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22.06.2013 Views

44 Gérard Grunberg initiative divisa profondément le Parti socialiste. La victoire du non au référendum national affaiblit considérablement sa position de Premier secrétaire. Il tenta alors de réunifier le parti sous sa direction mais la synthèse politique qu’il réalisa à cet effet au Congrès du Mans, fin 2005, synthèse sans véritable contenu politique et qualifiée de « molle » par les observateurs, porta une grave atteinte à son leadership. Privé de soutiens suffisants dans l’opinion, critiqué dans le parti, il décida de ne pas être candidat à l’élection présidentielle de 2007 puis, en 2008, à la veille du Congrès de Reims, il renonça à tenter de conserver son poste de Premier secrétaire. La conquête de ce poste par Martine Aubry, avec laquelle il ne s’entendait pas, ouvrit pour lui une période nouvelle. Il se retrouva isolé et sans image politique forte dans l’opinion publique. Personne à l’époque n’aurait misé sur son avenir politique. Isolé mais cependant libre de ses mouvements, François Hollande prit en 2009 la décision d’être candidat à l’élection présidentielle de 2012. Une décision mûrie et réfléchie, fondée sur une détermination totale et une tranquille confiance en lui. L’élection primaire de 2006 organisée par le Parti socialiste pour désigner son candidat à l’élection présidentielle de 2007, bien que réservée aux adhérents du parti, avait soulevé un fort intérêt chez les électeurs, notamment grâce à la personnalité ainsi qu’à la campagne de Ségolène Royal. Les médias et les sondages avaient fait de cette élection primaire fermée un événement politique de portée nationale . Après sa défaite présidentielle, Ségolène Royal milita pour l’instauration d’une élection primaire présidentielle ouverte pour l’élection présidentielle de 2012. Ce principe fut adopté en 2010 par le Parti socialiste. Tout électeur qui adhérait, via un émargement, à une déclaration de principes s’engageant à soutenir les valeurs de la gauche – « Je me reconnais dans les valeurs de la Gauche et de la République, dans le projet d’une société de liberté, d’égalité, de fraternité, de laïcité, de justice et de progrès solidaire » – et acceptait une participation minimum d’un euro, pouvait prendre part à cette consultation. L’instauration de la primaire ouverte a bénéficié de manière décisive au Parti socialiste en général et à François Hollande en particulier. Elle a d’abord permis au Parti socialiste de traverser sans dommages graves l’épisode du retrait forcé de Dominique Strauss-Kahn. Aucun autre candidat ne s’imposait alors, mais le fait que le parti ait déjà adopté le principe de la primaire ouverte lui permit de ne pas être totalement démuni à ce moment crucial. En effet, avant même le retrait de DSK, plusieurs personnalités socialistes avaient affirmé leur intention d’être candidats à cette primaire. François Hollande fut parmi eux celui qui apparut comme le plus déterminé à affronter Strauss-Kahn à la primaire. Sa décision annoncée très tôt se révéla, une fois DSK hors course, un avantage décisif. L’innovation de la primaire ouverte a provoqué un très vif intérêt dans l’opinion publique ainsi qu’une très forte médiatisation et, finalement, une importante RUSSIA IN GLOBAL AFFAIRS • VOL. 11 • NUMERO SPECIAL • 2013

Les élections françaises de 2012 participation électorale : plus de trois millions d’électeurs ont voté à au moins un des deux tours de scrutin. Les Français, toutes tendances politiques confondues, estimèrent que cette primaire ouverte avait été un véritable succès pour le Parti socialiste. Celle-ci permit à François Hollande de mener campagne pendant une longue période avant l’élection présidentielle, développant ses thèmes et affirmant sa personnalité. Six candidats se présentèrent à cette primaire, dont un radical de gauche, ce qui la transforma en « primaire citoyenne ». Cette procédure permit à François Hollande, relativement isolé dans le parti, de faire jeu égal avec la candidate de la direction du parti. Son indépendance par rapport à celle-ci lui donna même un avantage dans l’opinion. Son avance continue dans les sondages d’intentions de vote le plaça dans une position confortable face à ses concurrents tout au long de la campagne de la primaire. Au premier tour, le 9 octobre, il arriva nettement en tête. Au second, il l’emporta largement sur Martine Aubry avec 56,6% des suffrages exprimés. Seul mais déterminé face à un appareil balloté par les événements, François Hollande joua entièrement la logique de personnalisation qui est celle de l’élection présidentielle et en tira un grand bénéfice. La primaire lui permit d’acquérir une crédibilité personnelle qui lui manquait jusque là. Enfin, sa victoire à la primaire en fit le candidat légitime et inattaquable du parti socialiste et lui permit de conquérir une légitimité aussi bien au sein d’un parti socialiste qui demeurait cependant divisé que dans l’ensemble de la gauche, lui donnant ainsi un avantage important pour l’élection présidentielle elle-même. L A V I C T O I R E P R É S I D E N T I E L L E D E F R A N Ç O I S H O L L A N D E Tandis que les sondages d’intentions de vote demeuraient favorables à François Hollande, lui donnant un avantage psychologique dans sa confrontation avec Nicolas Sarkozy, celui-ci décida, pour remonter son handicap, de faire une campagne très à droite, développant des thèmes proches de ceux du Front national, notamment sur le thème de l’immigration. François Hollande adopta de son côté un positionnement de centre-gauche. Certes, ses 60 engagements de campagne contenaient quelques mesures symboliques de gauche, telles l’augmentation des impôts sur le capital et sur les hauts revenus, le retour à la retraite à 60 ans pour les personnes ayant commencé très tôt leur activité professionnelle et le refus de faire ratifier en cas de victoire le pacte de stabilité budgétaire (le fiscal compact) signé par 25 pays membres de l’Union européenne en mars 2012. Ces engagements lui permirent de réunir le parti derrière sa candidature. Mais en même temps, son engagement principal et plusieurs fois réaffirmé, à savoir la réduction du déficit budgétaire à 3% en 2013 et le retour à l’équilibre en 2017, engagement très lourd et significatif d’un positionnement pro-européen et responsable, le situait clairement au centre-gauche. Ce positionnement s’est révélé efficace. Au cours de RUSSIA IN GLOBAL AFFAIRS • VOL. 11 • NUMERO SPECIAL • 2013 45

