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Evguenia Obitchkina<br />
international. La fin de la perspective d’un leadership américain global n’était<br />
que l’illustration de la nouvelle donne : le monde était entré dans l’époque de<br />
la puissance relative (et non plus absolue) et, surtout, l’Occident avait perdu sa<br />
supériorité indiscutable et ne pouvait plus prétendre incarner l’unique modèle<br />
civilisationnel souhaitable pour tous les pays de la planète. La France et la Russie se<br />
retrouvèrent à une croisée des chemins et empruntèrent des directions différentes.<br />
Sarkozy choisit la voie de la consolidation atlantique. La Russie, elle, estima que<br />
ses intérêts seraient mieux défendus si elle préservait l’élément national dans sa<br />
politique étrangère ; ce que permettait justement le format des BRICS et sa nouvelle<br />
philosophie des relations internationales refusant de diviser le monde en blocs et<br />
rejetant le paradigme obsolète Ouest-Est et Nord-Sud, qui se résume à répartir les<br />
pays entre « ceux qui mènent la danse » et « ceux qui suivent le mouvement ».<br />
Le temps du dialogue confiant qui a marqué les meilleures années des<br />
partenariats Chirac-Eltsine et Medvedev-Sarkozy semble révolu. Moscou l’a<br />
ressenti lorsque le Conseil de sécurité de l’ONU a examiné les dossiers libyen,<br />
puis syrien. Dans le premier cas, la Russie n’a pas réussi à obtenir de ses collègues<br />
occidentaux une délimitation claire des actions autorisées pour mettre en œuvre<br />
une « zone d’exclusion aérienne » au-dessus de la Libye. En initiant l’opération<br />
de l’OTAN en Libye, Sarkozy a rompu avec la prudence généralement propre aux<br />
Européens dans les questions relatives au recours à la force militaire. Moscou<br />
reprocha aux participants à l’opération d’avoir en toute connaissance de cause<br />
dépassé le mandat défini par la résolution 1973 —fondamentalement, les Russes<br />
accusaient en pratique les Occidentaux de s’être livrés à un double jeu. Cet<br />
épisode explique l’opposition ultérieure de la Russie à la position occidentale en<br />
général et française en particulier sur le cas syrien. Moscou considère que toute<br />
intervention armée dans les conflits politiques intérieurs d’États souverains est<br />
intolérable, et affirme que l’Occident a désigné arbitrairement les coupables dans<br />
les conflits en question.<br />
Le problème syrien est devenu un élément clé du dialogue politique francorusse<br />
dans les premiers mois du mandat du nouveau président, François Hollande.<br />
Lors du second semestre 2012, la France a présidé le Conseil de sécurité de<br />
l’ONU. Allant à l’encontre du cap défini par son prédécesseur Sarkozy, Hollande<br />
a reconnu que les pays de l’OTAN avaient dépassé les prérogatives attribuées par<br />
la résolution 1973 sur la Libye — et admettait donc, indirectement, la légitimité<br />
de la position russe. Hostile à une intervention directe sans l’accord du Conseil de<br />
sécurité de l’ONU, François Hollande conditionne cependant toute possibilité de<br />
règlement politique en Syrie au départ de Bachar el-Assad — sur ce dernier point,<br />
Paris est en désaccord avec Moscou. Le soutien de la France à la formation et à<br />
la reconnaissance de la Coalition nationale de l’opposition visait à créer en Syrie<br />
RUSSIA IN GLOBAL AFFAIRS • VOL. 11 • NUMERO SPECIAL • 2013