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Evguenia Obitchkina<br />
de crise ces traits suscitent l’hostilité du Français moyen auquel Hollande et son<br />
entourage cherchent à plaire.<br />
Cependant, les Russes ont saisi un signal important : Hollande, de même<br />
que Mitterrand, est avant tout un Européen, ce en quoi il se distingue de l’euroatlantiste<br />
Sarkozy. Déclarant qu’il était nécessaire d’évaluer les effets du retour<br />
de la France dans le commandement militaire de l’OTAN, le nouveau président<br />
a demandé que des ajustements soient apportés au projet de défense antimissile<br />
européenne qui, à ses yeux, met en péril le concept même de dissuasion nucléaire.<br />
Cette position ouvre une nouvelle fenêtre d’opportunité pour un dialogue<br />
franco-russe privilégié sur les questions de sécurité européenne. Autre élément<br />
important : au cours des dix dernières années, le dialogue politique des deux<br />
pays a été complété par une coopération économique et scientifico-technique<br />
qui importe bien plus, en temps de paix, que les alliances militaro-politiques. Du<br />
point de vue du développement des relations bilatérales, la nomination de Jean-<br />
Pierre Chevènement au poste de représentant spécial du président français pour la<br />
Russie constitue un signe encourageant. Avant tout parce qu’il s’agit d’un homme<br />
politique indépendant et raisonnable, aussi hostile au « politiquement correct »<br />
buté qu’à l’interventionnisme humanitaire irréfléchi. Sa vision de l’avenir s’inscrit<br />
dans la longue perspective historique bien plus que dans la conjoncture politique<br />
immédiate. D’où sa conviction que le dialogue franco-russe se déroule sur fond<br />
d’une menace commune aux deux parties : celle de l’extrémisme islamique.<br />
Même si à long terme la France et la Russie sont toutes deux appelées à passer<br />
de nouvelles alliances dans le monde de la puissance relative, leurs relations<br />
bilatérales, à court terme, dépendront largement de leur capacité à élaborer et à<br />
actionner de nouveaux leviers permettant de surmonter la crise économique. Il n’y<br />
a là rien de bien nouveau, à ceci près que le Kremlin est prêt à recourir à n’importe<br />
quel vent portant (qu’il vienne d’Ouest ou d’Est) pour « gonfler les voiles de la<br />
modernisation ». Or, cette attitude a une importance fondamentale pour les relations<br />
franco-russes, dans la mesure où elle revient à restreindre presque totalement la<br />
modernisation aux domaines économique et technologique. Par conséquent, on<br />
peut affirmer que la coopération de Moscou et de Paris va continuer de reposer sur<br />
des intérêts pragmatiques bien plus que sur leur proximité civilisationnelle.<br />
RUSSIA IN GLOBAL AFFAIRS • VOL. 11 • NUMERO SPECIAL • 2013