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Gérard Grunberg<br />

initiative divisa profondément le Parti socialiste. La victoire du non au référendum<br />

national affaiblit considérablement sa position de Premier secrétaire. Il tenta alors<br />

de réunifier le parti sous sa direction mais la synthèse politique qu’il réalisa à cet<br />

effet au Congrès du Mans, fin 2005, synthèse sans véritable contenu politique et<br />

qualifiée de « molle » par les observateurs, porta une grave atteinte à son leadership.<br />

Privé de soutiens suffisants dans l’opinion, critiqué dans le parti, il décida de ne pas<br />

être candidat à l’élection présidentielle de 2007 puis, en 2008, à la veille du Congrès<br />

de Reims, il renonça à tenter de conserver son poste de Premier secrétaire. La<br />

conquête de ce poste par Martine Aubry, avec laquelle il ne s’entendait pas, ouvrit<br />

pour lui une période nouvelle. Il se retrouva isolé et sans image politique forte<br />

dans l’opinion publique. Personne à l’époque n’aurait misé sur son avenir politique.<br />

Isolé mais cependant libre de ses mouvements, François Hollande prit en 2009 la<br />

décision d’être candidat à l’élection présidentielle de 2012. Une décision mûrie et<br />

réfléchie, fondée sur une détermination totale et une tranquille confiance en lui.<br />

L’élection primaire de 2006 organisée par le Parti socialiste pour désigner son<br />

candidat à l’élection présidentielle de 2007, bien que réservée aux adhérents du parti,<br />

avait soulevé un fort intérêt chez les électeurs, notamment grâce à la personnalité<br />

ainsi qu’à la campagne de Ségolène Royal. Les médias et les sondages avaient fait<br />

de cette élection primaire fermée un événement politique de portée nationale .<br />

Après sa défaite présidentielle, Ségolène Royal milita pour l’instauration d’une<br />

élection primaire présidentielle ouverte pour l’élection présidentielle de 2012. Ce<br />

principe fut adopté en 2010 par le Parti socialiste. Tout électeur qui adhérait, via<br />

un émargement, à une déclaration de principes s’engageant à soutenir les valeurs<br />

de la gauche – « Je me reconnais dans les valeurs de la Gauche et de la République,<br />

dans le projet d’une société de liberté, d’égalité, de fraternité, de laïcité, de justice et<br />

de progrès solidaire » – et acceptait une participation minimum d’un euro, pouvait<br />

prendre part à cette consultation.<br />

L’instauration de la primaire ouverte a bénéficié de manière décisive au Parti<br />

socialiste en général et à François Hollande en particulier. Elle a d’abord permis<br />

au Parti socialiste de traverser sans dommages graves l’épisode du retrait forcé de<br />

Dominique Strauss-Kahn. Aucun autre candidat ne s’imposait alors, mais le fait que<br />

le parti ait déjà adopté le principe de la primaire ouverte lui permit de ne pas être<br />

totalement démuni à ce moment crucial. En effet, avant même le retrait de DSK,<br />

plusieurs personnalités socialistes avaient affirmé leur intention d’être candidats à<br />

cette primaire. François Hollande fut parmi eux celui qui apparut comme le plus<br />

déterminé à affronter Strauss-Kahn à la primaire. Sa décision annoncée très tôt se<br />

révéla, une fois DSK hors course, un avantage décisif.<br />

L’innovation de la primaire ouverte a provoqué un très vif intérêt dans l’opinion<br />

publique ainsi qu’une très forte médiatisation et, finalement, une importante<br />

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