You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
156<br />
Barah Mikaïl<br />
à l’OTAN. La France passait alors au second rang. Quant au rôle de l’intellectuel<br />
Bernard Henri-Lévy dans la sensibilisation de Nicolas Sarkozy à la donne libyenne,<br />
il paraît amplement exagéré. Sinon, l’ancien président français aurait probablement<br />
suivi les recommandations du philosophe aussi sur le dossier syrien.<br />
La situation sécuritaire régionale s’est considérablement dégradée avec l’aventure<br />
libyenne. La chute de Kadhafi s’accompagnera rapidement de l’accélération des flux de<br />
migration libyens vers les pays avoisinants (Égypte et Tunisie surtout), mais également<br />
de phénomènes de migration vers le territoire libyen, les candidats à l’émigration<br />
espérant profiter du chaos ambiant afin de rejoindre le territoire européen. En parallèle,<br />
la situation prévalant dans le sud de la Libye, déjà en proie à toutes sortes de trafics sous<br />
le règne de Kadhafi, permettra l’affirmation et le déplacement d’islamistes armés tant<br />
sur le territoire que vers les pays de la sous-région. Outre l’Égypte, c’est principalement<br />
le Mali qui, depuis, subit la dangereuse répercussion des évolutions libyennes.<br />
En tout cas, le « Printemps arabe » a mis en évidence la volonté française de<br />
figurer au premier rang des acteurs engagés dans la région. L’aventure libyenne<br />
a été fortement promue par Nicolas Sarkozy avant que celui-ci ne s’engage dans<br />
une stratégie collective mettant en avant le rôle de l’OTAN (donc des États-Unis).<br />
De même, les modalités d’accompagnement de la transition libyenne ont mis<br />
en évidence la favorisation par la France d’une communication et d’une action<br />
insistant sur son propre rôle. Bien que ne s’étant en rien désolidarisée de l’Union<br />
Européenne, la France a privilégié une approche propre, ce qu’elle fera de nouveau<br />
dans le cas syrien en tentant d’orienter à sa façon les positionnements du Conseil<br />
national syrien (CNS), l’une des structures d’opposition au régime de Bachar el-<br />
Assad. Mais cette stratégie ne donne pas de perspectives claires quant à la nouvelle<br />
politique de la France vis-à-vis du Moyen-Orient.<br />
Le fort engagement de François Hollande et de son ministre des affaires<br />
étrangères sur le dossier syrien sont dans la continuité de ce qui avait prévalu du<br />
temps de Nicolas Sarkozy et d’Alain Juppé : soutien à l’opposition au régime de<br />
Bachar el-Assad, dénonciation de la répression exercée par ce dernier, volonté<br />
d’arriver à un règlement de la situation sont autant d’axes forts privilégiés par les<br />
deux présidences.<br />
Il faut néanmoins voir dans l’attitude de M. Hollande en particulier une volonté<br />
de marquer la différence sur le dossier syrien. En dépit des déclarations officielles,<br />
Paris a été l’un des premiers soutiens actifs de l’opposition syrienne armée. De plus,<br />
le premier président du Conseil national syrien, Burhan Ghalioun, ainsi que sa<br />
porte-parole, Bassma Qodmani, étaient établis sur le territoire français depuis des<br />
décennies. En insistant sur le rôle et le poids du CNS et en en soutenant l’action,<br />
Paris a ainsi voulu capitaliser sur une possible alternative au régime de Bachar el-<br />
Assad, et parier sur sa forte influence sur les orientations de la Syrie post-Assad.<br />
RUSSIA IN GLOBAL AFFAIRS • VOL. 11 • NUMERO SPECIAL • 2013