22.06.2013 Views

Sanda-Maria ARDELEANU Nicoleta MOROŞAN IMAGINAIRE ...

Sanda-Maria ARDELEANU Nicoleta MOROŞAN IMAGINAIRE ...

Sanda-Maria ARDELEANU Nicoleta MOROŞAN IMAGINAIRE ...

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

<strong>Sanda</strong>-<strong>Maria</strong> <strong>ARDELEANU</strong><br />

<strong>Nicoleta</strong> <strong>MOROŞAN</strong><br />

<strong>IMAGINAIRE</strong> LINGUISTIQUE<br />

(Note de curs)<br />

_____________________________________________________________________<br />

SOMMAIRE<br />

ARGUMENT<br />

1. Perspective de recherche linguistique 3<br />

2. Hypothèse de travail 3<br />

3. Objectifs envisagés<br />

4. Bibliographie 4<br />

5. Evaluation: corpus, enquête et analyse systémique 5<br />

CHAPITRE I<br />

Qu’est-ce que la sociolinguistique ? 6<br />

I. 1. Points de repère 6<br />

I. 1. a. Résumé 7<br />

I. 1. b. Test de validité 8<br />

CHAPITRE II<br />

Eléments méthodologiques de recherche en sociolinguistique :<br />

LE CORPUS ET L’ENQUETE 9<br />

II. 1. Le corpus – pertinence générale 10<br />

II. 2. Analyse contrastive des éléments supposés par une enquête 11<br />

II. 2. 1. Structure binaire des possibles media comportés par 11<br />

I. 2. 1. 1. a. Résumé 13<br />

II.2. 1. 1. b. Test de validité 14<br />

II. 2. 2. Atouts et failles de l’entretien par rapport au questionnaire 14<br />

II. 2. 2. 1. Degrés de liberté supposés par l’entretien par rapport au questionnaire<br />

15<br />

II. 2. 2. 2. Suggestions pour des corpus personnels 18<br />

II. 2. 2. 3. Le roumain vu depuis la France à la fin du XX-e siècle 19<br />

II. 2. 2. a. Résumé 26<br />

II. 2. 2. b . Test de validité 26<br />

1


CHAPITRE III<br />

Dynamique linguistique et Norme : le système normatif de l’Imaginaire<br />

Linguistique 27<br />

III. 1. Genèse du concept et de la théorie de l’Imaginaire Linguistique 27<br />

III. 2. Définition 29<br />

III. 3. Dynamique linguistique et norme 29<br />

III. 4. Le système normatif de L’Imaginaire Linguistique 33<br />

III. 5. La réalité d’un concept : L’Unes langue 37<br />

III. a. Résumé 39<br />

III. b. Test de validité 40<br />

CHAPITRE IV<br />

Analyse systémique : L’Imaginaire Linguistique et l’interaction<br />

sujet/discours/dynamique linguistique 41<br />

IV. 1. Argumentaire d’une étude – investigation sur les écrits de Marin Preda 42<br />

IV. 2. L’importance de la parole, du mot chez Marin Preda 43<br />

IV. 3. Les romans de Preda et le “plaisir du langage” 44<br />

IV. 4. Etude sur l’Imaginaire Linguistique dans Morometii (Les Moromete) de<br />

Marin Preda 45<br />

IV.4. 1. Repères théoriques et méthodologiques 44<br />

IV.4. 2. A la recherche des normes linguistiques 45<br />

IV. a. Résumé 50<br />

IV. b. Test de validité 50<br />

ANNEXES<br />

A. Sous-corpus avec des éléments d’ordre phonétique, morphologique et<br />

syntaxiques propres à la variété de langue parlée décrite 51<br />

B. Sous-corpus avec des lexèmes et structures devenus des indices de<br />

l’appartenance politique (ou vers la langue de bois) 52<br />

C. Sous-corpus avec des mots inventés 53<br />

D. Sous-corpus illustrant la formation des noms propres à partir de surnoms 54<br />

E. Sous-corpus avec des figures du langage 55<br />

F. Sous-corpus avec de jugements évaluatifs sur le langage, la langue et l’unes<br />

langue 56<br />

G. Sous-corpus avec des appréciations sur la qualité de la langue 57<br />

H. Sous-corpus avec des précisions (clarifications) d’ordre sémantique 59<br />

I. Sous-corpus illustrant le « langage silencieux » 60<br />

J. Sous-corpus avec des exemples sur le rôle du mot dans la narration 61<br />

K. Sous-corpus avec des exemples sur le rôle du mot dans la définition des<br />

attitudes et des comportements des sujets parlants du deuxième degré 62<br />

REPERES BIBLIOGRAPHIQUES<br />

2


ARGUMENT<br />

1. PERSPECTIVE DE RECHERCHE LINGUISTIQUE<br />

Les êtres humains ne parlent pas tous de la même manière. Tout en obéissant en<br />

grand à une norme générale, qui dresse le contour d’une langue standard, nous avons<br />

chacun notre façon de nous exprimer, qui, des fois, suppose un écart à La Norme. Ce<br />

faisant nous sommes, d’une part, conditionnés par des faits extralinguistiques tels la<br />

classe sociale, la profession, l’âge, le sexe, mais d’autre part, nous réjouissons aussi<br />

d’une certaine liberté d’opérer un choix parmi la multitude des formulations possibles<br />

lors de l’expression de nos pensées. L’actualisation des mots et puis leur agencement<br />

dans des syntagmes est à notre volonté. La sociolinguistique est un domaine linguistique<br />

qui s’occupe de la description de la langue employée par des sujets parlants, sujets qui<br />

se regroupent dans des communautés linguistiques selon les facteurs extralinguistiques<br />

qui leur sont communs. D’où il résulte que l’univers linguistique d’un sujet parlant a<br />

une double nature, autant prévisible qu’imprévisible. Le mélange de proportions<br />

différentes engendre l’imaginaire (voire linguistique) d’un sujet qui, bien<br />

qu’appartenant à tel groupe, selon des critères sociaux, peut s’en différencier en utilisant<br />

à son gré des éléments linguistiques apparemment appropriés à tel ou tel autre groupe.<br />

2. HYPOTHÈSE DE TRAVAIL<br />

Ayant comme point de repère le concept de communauté sociolinguistique et<br />

ensuite celui d’imaginaire linguistique conformément auxquels chaque sujet parlant<br />

exprime ses pensées d’une manière qui, tout en obéissant plus ou moins à la norme, est<br />

propre à plusieurs sujets qui partagent le même statut, ou qui sont conditionnés par les<br />

mêmes éléments, nous allons vous proposer, avec Anne-Marie Houdebine des<br />

instruments méthodologiques qui assurent la pertinence de toute analyse linguistique. Il<br />

s’agit du corpus et de l’enquête linguistique. La démarche proposée se réalisera donc<br />

dans deux temps, à savoir :<br />

1) l’identification de l’influence des facteurs extralinguistiques (la classe<br />

sociale, la profession, l’ âge, le sexe) sur l’univers linguistique du sujet<br />

parlant ;<br />

2) la décomposition et par la suite la recomposition de l’imaginaire linguistique<br />

du même sujet parlant.<br />

L’investigation se fera à travers un corpus de textes et suite à une enquête<br />

linguistique.<br />

3


3. OBJECTIFS ENVISAGÉS<br />

Notre cours se propose d’inciter son lecteur à réfléchir sur sa manière de<br />

s’exprimer, de parler ainsi que de se rendre compte, par la suite, des ressemblances qui<br />

le font adhérer à un groupe ou bien des différences qui le distinguent d’un autre.<br />

Nous avons aussi l’intention d’amener le public de ce cours à remarquer<br />

l’opposition norme/usage qui finalement nous conduit à la conclusion que la langue<br />

n’est pas régie uniquement par une seule norme, mais par plusieurs normes qui<br />

coexistent. (v. le Tableau des normes de l’Imaginaire Linguistique d’Anne-Marie<br />

Houdebine).<br />

La sensibilisation du public au sujet de l’imaginaire linguistique propre à tout<br />

locuteur aura lieu à base de corpus et d’enquête linguistique. Pour ce faire, un autre<br />

objectif du cours est d’induire chez son public la rigueur et l’utilisation optimale des<br />

moyens qui permettent la conscientisation de l’idiosyncrasie langagière.<br />

Finalement, après une présentation théorique des concepts sus-mentionnés, le<br />

cours offre à son public un exemple concret de constitution de corpus et d’investigation<br />

sociolinguistique.<br />

4. BIBLIOGRAPHIE<br />

La bibliographie doit contenir autant une bibliographie de référence pour la<br />

constitution d’un corpus à base de recueil de textes, qu’une bibliographie critique où<br />

l’on puise les concepts au moyen desquels on effectue l’analyse linguistique. Nous<br />

tenons pour obligatoire :<br />

1. <strong>ARDELEANU</strong>, <strong>Sanda</strong>-<strong>Maria</strong>, 1995, Repere în dinamica studiilor pe text. De la o<br />

Gramatica Narativă (GN) către un model de Investigaţie Textuală (IT), Editura<br />

Didactică si Pedagogică, Bucureşti.<br />

2. <strong>ARDELEANU</strong>, <strong>Sanda</strong>-<strong>Maria</strong>, 1996, L'Imaginaire linguistique -sa théorie, în Analele<br />

Universitaţii “Ştefan cel Mare ", Suceava.<br />

3. BAYLON, Christian, FABRE, Paul : Initiation à la linguistique, 1999, Nathan, Paris.<br />

4. HOUDEBINE-GRAVAUD, Anne-Marie, 1982, « Norme, imaginaire linguistique et<br />

phonologie du français contemporain ». La norme, concept sociolinguistique, Le<br />

Français moderne, 1, Paris, Cilf, pp. 42-51.<br />

5. HOUDEBINE-GRAVAUD, Anne-Marie, 1983, Sur les traces de l'Imaginaire<br />

Linguistique, dans Parlers masculins, parlers féminins, Delachaux -Niestlé, Paris.<br />

6. HOUDEBINE-GRAVAUD, Anne-Marie, 1985, Pour une linguistique synchronique<br />

dynamique, La Linguistique, vol. 21, PUF, Paris.<br />

7. HOUDEBINE-GRAVAUD, Anne-Marie, 1995, «L'unes langue », ELOY, J .-M.,<br />

(ed), La qualité de la langue, le cas de français, Paris, Champion, Politique linguistique,<br />

pp. 95-121.<br />

4


8. LABOV, W., 1976, Sociolinguistique, Minuit, Paris.<br />

•<br />

•<br />

•<br />

5. EVALUATION : CORPUS, ENQUETE ET ANALYSE<br />

SYSTEMIQUE<br />

Dossier individuel ou collectif avec des parties obligatoirement individuelles<br />

(constitution du corpus)<br />

Les dossiers sont à remettre la première semaine de la pré- session<br />

d’examens<br />

Plan du dossier :<br />

1. Présentation du corpus, des critères de pertinence mis en oeuvre, de<br />

l’hypothèse de travail<br />

2. Analyse du corpus dans la perspective de l’Imaginaire Linguistique<br />

3. Conclusions<br />

5


CHAPITRE I<br />

QU’EST-CE QUE LA SOCIOLINGUISTIQUE ?<br />

La langue ne constitue pas une entité figée grâce à laquelle on nomme la<br />

réalité. De par cette nature qui lui est propre, de nommer la réalité, elle change en<br />

même temps que celle-ci. Mais la transformation n’a pas lieu uniquement avec le<br />

passage du temps, en diachronie mais aussi en synchronie, de par la coexistence de<br />

plusieurs strates.<br />

C’est la raison pour laquelle au même moment sur l’axe du temps les sujets<br />

parlants d’une langue se distinguent l’un de l’autre selon le choix qu’ils opèrent<br />

dans le matériel linguistique dont ils se servent pour s’exprimer.<br />

I. 1. POINTS DE REPERE<br />

Tout comme les constituants de ce nom composé l’indiquent, la<br />

sociolinguistique désigne un domaine dans l’analyse de la langue. La relation qui<br />

réunit ces deux radicaux, socio + linguistique est une relation de subordination, où<br />

socio remplit une fonction restrictive face au terrain vaste de la linguistique générale.<br />

Ainsi cette relation rétrécit-elle le domaine d’analyse d’une langue aux influences<br />

subies par celle-ci de la part d’un facteur extralinguistique, à savoir la société.<br />

Nous parlerons donc d’un domaine situé à la confluence entre la présentation<br />

descriptive et formelle d’une langue - envisagée comme code unique - et la société qui<br />

emploie cette langue en tant qu’instrument de communication.<br />

Nous avons à faire à une étude de nature interdisciplinaire, parue en 1960 aux<br />

Etats Unis grâce aux travaux de William Labov. Son objet est constitué par la variation<br />

corrélative systématique de la structure d’une langue avec la structure de la<br />

communauté qui l’emploie.(cf. A.B.Vranceanu, 2001 : 490)<br />

Pour plus de précision, la société est constituée par des sujets réunis dans un<br />

ensemble grâce à des liens durables et organisés, en vue d’un intérêt général. Comme<br />

nous pouvons remarquer dans cette définition, mettre en oeuvre l’intérêt général<br />

suppose “ des liens durables et organisés ” entre les membres du groupe social en<br />

question, ce qui, à son tour, entraîne la présence de la communication entre les<br />

membres respectifs. Mais il y a là un processus cyclique, clos sur lui-même, car la<br />

communication sociale entre les sujets parlants, pour pouvoir perdurer et dépasser le<br />

stade des variations individuelles permises en fonction de la personnalité de chacun,<br />

doit obéir, à un premier degré, à une norme. Pour pouvoir opérer l’identification des<br />

sujets au groupe social dont ils font partie, elle doit obéir à certains écarts de la norme,<br />

à certaines conventions. Conventions qui à leur tour sont sujettes à la variation en<br />

fonction des changements dans la vie de la société. Et l’interaction entre la langue et<br />

ces conventions fait l’objet de la sociolinguistique.<br />

Les personnes partageant la même profession feront souvent appel à des<br />

6


structures linguistiques relevant de l’appelation des aspects supposés par le métier en<br />

question. On parlera alors d’un jargon ou technolecte.<br />

Ensuite la langue véhiculée par un sujet est sujette à son sexe, à sa localisation<br />

géographique, (ce qui fait l’objet de la géolinguistique) et au registre de discours. Tous<br />

ces quatre facteurs sont appelés aussi des variables extralinguistiques.<br />

Tous ces facteurs créent le contexte de la communication, c’est-à-dire<br />

“l’ensemble des éléments situationnels, extralinguistiques, au sein desquels se situe<br />

l’acte d’énonciation de la séquence linguistique”.(C.Baylon, P. Fabre, 1999 : 194). A<br />

l’intérieur de ce contexte on parle d’éthnographie de la communication qui “s’intéresse<br />

à la manière dont les éléments linguistiques s’organisent dans le cadre d’un échange de<br />

manière à créer un contexte de communication”(G. Siouffi, D.Van Raemdonck, 1999 :<br />

36).<br />

Comme nous avons déjà anticipé, le concept clé de la sociolinguistique de<br />

Labov est la variation qui puise son essence dans les quatre variables. Nous<br />

inventorierons alors une variation sociale qui exprime la stratification sociale d’une<br />

variable linguistique et une variation stylistique qui apparaît avec le changement des<br />

registres de discours ( du formel au familier) par le même locuteur. (O. Ducrot, J.M.<br />

Schaeffer, 1996 : 97).<br />

La sociolinguistique ne fait qu’entériner l’idée que la langue est en perpetuel<br />

changement, puisque la réalité extralinguistique se transforme, la langue suit le rythme,<br />

en s’y adaptant.<br />

A part la sociolinguistique variationniste de Labov, il y a aussi comme sous<br />

branches l’ethnographie de la communication et la sociolinguistique interactionnelle.<br />

L’ethnographie de la communication analyse, comparativement, les événements<br />

linguistiques propres à chaque société et à chaque culture.<br />

II. 1. a. Résumé<br />

La sociolinguistique représente la présentation descriptive et formelle d’une<br />

langue en tenant compte de la manière dont les facteurs extralinguistiques exercent leur<br />

influence sur la langue employée par le sujet parlant. Elle ne travaille pas avec « des<br />

énoncés idéaux », réalisés selon les normes imposées par la description normative d’une<br />

langue, mais avec des énoncésdéjà produits dans l’activité langagière. Les facteurs<br />

extralinguistiques qui influent sur la langue employée par un sujet parlant sont : la<br />

classe sociale, la profession, le sexe, la localisation géographique. L’unité minimale qui<br />

sous-tend la sociolinguistique est le concept de variation de la langue qui dépend des<br />

quatre variables sus-mentionnées.<br />

En conclusion, la langue, parlée au sein de la société, est conditionnée par les<br />

facteurs inhérents à la société.<br />

7


II. 1. b. Test de validité<br />

1) Délimitez le champ de la sociolinguistique dans le cadre de la linguistique générale.<br />

