Sommaire - CCIFR

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136 Yves Boyer ainsi que cinq missions clés définissent la tâche des forces armées : connaître et anticiper ; prévenir ; dissuader ; protéger ; intervenir. Chacune de ces grandes missions se subdivise en fonctions et besoins spécifiques. C’est ainsi, par exemple, que la dissuasion commande de disposer de capacités de lutte anti-sous-marine de pointe. Le maintien de la cohérence de l’ensemble fonctions/moyens est obtenu par un dialogue permanent entre les grandes institutions du ministère de la défense – EMA et DGA. Le résultat de leur interaction est validé dans le cadre du PP30 (Plan prospectif à 30 ans), formellement rédigé par la DGA. Son but est d’offrir à la France les moyens de sa défense, qui restent cohérents avec les objectifs politiques et militaires, au premier rang desquels se trouve le principe d’autonomie de décision, qui ne préjuge pas du respect des engagements internationaux de la France dans le cadre de ses alliances ou d’accords bilatéraux. Cette organisation très centralisée et parfois lourde placée au service de l’autonomie française en matière de défense renforce l’immunité de la politique arrêtée aux changements intempestifs et aux décisions hâtives qui mettraient en cause la cohérence de l’appareil de défense. Autrement dit, ce système reste à l’abri d’ingérences extérieures directes, notamment de la part de l’OTAN. Si les missions de la France dans le cadre de l’Alliance restent une des composantes de l’élaboration du PP30, l’OTAN n’en est ni l’inspiratrice directe ni le commanditaire immédiat. Ce système fait l’objet d’un consensus de la part des partis de gouvernement. C’est ainsi que si le président Hollande avait annoncé dès le début de son mandat des réductions budgétaires du ministère de la défense, il avait cependant affirmé qu’il serait particulièrement attentif à maintenir la cohérence du modèle français de défense. C’est à ce prix que la France peut conserver une place unique au sein de l’Alliance atlantique en préservant certaines fonctions stratégiques, ce que les Britanniques n’avaient pas réussi à faire dans le cadre de leur Strategic Defence Review (SDR) de 2010. Il avaient ainsi renoncé à leur aviation de patrouille maritime, pourtant nécessaire pour garantir la sûreté des SNLE (sous-marins lanceurs d’engins) qui assurent la dissuasion nucléaire britannique. L E S F O R C E S C L A S S I Q U E S , L’O TA N E T L E S É TAT S - U N I S Dans le cadre des fonctions stratégiques assignées aux armées françaises, les forces classiques sont particulièrement concernées par les fonctions de protection, de prévention et d’intervention qui relèvent de la stratégie nationale française. Pour chaque armée (Terre, Air et Mer), des commandements spécifiques existent pour entraîner les forces et, si nécessaire, les engager dans le cadre d’opérations interarmées nationales, alliées ou au sein d’alliances de circonstance. Ces commandements ont reçu l’agrément de l’OTAN pour exercer le commandement des différentes RUSSIA IN GLOBAL AFFAIRS • VOL. 11 • NUMERO SPECIAL • 2013

Pourquoi l’autonomie n'affaiblit pas l’Alliance atlantique composantes de la Force de réaction rapide de l’OTAN (NRF), mise sur pied à l’occasion du sommet de l’Alliance à Prague en 2002. Le Corps de réaction rapide terrestre – France (CRR-Fr) – a été certifié le 8 juin 2007, le COM-FR MARFOR (forces navales) de Toulon en décembre 2005 et le CDAOA (composante aérienne) au printemps 2005 (les forces spéciales le seront également ultérieurement). À l’occasion de la création de la NRF, le président français, à l’époque Jacques Chirac, donnait les raisons de ce ralliement au projet d’une nouvelle force de l’OTAN : « « la Force de réaction de l’OTAN (…) permettra, par la mise en cohérence des forces de réaction rapide nationales, de mieux répondre aux nécessités de la gestion des crises menée jusqu’à présent sur une base ad hoc (…) Bien évidemment, cette force qui repose sur les moyens nationaux des États devra être développée selon des modalités compatibles avec les engagements que certains d’entre nous ont pris dans le cadre de l’Union européenne. Les éléments constitutifs de cette Force devront notamment pouvoir être mis à la disposition de l’une ou l’autre organisation sans droit de premier emploi. Notre objectif doit être l’efficacité dans la gestion des crises et non pas la compétition entre les organisations. » Au-delà du sens politique donné à cette certification qui confirmait le rapprochement de la France avec la structure militaire intégrée de l’OTAN qui sera parachevée par la décision du président Sarkozy en 2008, la certification accordée aux forces françaises signifie aussi la capacité de la France à entrer en premier sur un théâtre d’opérations, ce qui la place au rang des quelques nations leaders – dans l’Alliance mais aussi dans un cadre purement européen. Cet ensemble de mesures illustre tout à la fois le maintien des capacités de prise de décision autonome de la part de Paris mais aussi la capacité à développer des coopérations militaires poussées avec les principaux partenaires militaires de la France. Ce d’autant plus que ces derniers ont vu, dans la réintégration pleine et entière de la France, une opportunité nouvelle de coopération qui ne les place plus en porte-à-faux avec leur propre position dans l’OTANEtats-Unis, Grande-Bretagne, Allemagne et Italie ont ainsi saisi les nouvelles opportunités de coopération avec la France tout en admettant la place particulière qu’elle occupe dans l’Alliance. C’est d’ailleurs avec ces pays (avec, de surcroît, le Canada et l’Australie) que la France participe aux activités du MIC (Multinational Interoperability Council) au sein duquel les Alliés travaillent sur de nouveaux concepts d’emploi des forces et des structures de commandement appropriées. Une autre coopération qu’il convient de mentionner s’est amorcée entre la France et la Grande-Bretagne, un des piliers traditionnels de l’OTAN, dans le cadre de l’accord de Lancaster House conclu en décembre 2010 entre les deux pays sur l’emploi combiné de forces conjointes. La France et le Royaume-Uni ont effectué leur premier exercice naval majeur (Corsican Lion) au large des côtes françaises RUSSIA IN GLOBAL AFFAIRS • VOL. 11 • NUMERO SPECIAL • 2013 137

