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Occasions manquées<br />
Mais ces espoirs ont été déçus. Le CNS s’est empêtré dans ses contradictions.<br />
Qui plus est, il ne représentait pas beaucoup plus que lui-même. La France a une<br />
influence moindre au sein de son successeur, la Coalition nationale syrienne. Mais<br />
Paris ne tentera pas moins de marquer la différence, en permettant notamment<br />
à la coalition de nommer un ambassadeur sur son territoire. S’ajoute à cela<br />
l’engagement aujourd’hui assumé de la France dans l’octroi d’un soutien logistique<br />
à des groupes d’opposants armés au régime Assad. Paris pense manifestement que<br />
ses liens privilégiés avec le Liban et une partie de sa classe politique, combinés à<br />
une possible forte influence de sa part sur la Syrie du futur, lui permettront de<br />
maîtriser l’un des nerfs névralgiques de la région.<br />
U N E N É C E S S A I R E R É É VA LUAT I O N<br />
D E L A « P O L I T I Q U E A R A B E D E L A F R A N C E »<br />
Certains observateurs ont souvent pointé le fait que la France avait une « politique<br />
arabe » voire « pro-arabe ». Loin des motifs idéologiques liés aux droits de l’homme<br />
par exemple, la France a jusqu’ici toujours fondé ses relations avec les pays du<br />
Moyen-Orient sur le pragmatisme et la realpolitik. Mais cela ne l’a pas empêchée<br />
de se méfier grandement des islamistes, surtout à partir du moment où ceux-ci<br />
pouvaient prétendre à une importante popularité.<br />
Paris a néanmoins toujours vu dans la défense de ses intérêts l’une des pierres<br />
angulaires pour son approche du monde arabe. Ce fait n’a d’ailleurs pas entièrement<br />
changé avec l’arrivée du socialiste François Hollande à la présidence. Or, la France<br />
serait bien inspirée de réévaluer une partie de ses perceptions de la région. Il lui<br />
faut mettre en exergue certains principes clairs. À titre d’exemple, son attachement<br />
officiel à la notion de justice se doit d’être traduit par des actes.<br />
Les transitions en cours impliquent pour la France de revoir ses a priori sur les<br />
forces islamistes et leurs politiques. Parmi les contradictions françaises, on note<br />
que Paris est toujours aussi rétif à faire confiance à des islamistes élus, alors qu’il<br />
s’accommode depuis des décennies d’islamistes non élus (en Arabie saoudite par<br />
exemple). L’affirmation d’islamistes au Maroc aussi, pour inquiétante qu’elle puisse<br />
paraître, est justifiée à ses yeux par la « modération politique » du roi Mohammed<br />
VI. Mais si la débâcle des islamistes en Algérie, accompagnée de leurs faibles<br />
performances électorales en Libye, lui semble rassurante, il ne faut pas oublier que<br />
la France soutient, entre autres forces, des islamistes syriens dans leur stratégie<br />
anti-Assad. Elle avait fait de même dans le cas libyen, en soutenant le Conseil<br />
national de transition (CNT). Selon nous, Paris devrait, au nom du pragmatisme,<br />
réévaluer ses appréhensions initiales vis-à-vis des islamistes politiques pris dans<br />
leur ensemble. Les évolutions récentes de la région ont montré que les islamistes<br />
pouvaient être une force légale et légitime car consacrée par les urnes. D’où la<br />
RUSSIA IN GLOBAL AFFAIRS • VOL. 11 • NUMERO SPECIAL • 2013<br />
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