2) Définissez le concept clé qui étaye la sociolinguistique de William Labov.<br />

3) Quels sont les facteurs extralinguistiques qui influent sur la langue employée par un<br />

sujet parlant ?<br />

4) En vous prenant vous-mêmes comme objet d’observation, pouvez-vous désigner la<br />

manière dont les facteurs extralinguistiques conditionnent votre choix d’expression<br />

linguistique ?<br />

8


CHAPITRE II<br />

ELÉMENTS MÉTHODOLOGIQUES DE RECHERCHE EN<br />

SOCIOLINGUISTIQUE : LE CORPUS ET L’ENQUETE<br />

L’enquête sociolinguistique est une méthode, un ensemble de stratégies,<br />

donc, déployées par le chercheur en vue de recueillir des données linguistiques<br />

chez les sujets parlants afin de les analyser dans le cadre de la sociolinguistique.<br />

Elle représente un processus à trois volets, impliquant deux pôles, l’instance<br />

déclenchatrice de messages et ultérieurement réceptrice des messages en question<br />

et l’instance émetteuse des messages sollicitées. Nous pourrions parler d’un<br />

mouvement circulaire et non pas uniquement à double sens, bien qu’il ne comporte<br />

en réalité que deux pôles, tant que le premier assume consécutivement une double<br />

nature, celle de provocateur de message et de récepteur du message provoqué.<br />

Nous pouvons visualiser ce processus selon le schéma suivant :<br />

Instance<br />

déclenchatrice<br />

Instance<br />

réceptrice<br />

Instance<br />

productrice<br />

Tableau 1 :<br />

Représentation des instances intervenant dans le cadre d’une enquête<br />

9


II. 1. CORPUS - PERTINENCE GENERALE<br />

Une étape sine qua non dans l’analyse sociolinguistique d’un sujet parlant est<br />

représentée par la constitution d’un corpus pertinent à analyser. Le corpus réside dans<br />

un ensemble fini d’énoncés, composé de textes écrits ou oraux (enregistrés sur la bande<br />

d’un magnétophone), formant un échantillon représentatif pour la langue sujette à la<br />

description homogène en tant qu’étape historique et en tant que variation stylistique et<br />

dialectale. (cf. A. B. Vrinceanu, 2001 : 147)<br />

Ainsi les critères que l’on doit respecter dans la création d’un corpus pour que<br />

celui-ci ne fausse pas notre perception sur l’univers linguistique d’un sujet, sont-ils :<br />

1) représentativité : les énoncés recueillis, qu’ils aient été produits<br />

oralement ou par écrit, doivent être représentatifs pour le sujet qui les<br />

émet, en l’identifiant à un moment donné de son existence. Pour être<br />

pertinents donc, les énoncés doivent être doués de récursivité pour un<br />

univers linguistique, en sorte que la projection des données extraites<br />

après leur analyse soit valide pour la totalité de la langue employée<br />

par un sujet ;<br />

2) homogénéité : pour faire une analyse sociolinguistique comparative<br />

pour plusieurs sujets parlants, le corpus doit être homogène du point<br />

de vue des critères qui ont mené à sa constitution ;<br />

3) cohésion temporelle : les échantillons ainsi formés doivent présenter<br />

une cohésion temporelle, c’est-à-dire être recueillis à un moment T<br />

de l’existence du sujet puisque l’âge constitue un facteur<br />

extralinguistique qui entraîne d’autres, comme le choix d’une<br />

profession et, par conséquent, l’appartenance à une classe sociale, ce<br />

qui influe sur la langue employée ;<br />

4) finitude : avant de procéder à l’analyse sociolinguistique, on doit<br />

avoir un corpus qui appréhende tous les aspects que l’on se doit<br />

d’investiguer ;<br />

5) adéquation : le corpus doit être adapté au but de la recherche.<br />

10


II. 2. ANALYSE CONTRASTIVE DES ELEMENTS<br />

SUPPOSES PAR UNE ENQUETE<br />

Dans le chapitre à suivre nous allons analyser la structure binaire des<br />

possibles media par l’intermédiaire desquels fonctionne une enquête : l’oral et<br />

l’écrit. Nous tracerons les ressemblances et les différences de ces moyens en<br />

fonction des formes d’enquête qu’ils supposent.<br />

Ensuite nous nous attarderons sur les atouts et les failles supposés par les<br />

deux grandes formes d’enquête, le questionnaire et l’entretien. Nous aurons<br />

comme critère d’analyse le degré de liberté d’expression de la part de l’enquêteur<br />

et de l’enquêté.<br />

II. 2. 1. STRUCTURE BINAIRE DES POSSIBLES MEDIA<br />

COMPORTES PAR UNE ENQUETE : L’ORAL /vs/L’ECRIT<br />

L’enquête, puisqu’elle suppose un processus de communication, fait appel à un<br />

medium qui permette l’échange linguistique. Ce medium peut recouvrir, d’une manière<br />

basique, deux formes : l’oral et l’écrit. Dans le cadre de l’écrit nous aurons aussi une<br />

forme hybride, qui combine les deux : l’écrit oralisé. Une troisième forme possible,<br />

considérée comme la plus profitable, associe l’entretien oral et l’enquête écrite.<br />

D’une manière générale, l’oral suppose une plus grande liberté que l’écrit,<br />

puisque impliquant un processus qui se développe linéairement sur l’axe du temps, où<br />

chaque production langagière est sanctionnée, où l’on ne peut plus reculer et effacer ce<br />

que l’on vient de dire. Ayant la pression du temps le sujet est forcé à parler, il a donc<br />

moins de temps pour se censurer, ce qui peut mener à son emportement sur le sujet,<br />

emportement qui devient garant de la sincérité de ses propos et, dans la perspective de la<br />

sociolinguistique, de l’authenticité de l’expression linguistique. L’oral reste sous le<br />

signe de l’axe syntagmatique « où les signes en relation sont présents conjointement<br />

dans la chaîne parlée ».(G. Siouffi, D. Van Raemdonck, 1999 : 88). Un syntagme<br />

entraîne, forcément, un autre, le choix dans la manière d’exprimer une autre pensée<br />

ayant lieu d’opération uniquement mentalement, car une fois avoir fait une remarque le<br />

sujet ne peut plus en effacer le souvenir, au cas où il voudrait la rectifier il lui faudra<br />

produire d’autres énoncés, ce qui ne fait que renchérir sur la spontanéité des propos, et<br />

donc sur l’authenticité de la langue employée. L’oral laisse place à des pauses, à des<br />

réticences dans le choix du mot le plus approprié au contexte, à des reprises de la même<br />

idée dans plusieurs syntagmes qui correspondent dans l’esprit du sujet enquêté de mieux<br />

en mieux à sa pensée.<br />

L’écrit, par contre, se trouve sous l’incidence de l’axe paradigmatique qui, dans<br />

un sens récent désigne « l’ensemble des unités qui peuvent commuter avec une unité<br />

linguistique donnée, c’est-à-dire qui peuvent apparaître dans le même contexte<br />

qu’elle. »( G. Siouffi, D. Van. Raemdonck, 1999 : 88) Puisqu’il dispose d’un certain<br />

laps de temps, l’écrit suppose toujours un surplus d’attention de la part du sujet vis-à-vis<br />

11


de ce qu’il produit. Il a le temps d’opérer un choix parmi toutes les variantes possibles<br />

d’exprimer une pensée.<br />

Pour revenir à l’enquête, son unité minimale est constituée par la question. Les<br />

questions peuvent être à leur tour groupées dans un questionnaire ou faire partie<br />

intégrante d’un entretien.<br />

Pour ce qui est de l’entretien, il ne peut être qu’oral. La définition donnée par le<br />

Dictionnaire Larousse à l’entretien est « une conversation suivie » (Larousse, 1999). La<br />

conversation aura donc lieu oralement, soit face à face, soit par téléphone. Le rôle joué<br />

par l’enquêteur acquiert une importance considérable, dû au fait que le processus<br />

d’enquête n’aura pas lieu intégralement selon les pas antérieurement projetés par<br />

l’enquêteur, à cause des nombreux facteurs paralinguistiques et extralinguistiques qui<br />

interviendront soit comme adjuvants dans la transmission d’un message, soit comme<br />

opposants à la même transmission. Il s’agit de traits suprasegmentaux, l’intonation avec<br />

l’accentuation particulière de certains mots, l’enchaînement des unités phonologiques<br />

ou bien les signes gestuels qui peuvent accompagner les mots. L’enquêteur doit tenir<br />

compte de ces éléments contextuels à double sens et essayer de les maîtriser au<br />

maximum, car lorsque venant de sa part, ils peuvent dénoter des attitudes qui sont<br />

susceptibles d’influer sur le feed-back de l’enquêté, tandis que venant de la part de<br />

l’enquêté, ils renchérissent sur le message intentionné par celui-ci.<br />

L’oral est aussi le canal qui favorise l’interaction enquêteur – enquêté : selon le<br />

type d’entretien envisagé, l’enquêteur a l’occasion d’expliciter ses questions au moment<br />

où celles-ci ne sont pas très claires pour l’enquêté, ou peut se permettre d’intervenir<br />

dans le discours de l’enquêté au moment où celui-ci se retrouve dans une impasse, en<br />

relançant la discussion sur une question adjacente.<br />

Pour ce qui est du questionnaire, il peut être appliqué exclusivement par écrit,<br />

par correspondance, ou bien il peut être administré sur place, les questions étant<br />

fournies les unes après les autres ou ensemble. Dans ce cas-ci l’écrit prend comme<br />

point d’appui le support oral, ce qui entraînera les contraintes déjà mentionnées de<br />

l’oral.<br />

Des modifications interviendront autant au niveau de l’instance declenchatrice<br />

de réponses qu’au niveau de l’instance productrice de ces réponses.<br />

L’enquêteur, au moment où il lit le questionnaire à l’enquêté s’investit dans sa<br />

lecture. Même s’il tend vers un acte de langage exclusivement constatif, qui se contente<br />

de faire entendre un texte déjà écrit, en réalité l’acte est performatif, l’enquêteur<br />

s’appropriant le texte qu’il lit et délimitant un écart considérable entre la passation d’un<br />

questionnaire oralement et sa passation par écrit. « En résumé, il y a d’un côté, le travail<br />

prescrit de l’enquêteur qui est de poser des questions à partir d’une grille et de l’autre<br />

côté le travail réel qui l’amène à adapter, à bricoler, à faire en quelque sorte une<br />

traduction. Ex. :<br />

E1 : « est-ce qu’il vous arrive de penser à votre mort ? »<br />

E2 : « je m’en fous »<br />

E1 suggère alors « indiférence », bricolant ainsi une reformulation qui lui<br />

permettra de respecter la grille.<br />

Ou une reformulation oralisée du type :<br />

12


E1 « Et vous la connaissez depuis quand, cette personne ?’ à la place de<br />

« Depuis combien d’années connaissez-vous cette personne ? » (Laroussi/Richard-<br />

Zappella, 2001 : 20)<br />

Du côté de l’enquêté, il sera sous la pression du temps, se sentira tenu à formuler<br />

toute de suite une réponse bien agencée puisqu’elle devra être marquée comme telle.<br />

Dans le cadre d’une question fermée, ou l’enquêteur induit des formulations préétablies<br />

de réponses, étant préoccupé par le contenu et non pas par la forme, si les variantes<br />

suggérées sont trop nombreuses, il y a le risque que le sujet enquêté ne garde en<br />

mémoire que les dernières variantes, qu’il les survalorise en opérant son choix<br />

seulement sur ce champ retréci de réponses. (cf. Laroussi/Richard –Zappella, 2001 : 10)<br />

Il y reste quand même un atout valorisé par l’enquêté, au moment où il aura du mal à<br />

surprendre le sens exact d’une question, il pourra demander des éclaircissements, ce qui<br />

garantira la validité du processus d’enquête lui-même, puisque les réponses données<br />

seront conformes aux pensées des sujets questionnés. D’autre part, pourtant, la<br />

médiation personnelle de l’enquêteur doit préserver des limites pour que l’enquête reste<br />

un processus contrôlé par l’enquêteur.<br />

Quant au questionnaire écrit administré par correspondance, l’enquêteur s’y rend<br />

présent uniquement par l’intermédiaire du moyen auquel il recourt pour atteindre son<br />

but, le seul medium employé étant donc l’écrit. « Dans ce cas, l’enquêté dispose de<br />

l’ensemble des questions, et peut plus facilement choisir son ordre de réponses, ses<br />

stratégies, et le temps qu’il passera à répondre aus questions. Il peut aussi revenir en<br />

arrière et modifier certaines réponses en fonction du déroulement des questions, pour<br />

introduire une cohérence entre ses diverses réponses. » ( Laroussi,/Richard-Zappella,<br />

2001 : 5)<br />

Nous nous faisons un devoir de mentionner donc le fait que, à mettre en balance<br />

les résultats obtenus à la suite des deux formes d’enquête, l’écrit suppose un degré plus<br />

élevé d’objectivité, puisque ne pas favorisant l’expression libre des attitudes de<br />

l’enquêteur, susceptible de modifier l’expression linguistique de son interlocuteur.<br />

II. 2. 1. 1. a. RESUME<br />

Pour réaliser une enquête sociolinguistique nous avons à notre disposition deux<br />

canaux : l’oral et l’écrit. Font appel au medium oral l’entretien et le questionnaire<br />

oralisé. L’oral favorise l’interaction enquêteur et l’enquêté. C’est une source privilégiée<br />

pour l’enquête sociolinguistique puiqu’il laisse voir les brouillons de l’élaboration des<br />

réponses des sujets enquêtés, des termes repris à peine esquissés, des tentatives de<br />

constructions syntaxiques considérées à mi-chemin comme défaillantes pour la forme de<br />

la pensée, des répétitions d’un syntagme pris comme point de repère auquel on revient<br />

après un départ sur une fausse piste, des mots-valise, des hésitations et des ambiguités<br />

morphosyntaxiques.<br />

L’écrit représente la forme finale du processus de construction du sens où<br />

l’enquêté a déjà établi sa propre hiérarchie dans les formes d’expression des pensées qui<br />

lui sont venues à l’esprit.<br />

13


En conclusion, pour une enquête sociolinguistique le choix du medium doit être<br />

fait en fonction de l’objectif principal que l’enquêteur se propose. Si l’intérêt majeur est<br />

d’observer la manière dont les processus mentaux sont traduits verbalement, nous<br />

conseillons l’oral. Si, au contraire, ce qui nous intéresse est l’expression soignée du<br />

sujet enquêté, nous optons pour l’écrit.<br />

II. 2. 1. 1. b. TEST DE VALIDITE<br />

1) Quels sont les types d’enquête qui se prêtent à l’oral et lesquels qui font<br />

appel au canal écrit ? Quelles en sont les conséquences ?<br />

2) Au sujet “La publicité est indispensable” donnez votre opinion oralement et<br />

ensuite par écrit et remarquez les différences.<br />

II. 2. 2. ATOUTS ET FAILLES DE L’ENTRETIEN PAR<br />

RAPPORT AU QUESTIONNAIRE<br />

Et l’entretien et le questionnaire sont étayés sur l’unité minimale appelée<br />

question. La différence résidera dans la forme des questions, ou, plutôt, dans la<br />

forme des réponses requises par les questions, leur enchaînement et le canal que<br />

l’on considérera approprié pour leur transmission. Pour ce qui est du<br />

questionnaire le sujet enquêté se sent plus ou moins contraint à adopter une<br />

attitude que nous pourrions appeler comportementale, de type stimulus – réponse,<br />

et, par conséquent, à formuler une réponse immédiate, aussi concentrée que<br />

possible. Dans un entretien, qui est censé durer plus longuement, l’enquêté est<br />

conscient qu’il a plus de temps à s’exprimer, ce qui favorisera son expression<br />

linguistique. Aussi pouvons – nous affirmer que du point de vue du positionnement<br />

d’un sujet dans son dire, il a une capacité plus large de refléter la langue employée<br />

par un sujet parlant.<br />

II. 2. 2. 1. DEGRES DE LIBERTE SUPPOSES PAR LE<br />

QUESTIONNAIRE PAR RAPPORT A L’ENTRETIEN<br />

Selon Laroussi/Richard-Zappella le questionnaire, « ensemble de questions<br />

préétablies », connaît une typologie tracée conformément au type de questions qui le<br />

sous-tend. Nous allons donc distinguer :<br />

- la question ouverte<br />

14


- la question fermée<br />

- la question cafétéria.<br />

Quant à l’entretien, il connaît quatre modes de manifestation :<br />

- l’entretien semi-directif<br />

- l’entretien « film-action »<br />

- autre type d’interview semi-guidée.<br />

- l’entretien non-directif<br />

Grosso modo, l’entretien suppose un degré de liberté supérieur au questionnaire,<br />

d’une part de la perspective de l’enquêteur, dans le choix de la voie à suivre par le<br />

déroulement de son enquête, et d’autre part du point de vue de l’expression du sujet<br />

enquêté. Analysons maintenant, dans le cadre de chaque forme d’enquête, la hiérarchie<br />

de ces degrés.<br />

Sur un axe qui présente les forme d’enquête sociolinguistique selon les critères du degré<br />

croissant de liberté d’expression nous aurons :<br />

Question ouverte<br />

Question cafétéria<br />

Question fermée<br />

Entretien non directif<br />

Entretien film-action<br />

Entretien semi guidé<br />

Tableau 1 : le degré croissant de liberté des différentes formes d’enquête<br />

La question ouverte est le meilleur moyen conseillé lorsque l’on veut réaliser<br />

une analyse linguistique sur la forme recouverte par une diversité de propos d’un sujet<br />

parlant. Ce genre de question est le plus approprié pour déclencher la mise en marche de<br />

l’univers linguistique d’un sujet. Les réponses qu’elle réclame, complètement libres de<br />

toute contrainte formelle ou de contenu, de par leur ampleur, sont susceptibles de trahir<br />

des conditions extralinguistiques, sous l’empreinte desquelles se retrouve le sujet<br />

parlant (comme la classe sociale, la profession, le métier). En même temps il faut faire<br />

la mention qu’il n’est pas rare de rencontrer la situation où les attentes linguistiques vis-<br />

