Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
Vu de Moscou<br />
a souligné que les actions de Moscou étaient « une réaction provoquée par les<br />
actions de Saakachvili », il n’en a pas moins qualifié cette réaction russe d’ «<br />
inadéquate ». La Russie interpréta cette déclaration comme une manifestation des<br />
« doubles standards » appliqués par l’Occident — un Occident qui, déplorait-elle,<br />
réagit très différemment à la proclamation d’indépendance du Kosovo et à celles<br />
de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud. Malgré ces divergences, la France a bloqué<br />
l’adoption de sanctions antirusses par l’Union européenne.<br />
De façon paradoxale, le fait que l’UE n’ait jamais disposé d’une stratégie<br />
commune de long terme concernant le développement de ses relations avec la<br />
Russie a contribué à accroître la valeur des relations bilatérales franco-russes.<br />
La crise économique mondiale y est aussi pour beaucoup. Lorsque Medvedev<br />
a mis le cap sur la modernisation, la France fut régulièrement citée en Russie<br />
parmi les principales « sources » de la modernisation occidentale (même si elle<br />
était précédée dans cette liste par l’Allemagne et l’Italie). Paris décida de ne pas<br />
promouvoir activement les projets d’acheminement d’hydrocarbures contournant<br />
la Russie et choisit au contraire de participer aux gazoducs Nord Stream et South<br />
Stream. Lors de l’ouverture de l’année croisée France-Russie, en présence de Dmitri<br />
Medvedev, le président français appela à « tourner la page de la Guerre froide »<br />
dans les relations entre les deux pays. Ces propos, rappelons-le, ont été tenus dans<br />
un contexte d’hostilité (de la part de l’Estonie, la Lituanie, la Pologne et la Géorgie)<br />
ou de méfiance (États-Unis) quant au projet de vente à Moscou du bâtiment<br />
de projection et de commandement Mistral — la première transaction entre la<br />
Russie et un pays de l’OTAN liée à la transmission de technologies militaires. Si<br />
la crise économique mondiale a sans doute été l’une des principales raisons de<br />
cette décision, les autorités françaises ont préféré donner une version politique<br />
des motivations ayant présidé à cet accord sans précédent. Le secrétaire d’État aux<br />
affaires européennes Pierre Lellouche a déclaré que le contrat illustrait la volonté<br />
d’effectuer « une révision des relations avec la Russie, que Paris et Berlin défendent<br />
ardemment. (…) On ne peut placer la Russie sous embargo tout en prétendant la<br />
traiter en amie et en partenaire. Les intérêts stratégiques communs l’emportent sur<br />
les divergences d’hier. »<br />
Durant cette période, les intérêts communs consistaient surtout à contrer les<br />
menaces émanant des régimes islamistes radicaux, à savoir le programme nucléaire<br />
iranien et les talibans afghans. Mais la Russie échoua à convaincre la France de<br />
présenter une initiative conjointe visant à faire ratifier le texte d’un nouveau Traité<br />
de sécurité européenne présenté par Medvedev. À Paris, ce projet suscita plus<br />
d’objections que d’enthousiasme.<br />
Le « printemps arabe » engendra de nouvelles divergences fondamentales<br />
dans le dialogue franco-russe concernant la construction du nouveau système<br />
RUSSIA IN GLOBAL AFFAIRS • VOL. 11 • NUMERO SPECIAL • 2013<br />
37