Pourquoi l’autonomie n'affaiblit pas l’Alliance atlantique<br />

composantes de la Force de réaction rapide de l’OTAN (NRF), mise sur pied à<br />

l’occasion du sommet de l’Alliance à Prague en 2002. Le Corps de réaction rapide<br />

terrestre – France (CRR-Fr) – a été certifié le 8 juin 2007, le COM-FR MARFOR<br />

(forces navales) de Toulon en décembre 2005 et le CDAOA (composante aérienne)<br />

au printemps 2005 (les forces spéciales le seront également ultérieurement). À<br />

l’occasion de la création de la NRF, le président français, à l’époque Jacques Chirac,<br />

donnait les raisons de ce ralliement au projet d’une nouvelle force de l’OTAN : « «<br />

la Force de réaction de l’OTAN (…) permettra, par la mise en cohérence des forces<br />

de réaction rapide nationales, de mieux répondre aux nécessités de la gestion des<br />

crises menée jusqu’à présent sur une base ad hoc (…) Bien évidemment, cette force<br />

qui repose sur les moyens nationaux des États devra être développée selon des<br />

modalités compatibles avec les engagements que certains d’entre nous ont pris dans<br />

le cadre de l’Union européenne. Les éléments constitutifs de cette Force devront<br />

notamment pouvoir être mis à la disposition de l’une ou l’autre organisation sans<br />

droit de premier emploi. Notre objectif doit être l’efficacité dans la gestion des<br />

crises et non pas la compétition entre les organisations. »<br />

Au-delà du sens politique donné à cette certification qui confirmait le<br />

rapprochement de la France avec la structure militaire intégrée de l’OTAN qui sera<br />

parachevée par la décision du président Sarkozy en 2008, la certification accordée<br />

aux forces françaises signifie aussi la capacité de la France à entrer en premier sur<br />

un théâtre d’opérations, ce qui la place au rang des quelques nations leaders – dans<br />

l’Alliance mais aussi dans un cadre purement européen. Cet ensemble de mesures<br />

illustre tout à la fois le maintien des capacités de prise de décision autonome de<br />

la part de Paris mais aussi la capacité à développer des coopérations militaires<br />

poussées avec les principaux partenaires militaires de la France. Ce d’autant plus<br />

que ces derniers ont vu, dans la réintégration pleine et entière de la France, une<br />

opportunité nouvelle de coopération qui ne les place plus en porte-à-faux avec<br />

leur propre position dans l’OTANEtats-Unis, Grande-Bretagne, Allemagne et<br />

Italie ont ainsi saisi les nouvelles opportunités de coopération avec la France tout<br />

en admettant la place particulière qu’elle occupe dans l’Alliance. C’est d’ailleurs<br />

avec ces pays (avec, de surcroît, le Canada et l’Australie) que la France participe<br />

aux activités du MIC (Multinational Interoperability Council) au sein duquel les<br />

Alliés travaillent sur de nouveaux concepts d’emploi des forces et des structures de<br />

commandement appropriées.<br />

Une autre coopération qu’il convient de mentionner s’est amorcée entre la<br />

France et la Grande-Bretagne, un des piliers traditionnels de l’OTAN, dans le cadre<br />

de l’accord de Lancaster House conclu en décembre 2010 entre les deux pays sur<br />

l’emploi combiné de forces conjointes. La France et le Royaume-Uni ont effectué<br />

leur premier exercice naval majeur (Corsican Lion) au large des côtes françaises<br />

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