15


à-vis d’un sujet parlant, déjà rentré dans une certaine catégorie du point de vue de sa<br />

classe sociale et de son métier, soient renversées, et de remarquer, en fait, un<br />

télescopage surprenant de divers registres linguistiques, par exemple.<br />

Si nous dressons un parallèle entre le questionnaire et l’entretien nous<br />

remarquerons que les quatre types d’entretien ne sont qu’amplification de questions<br />

ouvertes. Cela nous amène à remarquer que l’analyse des réponses fournies par le sujet<br />

enquêté sera à double volet, un qui relèvera du contenu et l’autre, qui nous intéresse<br />

particulièrement, de la forme linguistique d’expression des opinions du sujet.<br />

Le type d’entretien le plus utilisé dans la sociolinguistique est l’entretien semidirectif<br />

ou « l’enquêtateur a la liberté d’introduire comme il veut et dans l’ordre qu’il<br />

veut les thèmes qui doivent être abordés »(Laroussi/Richard – Zappella, 2001 : 6). En<br />

même temps son attitude est tant soit peu déterminée dans le sens où il possède déjà les<br />

questions qu’il va poser. Il joue donc sur la subjectivité lors de son déroulement, dans<br />

les conditions où l’enquêteur manifeste explicitement ses attitudes, provoquant<br />

l’enquêté à relever le défi et réagir non pas uniquement aux questions qui lui sont<br />

posées, mais aussi d’assumer une position envers l’attitude affichée par son<br />

interlocuteur. L’interprétation des données, par contre, tiendra compte de toutes les<br />

nuances dans l’attitude linguistique à part entière de l’enquêteur. Simultanément ce<br />

type d’entretien est optimal pour observer la place que le sujet enquêté assume<br />

inconsciemment par rapport aux “stéréopisations langagières liées aux stéréotypes<br />

sociaux auxquels il est soumis.”(Laroussi/Richard – Zappella, 2001: 6).<br />

Un autre type d’entretien est l’entretien semi-guidé dans le cadre duquel on<br />

retrouve deux formes : l’entretien film-action et l’entretien de groupe.<br />

Si dans l’entretien semi-directif le sujet devait réagir à des questions ouvertes en<br />

élaborant des réponses qui, ayant comme point de repère l’expérience, étaient investies<br />

d’une nature synthétique, dans l’entretien film-action l’enquêteur le pousse à revivre un<br />

moment de sa vie, ce qui, de nouveau, est un moyen très efficace d’obtention de<br />

morceaux de langue authentiques. Etant demandé de reproduire exactement des<br />

événements passés, tels qu’ils surgissent dans sa mémoire, le sujet enquêté se<br />

concentrera moins sur la forme qu’il sait que ses propos devraient recouvrir, et plus sur<br />

l’expression fidèle du contenu réclamé. Le degré de censure est, donc, au plus bas<br />

degré.<br />

Si jusque-là nous nous sommes arrêtés sur des interviews individuelles, il faut<br />

rappeler aussi l’entretien semi-guidé de groupe qui agit sur le même principe de la part<br />

de l’enquêteur mais fonctionne différemment quant à l’instance représentée par le sujet<br />

enquêté. Le nombre, généralement dans les 12 personnes, devient un élément<br />

considérable dans le déroulement de l’entretien. Il devra être constitué par des sujets<br />

homogènes du point de vue de l’appartenance sociale ou ethnique.<br />

Pour ce qui est de l’entretien non-directif, l’enquêteur propose un sujet de<br />

discussion, la tâche de l’enquêté étant de discourir sur le sujet en question. Même<br />

lorsque le thème de l’entretien est posé comme un titre, comme par exemple :<br />

« Comparaison n’est pas raison », l’enquêté est implicitement demandé de donner son<br />

16


avis là-dessus. On sous-entend donc des questions telles : « Qu’en pensez-vous ? »,<br />

« Et vous, êtes-vous d’accord avec cette idée ? »<br />

Comme l’appellation de ce type d’entretien nous l’indique, l’enquêté, une fois<br />

avoir posé le thème, s’efface en tant que pôle d’opinion, manifestant sa présence<br />

uniquement par des formules destinées à assurer l’enquêté que ses opinions sont<br />

écoutées et suivies sans interruption. Celui-ci n’est donc pas astreint à s’engager dans<br />

une certaine voie. Cela fait que même les interventions à caractère phatique destinées à<br />

maintenir le contact entre les instances énonciatives seront faites selon les règles de la<br />

politesse mais, si l’on considère les traits suprasegmentaux, d’une voix neutre, où ne<br />

transparaisse pas l’attitude de l’enquêteur, soit-elle positive ou négative, en réalité,<br />

envers les propos qui viennent d’être tenus. Le degré de liberté fonctionne donc à<br />

double sens, l’enquêteur, une fois avoir lancé un sujet de discussion, n’a plus aucune<br />

obligation d’apporter sa contribution au déroulement de l’entretien. De la part de<br />

l’enquêteur cela ne requiert pas de travail laborieux en préalable sur l’ordre des<br />

questions. Les techniques de relance de la parole se concrétiseront dans des formules<br />

telles : « oui, oui », « je vois » », « ah ! bon », cf. (Laroussi/Richard-Zappella, 2001 : 6)<br />

Cela préserve le bien-être de l’enquêté qui, tout en étant conscient d’avoir assumé un<br />

rôle dans l’activité verbale en déroulement, du point de vue de la langue qu’il va<br />

employer, sentira moins de contraintes. Il peut arriver ainsi à se laisser emporter, se<br />

censurer moins à des moments, ce qui, vu la nature de l’oral déjà discutée, donne lieu à<br />

une observation vraisemblable sur la langue employée par un sujet parlant.<br />

Nous avançons maintenant vers l’aire des moyens qui nous aident à réaliser des<br />

enquêtes sociolinguistiques caractérisées par un bas degré de liberté. Il s’agit de<br />

questionnaires sous-tendus par la question fermée et la question cafétéria. Toutes les<br />

deux précatégorisent les réponses des sujets enquêtés qui expriment leur personnalité<br />

seulement à base de contenu et non pas de la forme linguistique de leurs opinions.<br />

La question fermée “pre-asserte les réponses possibles et se borne à donner à<br />

l’enquêté le choix entre tel ou tel item proposé.” (Laroussi/Richard-Zappella, 2001 : 10)<br />

Ce type de question présente moins d’intérêt pour l’enquête sociolinguistique puisque<br />

centré sur le contenu conçu au préalable et fourni par l’enquêté et non pas sur la forme<br />

linguistique dont l’enquêté entend exprimer ses opinions. Des fois, les formulations déjà<br />

existantes aideront l’enquêté à identifier ses pensées dans une forme qu’il aurait peutêtre<br />

hésité à assumer, ce qui peut entraver une enquête qui se propose d’examiner<br />

l’expression de l’univers linguistique d’un sujet. D’autres fois même la forme et le<br />

contenu des réponses prédéterminées par l’enquêteur peut s’avérer être en inadvertance<br />

avec la forme et le contenu exact des pensées de l’enquêté, donc son choix s’opérera<br />

selon le principe de la répétition déjà existante, la moins éloignée de la réponse qu’il<br />

considérera comme juste.<br />

L’effet général reste, en conclusion, inductif d’une réponse imposée. Afin<br />

d’atténuer cette nature impérative des réponses préétablies on peut venir avec “des<br />

libellés amenant les sujets à choisir non pas la réponse qui correspond à leur position,<br />

mais celle qui leur paraît la plus proche de la leur”. (Larroussi/Richard-Zappella, 2001 :<br />

10)<br />

Pour ce qui est de la question cafétéria on peut l’envisager comme une<br />

prolongation améliorée de la question fermée, puisque tout en offrant des réponses<br />

17


conçues en préalable par l’enquêté, cette fois-ci présentées eventuellement, dans une<br />

certaine hiérarchie, elle fournit la possibilité d’en choisir plusieurs. Par cette possibilité<br />

l’enquêteur essaie de saisir la nature complexe de la personnalité du sujet sondé qui, des<br />

fois peut paraître hétérogène.<br />

En conclusion, quand on fait les trois types de question rentrer dans un<br />

questionnaire, qu’elles y soient toutes présentes, ou qu’il n’y ait qu’un seul type, le<br />

simple fait de poser ces questions-là et ces contenus-là, et non pas d’autres, dévoile un<br />

certain positionnement de l’enquêteur par rapport aux faits relatés.<br />

II. 2. 2. 2. SUGGESTIONS POUR DES CORPUS PERSONNELS A<br />

PARTIR DE L’ENQUETE SOCIOLINGUISTIQUE<br />

Pour réaliser des corpus personnels en vue d’opérer une analyse sur l’imaginaire<br />

linguistique d’un sujet, on doit prêter une attention particulière à la demarche qui<br />

permettrait de déboucher sur la constitution d’un corpus.<br />

Plus concrètement, dans la constitution d’un questionnaire, nous conseillons<br />

l’entrelacement des questions ouvertes, où le sujet enquêté est libre de formuler ses<br />

réponses comme bon lui semble, avec des questions fermées ou des questions<br />

cafétéria (cf. Laroussi/Richard-Zappella, 2001 : 7) où il n’a qu’à cocher une réponse<br />

déjà formulée qui lui paraît convenir le plus à ses opinions. Un nombre trop grand des<br />

deux derniers types de question rend le questionnaire fastidieux, renforçant le<br />

fonctionnement automatique de l’enquêté qui réagira en vertu d’un conformisme aux<br />

réponses déjà fournies. Nous nous devons de mentionner qu’il ne suffit pas, non plus,<br />

d’insérer une seule question ouverte dans une batterie de questions fermées, le sujet<br />

enquêté risquant uniquement d’être perturbé dans son activité et de ne pas mettre à<br />

profit l’occasion d’exprimer fidèlement ses pensées. Il reste à la latitude de l’enquêteur<br />

de décider de l’ordre de la gradation de ces questions. Pour pallier la nature déficitaire<br />

du point de vue de la forme des questions fermées, nous proposons une terminologie<br />

différente des libellés, qui n’aie pas la prétention d’être exhaustive et entièrement<br />

conforme aux attentes des sujets enquêtés, en réclamant le choix d’une réponse non pas<br />

qui corresponde à sa position, mais « qui lui paraisse la plus proche de la sienne. »<br />

Si l’on met au service de notre corpus le questionnaire oralisé, il est souhaitable<br />

que l’enquêteur donne sa couleur au questionnaire qu’il lit, qu’il entre dans une<br />

interaction dynamique avec l’enquêté.<br />

Un autre critère dont il faut tenir compte, c’est la nature de la conversation<br />

engagée. Les sujets devraient recouvrir un terrain assez vaste, autant des sujets familiers<br />

à l’enquêté que des sujets qui ne relèvent pas forcément de la sphère d’intérêt de<br />

l’enquêté, afin de remarquer les éléments qui se retrouvent dans tous les types de<br />

discours et ceux qui seront employés uniquement dans certaines situations, de<br />

remarquer donc le changement de registre.<br />

18


2. 2. 3. LE ROUMAIN VU DEPUIS LA FRANCE A LA FIN DU XX-E<br />

SIECLE<br />

Il est déjà largement connu et accepté qu’un sondage d’opinion est une<br />

démarche qui, au-delà de la connaissance d’une opinion de groupe (s), aide surtout à la<br />

formation d’une opinion (cf. Achard) 1 . Depuis la mise en place du dispositif de<br />

sondages – enquêtes, on peut compter, entre autres, sur la prise de conscience d’un<br />

certain segment de l’opinion (individuelle et/ou collective), ainsi que sur une certaine<br />

objectivation de l’opinion publique qui se trouve confrontée à une interprétation<br />

scientifique des résultats du sondage.<br />

La méthodologie du sondage est basée sur la réalité de l’existence des groupes<br />

sociaux en tant que pluralité de consciences individuelles qui agissent les unes sur les<br />

autres, contribuant au déclenchement d’un mécanisme d’interactions propres aux<br />

“agrégats d’êtres humains” 2 . Réaliser un sondage d’opinion, c’est mettre en marche une<br />

forme de l’éthique de la communication au centre de laquelle la langue apparaît dans ses<br />

manifestations systémiques soumises à la perception et à l’analyse.<br />

Ces observations d’ordre théorique général se constituent dans l’un des volets<br />

des objectifs et des résultats d’un sondage d’opinion sur la langue que nous avons<br />

déployé en 1996 en France 3 .<br />

La formulation du Questionnement d’enquête vise, d’une part, le savoir des<br />

locuteurs interrogés (français ou autres) sur le roumain en tant que langue des Roumains<br />

et, d’autre part, le comportement et l’attitude des sujets parlants envers la langue, en<br />

général. Cette problématique s’est avérée particulièrement intéressante pour nous, suite<br />

aux différents entretiens sur le sujet de la Langue (Saussure) et au fait qu’à Paris on<br />

continue à étudier notre langue à l’Institut des Langues Orientales.<br />

L’étape du dégagement du problème et de sa formulation (cf. Achard), a généré<br />

la forme suivante du questionnaire d’enquête:<br />

PROFIL DE LA PERSONNE ENQUETEE:<br />

Origine Française Par acquisition Étrangère 1 2 3<br />

Tranche d’âge 15-24 25-39 40-59 60 et + 1 2 3 4<br />

Profession et catégorie socio-professionnelle:<br />

1 2 3 4 5 6 7<br />

Diplôme:<br />

1 2 3 4 5<br />

Age à la fin des études classiques:<br />

1 Voir Pierre Achard, La sociologie du langage, coll. “Que sais-je?”, P. N. F., 1996<br />

2 cf. Marcel Mauss, Essais de sociologie, Editions Minuit, 1969<br />

3 Le sondage a bénéficié de l’appui et de la générosité humaine doublée de la compétence professionnelle<br />

de mademoisselle Marie-Martine Pelloux. A ce titre, nous la remercions particulièrement et avouons que<br />

sans elle, notre travail aurait certainement eu une autre forme de manifestation.<br />

19


Pensez – vous que les Roumains sont:<br />

Des slaves Des<br />

latins<br />

# 1 2 3<br />

La langue roumaine est-elle:<br />

Slave Latine # 1 2 3<br />

Quelles raisons ont dicté vos réponses:<br />

On vous l’a dit, vous l’avez lu oui non<br />

Vous avez entendu parler roumain oui non<br />

Vous avez lu du roumain oui non<br />

Vous connaissez des Roumains oui non<br />

Vous avez voyagé en Roumanie oui non<br />

« La seule chose qui me faisait rester muet de fascination, c’étaient les paroles des<br />

gens » (Marin Preda). Qu’est-ce que vous considérez plus efficace ou plus important<br />

dans l’expression des pensées :<br />

L’écrit: Oui Non L’oral Oui non<br />

Exemples ou commentaires :<br />

Même si la formulation des questions a été faite de sorte que l’on puisse<br />

comparer les différentes opinions, nous n’avons pas pu toujours assurer l’homogénéité<br />

de compréhension, vu les situations sociales diverses des personnes enquêtées.<br />

Pour que l’enquête soit significative, elle s’est adressée à 100 personnes<br />

représentatives de l’ensemble de la France. L’échantillon a été établi après les<br />

statistiques de l’I.N.S.E.E. (Institut National de la Statistiques et des Etudes<br />

Economiques). Les documents utilisés proviennent du Recensement de la Population de<br />

