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L’avenir des sociétés post-impériales du XXIe siècle<br />
principale consistait en la nécessité de substituer au paradigme du nationalisme<br />
méthodologique (« obsolète » et « provincial », selon les termes de l’auteur)<br />
celui du cosmopolitisme. La seule explication de la nature du nationalisme<br />
méthodologique dans ce rapport était le postulat selon lequel « ... l’État national et<br />
la société nationale sont des formes sociales et politiques « naturelles » du monde<br />
contemporain ». Il ne fait aucun doute que le professeur Beck interprète la nature<br />
de ce qu’il qualifie d’« État national » dans le sens européen actuel, c’est-à-dire<br />
non pas comme un État ethnique, comme par exemple dans le cas des Allemands<br />
ou des Japonais ethniques, mais comme un État de citoyens, indépendamment<br />
des différences ethniques, religieuses ou raciales. Par ailleurs, ces États nationaux<br />
peuvent être tant unitaires (la France, l’Italie, la Suède, etc.) que fédéraux (la Suisse,<br />
l’Allemagne, les États-Unis et d’autres). Il est probablement familier avec les idées<br />
d’Alfred Stepan qui distingue les fédérations asymétriques – dans lesquelles il inclut<br />
les zones de peuplement compactes aux identités ethniques ou religieuses diverses<br />
– notamment par le terme d’« État-nation » qu’il préfère a celui de « nation-État »,<br />
employé pour désigner des communautés plus homogènes.<br />
Ainsi, le principal reproche de Beck à l’encontre du nationalisme méthodologique<br />
concerne sa vision limitée d’un monde essentiellement perçu à travers le prisme<br />
de l’État-nation. C’est pour cette raison que ce philosophe allemand qui travaille<br />
en Angleterre et intervient dans des conférences partout dans le monde appelle à<br />
effectuer un virage dans le sens du paradigme du cosmopolitisme international.<br />
Cette idée n’est pas nouvelle ; et la propension au cosmopolitisme d’une<br />
certaine couche de l’élite occidentale, de même que son opposition croissante<br />
aux valeurs de l’attachement national des peuples envers un pays déterminé<br />
ont été notées depuis longtemps, par exemple par Samuel Huntington dans<br />
son livre Qui sommes-nous ?. Certes, depuis, la situation a changé dans le<br />
monde. Les immigrés rencontrent des difficultés croissantes à s’intégrer dans<br />
les sociétés d’accueil ; les modèles de base de gestion de ces processus se sont<br />
avérés inefficaces ; la crise mondiale a brusquement accru les contradictions<br />
entre les intérêts nationaux dans la partie la plus internationalisée du monde<br />
occidental, à savoir l’Union Européenne. Tout cela a conditionné un nouvel essor<br />
du nationalisme en Occident et une baisse de popularité des idées cosmopolites.<br />
En même temps, je peux comprendre l’enthousiasme critique qui s’est maintenu,<br />
bien qu’atténué par rapport à il y a quelques années, dans les interventions de<br />
certains collègues européens envers les nation-states. Ces derniers existent<br />
depuis plusieurs siècles en Europe, il s’agit donc peut-être simplement d’une<br />
crise des concepts politiques. Mais peut-on être lassé d’une nourriture qu’on n’a<br />
pas encore goûtée ? Peut-on qualifier d’archaïque l’idée de nation pour un État<br />
qui n’a jamais connu de nations ?<br />
RUSSIA IN GLOBAL AFFAIRS • VOL. 11 • NUMERO SPECIAL • 2013<br />
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