<br />
résumées ainsi : le monde multipolaire est en passe de devenir réalité ; l’époque de<br />
la domination occidentale touche à sa fin ; l’Occident a perdu son autorité morale<br />
et ne peut plus servir de modèle à la Russie ; la démocratie n’est pas synonyme<br />
de bonne gouvernance ; la politique étrangère des États-Unis est aussi coûteuse<br />
qu’inefficace ; Washington « s’est surmené » sur la scène internationale, sa stratégie<br />
est plus destructrice que constructive et manque souvent de réalisme. Il en découle<br />
que l’indépendance de la Russie en matière de politique étrangère doit reposer<br />
sur son indépendance morale et politique. « Prendre l’Occident pour repère » en<br />
matière de valeurs est obsolète. Moscou suivra dorénavant sa propre voie.<br />
C O N D I T I O N S É C O N O M I Q U E S<br />
C’est dans ce contexte qu’est intervenu un changement de la conjoncture<br />
économique internationale. Le cours du pétrole, qui avait connu une baisse brutale<br />
à l’apogée de la crise mondiale, s’était stabilisé à un niveau relativement élevé : 110-<br />
115 dollars le baril de Brent. Cependant, les prix n’ont plus augmenté par la suite ;<br />
RUSSIA IN GLOBAL AFFAIRS • VOL. 11 • NUMERO SPECIAL • 2013