1990: sondage au ¼.<br />

Le document France métropolitaine NAT1 – Nationalités indique, pour<br />

l’ensemble de la population, le nombre de Français, dont l’acquisition, le nombre<br />

d’étrangers, dont C.E.E. détaillée et population musulamne. Dans le cadre de cette<br />

enquête, il a été tenu compte des Français de souche, des Français par acquisition et des<br />

étrangers.<br />

1. – Français de souche: 91%<br />

2. – Français par acquisition: 5%<br />

3. – Etrangers: 4%<br />

Le même document indique, selon le sexe, les différentes tranches d’âge depuis<br />

de 0 à 14 ans jusqu’à 60 ans et +. Il est évident que les 0 à 14 ans n’ont pas été pris en<br />

compte; par ailleurs, il n’a pas été fait de distinction entre les sexes, d’autant plus que<br />

leur nombre est pratiquement identique sauf dans la tranche des 60 ans et + où le sexe<br />

féminin est de 20% supérieur.<br />

1 – 15 à 24 ans : 18%<br />

2 – 25 à 39 ans : 28%<br />

3 – 40 à 59 ans : 29%<br />

4 – 60 ans et + : 25%<br />

20


Le document POP 5 DET (1 ere partie) – Population totale par sexe, âge et<br />

catégorie socio-professionnelle a été utilisé sans distinction de sexe et après deux<br />

légères modifications. En effet, la statistique compatibilise les retraités à part. Cela<br />

s’explique facilement et est utile pour les études de marché, les intentions d’achat des<br />

retraités n’étant pas les mêmes que celles du reste de la population active ou encore en<br />

ce qui concerne la santé, là encore les dépenses des retraités ne sont pas les mêmes que<br />

celles du reste de la population.<br />

Pour la présente enquête, on a pensé qu’un ouvrier retraité fournirait une réponse<br />

sensiblement égale à celle de son camarade en activité. De même, un industriel retraité<br />

devrait répondre vraisemblablement comme son homologue en activité. Par contre, il est<br />

à présumer que des retraités agriculteurs, artisans, manœuvres, chefs d’entreprise ou<br />

ayant une profession libérale ne fourniraient pas de réponses identiques, eu égard à leurs<br />

différences d’instruction et de culture. C’est pourquoi, les statistiques de l’I.N.S.E.E.<br />

étant très détaillées, les retraités ont été regroupés avec les actifs dans chaque catégorie.<br />

Une autre modification a été effectuée à la dernière rubrique I.N.S.E.E., elle<br />

comprend :<br />

- Chômeurs n’ayant jamais travaillé : 276266<br />

- Militaires du contingent : 231475<br />

- Elèves, étudiants de 15 ans ou plus : 5261236<br />

- Autres inactifs de moins de 60 ans : 14900657<br />

- Autres inactifs de plus de 60 ans : 1982219<br />

Ces sous – rubriques regroupent des catégories ayant des niveaux intellectuels et<br />

des âges différents. Par « Autres inactifs de moins de 60 ans », il faut entendre les<br />

chômeurs, les chômeurs en fin de droits, (catégorie recensées par ailleurs) ; les gens<br />

travaillant sans être déclarés, les épouses ou enfants travaillant avec un chef de famille,<br />

seul recensé ; les mères de famille ayant travaillé et ayant figuré dans une catégorie<br />

socio-professionnelle mais élevant leurs enfants un certain temps ; les femmes au foyer<br />

n’ayant jamais travaillé, les personnes vivant de leurs rentes, certaines catégories<br />

d’écrivains, etc.<br />

En conséquence, ont été regroupées les différentes catégories connues de<br />

chômeurs ; les élèves, étudiants et militaires du contingent ; le reste des inactifs quel<br />

qu’en soit l’âge.<br />

1 – Agriculteurs exploitants : 4%<br />

2 – Artisans, commerçants, chef d’entreprise : 5%<br />

3 – Cadres, professions intellectuelles supérieures : 6%<br />

4 – Professions intermédiaires : 10%<br />

5 – Employés : 17%<br />

6 – Ouvriers : 18%<br />

7 – Autres, sans activité professionnelle : 40%<br />

7.1. – Chômeurs : 6%<br />

7.2. – Contingent, étudiants: 10%<br />

7.3. – Autres inactifs: 24%<br />

21


Le document I. N. S. E. E. DIP 1 DET fournit un grand éventail de diplômes<br />

dont quatre rubriques entre “Aucun diplôme” et “Bac, Brevet Professionnel, …”. Elles<br />

ont été regroupées, pour plus de commodité dans l’échantillon, l’ancien certificat<br />

d’études, le B.E.P.C. et les différents C. A. P. étantde niveaux sensiblement identiques.<br />

Là encore, il n’a pas été tenu compte du sexe.<br />

1 –Aucun diplôme: 29%<br />

2 – C. E. P., B. E. P. C., C. A. P., B. E. P.: 49%<br />

2.1. – C. E. P.: 21%<br />

2.2. – B. E. P. C.: 8%<br />

2.3. – C. A. P.: 15%<br />

2.4. – B. E. P.: 5%<br />

3 – Bac., B. P. : 11%<br />

4 – Bac. + 2: 6%<br />

5 – Diplôme supérieur: 5%<br />

La statistique de l’I. N. S. E. E. comprend une autre rubrique qui a été éliminée<br />

dans cette enquête: “Etudes en cours”. Les âges indiqués dans le tableau vont de 15 ans<br />

à 39 ans, c’est-à-dire qu’un certain nombre d’étudiants ont déjà été recensés et figurent<br />

à leur place dans les catégories socio-professionnelles correspondantes. Les<br />

pourcentages ont donc été calculés sans tenir compte de cette population.<br />

La question sur l’âge à la fin des études classiques est posée pour plus de<br />

précision. Certains ont tendance à ne pas faire la différence entre diplôme et certificat de<br />

fin de stage. D’autres sont d’étérnels étudiants.<br />

L’I. N. S. E. E. publie les tableaux dont il a été fait état, par région et pour la<br />

France entière. Aucune région n’est représentative de la France entière dont les<br />

pourcentages ont servi à l’échantillon utilisé pour cette enquête réalisée en Ile de<br />

France. Mais on a questionné des habitants d‘agglomérations de différentes tailles, et de<br />

régions plus conformes à l’ensemble France pour certaines rubriques.<br />

NOMENCLATURE<br />

1 –AGRICULTEURS:<br />

1.1.1. – Agriculteurs sur petite exploitation<br />

1.1.2. – Agriculteurs sur moyenne exploitation<br />

1.1.3. – Agriculteurs sur grande exploitation<br />

2 – ARTISANS, COMMERCANTS, CHEFS D’ENTREPRISE:<br />

2.1. –Artisans<br />

2.2. – Commerçants et assimilés<br />

2.3. – Chefs d’entreprise, 10 salariés ou plus<br />

3 – CADRES, PROFESSIONS INTELLECTUELLES SUPERIEURES:<br />

3.1. – Professions libérales<br />

3.2. - Cadres de la fonction publique<br />

3.3. – Professeurs, professions scientifiques<br />

3.4. – Professions de l’information, des arts et du spectacle<br />

3.5. – Cadres administratifs et commerciaux d’entreprise<br />

3.6. – Ingénieurs, cadres techniques d’entreprise<br />

22


4 – PROFESSIONS INTERMEDIAIRES<br />

4.1.– Instituteurs et assimilés<br />

4.2. – Professions intermédiaires de santé et travail social<br />

4.3. – Clergé, religieux<br />

4.4. – Professions intermédiaires administratives de la fonction publique<br />

4.5. – Professions intermédiaires administratives et commerciales des<br />

entreprises<br />

4.6. - Techniciens<br />

4.7. – Contremaîtres, agents de maîtrise<br />

5 – EMPLOYES :<br />

5.1. – Employés civils, agents des services de la fonction publique<br />

5.2. – Policiers et militaires<br />

5.3. – Employés administratifs<br />

5.4. – Employés de commerce<br />

5.5. –Personnel de services directs aux particuliers<br />

6 – OUVRIERS<br />

6.1. – Ouvriers spécialisés de type industriel<br />

6.2. – Ouvriers spécialisés de type artisanal<br />

6.2. – Chauffeurs<br />

6.4. – Ouvriers qualifiés de la manutention, du magasinage et des<br />

transports<br />

6.5. – Ouvriers non qualifiés de type industriel<br />

6.6. – Ouvriers non qualifiés de type artisanal<br />

6.7. – Ouvriers agricoles<br />

7 – AUTRES SANS ACTIVITE PROFESSIONNELLE:<br />

7.1. – Chômeurs recensés<br />

7.2. – Militaires du contingent, élèves, étudiants de 15 ans et plus<br />

7.3. – Autres inactifs<br />

Le deuxième volet des conclusions de notre sondage porte sur la statistique des<br />

réponses concernant le savoir des interlocuteurs sur le roumain.<br />

LES ROUMAINS SONT:<br />

Des slaves pour 72% des personnes interrogés, mais il faut signaler que 7% des résultats<br />

sont des réponses nuancées faisant état des influences dues aux différentes occupations<br />

et dans les différentes régions.<br />

86,2% pour la tranche d’âge des 40/59 ans et 75% pour les 25/50 ans.<br />

80,4% pour les personnes ayant un diplôme inférieur au bac<br />

100% pour les employés et 73,7% pour les inactifs, presque exclusivement des<br />

femmes au foyer. Les 4% de paysans ont également répondu slaves à 100% ainsi que les<br />

4% d’inaptes au travail, les 5% d’artisans ont répondu 80%, c’est bien sûr à prendre en<br />

compte, mais leur peu de représentation ne fournit pas de résultats, très significatifs et<br />

déterminants.<br />

LA LANGUE ROUMAINE EST:<br />

Latine pour 46 % des personnes interrogées contre31% pour slave, mais 23 % ont<br />

déclaré ne pas savoir.<br />

23


61 % des 15/25 ans arrivent en tête suivis des plus de 60 ans avec 56 %<br />

83 % des réponses proviennent des personnes dont le niveau d’enseignement est bac + 2<br />

et également 83 % pour ceux dont le niveau est supérieur à bac + 2.<br />

90 % des étudiants ont répondu langue latine, les cadres à 71,4 %, les artisans à 60 % et<br />

les femmes au foyer à 57,9 %.<br />

L’IMPORTANCE DE L’ECRIT OU L’ORAL POUR LA MEILLEURE<br />

EXPRESSION DES PENSEES a été donné à:<br />

L’écrit pour 75 % contre 15 % pour l’oral, 7% des personnes interrogées ont<br />

indiqué les deux en explicitant leur réponse et 2 personnes seulement ont répondu ne<br />

pas savoir, (il est amusant de mentionner qu’il s’agit d’une femme vivant dans le milieu<br />

dse chiffoniers et d’un professeur d’université).<br />

80 % des plus de 60 ans et 79,3 % des 40/59 ans, (ces deux tranches d’âge<br />

représentant 54 % de la population française), donnent la prépondérence à l’écrit, les<br />

15/25 ans suivant avec 77,7 %.<br />

87 % ont diplôme inférieur au bac.<br />

89,5 % sont des femmes au foyer, 81,2 % des employés.<br />

Il est intéressant de constater que si l’on avait effectué cette enquête, uniquement<br />

sur les étudiants, qui ne représentent que 10 % de la population, les résultats auraient été<br />

les suivants:<br />

Les Roumains sont slaves: 40% Latins 40% Ensemble France: 72%, 14%<br />

La langue roumaine est slave 10% Latine 90% Ensemble France: 31%, 46%<br />

L’écrit est prépondérant sur l’oral 70% L’oral 20% Ensemble France: 75%, 15%<br />

Dans tous les cas, les réposes auraient été différentes, voire très, très différentes<br />

de l’ensemble France.<br />

Autre cas particulier, c’est celui des inactifs, personne n’ayant jamais travaillé;<br />

ayant aidé leur conjoint, mais sans jamais avoir été rétribué; ayant travaillé pendant peu<br />

de temps et ayant abandonné touté activité salariée à la naissance des enfants, se situant<br />

dans la tranche d’âge 60 ans et plus et ayant un diplôme inférieur au bac. Ces personnes,<br />

enquêtées dans trois endroits différents, ont toutes tenu à préciser qu’elles<br />

s’intéressaient aux pays de l’Est depuis le recul du communisme et étudiant leur<br />

civilisation et leur culture.<br />

Il est intéressant de constater que si l’on avait effectué le sondage uniquement<br />

sur les étudiants, qui ne représentent que 10 % de la population, les résultats auraient été<br />

les suivants:<br />

Les Roumains sont slaves: 40 % latins: 40 %<br />

(ensemble France: 72 %, 14 %)<br />

la langue roumaine est slave: 10% latine: 90 %<br />

(ensemble France: 31 %, 46 %)<br />

Un autre cas particulier est représenté par les inactifs (des personnes n’ayant<br />

jamais travaillé, ayant aidé leur conjoint mais sans jamais avoir été rétribuées, ayant<br />

travaillé pendant peu de temps et ayant abandonné toute activité salariée à la naissance<br />

des enfants, se situant dans la tranche d’âge 60 ans et plus et ayant un ayant un diplôme<br />

24


inférieur au bac). Ces personnes, enquêtées dans trois endroits différents, ont toutes tenu<br />

à préciser qu’elles s’intéressaient aux pays de l’Est depuis le recul du communisme et<br />

étudiant leur civilisation et leur culture.<br />

Enfin le troisième volet des conclusions se situe au-delà des chiffres et exprime<br />

le degré du savoir des Français sur le roumain, le sondage offrant au linguiste la réalité<br />

évoquée par le discours de la langue. Et le résultat en est frappant: sans avoir lu<br />

Saussure, pour la grande majorité des sujets questionnés, la langue est quelque chose de<br />

différent de la personne qui parle (“les Roumains sont slaves, le roumain est latin”), un<br />

objet que l’on observe (“Ils parlent tellement bien le français…”) et sur lequel la<br />

réflexion s’arrête souvent (« …que la racine doit être latine »).<br />

Il ne faut pas être linguiste pour s’attacher aux rapports que les sujets parlants<br />

entretiennent avec leur propre parler ou avec le parler des autres (« le roumain<br />

ressemble au français plus que le russe ou le polonais » ou « langue latine, assez<br />

chantante, avec des –r- prononcés, des mots qui se terminent en ou [u], plus proche de<br />

l’italien et du français que de l’espagnol »). C’est que l’imaginaire linguistique des<br />

locuteurs à l’égard de la productio langagière. Or, ces attitudes sont, comme nous le<br />

montre brillamment la réalité du sondage, diverses. La langue set, selon une partie des<br />

personnes questionnées, le résultat des facteurs qui appartiennent à la linguistique<br />

externe (dans la vision saussurienne = - « A l’Est de la Hongrie, ce sont des slaves » ou<br />

« des slaves parce qu’ils sont à l’Est », « les Roumains sont germains, latins en<br />

Transylvanie, Turcs en Olténie, Valachie, Dobroudgea, slaves en Moldavie, avec<br />

interpénétration », « mélange + grande influence slave et latine », « comme toutes les<br />

langues, il doit y avoir des apports multiples mais surtout chez eux qui ont été occupé<br />

par tant de races »…). Pour d’autres, la langue est un instrument de communication<br />

comme tout autre (« Les Roumains sont des slaves en musique », « Pour moi, le type en<br />

est Elvire Popesco »).<br />

Même s’il s’agit d’une langue avec laquelle 91% des personnes interrogées ne<br />

sont entrées en contact d’une façon directe, les résultats de l’enquête, le fait même<br />

d’avoir réussi à provoquer et mener à bonne fin un discours sur la langue roumaine vu<br />

depuis la France prouvent les responsabilités des sujets parlants envers la langue.<br />

II. 2. 2. 2. a. RESUME<br />

L’unité minimale de toute enquête sociolinguistique est la question. Les deux<br />

grandes formes d’enquête sont la question (fermée, cafétéria, ouverte) et l’entretien<br />

(semi-guidé, film-action, de groupe, semi-directif, non directif). La question fermée<br />

oblige l’enquêteur à fournir la question et prévoir des réponses possibles, à la fois,<br />

tandis que l’enquêté doit opérer un choix parmi des réponses déjà existentes. La<br />

question cafétéria présente les mêmes caractéristiques, à la seule différence près qu’elle<br />

permet d’opérer plusiers choix de réponse. La question ouverte laisse l’enquêté formuler<br />

sa réponse, telle qu’il l’entend. L’entretien semi-guidé présente un thème, généralement<br />

pris à l’expérience de l’enquêté, en laissant celui-ci remémorer ce qu’il a déjà vécu.<br />

