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Nicolas Tenzer<br />
Autrement dit, il n’y a pas d’influence sans « buts de guerre » et sans stratégie. Cela<br />
veut dire aussi que l’influence peut se mesurer et s’évaluer.<br />
La deuxième concerne le « qui », c’est-à-dire quelles sont les cibles de<br />
l’influence. Il peut s’agir d’influencer un gouvernement certes, mais aussi de<br />
plus en plus des parlements, des forces politiques, des leaders d’opinion, voire<br />
les opinions directement, des acteurs économiques, des juristes, etc. À chaque<br />
cible correspondent logiquement des stratégies différentes, des instruments<br />
spécifiques et des argumentaires particuliers. Bien souvent, pour obtenir ce<br />
qu’on souhaite, il faut d’ailleurs agir sur plusieurs de ces cibles en même temps.<br />
Ce ciblage exclut naturellement une politique d’influence qui passerait par un<br />
« rayonnement » indifférencié.<br />
La troisième est liée au facteur temps. On peut et l’on doit certainement<br />
distinguer court, moyen et long termes. À court terme, on peut souhaiter<br />
influencer la conclusion d’une négociation. Souvent, certains compromis sont<br />
arrachés à la dernière minute et l’influence s’exerce jusqu’à la dernière minute,<br />
dans la pression et la tension. À moyen terme, on peut avoir une stratégie de<br />
rapprochement progressif des positions sur tel sujet, sachant que la maturation<br />
des esprits est parfois lente. Il existe aussi des influences de long terme qui<br />
consistent à « vendre » dans la durée l’image d’un pays ou même d’un produit et<br />
d’une idée, à provoquer la confiance et finalement l’adhésion. C’est ainsi que naît<br />
la perception d’une alliance fondamentale, d’un intérêt mutuel « structurel » ou<br />
même l’image de marque. En même temps, le moyen terme dépend largement<br />
du long et le court du moyen. Il sera d’autant plus aisé de gagner l’adhésion et la<br />
confiance dans le moyen terme qu’un travail de long terme aura été accompli et<br />
d’être en position de force dans une négociation que le rapprochement des idées<br />
aura été travaillé dans le moyen terme.<br />
La quatrième composante enfin a trait aux vecteurs d’influence. Si l’on admet<br />
que l’influence est d’une autre nature que la force, la pression ou le chantage, on<br />
comprend que l’influence doit être plus directe qu’indirecte. Elle continue certes à<br />
passer par le travail des chancelleries, mais de plus en plus aussi par celui des idées et<br />
même de la conquête des marchés. Elle passe dès lors par le travail des intellectuels,<br />
des juristes, des leaders d’opinion et par un travail souterrain et discret dans les<br />
instances qui fabriquent les normes et les recommandations internationales.<br />
L E S C HA N G E M E N T S D E L’ I N F LU E N C E<br />
DA N S L A G L O B A L I S AT I O N<br />
La globalisation a entraîné de nombreux changements dans la transmission de<br />
l’influence, les lieux où elle se déploie et ses composantes mêmes. Elle s’est aussi<br />
transformée sous le coup de la croissance exponentielle des marchés et des<br />
RUSSIA IN GLOBAL AFFAIRS • VOL. 11 • NUMERO SPECIAL • 2013