Sommaire - CCIFR

L’avenir des sociétés post-impériales du XXIe siècle
du pays, dans les zones urbanisées du centre et de l’est, pourraient se renforcer les
tendances à la consolidation citoyenne. Cela serait favorisé par l’affaiblissement
de la foi dans le rôle salvateur des élites, et par la conscience qu’est peu probable
l’apparition d’une élite capable de procéder à une modernisation par le haut. C’est
justement dans les conditions de post-impérialisme que prédominent les élites
tendant au maintien d’un statu quo et peu enclines aux changements. Dans ces
conditions, se renforcerait l’idée d’une souveraineté populaire où les citoyens
seraient considérés non seulement comme source du pouvoir mais aussi comme
moteurs des changements.
Au sud du pays, la contestation s’est pour l’instant rapidement transformée
en mobilisation ethnique ou religieuse, et il est peu probable que ces tendances
connaissent des changements à court terme.
Le rythme disparate de développement des régions est un phénomène assez
répandu. Par exemple, en Italie, le nord modernisé traîne le sud conservateur
bien que, par moments, les habitants du nord aient la tentation d’abandonner
ce fardeau. Il est possible que le développement de la Russie suive un scénario
similaire. Néanmoins, il s’agit là d’une question de fort long terme.
À l’ordre du jour figure la prise de conscience par l’élite intellectuelle de la Russie
de l’importance de la première étape significative de consolidation nationale, non
pas ethnique mais citoyenne. Mais il ne s’agit bien pour l’instant que d’une prise
de conscience. Les manifestations de masse de 2011 et de 2012 en auront été les
signes avant-coureurs.
* * *
En conclusion, je soulignerais les idées sur lesquelles repose cet article :
D’abord, l’État national et la société nationale sont des formes prometteuses
d’organisation politique pour les pays et les régions qui conservent des vestiges
significatifs d’organisation impériale. En Russie, parmi ces vestiges, peuvent être
classés des éléments tels que : le « corps impérial » compris comme territoire
de l’État divisé en zones de peuplement distinctes faiblement liées entre elles,
à la population divisée présentant le plus haut degré de méfiance au monde et
un niveau assez élevé de xénophobie ; un régime impérial autoritaire ; et, enfin,
une conscience impériale de sujétion, présente chez la plupart des gens. Tous ces
phénomènes sont liés entre eux, présentant un syndrome impérial unique qui est
à la base de l’inertie historique en Russie. Il n’est possible de le surmonter qu’en
procédant à l’activation de la conscience citoyenne et de la consolidation nationale
des citoyens – ce sont là les seules conditions préalables à une transformation
politique et à la démocratisation de la vie politique. À mon avis, ces prémices ont
commencé à faire leur apparition en Russie.
RUSSIA IN GLOBAL AFFAIRS • VOL. 11 • NUMERO SPECIAL • 2013
215