25


L’entretien semi-directif présente des questions que l’enquêteur introduit dans l’ordre<br />

qu’il désire tandis que l’entretien non-directif lance un sujet sur lequel l’enquêté va<br />

discourir librement, l’enquêteur n’intervenant que pour maintenir le contact avec<br />

l’enquêté.<br />

En conclusion, pour avoir un corpus de langue authentique, il est préférable de<br />

laisser le sujet parlant s’exprimer librement, sans être contraint par des formules déjà<br />

conçues par l'enquêteur.<br />

III. 1. 2. 2. b. Test de validité<br />

1) Classifier, selon le degré de liberté impliqué, les formes d’enquête.<br />

2) Quels types d’enquête connaissez-vous qui se prêtent le mieux à l’enquête<br />

sociolinguistique ? Motivez votre choix<br />

.<br />

3) Faites une analyse contrastive des atouts et des failles présentés par les types<br />

d’enquête que vous connaissez en vue d’une analyse sociolinguistique.<br />

CHAPITRE III<br />

DYNAMIQUE LINGUISTIQUE ET NORME : LE SYSTEME<br />

NORMATIF DE L’<strong>IMAGINAIRE</strong> LINGUISTIQUE<br />

Comme nous avons vu dans le chapitre dédié à la sociolinguistique, les<br />

êtres humains ne parlent pas tous de la même manière, leur discours variant en<br />

fonction de plusieurs facteurs : classe sociale, profession, âge, localisation<br />

géographique. Dans le chapitre qui s’ensuit nous allons voir que ces critères ne<br />

laissent pas de place à une répartition homogène des sujets parlant en<br />

communautés linguistiques. D’où l’apparition du concept d’Imaginaire<br />

Linguistique qui fait que le discours des sujets situables dans des échantillons<br />

homogènes du point de vue des variables extralinguistiques puisse obéir à des<br />

normes divergentes.<br />

26<br />

La réalité change et, par conséquent, la langue qui l’exprime subit un<br />

changement parallèle. D’où le concept de dynamique linguistique. Aussi sommesnous<br />

amenés à envisager non pas une seule norme linguistique qui, une fois obéie,


III. 1. GENESE DU CONCEPT ET DE LA THEORIE DE<br />

L’<strong>IMAGINAIRE</strong> LINGUISTIQUE<br />

L'une des questions fondamentales que ne cesse de formuler l'époque en cette fin<br />

de siècle, est celle du rôle joué par le langage et la langue dans la définition de l'homme.<br />

Cela explique, en partie, l'ouverture des sciences du langage qui rencontre des<br />

préoccupations de nombreux chercheurs d'autres domaines des sciences humaines<br />

soucieux de prendre en compte la dimension langagière de leurs objets. Les années 70 -<br />

80 marquent « le retour du sujet » dans la recherche linguistique avec les analyses de<br />

l'énonciation, de l'argumentation auxquelles on ajoute l'intérêt pour la psychanalyse.<br />

Dans le cadre de ce contexte épistémologique qui motive et favorise le<br />

déroulement de toute une série de travaux de recherche, apparaît une autre question tout<br />

aussi importante : comment les langues en situation d'écrit ou d'oral contribuent-elles à<br />

définir les participants à l'acte de communication?<br />

Dans ses Éléments de linguistique générale (1960), André Martinet proposait<br />

une nouvelle définition de la langue: « Une langue est un instrument de communication<br />

selon lequel l'expérience humaine s'analyse, différemment dans chaque langue, dans<br />

chaque communauté, en unités douées d'un contenu sémantique et d'une expression<br />

phonique...» Les deux volets de la définition de la langue apparaissent clairement: la<br />

langue en tant qu'instrument de communication, où le terme communication n'implique<br />

pas nécessairement et toujours une transmission d'information; la langue en tant<br />

qu'expérience humaine, où le mot expérience désigne tout ce que « l'homme peut<br />

ressentir et percevoir» (A. Martinet, 1985).<br />

La langue serait tout un monde en son devenir car l'expérience humaine change,<br />

ce qui entraîne des changements dans l'expérience linguistique.<br />

Même si, à l'époque, le point de vue immanent (linguistique structurale et<br />

grammaire générative) dominait la recherche de la langue, l'étude des variétés<br />

linguistiques commence à s'imposer à travers deux directions de recherche, à savoir le<br />

fonctionnalisme et la sociolinguistique (L. J. Calvet). Le concept de synchronie<br />

27


dynamique bouleverse la conception saussurienne où il y avait ou bien axe synchronique<br />

ou bien axe diachronique (évolutive) dans les études linguistiques. La synchronie<br />

dynamique suppose d'accepter une évolution à un moment donné d'une langue, les<br />

«causes» d'évolution étudiées étant pour la plupart d'ordre externe, géographiques et<br />

sociales.<br />

Le Berre et le Dû (« Faits de langues, faits de société », Travaux de linguistique,<br />

p. 65-74) soulignent la double influence des faits sociaux sur les usages et de la langue<br />

sur le social. «L'interaction causale a, donc, lieu dans les deux sens et non dans un seul<br />

comme le fait apparaître la surdétermination sociologique des sociolinguistes, allant<br />

jusqu'à définir pour objet la société. Ce qui manifeste, ce me semble, une conception<br />

linguistique subordonnée à une théorisation sociologique -la langue comme reflet des<br />

conflits socio-économiques, comme marché langagier -négligeant le fait qu'une<br />

personne n'est pas strictement réductible à son appartenance groupale ou à son histoire<br />

sociale (socio –historique)» (A. M. Houdebine-Gravaud, 1997).<br />

A ce moment d'inquiétudes concernant la recherche linguistique, une recherche<br />

de thèse de doctorat d'État consacrée à la description des variétés du français oral, à<br />

partir d'enquêtes à grande échelle, qu'on peut qualifier dans le vocabulaire actuel de<br />

sociolinguistiques, et qui concernait «l’analyse des productions (des systèmes<br />

phonologiques et des réalisations) des locuteurs, a amené Anne-Marie Houdebine-<br />

Gravaud à construire et lancer le concept d'imaginaire linguistique ». Fidèle, dans un<br />

premier temps descriptif, au concept saussurien de La Langue, soutenant l'autonomie de<br />

la parole du sujet (selon la définition de la structure de Lalande), Anne-Marie<br />

Houdebine-Gravaud insiste sur l'idée que: « quelles que soient les contraintes sociales,<br />

socio -historiques, un être humain est toujours libre de sa parole non sans risques certes,<br />

parfois de sa vie même. Certain(e)s nous l'ont montré! 4 D'autres nous le montrent<br />

encore, aujourd'hui, chaque jour, en Algérie par exemple» (Anne-Marie Houdebine-<br />

Gravaud, 1997).<br />

« C'est pour ces diverses raisons et d'autres encore, descriptives et<br />

interprétatives: interaction des causalités internes et externes, synchronie dynamique,<br />

etc., conception de la Langue comme processus d'homogénéisation et de singularisation,<br />

fiction d'identité politico-nationale mais aussi territoire d'altérité singulière, lieu de<br />

l'instauration subjective -que j'ai avancé cette notion d'imaginaire linguistique, prenant<br />

en compte et les évaluations et les attitudes, représentations des personnes interrogées<br />

dans les enquêtes puis plus tard des linguistes » (ibidem).<br />

III 2. DEFINITION DE L’<strong>IMAGINAIRE</strong> LINGUISTIQUE<br />

4 1 Le 17 octobre 1961 est la date où une manifestation pacifique d'Algériens fut<br />

réprimée à Paris.<br />

28


L’imaginaire linguistique est défini comme « le rapport du sujet à lalangue<br />

(Lacan) -prise en compte de l'aspect le plus intime autant que faire se peut, d'où des<br />

fantasmes et fictions d'un sujet -et à La Langue (Saussure) -aspect plus social et<br />

idéologique» (cf. Anne-Marie Houdebine-Gravaud). Le terme est voisin de la notion de<br />

représentation sociale des sociologues, ou d'imaginaire collectif des historiens des<br />

mentalités. L'imaginaire linguistique ne relève pas de la seule socialité ou identité<br />

groupale ou nationale même si ces notions sont aisément identifiables.<br />

L'imaginaire linguistique analyse « les distorsions repérées entre les dires ou<br />

attitudes des sujets sur leurs réalisations et celles des autres locuteurs et leurs propres<br />

productions recueillies et analysées par le linguiste. » (Anne-Marie Houdebine-<br />

Gravaud, 1983).<br />

III 3. DYNAMIQUE LINGUISTIQUE ET NORME<br />

C'est vrai qu'on parle de « norme» et de « bon usage» depuis des siècles, mais la<br />

dynamique linguistique s'avère de plus en plus génératrice de questions sur la norme et<br />

les usages à partir des pratiques et des attitudes des sujets parlants. Le sens même du<br />

mot norme a connu une évolution allant de l'ensemble de prescriptions (voire interdits)<br />

sur les façons de dire jusqu'aux besoins langagiers des locuteurs (voir E. Coseriu, 1967).<br />

Décrire la dynamique linguistique et ses causalités, internes et externes,<br />

sociologiques et psychologiques, est l'objectif fondamental de toute étude linguistique.<br />

La dynamique linguistique actuelle tend à réduire le rôle régulateur de la norme,<br />

ce qui est frappé d'interdit étant ce qui est pourtant effectivement utilisé (on entend bien<br />

se rappeler d'un détail prise en compte de l'aspect le plus intime au lieu de se rappeler<br />

un détail). Parler correctement aujourd'hui c'est aussi faire preuve et démonstration à la<br />

fois de la connaissance de la norme mais la fonction régulatrice du concept a diminué en<br />

faveur de celle d'adaptation survenue comme une nécessité face à l'évolution constante<br />

de la langue (cf. H. Boyer).<br />

L'opposition saussurienne diachronie / synchronie concerne l'étude de la langue<br />

dans son évolution au cours du temps ou bien à un moment donné de son histoire mais<br />

«à chaque période correspond une évolution plus ou moins considérable. [...] le fleuve<br />

de la langue coule sans interruption; que son cours soit paisible ou torrentueux, c'est une<br />

considération secondaire» (F. de Saussure, 1972; 193).<br />

D'autre part, à partir de 1960 et de la nouvelle définition donnée à la langue par<br />

André Martinet, la norme s'enrichit de sa forme au pluriel-les normes -car la<br />

communication n'implique pas nécessairement et toujours une transmission<br />

d'information et la langue est perçue comme un monde en devenir, l'expérience humaine<br />

changeante entraînant des changements dans l'expérience linguistique.<br />

D'ici la diversité des formes d'expression pour un même contenu, l'entreprise<br />

normative jouant dorénavant le rôle de sélectionneur, d'opérateur de choix.<br />

29


Le concept même d'« unicité de la langue» est mis sous le signe du doute. En un<br />

certain sens, c'est la norme qui participe à la création d'une langue homogène, d'une<br />

langue standard mais celle-ci est parlée par un usager idéal. La norme régularise un<br />

fonctionnement social et ses conséquences sur les faits linguistiques surtout par le biais<br />

d'un discours d'autorité imposé par une institution d'Etat (école, académie, institut de<br />

recherche linguistique, etc.). La norme c'est, en fait, l' objectivation générée par le<br />

fonctionnement social complexe, mais elle ne peut ignorer la variabilité qui inclut les<br />

normes individuelles, les normes locales, les innovations où la norme n'a pas réussi à<br />

s'imposer.<br />

Le locuteur parle sa propre langue. «Il n'est pas de langue légitime, mais la<br />

société utilise cette idéalisation fantasmatique de la langue, pour légitimer certains<br />

usages. » (Anne-Marie Houdebine-Gravaud). Ces attitudes ne sont ni constantes pour un<br />

groupe social et sexuel, ni homogènes (cf. «Sur les traces de l'Imaginaire Linguistique»,<br />

dans Parlers masculins, parlers féminins, Delachaux -Niestté, 1983); ce qui fait pièce<br />

aux discours sociolinguistiques dominants: une communauté linguistique se<br />

reconnaîtrait comme telle à la constance de ces normes. C'est du moins ce qu'avance<br />

Labov; bien que cette thèse soit passionnante, d'autant qu'elle permettrait enfin de<br />

fonder un peu linguistiquement le concept de communauté linguistique, je n'ai pu que<br />

l'infirmer dans les communautés (socio-économiques et socio-culturelles ou encore<br />

sexuelles) étudiées: des sujets parlants, situables dans des échantillons (ou groupes)<br />

homogènes du point de vue des variables externes (extralinguistiques) peuvent présenter<br />

des attitudes (ou normes selon Labov) divergentes. L'inverse se rencontre également ».<br />

(Anne-Marie Houdebine-Gravaud, 1983).<br />

La refonte de la notion de norme à l'intérieur de L’Imaginaire Linguistique a<br />

permis une typologisation sur laquelle on s'arrêtera plus tard. Normes et productions<br />

sont étudiées conjointement afin de vérifier l'incidence des unes sur les autres ou bien<br />

les « interactions » et « rétroactions» des deux plans d'analyse.<br />

« ...il n'existe pas un français, une langue fixée, homogène, la même pour tous,<br />

qui serait le français, le bon, le beau français, même si nombreux sont ceux qui tiennent<br />

à cette vision. Les étude linguistiques descriptives, objectives, nous montrent qu'elle<br />

n’est qu'une fiction qui a son importance, sa fonction.<br />

Mais nos échanges, nos communications comme l'on dit aujourd'hui, manifestent<br />

tout autre chose: les linguistes dégagent, à partir des paroles des locuteurs, moins une<br />

langue qu'une diversité d’usages structurés avec des zones de convergences et de<br />

divergences. C'est-à-dire des comportements langagiers communs aux interlocuteurs, ou<br />

différents. Certains d'entre eux sont appelés périphériques parce qu'ils sont utilisés par<br />

un petit nombre de sujets. Il peut alors s'agir de traits archaïques, conservés du fait de<br />

l'âge du sujet ou de son appartenance géographique ou sociale (appartenance à une sous<br />

-communauté dont on conserve l'identité -les traits identificatoires -cf. parler branché,<br />

argot professionnel, r roulé ou h aspiré, caractéristiques respectivement de la<br />

Bourgogne, ou des régions de l'Est ou encore de la stabilité rurale, etc.<br />

Ces éléments jouent dans la parole des locuteurs et locutrices comme des<br />

emblèmes, des indices qui marquent le sujet régionalement comme Bourguignon,<br />

30


Alsacien, etc.; ou socialement comme provincial, paysan; ou professionnellement<br />

comme étudiant, professeur, journaliste, juriste, informaticien, etc., ou plus<br />

sociologiquement, voire psycho-sociologiquement comme supérieur, snob, maîtrisant,<br />

hautain, vulgaire, etc.; ces derniers commentaires indiquent que les prélèvements<br />

d'indices peuvent être objectifs ou idéologiques, ou encore projectifs ». (Anne-Marie<br />

Houdebine- Gravaud, 1980 -Langue et imaginaire: le français aujourd'hui, salon du livre<br />

Genève).<br />

L’étude linguistique se développe dans une synchronie dynamique (cf. A.<br />

Martinet), en ce que cette étude décrit et interprète la langue dans son épaisseur<br />

synchronique. C'est ainsi qu'Anne- Marie Houdebine-Gravaud définit « l'entrelacement<br />

des strates synchroniques étudiées afin de prendre en compte les variétés des usages<br />

participant à la co-construction de la langue dans les échanges communicationnels» (ou<br />

interactions discursives) (Anne-Marie Houdebine-Gravaud, 1985).<br />

« Le locuteur parle sa propre langue. Cet énoncé pourrait être jugé comme un<br />

truisme s'il ne contenait l'expression du sujet à la langue, ce qui finalement peut très<br />

bien devenir la lalangue du Sujet (Lacan). Cette réalité renvoie à une autre, exprimée de<br />

la façon suivante: « il n'est pas de langue légitime, mais ...la société utilise cette<br />

idéalisation fantasmatique de la langue, pour légitimer certains usages» (Anne-Marie<br />

Houdebine-Gravaud, 1974). L'attitude du locuteur face à ces deux réalités peut être<br />

créative ou prescriptive, les hiérarchisées, les deux termes relevant du sujet ou du<br />

parlêtre selon Lecan.<br />

L'Imaginaire Linguistique développe aussi la catégorie des normes évaluatives<br />

(auto-évaluatives ou évaluatives de groupe chez Labov). Dans ce contexte on définit des<br />

sentiments de sécurité, d'insécurité ou de culpabilité linguistique des sujets (Anne-Marie<br />

