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50 2012, année de transition ou de rupture ? Match nul entre le pouvoir et l’opposition Mikhaïl Vinogradov Lorsque les experts et les médias russes tirèrent le bilan de politique intérieure de l’année 2012, l’essentiel des évaluations conduisait à une conclusion toute simple : cette année étrange et extrêmement contradictoire est enfin achevée, vivement qu’elle soit oubliée et que 2013 nous apporte quelque chose de complètement nouveau. Il n’y a d’ailleurs pas de consensus concernant les prévisions pour 2013. Trois scénarios sont généralement mis en avant. Selon le premier, le pouvoir continuera à se venger de l’humiliation infligée par le mouvement de protestation. Selon le second, au contraire, on doit s’attendre à une dégradation du régime politique existant, à une recrudescence de la confrontation dans les relations entre le pouvoir et la population et à un affaiblissement de l’ordre établi. Enfin, beaucoup prédisent un scénario selon lequel la Russie doit s’attendre à une nouvelle année ennuyeuse où les faibles actions du pouvoir et de l’opposition ne permettront à aucun des deux de s’épuiser mutuellement, mais où la politique continuera à se faire en coulisses et à être le résultat d’une lutte entre différents lobbies autour de ressources financières ou matérielles. Cependant, même à souhaiter oublier cette « étrange » année 2012, elle ne disparaîtra probablement pas pour autant dans les oubliettes de l’histoire car elle aura été un « test grandeur nature » pour le système politique élaboré dans les années 2000. Un test dont les résultats sont encore à calculer et à analyser. L E PA R A L L È L E AV E C L E S A N N É E S 1 9 8 0 En Russie, où l’élite n’a pas tendance à établir des parallèles avec ce qui se passe à l’étranger et où, en général, on est peu informé de ce qui se passe dans d’autres pays relativement comparables tels l’Ukraine, l’Azerbaïdjan, la Roumanie, le Mikhaïl Vinogradov, Président de la fondation « Politique pétersbourgeoise ». RUSSIA IN GLOBAL AFFAIRS • VOL. 11 • NUMERO SPECIAL • 2013
2012, année de transition ou de rupture ? Venezuela, le Pakistan, la Birmanie, etc., il est communément admis de chercher à en établir avec les périodes passées. En 2012, tant les partisans du pouvoir que les opposants avaient en mémoire les événements de la fin des années 1980 et du début des années 1990. Moins en référence à la perestroïka (bien que des coïncidences entre le « dégel medvedévien » qui n’a pas eu lieu et celui de Gorbatchev qui, lui, a bien eu lieu aient parfois été soulignées) qu’à l’augmentation de l’activisme social. D’un autre côté, en raison du manque de consensus national concernant tel ou tel événement de l’histoire propre, la référence à ces analogies conduit parfois à des conclusions contradictoires. En énumérant les divers scénarios en vogue parmi les élites, un élément ressort toujours : les approches décrites (sauf la première) servent rarement de modèle d’action, et leurs partisans n’ont pas vraiment fait savoir quelles étaient leurs propres prévisions quant à l’avenir. L’approche « guékatchépiste ». L’erreur principale de la fin des années 1980 consistait à avoir « baissé la garde », à avoir cédé à l’« ennemi » intérieur et extérieur – et finalement le pouvoir a lâché. En tirant les leçons du passé, il convient de faire preuve de fermeté, de sévérité, de ne pas chercher à plaire aux partenaires occidentaux, et alors tout ira bien. L’approche « années 1980 » (plutôt caractéristique de ceux qui, pendant la perestroïka, vivaient à Moscou, et – plus rarement – à Leningrad). L’activisme social est un indicateur d’échec, et si on en ignore la nature, on peut tout perdre. Il est important de noter que la séparation entre les approches « guékatchepiste » et « années 1980 » ne recoupe pas la distinction admise entre « réformateurs » et « rétrogrades ». Chacune de ces catégories (largement virtuelles) a ses partisans « années 1980 » et ses « guékatchépistes », présents tant dans les « structures de force » (police, armée, justice) que dans le parti « Russie Unie » ou au parlement. Simplement, nous n’avons pas eu en Russie la possibilité de vérifier qui parmi eux est le plus fort, car les représentants des élites se sont vues contraints de faire carrière pour survivre en relevant les défis jetés par le pouvoir. L’approche sacraliste. L’État est tout-puissant, et Vladimir Poutine n’a pas perdu de son initiative politique, il fera pression pour retourner la situation à son avantage. Il faut donc s’adapter à la réalité telle qu’elle se présente et, dans ce cadre, mettre en pratique autant que possible ses propres idées quant à ce qui est beau et bien. Ce groupe rationalise généralement son point de vue par la thèse selon laquelle « l’opposition est pire encore » ou par des exagérations quant aux « manœuvres en coulisses » au niveau mondial visant à déstabiliser le régime politique en Russie. L’approche systèmocentrique. Le risque principal est une rupture du « système » en tant que tel. Il ne s’agit pas tant des institutions politiques RUSSIA IN GLOBAL AFFAIRS • VOL. 11 • NUMERO SPECIAL • 2013 51
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