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Les mondes darwiniens

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[philippe h u n e man / sélection]<br />

et traits (variant et héritables) considérés (nommée condition de fitness).<br />

Plusieurs choses sont à noter. Tout d’abord, dans le cadre de la génétique<br />

de populations, l’évolution est en effet concevable comme un processus qui<br />

affecte deux niveaux, génotypes et phénotypes. <strong>Les</strong> génotypes conditionnent<br />

les phénotypes, et par la sélection naturelle les phénotypes eux-mêmes vont<br />

avoir un impact sur la fréquence des génotypes à la génération suivante.<br />

Mais la formulation de Lewontin est ici extrêmement générale, puisque dans<br />

n’importe quel monde possible – même s’il ne présente pas une structure génotype-phénotype<br />

immédiatement identifiable grâce à des gènes –, toute population<br />

d’entités vérifiant C1-C3 doit présenter des processus de sélection naturelle. Rien<br />

néanmoins n’exige que ceux-ci mènent à une évolution, c’est-à-dire à une modification<br />

définie de la fréquence des types initiaux. Cette précision est fondamentale<br />

– dans de nombreux cas en effet, la sélection ne change pas la fréquence des<br />

traits (ou des allèles), mais la préserve contre les mutations incessantes, même si<br />

dans de nombreux cas elle repose sur des changements génétiques sous-jacents.<br />

Dans ces cas, il n’y a, de fait, pas d’évolution 21 . On remarquera aussi que la rareté<br />

des ressources, cette considération que Darwin avait empruntée à Malthus et qui<br />

justifiait la lutte pour la vie, n’est plus un ingrédient nécessaire ; dans la biologie<br />

évolutive empirique, la compétition est certes souvent la cause des différences de<br />

chances de reproduction entre les organismes, mais de manière générale, pour<br />

avoir sélection naturelle, il suffit qu’il y ait cette différence, quelle qu’en soit la<br />

cause, donc même si les ressources sont illimitées.<br />

Précisons donc les trois conditions, à commencer par la seconde, parce qu’elle<br />

est la moins intuitive. L’héritabilité (C2) désigne non pas la transmission (c’est ce<br />

tables et pas la fitness, c’est pourquoi je cite celle-ci plutôt que l’original de 1970.<br />

Plus tard, Endler (1986, Natural selection in the wild, Princeton UP @) récapitule<br />

(en inversant C2 et C3) : « La sélection naturelle peut être définie comme<br />

un processus dans lequel : si la population a : C1 : variation entre individus pour<br />

un attribut ou trait : variation ; C2. Une relation consistante entre ce trait et les<br />

capacités de couple, les capacités de procréation, la fertilité, la fécondité et, ou,<br />

la survie : différences de fitness ; C3. Une relation consistante, pour ce trait, entre<br />

les parents et les descendants, qui est au moins partiellement indépendante des<br />

effets environnementaux communs : hérédité. » La formulation est plus claire, et<br />

je m’y référerai parfois.<br />

21. Brandon & Mc Shea (2011, Biology’s first law, University of Chicago Press @) argumentent<br />

fortement en faveur de la thèse selon laquelle la dérive génétique (voir<br />

plus bas) serait une cause importante d’évolution, et la sélection serait en grande<br />

partie stabilisante.

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