Houdebine-Gravaud, 1995).<br />

La serie normative formée par les normes prescriptives, fictives, évaluatives et<br />

communicationnelles constituent le côté subjectif de l'Imaginaire Linguistique. Il y a en<br />

contrepartie le groupe des normes fonctionnelles (ou internes) ou normes objectives (au<br />

sens d'objectivées dans la description). Elles sont dégagées par la description des<br />

productions des locuteurs aux niveaux linguistiques et peuvent être repérées par la<br />

présence des normes systémiques (formes stables imposées par la langue) et normes<br />

statistiques (les comportements variés, stables et instables). Les normes statistiques sont<br />

le lieu de production du concept de l'unes langue qui enrichit la définition de<br />

l'Imaginaire Linguistique.<br />

En rapport direct avec les deux catégories de normes, statistique et systémique,<br />

l'Imaginaire Linguistique met au jour la catégorie des normes communicationnelles,<br />

normes subjectives, qui expriment la volonté des locuteurs d'être compris, donc de<br />

communiquer. Comme pour soutenir les termes de la définition de la langue proposée<br />

par Martinet, les normes communicationnelles, tout comme les autres, se retrouvent en<br />

rapport étroit avec les usages contemporains, le contenu du message ainsi que<br />

l'expérience humaine valorisée.<br />

« Toute langue, pour peu qu’elle soit parlée par quelques dizaines de sujets<br />

dispersés sur une zone géographique relativement étendue et pratiquant des activités<br />

diverses, socialement hiérarchisées, est utilisée de façon différente par les locuteurs.<br />

31


Pour peu qu'on l'écoute et qu'on cherche à la décrire telle qu'elle se présente aux sujets<br />

parlants, l'étude de ces variétés devient l'objectif prioritaire» (Anne-Marie Houdebine -<br />

Gravaud, 1982).<br />

II est démontré que les « sentiments » ou attitudes linguistiques ne sont pas<br />

strictement déterminées par la position sociale du sujet. Ainsi les enquêtes ont-elles<br />

dévoilé des situations où des sujets appartenant à un milieu ou groupe professionnel,<br />

géographique, sexuel avaient des attitudes différentes en égard à leur propre langue ou à<br />

la langue des autres locuteurs. Ces attitudes relèvent des causalités internes,<br />

linguistiques et subjectives qui entraînent le « jeu » métalinguistique (le locuteur<br />

capable de formuler des jugements évaluatifs sur la langue) et des causalités externes,<br />

certains des usagers de la langue mettant en marche le principe de la hiérarchisation<br />

(culturelle, sociale). D'où la dite idéalisation fantasmatique de la langue, d'où toute une<br />

source de pistes de recherche ouvertes par la théorie de l'Imaginaire Linguistique.<br />

Dans cette démarche explicative du cadre de l'Imaginaire Linguistique, on a<br />

ressenti le besoin de « visualiser » la place occupée par cette instance descriptive parmi<br />

les autres instances descriptives du langage, de la langue et de l'unes langue.<br />

Etant donné la large diffusion d'une conception conformément à laquelle la<br />

langue humaine est à la fois un système de signes et de moyens de communication, nous<br />

devons admettre qu'une sémiotique humaine, opposée à l'animale, se trouve à l'origine<br />

des instances descriptives de la communication humaine. A l'intérieur de cette<br />

sémiotique humaine, le langage apparaît comme la seule faculté universelle. C'est<br />

autour du langage que se développe le cadre de recherche des sciences du langage. Au<br />

troisieme niveau,le plus divers et le plus fascinant de ces instances, se situerait l'univers<br />

des langues. Les langues dans leur diversité constituent l'objet de la linguistique. L'unes<br />

langue confirme, par son expression même, la grande diversité de l'intérieur des<br />

langues.<br />

Essayons de représenter graphiquement ce parcours qui invite à la réflexion:<br />

l'imaginaire linguistique -début ou terminus d'un parcours des instances descriptives?<br />

1.<br />

TABLEAU 2 : Représentation des instances 2. descriptives possibles du langage, de la<br />

langue et de l’unes langue:<br />

3.<br />

4.<br />

32


1. strate de la sémiotique humaine (opposée à l’animale)<br />

2. strate du langage, en tant que faculté universelle<br />

3. strate de l’univers des langues<br />

4. strate de l’imaginaire linguistique (l’unes langue)<br />

III 4. LE SYSTEME NORMATIF DE L'<strong>IMAGINAIRE</strong><br />

LINGUISTIQUE<br />

Tout ce que nous venons de dire converge vers la nécessité d'étudier les divers<br />

comportements et attitudes des sujets parlants. Anne-Marie Houdebine-Gravaud<br />

propose une étude où normes (ou attitudes) et productions s'entrelacent afin de vérifier<br />

l'incidence des unes sur les autres. Le résultat c'est une typologie et une méthodologie<br />

d'étude des comportements (productions) et attitudes des locuteurs, à différents niveaux<br />

linguistiques (phonologique, syntaxique, discursif, etc.) et dans différentes couches<br />

socio- professionnelles.<br />

L'hypothèse de travail est que pour toute langue existent des attitudes<br />

métalinguistiques de la part des sujets parlants qui, eux, parlent de « beauté » de la<br />

langue, clarté de la langue, «richesse» sémantique de la langue, etc. Le respect que les<br />

locuteurs manifestent face à la norme contribue à l'existence de cette «langue idéale»<br />

parlée par un locuteur idéal. D'où, la naissance, dans la théorie de l'Imaginaire<br />

Linguistique, du concept, provocateur et réaliste à la fois, de l'Unes langue, utilisé pour<br />

le repérage de ce fantasme d'unité en même temps que des variétés existant dans une<br />

langue (d'où le s à Unes) » (Ane-Marie Houdebine-Gravaud, « L'Imaginaire<br />

Linguistique -idéal, idéel, communauté linguistique et identité subjective »).<br />

Nous reprenons ci-dessous le dernier tableau des normes de l'Imaginaire<br />

Linguistique publié en 1995 par l'auteur:<br />

TABLEAU 2:<br />

L'Imaginaire Linguistique -chercheurs et locuteurs -(1995)<br />

1. Normes objectives<br />

1 -1 Normes statistiques (observation et description des usages. Convergences /<br />

divergence / périphérie<br />

1 -2 Normes systémiques (dégagées à partir des usages) (Normes endogènes)<br />

fermes.<br />

2. Normes subjectives (imaginaire linguistique)<br />

2 - 0 Normes évaluatives (auto-évaluatives et évaluatives des usages<br />

environnants) si spontanées<br />

2 - 1 Normes communicationnelles<br />

2 - 2 Normes fictives<br />

33


2 - 3 Normes prescriptives (Normes exogènes)<br />

L 'Imaginaire linguistique est une «fiction linguistico - nationale subjectivante»<br />

(Anne-Marie Houdebine-Gravaud) qui résonne comme un fantasme. Comme tout<br />

fantasme, il y a un nombre de fondements repérable, à savoir: intercompréhension,<br />

convergence, unification des paroles dans le processus communicationnel,<br />

homogénéisation et hétérogénéisation subjectives; idéalisation identitaire<br />

communautaire (groupale, nationale mais aussi subjective). C'est de là que vient la<br />

nécessité du repérage typologique de ces diverses causalités regroupées en normes<br />

objectives ou subjectives, selon qu'elles sont issues de la description des usages (normes<br />

objectives) ou des imaginaires linguistiques des sujets (normes subjectives).<br />

Les normes objectives du tableau des normes de l'Imaginaire Linguistique<br />

relèvent des lois du système (les normes systémiques) et de la diversité des usages (les<br />

normes statistiques). Les normes systémiques sont dégagées suite aux descriptions<br />

d'idiolectes, à l'établissement des structurations fermes et instables au niveau des<br />

idiolectes. Normes qui s'imposent du fait de la structure, les normes systémiques<br />

appartiennent à une structure de codification dont toute langue dispose «Ces zones de<br />

structuration peuvent être dites fermes. Elles imposent au sujet parlant entrant dans la<br />

langue des habitudes articulatoires comme des façons de «penser» le monde. Cela de<br />

façon ferme ou non ferme (cas de certaines oppositions phonologiques de certaines<br />

règles syntaxiques ou structures lexicales; exemple /i/ -/y/ ferme, /é/ -/è/ non ferme<br />

puisqu'avec neutralisation et pourtant acquis dans certaines régions, cas de l'usage<br />

déterminant /nom (ferme), du subjonctif (non ferme), etc.». (Anne-Marie Houdebine-<br />

Gravaud, idem)<br />

Les normes statistiques repèrent ce qu’il y a de stable ou d'instable au niveau<br />

d'une langue dans ces usages. C'est là qu' on rencontre les termes de convergence forte<br />

ou minoritaire quant aux multiples usages. La totalité des convergences dans les parlers<br />

des locuteurs se réunissent en un système minimum commun tandis que la totalité des<br />

usages divers possibles se regroupent en un système maximum. L'hypothèse de départ<br />

dans l'étude des normes systémiques est que toute langue, même en situation de<br />

disparité, connaît un nombre de convergences ou normes statistiques. Les convergences<br />

linguistiques contribuent à la création de la langue, de la langue une, de cette « langue<br />

supposée commune ».<br />

« Vérité et erreur à la fois. Vérité linguistique car aucun sujet n'est créateur de<br />

La Langue «masse parlante» (Saussure). Vérité historique: à un temps t de l'histoire, un<br />

parler s'est codé, s'est imposé comme représentatif au détriment des autres (édit de Viii<br />

ers- Cotteret, révolution française), ceci d'autant plus aisément qu'existe une langue<br />

écrite, et l'école obligatoire avec l'imposition de l'orthographe homogénéisante. Mais<br />

erreur historique, un parler s'impose en intégrant d'autres dialectes ou idiomes comme<br />

l'a fait le français et se constitue sans cesse. Erreur linguistique, car même si<br />

l'orthographe, voire l'écriture (la littérature) sont les véhicules majeurs de cette<br />

idéalisation imaginaire, c'est essentiellement à l'oral que la langue se renouvelle; le sujet<br />

l'actualise de sa parole, la déployant, la rend vive, la fait évoluer, d'autant que dans les<br />

langues écrites, il est quelque peu bilingue du fait de la coupure oral, écrit et dans toutes<br />

les langues, plurilingue du fait de la variété des usages ou des contacts de langue; de<br />

34


plus la langue passive (la compétence) est toujours plus large que la parole (la langue<br />

actualisée ou la performance) ». (Anne-Marie Houdebine-Gravaud, idem)<br />

Les normes subjectives sont dégagées suite à la description des attitudes des<br />

locuteurs face aux différents niveaux linguistiques que l'étude se propose de considérer.<br />

Ces attitudes peuvent apparaître spontanément, sans aucun stimulus extérieur, ou bien<br />

peuvent être provoquées par des enquêtes, des questionnaires, des tests, des entretiens<br />

auxquels on soumet les sujets parlants.<br />

La première catégorie des normes-subjectives est représentée par les normes<br />

évaluatives, « au sens où les sujets parlants remarquent des éléments indexant,<br />

caractérisant le parler de tel ou tel groupe, régional, socioculturel, sexuel, professionnel,<br />

etc.» (Anne- Marie Houdebine-Gravaud, idem). Les normes évaluatives proviennent de<br />

W. Labov et elles sont spontanées, mais dans l'Imaginaire Linguistique elles deviennent<br />

« extorquées par les questionnaires, tests, ou même dans les entretiens.» (Anne-Marie<br />

Houdebine-Gravaud, idem) En fait, toutes les autres catégories de normes, qu'elles<br />

soient prescriptives, fictives, ou communicationnelles, relèvent de l'évaluation au niveau<br />

des éléments ou niveau d'analyse repérés par les sujets. « Celles-ci [normes évaluatives]<br />

n'ont donc plus lieu d'apparaître dans la typologie lorsque l'étude s'intéresse seulement<br />

aux enquêtes d'attitudes soit au recueil des qualifiants de l'imaginaire linguistique des<br />

locuteurs ». (Anne-Marie Houdebine-Gravaud, idem)<br />

La norme communicationnelle fut introduite ultérieurement dans le schéma<br />

normatif de l'Imaginaire Linguistique et elle s'est imposée en tant que norme spécifique<br />

vu le rôle de la langue comme « instrument de communication ». Ce trait de la langue<br />

implique une certaine attitude évaluative qui implique acceptation des « déformations»<br />

contribuant à la mise en œuvre d'un «français avancé» (cf. H. Frei). ou d'un « bon usage<br />

momentanément contemporain» (cf. J. P. Colignon). Les études ont démontré que cette<br />

norme communicationnelle -initialement dégagée chez les journalistes -existe et connaît<br />

une extension par rapport à celle prescriptive, les sujets parlants acceptant la variété<br />

linguistique et les différents registres de parleurs. Ici l'auteur de la théorie apporte un<br />

élément de modération, à savoir le fait que ceux qui acceptent les variétés ne les tolèrent<br />

pas chez les enfants qui sont censés acquérir d'abord la norme prescriptive.<br />

Les normes fictives soutiennent « un idéal de la langue non étayé par un discours<br />

antérieur de type académique ou grammatical traditionnel, idéal « subjectif» ou<br />

«pratique ». Elles sont des rationalisations des sujets s'appuyant sur des discours<br />

essentiellement idéologiques, esthétisants, affectifs, etc. » (Anne-Marie Houdebine-<br />

Gravaud, idem)<br />

La langue n'est pas seulement un instrument de communication, elle est aussi<br />

dépositaire des valeurs qui nous aident à l'identifier. La langue assure non seulement un<br />

transfert d'informations, elle participe aussi à la formation de l'image d'un peuple, d'une<br />

communauté, d'un groupe par le rôle de lien entre les sujets parlants. Parler la même<br />

langue, c'est contribuer à l'édification de la même histoire et de la même culture (cf.<br />

Anne-Marie Houdebine-Gravaud). La langue, on s'en sert pour construire une identité,<br />

pour s'identifier à autrui.<br />

Les normes prescriptives relèvent d'une langue idéale, ou idéal puriste (avec<br />

étayage de discours antérieurs, par exemple grammaticale, prescriptions scolaire, etc.)<br />

35


Tout ce qui n'est pas fictif est prescriptif et vice-versa. Parler de normes prescriptives,<br />

c'est se référer à des formules comme: « on ne dit pas ça », « ce n'est pas du bon<br />

français», « c'est incorrect / correct », etc. Tenir compte des normes prescriptives, c'est<br />

faire preuve et démonstration à la fois d'une langue « correcte, « sans faute », c'est aussi<br />

montrer que l'on connaît La Norme.<br />

Le tableau des normes de l'Imaginaire Linguistique s'inscrit dans l'évolution<br />

claire et nette de la notion de norme suite à la dynamique linguistique. Les normes de<br />

l'Imaginaire sont issues des qualifications sur la langue exprimées par les locuteurs.<br />

C'est pour cela qu'il y a une interpénétration continue des unes dans les autres; les<br />

normes se constituent en un système normatif, un «cadre opératoire » de repérage des<br />

attitudes sur la dynamique linguistique.<br />

«C'est pourquoi cette typologie peut se résumer à l'étude de la recherche des<br />

qualifiants des imaginaires linguistiques selon un continuum évalué par le chercheur -ou<br />

donné par le sujet lors d'évaluation spontanée (normes évaluatives) -allant du rigide<br />

(norme prescriptive au souple (norme communicationnelle) avec plus ou moins de<br />

discours de type fictionnel (norme fictive). » (Anne-Marie Houdebine-Gravaud, idem)<br />

III. 5. LA RÉALITÉ D'UN CONCEPT: L'UNES LANGUE<br />

S’intégrant parfaitement dans la problématique de la qualité de la langue, le<br />

concept de l’ Unes langue apparaît dans la théorie de l'Imaginaire linguistique suite aux<br />

nombreuses réflexions sur la langue dans le processus de description linguistique<br />

(rapports des sujets parlants avec leur parler, attitudes ou «sentiments» linguistiques<br />

des locuteurs, insécurité ou culpabilité linguistiques, etc.). Qu'il y ait une dynamique<br />

linguistique, c'est déjà démontré (cf. du A. Martinet). Le problème qu'Anne-Marie<br />

Houdebine-Gravaud soulève à l'attention des chercheurs linguistes (Sorbonne -5/6 avril<br />

1993), c'est l'influence, s'il y en a, des attitudes linguistiques sur la langue. Elle part<br />

dans la formulation de cette question de la pensée saussurienne conformément à<br />

laquelle « le lien social tend à créer la communauté de la langue [...] inversement c'est<br />

la communauté de la langue qui constitue dans une certaine mesure l'unité ethnique. »<br />

(Saussure)<br />

Anne-Marie Houdebine-Gravaud s'est attachée à cette question d'une part sur un<br />

plan théorique linguistique, pour tenter une taxinomie des phénomènes déjà repérés,<br />

d'autre part, pour dégager leur influence dans la synchronie dynamique. Pour en venir à<br />

36


ce but, elle a vu la nécessité d'étudier les comportements des locuteurs et leurs attitudes<br />

