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Ambivalence et distanciation<br />
russo-géorgienne d’août 2008 marque une nouvelle étape. Le recours à la force<br />
suscite immédiatement des craintes : 37 % des Français interrogés le 12 août<br />
2008 (sondage CSA-Le Parisien) estiment que « ce conflit peut s’élargir et mettre<br />
en cause les équilibres en Europe » ; 83 % déclarent en septembre (sondage<br />
Financial Times/Harris) que l’action militaire russe en Géorgie représente une<br />
menace pour la sécurité européenne et 21 % désignent la Russie comme « la<br />
plus grande menace pour la stabilité mondiale ». La crise syrienne de 2011-12<br />
est un nouveau facteur de division. Les positions prises par Moscou (triple veto<br />
au Conseil de sécurité des Nations Unies, soutien apporté à Bachar el-Assad,<br />
critiques à l’égard des insurgés syriens) ne sont pas comprises en France où elles<br />
suscitent de fortes réactions.<br />
Même s’il vise avant tout les États-Unis, le discours souvent très critique de<br />
Vladimir Poutine à l’égard des pays occidentaux n’est pas de nature à dissiper la<br />
défiance. Ses propos acerbes en février 2007 à la conférence de Munich avaient été<br />
interprétés par certains comme une déclaration de « guerre froide ». Ceux sur des<br />
tentatives de déstabilisation venues de l’étranger, en 2004-05 lors de la révolution<br />
orange, puis fin 2011 lorsque la contestation se développe en Russie, sont accueillis<br />
avec un profond étonnement.<br />
U N PAY S M A L C O N N U<br />
Affirmer que la Russie est un pays mal connu et qu’il y a là aussi un facteur explicatif<br />
du phénomène étudié est a priori paradoxal étant donné l’attrait des Français pour<br />
la Russie et la culture russe. Celle-ci a en effet exercé une forte attraction sur des<br />
générations de Français qui se sont passionnés pour les grands écrivains et artistes<br />
russes. Tolstoï, Dostoïevski, Pouchkine, Akhmatova, Tchaïkovski, Rostropovitch,<br />
Nijinski, Noureev, Kandinsky et bien d’autres écrivains, musiciens, danseurs et<br />
peintres russes ont longtemps été les meilleurs ambassadeurs de la Russie. Tous<br />
renvoient l’image d’une Russie cultivée, raffinée, exceptionnelle. Cette attraction<br />
continue à se faire sentir : des écrivains comme Andreï Makine, prix Goncourt<br />
1995, Vladimir Sorokine ou Lioudmila Oulitskaïa, des musiciens (le violoniste<br />
Vladimir Spivakov ou le chef d’orchestre Valeri Gergiev) ou des cinéastes (Pavel<br />
Lounguine) sont reconnus et très appréciés en France. Le succès des ballets russes<br />
ne se dément pas. L’exposition « Sainte Russie », organisée en 2010 au Louvre dans<br />
le cadre de l’Année croisée France-Russie, a elle aussi été un grand succès. Mais la<br />
plupart de ces écrivains et artistes ne touchent qu’un public cultivé qui reste limité.<br />
C’est probablement la raison pour laquelle ils influent moins sur les perceptions de<br />
la Russie que les évolutions politiques et les classements internationaux.<br />
Ceux-ci sont parfois discutables, mais la répétition du message qu’ils délivrent<br />
impressionne : la plupart d’entre eux renvoient l’image d’une Russie corrompue<br />
RUSSIA IN GLOBAL AFFAIRS • VOL. 11 • NUMERO SPECIAL • 2013<br />
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