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216 Émile Pain Deuxièmement, dans les États pluriethniques qui maintiennent des zones de peuplement compactes avec de nombreux groupes ethniques, la nation politique ne peut pas se constituer sur la base de la mobilisation et de la consolidation d’une quelconque communauté ethnique. Je considère qu’en Russie, le développement de la nation politique ne peut pas se faire selon l’ordre habituellement observé dans l’Histoire (bien qu’il y eût d’autres exemples) : c’est à dire non depuis une union ethno-nationale vers une union citoyenne, mais, à l’inverse, à partir d’une consolidation citoyenne de représentants de divers groupes ethniques et religieux jusqu’à la formation d’une prise de conscience nationale unie des citoyens de la Russie. Il est évident que dans ce cas, dans le cadre d’une conscience nationale et citoyenne, se maintiendront des identités ethniques et religieuses diverses. On peut qualifier ce modèle d’« helvétique ». Ernest Renan avait vu qu’il pouvait constituer une base dans son avenir à lui, c’est-à-dire dans notre présent. Troisièmement, l’ethno-nationalisme dans les conditions actuelles ne peut pas être un allié stratégique des forces intéressées par la modernisation de la Russie. De plus, ces forces, en prenant conscience de l’impossibilité d’une modernisation intrinsèquement élitaire, auront nécessairement besoin d’un soutien de masse, d’une consolidation nationale, par conséquent d’un nationalisme, mais différent, citoyen. Ernest Gellner liait l’« apparition du Nouveau Monde » (la modernisation des XIXe et XXe siècles) au nationalisme comme idéologie d’« union de l’État et de la culture nationale ». Or, cette pensée du classique n’a rien perdu de son actualité pour les pays dont le processus de modernisation est inachevé. Cependant, la diversité actuelle de la culture nationale, en conservant ses valeurs traditionnelles (l’intérêt pour son pays et la fierté pour ses acquis historiques et culturels), se manifeste de plus en plus comme une culture citoyenne. Elle est dominée par les valeurs de souveraineté populaire (citoyenne), de suprématie de la loi, d’égalité en droits, de liberté d’expression etc.. Cette culture peut constituer le fondement de la consolidation de l’union des personnes à identités ethniques et religieuses diverses. RUSSIA IN GLOBAL AFFAIRS • VOL. 11 • NUMERO SPECIAL • 2013

L’Influence dans un monde globalisé Que peut faire la France ? Nicolas Tenzer La France a récemment réaffirmé sa volonté d’être dans le monde un pouvoir d’influence. Pourtant, nombreux sont ceux qui doutent encore tant de sa capacité d’exercer un tel rôle sur la scène internationale que de la réalité de cette ambition, faute notamment d’y allouer les moyens nécessaires et, plus encore, d’avoir construit une stratégie adéquate. Un tel débat risque de rester non conclusif s’il se borne à opposer les spécialistes officiels de l’incantation et les déclinistes de principe. Avant de définir les voies et moyens d’une politique d’influence, il importe d’abord de mesurer les changements quant à la nature d’une telle politique d’influence et quant aux acteurs qui peuvent y contribuer. Une telle réflexion ne peut non plus occulter ce qu’on désigne par le terme d’influence, souvent employé sans discernement ni précision. D E L A NAT U R E D E L’ I N F LU E N C E Quatre composantes principales définissent aujourd’hui l’influence. La première est de l’ordre du « pourquoi ». Pourquoi en effet veut-on influencer ? La réponse ne peut être : la gloire ou le prestige. On influence toujours dans un but, lequel doit être précisément défini. Ce but peut être de nature diplomatique – faire qu’une autre puissance agisse ou signe un document contractuel ainsi qu’on le souhaite, s’engage dans une alliance, participe à une opération militaire, etc. , économique – convaincre le pays X ou telle entreprise d’acquérir tel produit ou d’ouvrir tel marché –, intellectuel – convaincre Y de faire sien tel principe –, etc. Nicolas Tenzer, Président d’Initiative pour le développement de l’expertise française à l’international et en Europe (IDEFIE), directeur de la revue Le Banquet, auteur de trois rapports officiels au gouvernement, dont deux sur la stratégie internationale, et de 21 ouvrages dont Quand la France disparaît du monde, Paris, Grasset, 2008, Le monde à l’horizon 2030. La règle et le désordre, Paris, Perrin, 2011, La fin du malheur français ?, Paris, Stock, 2011 et La France a besoin des autres, Paris, Plon, 2012. RUSSIA IN GLOBAL AFFAIRS • VOL. 11 • NUMERO SPECIAL • 2013 217

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Émile Pain<br />

Deuxièmement, dans les États pluriethniques qui maintiennent des zones de<br />

peuplement compactes avec de nombreux groupes ethniques, la nation politique<br />

ne peut pas se constituer sur la base de la mobilisation et de la consolidation d’une<br />

quelconque communauté ethnique. Je considère qu’en Russie, le développement<br />

de la nation politique ne peut pas se faire selon l’ordre habituellement observé<br />

dans l’Histoire (bien qu’il y eût d’autres exemples) : c’est à dire non depuis une<br />

union ethno-nationale vers une union citoyenne, mais, à l’inverse, à partir d’une<br />

consolidation citoyenne de représentants de divers groupes ethniques et religieux<br />

jusqu’à la formation d’une prise de conscience nationale unie des citoyens de la<br />

Russie. Il est évident que dans ce cas, dans le cadre d’une conscience nationale et<br />

citoyenne, se maintiendront des identités ethniques et religieuses diverses. On peut<br />

qualifier ce modèle d’« helvétique ». Ernest Renan avait vu qu’il pouvait constituer<br />

une base dans son avenir à lui, c’est-à-dire dans notre présent.<br />

Troisièmement, l’ethno-nationalisme dans les conditions actuelles ne<br />

peut pas être un allié stratégique des forces intéressées par la modernisation<br />

de la Russie. De plus, ces forces, en prenant conscience de l’impossibilité<br />

d’une modernisation intrinsèquement élitaire, auront nécessairement besoin<br />

d’un soutien de masse, d’une consolidation nationale, par conséquent d’un<br />

nationalisme, mais différent, citoyen.<br />

Ernest Gellner liait l’« apparition du Nouveau Monde » (la modernisation des<br />

XIXe et XXe siècles) au nationalisme comme idéologie d’« union de l’État et de la<br />

culture nationale ». Or, cette pensée du classique n’a rien perdu de son actualité<br />

pour les pays dont le processus de modernisation est inachevé. Cependant, la<br />

diversité actuelle de la culture nationale, en conservant ses valeurs traditionnelles<br />

(l’intérêt pour son pays et la fierté pour ses acquis historiques et culturels), se<br />

manifeste de plus en plus comme une culture citoyenne. Elle est dominée par les<br />

valeurs de souveraineté populaire (citoyenne), de suprématie de la loi, d’égalité en<br />

droits, de liberté d’expression etc.. Cette culture peut constituer le fondement de la<br />

consolidation de l’union des personnes à identités ethniques et religieuses diverses.<br />

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