à l'égard des productions langagières. Diverses, relevant aussi bien des fictions<br />

individuelles que des principes normatifs transmis par les institutions de l'Etat, les<br />

attitudes sont néanmoins trouvables dans toutes les langues. Elles se manifestent par la<br />

croyance des sujets dans la « clarté » ou dans la « beauté» ou dans la « musicalité» de la<br />

langue. Les attitudes peuvent être aussi négatives, dépréciatives quand on constate le<br />

manque de « pureté» de la « langue », l' « invasion des anglicismes ». Et les études sur<br />

ces aspects qui peuvent être, considérés comme appartenant à une linguistique en<br />

extension (cf.Anne-Marie Houdebine-Gravaud) sont appréciées comme<br />

transdisciplinaires car elles visent aussi la langue, les influences externes sur celle-ci, sa<br />

qualité ainsi que les comportements que ces réalités imposent.<br />

Le concept à orthographe et syntaxe provocatrices, l'Unes langue, est né du<br />

constat de la diversité des usages d'une langue. D'ici les différentes façons de parler, les<br />

registres de la langue, qu'on doit accepter car ils existent tout comme la langue et le<br />

locuteur. Comment expliquer autrement cette suite de formulations de la même<br />

question:<br />

- « Quel est ton âge? »<br />

-« Ton âge, c'est quoi? »<br />

-« Quel âge as-tu? »<br />

-« Quel âge que t'as? »<br />

-« C'est quoi, ton âge?»<br />

-« T'as quel âge? »<br />

-« Quel âge t'as? »<br />

Ou parler le discours indirect et indirect libre:<br />

-« Je me demande quel est son âge. »<br />

-« Je m' demande, c'est quoi son âge?»<br />

-« Quel est son âge? Je me demande. »<br />

-« Quel âge a-t-il? Je me le demande. »<br />

-« Je me demande quel âge il a ? »<br />

Anne-Marie Houdebine-Gravaud dévoile l'existence d'une première langue, la<br />

langue maternelle, distincte de la langue inculquée par l'école et d'une langue tierce,<br />

paternelle, située entre l'enfant et sa première langue. L'Unes langue traduit « ce<br />

fantasme d'unité en même temps que les variétés existant dans une langue d'où le s à<br />

Unes. » (Anne-Marie Houdebine-Gravaud, « L'Unes langue », Sorbonne -5/6 avril<br />

1993)<br />

La langue n'est que diversité car elle est un objet véhiculé par un nombre infini<br />

de locuteurs. La prescriptivité est inculquée par l'école ou bien par la littérature mais<br />

37


combien de fois la langue ne trahit-elle le locuteur prescriptif quand elle fait vaciller son<br />

discours? (cf. Anne-Marie Houdebine-Gravaud) « L'imaginaire linguistique alors<br />

s'entend et le fantasme individuel se faufile tandis que le bord de la langue et par là sa<br />

consistance même, se profile » (Anne-Marie Houdebine-Gravaud, « L'Unes Langue »).<br />

Les normes prescriptives elles-mêmes varient, témoignage de l'évolution de la langue,<br />

les nouvelles formes pouvant devenir majoritaires, tout en reflétant les usages<br />

convergents. (cf. Anne-Marie Houdebine-Gravaud)<br />

Nous nous arrêterons sur quelques exemples (devenus déjà célèbres) extraits des<br />

travaux d'Anne-Marie Houdebine-Gravaud et qui illustrent justement cette dynamique<br />

évolutive de la langue au cours de la pratique langagière.<br />

1. Un jeu sur la station de radio dite périphérique: le gain possible est<br />

une parure de lit. La journaliste l' énonce « une parure de lit et deux taies<br />

(tés)». Elle est immédiatement coupée par son partenaire: « deux taies,<br />

deux taies », dit-il insistant fortement sur le é (ouvert de taie. » « Deux<br />

taies, deux taies, une parure de lait / de lit et ...deux taies. »<br />

2. « Passante, vous avez dit passante, mais on doit passagère ». Cette<br />

citation marque la prescriptivité qui hante le locuteur mais, tout comme<br />

le remarque Anne-Marie Houdebine-Gravaud, elle este preuve de<br />

justesse d'une part, mais aussi de fausseté, d'autre part. La norme dit<br />

«passante » mais l'usage dit «passagère », les deux formes coexistent,<br />

preuve qu'il s'agit de l'imaginaire dans la norme prescriptive. Un autre<br />

couple qui s'impose est mettre à jour (l'usage) face à mettre au jour (la<br />

norme).<br />

3.On entend sur les ondes une voix d'homme qui annonce un match de<br />

hand bal (prononcé hand baul). Interrompu par sa consoeur, la voix<br />

féminine dit hand bal et explique qu'étant donné l'origine allemande du<br />

mot, on ne peut pas le prononcer à l'anglaise. La langue est support pour<br />

le lien social (l'homme répond: « hand bol, hand bal, tout ça c'est du<br />

sport»), mais elle peut aussi bien contribuer à sa destruction quand on<br />

insiste trop sur l'un ou l'autre des côtés mis en discussion (normativité -<br />

prescriptivité et usage). « Aussi l’on comprend que « toucher à la langue»<br />

peut paraître à certains attaquer le lieu social et la communauté. Comme<br />

l'on entend dans certaines critiques concernant la féminisation des noms<br />

de métiers ou la réforme de l'orthographe. C'est ainsi que les<br />

conservatismes social et langagier vont de pair. »<br />

Incluse dans le concept de l'Unes langue, la qualité de la langue renvoie au<br />

modèle de langue (« il n'est de français que de Paris» -Fouché). Cette prescriptivité fait<br />

que pour beaucoup de Français et même d'étrangers, le français hexagonal (parisien<br />

cultivé) » reste la seule langue garante de la « qualité du français» (cf. Anne-Marie<br />

Houdebine-Gravaud). La langue vivante infirme cet idéal fantasmatique. Une langue est<br />

parlée tout en se renouvelant, en innovant, en modifiant ses structures car elle est<br />

appelée à rendre des réalités nouvelles tout en transmettant encore les anciennes<br />

38


eprésentations, « reflet des permanences culturelles ou des résistances idéologiques»<br />

(Anne-Marie Houdebine-Gravaud, idem, Sorbonne –5/6 avril 1993)<br />

« Même si les normes prescriptives, fictives, les imaginaires linguistiques ont<br />

une influence sur la dynamique linguistique, il convient de ne pas les tenir pour ce<br />

qu'elles ne sont pas, à savoir la langue elle-même. Peut-être la responsabilité et la tâche<br />

des linguistes se situent-elles là aujourd'hui: dire aux gens de pouvoir, car les linguistes<br />

n'en ont guère, qu'entre la langue réelle et sa représentation rigide, il existe un écart<br />

important. Si on l'ignore, si on confond les deux niveaux, la langue et sa représentation,<br />

on risque de figer les paroles et, bien avant le temps, de porter à notre langue des coups<br />

mortels en la momifiant trop tôt ». (Anne-Marie D Houdebine-Gravaud, idem, Sorbonne<br />

-5/6 avril 1993<br />

III. a. RESUME<br />

La langue reflète l’expèrience humaine. Mais cette expérience subit des<br />

changements, différents l’un de l’autre, mais qui se produisent en même temps. C’est ce<br />

qui engendre le phénomène de synchronie dynamique, c’est-à-dire de diverses formes<br />

linguistiques ayant le même référent qui coexistent, ou L’unes langue. Si nous prenons<br />

comme objet d’analyse chaque sujet parlant nous remarquons que, tout en respectant en<br />

grand les lois prescriptives de la langue, il construira son propre univers linguistique,<br />

selon sa propre expérience. Dans son acception classique, la norme c’est l’ensemble<br />

des règles qui régit la langue. L’acception de la dynamique linguistique réduit le rôle<br />

régulateur de la norme. Ainsi est-on arrivé à admettre l’existence d’une pluralité de<br />

normes. William Labov catégorisait les sujets parlants dans des communautés<br />

sociolinguistiques selon des critères concernant la classe sociale, la profession, l’âge, le<br />

sexe. Anne-Marie Houdebine rejette cette classification invoquant le mélange fréquent<br />

d’attitudes linguistiques chez des sujets appartenant, apparemment, à une seule<br />

commuanuté linguistique. Ici intervient le concept d’Imagianire Linguistique avec ses<br />

normes à lui : prescriptives, fictives, évaluatives et communicationnelles.<br />

III. b. TEST DE VALIDITÉ<br />

1) Quels sont, dans la réalité d’une langue, les éléments qui nous permettent de<br />

parler de synchronie dynamique ?<br />

2) Pensez à quelques exemples qui puissent illustrer l’idée que l’accroissement<br />

de votre expérience a engendré, simultanément, des changements d’ordre<br />

linguistiques.<br />

3) Quels sont les éléments constitutifs de l’imaginaire linguistique d’un sujet ?<br />

39


4) Où situez-vous la délimitation des concepts : communauté linguistique et<br />

imaginaire linguistique ?<br />

5) Précisez la nature des normes qui régissent l’Imaginaire Linguistique d’un<br />

sujet parlant.<br />

6) Identifiez les registres de langue employés dans les exemples suivants et<br />

imaginez des situations appropriées pour chacun :<br />

- Sois patient !<br />

- Ne sois pas si impatient !<br />

- C’est bientôt fini !<br />

- Ça y est tout de suite !<br />

- Petit à petit l’oiseau fait son nid.<br />

- Tu n’en as plus pour longtemps.<br />

- Ne perdez pas patience !<br />

- Il faut patienter encore !<br />

CHAPITRE IV<br />

IV. ANALYSE SYSTÉMIQUE : L’<strong>IMAGINAIRE</strong> LINGUISTIQUE<br />

ET L’INTERACTION SUJET/ DISCOURS / DYNAMIQUE<br />

LINGUISTIQUE DANS LES ROMANS DE MARIN PREDA<br />

Une bonne occasion pour observer la langue dans sa manifestation en tant<br />

qu’expérience humaine est l’analyse de l’oeuvre d’un écrivain qui s’attarde sur<br />

une palette large de représentations des gens appartenants à de diverses couches<br />

sociales, se trouvant sur une topographie variée. Leur langue dévoile autant les<br />

normes linguistiques que les écarts à ces normes.<br />

La parole devenue mot joue un rôle primordial dans la trame narrative de<br />

M. Preda. Elle arrive jusqu’à se constituer en échappatoire, se substituant à la<br />

réalité, ou en déclencheur d’évenements majeurs dans la réalité, de nature à<br />

perturber celle-ci radicalement.<br />

IV 1. ARGUMENTAIRE D’UNE ETUDE – INVESTIGATION SUR LES<br />

ECRITS DE MARIN PREDA<br />

40


Le cycle romanesque de Marin Preda est formé par quatre grands textes:<br />

Morometii (les Moromete), Delirul (Le Délire), Cel mai iubit dintre pamînteni (Le plus<br />

aimé des mortels) et Viaţa ca o pradă (La vie comme une proie). Des fragments<br />

reviennent d'un roman à un autre, l 'homogénéité et la continuité référentielles y étant<br />

assurées par la redondance événementielle et discursive. C'est un univers en quelque<br />

sorte clos, où le contexte socio-historique est celui de la Roumanie des années '50.<br />

Les milieux socio-professionnels et culturels décrits sont d'une grande diversité<br />

et entrent dans une large palette de représentativité linguistique: de l'illettré à<br />

l'universitaire et au journaliste, de l'ouvrier dans les campagnes à l'ouvrier dans la<br />

grande ville, des petits fonctionnaires aux politiques.<br />

Tous ces aspects font que cette œuvre devient un corpus d'analyse -investigation<br />

qui permet de voir La Langue en tant qu'expérience humaine (cf. Martinet) ainsi que son<br />

idéalisation fantasmatique (cf. Anne-Marie Houdebine-Gravaud) légitimée par ses<br />

usagers. L'étude de type sociolinguistique appréhende le sujet parlant dans la<br />

dynamique de sa langue -moment de la dynamique linguistique: le roumain au milieu du<br />

XX-è siècle.<br />

La théorie de l'Imaginaire Linguistique (IL) constituera le support de<br />

l'organisation des étapes de l'analyse-investigation « à la découverte » des normes<br />

linguistiques. Tout en les mettant au jour on essaye de voir dans ces normes des<br />

symptômes sociaux et implicitement, communicationnels, pour une situation de « crise<br />

dans la langue » (si l'on est d'accord sur le fait que toute période de transition sociale<br />

entraîne la langue dans une zone de perturbations).<br />

IV. 2. L'IMPORTANCE DE LA PAROLE, DU MOT CHEZ MARIN<br />

PREDA<br />

Marin Preda est un prosateur roumain du XX-è siècle pour lequel le mot écrit ne<br />

fait que reprendre la parole prononcée, selon son propre témoignage à propos du<br />

discours autobiographique de Viaţa ca o pradă (La vie comme une proie). D'ailleurs, il<br />

consacre tout un chapitre (V) à définir le rôle joué par le mot dans son évolution<br />

spirituelle. A ce titre, quelques exemples traduits nous paraissent absolument<br />

nécessaires pour argumenter notre propos:<br />

-« Fantastiques, pour moi, ce n'étaient pas les visions de Ion M. Ion, [... ],<br />

mais la façon et la raison d'être du mot prononcé quotidiennement par les<br />

gens » (p. 30);<br />

-« ...la force de la parole me dévoilait brusquement comment 1 'homme<br />

pouvait simultanément penser à deux choses tout à fait différentes... » (p.<br />

31);<br />

-« Quelquefois, dans le calme de notre petite chambre, j'entendais venir<br />

du dehors la parole torrentielle, dégradée. » (p. 32);<br />

-« Les eaux, les rivières, les flaques ne me parlaient pas, je ne m'y<br />

intéressais donc pas; ni à la pluie, ni à la forêt, ni au soleil... » (p. 35);<br />

-« La seule chose q.ui me faisait rester muet de fascination, c'était la<br />

parole des gens » (p. 33).<br />

La foi dans la force de la parole devenue mot nous paraît être le trait marquant<br />

de toute l'écriture prédienne, écriture de type réaliste, sans doute. La fréquence même du<br />

41


mot mot (parole) à travers les discours ne peut pas rester inaperçue dans la lecture.<br />

D'une certaine manière, cette redondance lexicale assure, entre autres, la cohésion<br />

discursive. L'attention du lecteur est constamment « détournée » du fil narratif vers ce<br />

qui tisse en fait la trame des événements: le mot transformé en force démiurge.<br />

Par différentes techniques énonciatives, Marin Preda n'arrête pas de montrer le<br />

rôle essentiel que la parole joue dans la destinée des humains de ses romans (par ex., la<br />

parole qui déclenche toute la série d'événements négatifs dans la vie du héros principal<br />

de Le plus aimé des mortels) ou dans la construction de leur univers (la langue invente<br />

et réinvente tout un monde): le paysan -philosophe se réfugie dans le mot pour<br />

échapper à l'impact dur avec la réalité: (Moromeţii -les Moromete); l'intellectuel des<br />

années '50 retrouve dans le mot son meilleur ami de prison (Le plus aimé des mortels).<br />

C'est, sans nul doute, le mot le grand héros parmi les héros de Preda; c'est par le<br />

mot qu'ils se voient et se jugent l'un l'autre, par le mot tout seul, très rarement<br />

accompagné du geste; c'est le mot qui oriente d'une façon décisive les actions<br />

(rencontres, séparations) et les sentiments (amour, amitié, haine) des humains; c'est le<br />

mot qui, sur le plan de la construction des discours, en assure l'autonomie à " un<br />

important nombre, et c'est toujours le mot qui assure au faire mental (V. J. 3. a.), par les<br />

attitudes d'observation et de comparaison, un poids tout à fait spécial.<br />

V.3. LES ROMANS DE PREDA ET LE « PLAISIR DU LANGAGE »<br />

On a retenu les écrits de Marin Preda en corpus à investiguer pour montrer, ou<br />

plutôt découvrir, les rapports langage -langue - homme, dont le fonctionnement nous<br />

préoccupe à présent.<br />

Le fait que le linguiste soit mieux « équipé» pour observer, tirer et classer les<br />

réactions des sujets choisis comme dûment représentatifs peut constituer un obstacle<br />

pour qu'il se forme une opinion (subjective) sur l'aspect esthétique des faits de langage.<br />

Il se retrouve tellement «imprégné» par son rôle de médiateur, par la valeur d'objectivité<br />

qu'il doit nécessairement joindre à ses conclusions, qu'il s'écarte de plus en plus,<br />

psychologiquement parlant, de cette « chance» qu'ont les locuteurs communs de<br />

formuler des jugements de valeur sur la qualité de la langue. C'est là un point d'intérêt<br />

fort que le linguiste attache à l'étude des écrits de Preda.<br />

Ses romans nous font redécouvrir « le plaisir du langage» et la saveur de la<br />

production linguistique quotidienne. Du simple fait des appréciations constantes sur leur<br />

langue ainsi que sur celle de leurs interlocuteurs ou seulement sur la langue des autres,<br />

le comportement linguistique des locuteurs prédiens se charge d'une puissante force<br />

esthétique. Les discours communs, les « hors- discours » reproduits tels quels ou sous la<br />

forme du discours rapporté permettent qu'on perçoive la langue comme un tout, comme<br />

un objet.<br />

La Langue, on l'entend, on l'apprend grâce aux locuteurs de l'univers<br />

romanesque de Marin Preda. En tant que lecteur, on éprouve même la sensation de<br />

participer à la construction du dialogue, des discours prononcés par ces locuteurs, on<br />

est, tout comme le scripteur, « ébloui » devant la force du Mot.<br />

42


Les échantillons de « sujets interrogés » seront formulés des personnages du<br />

cycle romanesque prédien qui perdent cette dernière qualité: nous les saisissons dans<br />

l'interaction des attitudes et des comportements pour pouvoir interpréter une réalité<br />

linguistique complexe. Ils ne leur reste qu'une double qualité, à savoir celle de sujets<br />

parlants et celle d'êtres sociaux. Dans leur rapport à La Langue, le rôle joué par eux est<br />

immense: ces êtres sont en train de faire La Langue, de fixer un moment dans la<br />

dynamique linguistique du roumain, quitte à en déformer et hyperboliser certains traits.<br />

Un dernier aspect à signaler dans notre propos serait celui représenté par la<br />

réalité des interférences linguistiques (roumain-français, roumain-russe, roumainallemand).<br />

A ce niveau-là de l'investigation textuelle, on constate que c'est la diversité<br />

des langues utilisées qui facilite ou soutient la pénétration dans une diversité de cultures.<br />

Les références culturelles, entraînées par la rencontre des langues, abondent, inondent<br />

même quelquefois les discours.<br />

La vision du monde apparaît ainsi clairement incluse dans les langues, la langue<br />

perdant complètement sa fonction répertorielle (cf. Harris), pour ne garder que son rôle<br />

d'accès à un système ou à des systèmes culturels (cf. Ullmann).<br />

IV. 4. ETUDE SUR L'<strong>IMAGINAIRE</strong> LINGUISTIQUE (IL) DANS<br />

MOROMETII - (LES MOROMETE) DE MARIN PREDA<br />

IV. 4.1. REPERES THEORIQUES ET METHODOLOGIQUES<br />

Les analyses linguistiques (voire sociolinguistiques) de dernière date s'appuient<br />

sur la description et l'interprétation des données du langage et de la langue qui mettent<br />

en évidence des variétés linguistiques (l'unes langue). Ces recherches ont montré et<br />

démontré que la notion d'unité de la langue relevait d'une norme fictive car, au fond,<br />

«toute langue [... ] est utilisée de façon différente par les locuteurs » (Anne-Marie<br />

Houdebine-Gravaud).<br />

Dans ce sens-là, la démarche de la recherche entreprise par nous suivra de près<br />

les rapports existant entre le langage, la langue: l'unes langue et ses locuteurs.<br />

Néanmoins quelques précisions d'ordre théorique et métadiscursif s'imposent encore.<br />

L'étude in extenso suit les différents aspects de l'Imaginaire Linguistique à<br />

travers les quatre textes du cycle romanesque prédien Ş<br />

Moromeţii -Les Moromete (M) .<br />

Delirul- Le Délire (D) :<br />

Cel mai iubit dintre pamînteni -Le plus aimé des mortels (PAM)<br />

Viaţa ca o pradă -La vie comme une proie (VCP)<br />

43


Le dépouillement (socio )linguistique de ces textes est favorisé par l'application<br />

des principes de la méthode d'Investigation Textuelle (IT), ceux qui nous ont aussi<br />

permis de constituer le corpus de quatre romans (1. 1. c).<br />

A travers le corpus prédien on a accordé le maximum d'attention au<br />

comportement linguistique du scripteur (l'auteur) et de ses personnages qu'on a<br />

transformés, pour faciliter, opérationnellement parlant, notre analyse -investigation, en<br />

deux catégories distinctes:<br />

-le scripteur -(le) sujet parlant du premier degré, le vrai sujet parlant, dans le<br />

sens « classique » du terme;<br />

-les personnages -(les) sujets parlants du deuxième degré, dont la parole est<br />

médiée par le sujet parlant du premier degré (le scripteur ou l'auteur).<br />

Pour cet échantillon d'analyse, on s'est arrêté sur le texte où la langue primaire<br />

(maternelle) du sujet parlant du premier degré coïncide avec la variété linguistique<br />

(l'unes langue multipliée par -n sujets parlants) représentée par les sujets parlants du<br />

deuxième degré, à savoir le parler des paysans d'Olténie -région du sud de la<br />

Roumanie: Les Moromete. Cette identité linguistique commune au scripteur et aux<br />

humains du roman se constitue en argument pour le découpage terminologique tenté par<br />

le sujet investigant (troisième catégorie de sujet, dont la première langue est le roumain<br />

qui inclut la/les variété/s en train d'être observées).<br />

Le caractère systémique de la théorie de l'Imaginaire Linguistique (Anne-Marie<br />

Houdebine-Gravaud, texte du séminaire du 4. III. 96) nous a facilité le trajet vers la<br />

constitution d'une série de sous-corpus, en fait des groupements d'exemples sur les<br />

causalités internes et les causalités externes qui déterminent, en partie, le rapport des<br />

sujets à La Langue, contribuant à la formation de ce qu'on vient de définir par l'unes<br />

langue (Anne-Marie Houdebine-Gravaud, 1995). Ces sous-corpus d'analyse (en annexe<br />

à notre papier) regroupent des mots, des syntagmes, des bouts de phrases, des phrases<br />

tout entières et des fragments de discours sous le signe des attitudes (« sentiments ») et<br />

comportements linguistiques des locuteurs qu'on a l'impression, en qualité de sujet<br />

investigant, d'enquêter d'une façon indirecte: sous-corpus sur la variété de langue décrite<br />

et interprétée (aspects phonétique, lexical, morphologique, syntaxique, figuratif), souscorpus<br />

des mots-indices pour l'appartenance politique des sujets parlants du deuxième<br />

degré, les sous-corpus représentant l'attitude linguistique (norme fictive) du sujet<br />

parlant du premier degré (le langage silencieux, les précisions d'ordre sémantique, les<br />

appréciations sur la qualité de la langue, les jugements évaluatifs sur le langage, la<br />

langue et l'unes langue).<br />

Le corpus formé des sous-corpus représentatifs pour l'analyse linguistique<br />

entreprise à base d'une investigation textuelle est observé par le sujet investigant comme<br />

étant un ensemble d'indices qui se dégagent objectivement au linguiste, à l'aide du sujet<br />

parlant du premier degré, et qui caractérisent l'appartenance sociale et géographique<br />

(régionale) des locuteurs, leur âge et leur sexe ainsi que les moments dans l'évolution<br />

d'une dynamique de ce parler qu'est la langue des paysans de l'Olténie roumaine au<br />

milieu du XX- è siècle. On rappelle les mots de Martinet qui disait qu'une langue n'est<br />

qu'un dialecte qui a politiquement réussi. D'où notre position linguistique: décrire ce<br />

(bout de) parler en Olténie n'est pas autre chose que décrire une langue dans ses zones<br />

de convergence (consensus des locuteurs) et de divergence (diversité des usages).<br />

44


Les aspects liés à la variété de la langue décrite et interprétée concernent des<br />

causalités externes (hiérarchisation et légitimation sociales de certains usages) et des<br />

causalités internes (purement linguistiques). Ces deux séries de causalités reflètent le<br />

rapport du sujet à la langue et relèvent, par conséquent, de l'Imaginaire Linguistique<br />

(IL) (Anne-Marie Houdebine-Gravaud, 1995).<br />

IV. 4. 2. A LA RECHERCHE DES NORMES LINGUISTIQUES<br />

IV. 4. 2. a. Les marques phonétiques<br />

Certaines marques phonétiques dégagées (Annexe A) seraient de nature<br />

systémique dans la langue (norme objective):<br />

-la transformation de [p] en [b] (bleojdit);<br />

-la transformation de [∫] en [j] (bleojdit);<br />

-la suppression de [h] initial (îlînat) ou médial (Miai);<br />

- l'adjonction de la voyelle [a] (vreai);<br />

-la tendance à la réduction phonétique, par la suppression de certains sons (lu<br />

'domnu, da 'ce, Nila 'm !, Iete-m '; a lu, d-aici, acu, d-acolo); on remarque l'orthographe<br />

vacillante du scripteur -la présence ou l'absence de l'apostrophe pour le même<br />

phénomène phonétique;<br />

-l'adjonction de la voyelle [i] pour diphtonguer ou mouiller les sons (iunde,<br />

fiurca, asi).<br />

Les marques phonétiques objectives sont doublées par des exemples de<br />

phonétismes individuels, manière de caractériser tel ou tel sujet parlant du deuxième<br />

degré (norme subjective) ('cea - Annexe A).<br />

Certains de ces changements phonétiques perçus comme la tendance du parler<br />

analysé, et, en général, de la langue populaire, vont vers la simplification (la réduction)<br />

phonique et deviennent, dans l'usage des sujets parlants du deuxième degré, des indices<br />

de l'appartenance socio-politique. A savoir, la catégorie de sujet parlant, adeptes du<br />

communisme dans une première étape, contribue à une du diffusion rapide des formes<br />

telles ezista (pour « exista »), facista lire (pour «fascista »), isploatat (pour<br />

«exploatat») qu'ils font véhiculer dans leurs discours (Annexe B).<br />

IV.4. 2. b. Les marques lexicales<br />

Les marques lexicales analysées pourraient être groupées en plusieurs souscatégories:<br />

-les régionalismes (norme systémique -objective), perçus comme tels vu leur<br />

fréquence dans les énoncés des sujets parlants du deuxième degré (Annexe A): fa, nea,<br />

întunericeşte, moşmoneşte, neam (pour « nimic »), beştecăia, mursicat, se izmeni...<br />

-les mots inventés par les locuteurs qui tiennent ou bien à la créativité linguistique<br />

(norme systémique -les termes acceptés par l'usage courant des locuteurs) ou au<br />

fantasme linguistique individuel (norme fictive) (Annexe C): colţatul, baloaso,<br />

magarealo, ucebè, setebè, utemè (pour ces 3 derniers exemples on observe la<br />

«déformation» orthographique -norme fictive au niveau du sujet parlant du premier<br />

45


degré);dosădito, iacacinp cinenutrebuie, zaltat, tilimpla, armăsaroaie, bumpen, meatè,<br />

guica, cecsina ...<br />

-la formation des noms propres à partir de surnoms suggérés par des onomatopés<br />

(firfilica) ou le nom du lieu de travail (Marmorosblanc), ou par dérivation nominale<br />

(Guica / Cinenupoate), ou par l'origine de naissance (Parizian), ou purement et<br />

simplement par la fantaisie linguistique du sujet parlant (Zdroncan, Isosica) (Annexe<br />

D).<br />

IV. 4. 2.c. Les marques morphologiques<br />

Les marques morphologiques à caractère systémique se réduisent à deux très<br />

importantes dans le parler populaire d'Olténie:<br />

- l'emploi usuel du passe simple;<br />

- le manque de l'accord entre le sujet et le verbe (Annexe A).<br />

IV. 4. 2. d. Les marques syntaxiques<br />

Le noyau dur de la langue, la syntaxe, est lui-aussi marqué»), par des<br />

changements d'ordre objectif (norme systémique): l'ordre des mots est souvent étonnant<br />

eu égard aux normes écrites ce qui contribue à la création d'une syntaxe populaire de la<br />

phrase relative « Era sănătos, [... ], era un om deştept care îţi facea plăcere să stai cu el<br />

de vorba... pour cu care iţi făcea plăcere să stai de vorbă) ou au changement de<br />

connecteur: « Vezi cum îi faci cu seceratul » pour Vezi ce -(i) faci cu seceratul) (Annexe<br />

A).<br />

IV. 4. 2. e. Les marques sémantiques<br />

Le niveau sémantique est lui aussi altéré dans le sens que la, méconnaissance de<br />

la signification correcte de certains mots peut devenir indice d'ordre socio-politique. II<br />

s'agit surtout des mots récemment. entrés dans l'usage courant et véhiculés dans les<br />

discours du politiques: « Eu sînt comunist şi anticomunist... » ou « Îmi fac critica şi<br />

autocritica... » (Annexe B).<br />

IV. 4. 2. f Les figures du langage<br />

Un autre ordre de facteurs qu'on devrait prendre en considération pour illustrer la<br />

force de la créativité linguistique des sujets parlants du deuxième degré (norme<br />

systémique) dans cette variété régionale du roumain, ce sont les figures du langage<br />

(Annexe E). Moyen d'enrichissement de l'expression imagée (figurée), ces figures<br />

colorent les discours des sujets parlants du deuxième degré ou les interventions du<br />

scripteur. Elles relèvent pour la plupart de l'univers de l'existence paysanne<br />

(comparaisons, métaphores, métonymies, personnifications, épithètes plus ou moins<br />

46


eliées à la ferme): « Ăsta e bou! Bou de mere şi de pere » -traduction: Lui, il est un<br />

bœuf ! Bœuf de pommes et de poires; « Dau din coadă să ies din iarnă» -traduction: Je<br />

remue la queue pour sortir de l'hiver.<br />

IV. 4. 2. g. Les jurons<br />

Les jurons représentent une autre catégorie que le sujet investigant intégrerait<br />

dans la catégorie des normes systémiques, étant à la fois de puissantes marques de la<br />

masculinité dans le langage (Annexe E): « Lovi-o-ar moartea de Bisisica ! » -<br />

traduction: Que la mort frappe Bisisica; « Cîşi, mîncate-ar cîinii » - traduction: Que les<br />

chiens te mangent!<br />

IV. 4. 2. h. Le mot -marque socio-politique<br />

Le mot - reflet des changements socio-politiques pendant l'époque de transition<br />

d'une société de type capitaliste vers une société de type socialiste -est perçu par le sujet<br />

parlant du premier degré et par le sujet investigant, dans sa dynamique, plus<br />

précisément dans ses co-occurrences qui seront connues sous le nom de langue de bois.<br />

Pendant cette période trouble, ou l'engagement individuel était déclaré ou non, se<br />

produisait ou pas, le mot, le syntagme, la phrase, la structure discursive deviennent<br />

marques engagé/non-engagé (Annexe B). Ces éléments traduisent des attitudes (ou<br />

«sentiments linguistiques») où l'on voit clairement le rapport de dépendance entre les<br />

locuteurs et les facteurs d'ordre subjectif, idéologique et psychologique (norme fictive,<br />

imaginaire linguistique). Le mot devient un premier pas dans la « conversion » des<br />

locuteurs vers un nouveau type de société et, en plus, paraît-il, plus vite cette conversion<br />

se fait sur le plan linguistique, mieux c'est ou moins douloureux est le processus<br />

d'adaptation. Voilà un exemple d'action presque magique du mot sur le comportement et<br />

les sentiments des individus.<br />

C'est le moment de l'apparition de la catégorie de locuteurs qui, malgré leur<br />

appartenance régionale commune (l'Olténie), leur origine sociale identique (des<br />

paysans), situables, pour la plupart, dans les mêmes classes d'âge (30-40-50 ans),<br />

commence à adopter des attitudes et des comportements linguistiques divergents: le<br />

vieux père se moque de la nouvelle langue de bois de son fils, incomprise par lui; le<br />

vieil ami se moque de celui qui a déclaré verbalement son appartenance politique. On<br />

observe, néanmoins, que l'âge et le sexe agissent en catégories pertinentes pour le<br />

rapport langue de bois - individu: les jeunes hommes sont beaucoup plus perméables<br />

aux «innovations» linguistiques que les vieillards ou les adultes mûrs; de même, la<br />

résistance des femmes est plus forte face au renouveau linguistique des hommes, les<br />

paysannes étant moins impliquées dans le processus général des transformations<br />

sociales.<br />

IV.4. 2. i. Attitudes ou « sentiments » linguistiques<br />

L'imaginaire linguistique dans le roman Les Moromete se dévoile suite à<br />

l'analyse des sous-corpus des jugements évaluatifs sur la langue (norme fictive)<br />

47


(Annexe F), des sous-corpus sur la qualité de la langue (norme évaluative) (Annexe G),<br />

sur les précisions sémantiques faites pour la plupart par le sujet parlant du premier degré<br />

(Annexe H) ainsi que sur les remarques qui relèvent du «langage silencieux» (normes<br />

fictives) (Annexe 1). A travers ces exemples, le sujet investigant analyse l'attitude<br />

linguistique de l'auteur en tant que scripteur ou locuteur commun (subjectif). Nous<br />

découvrons alors un scripteur aux aptitudes de théoricien du langage, ce qui nous<br />

autorise à considérer quelques-unes de ses remarques comme étant propres à<br />

l'objectivité d'un chercheur.<br />

Les appréciations se font sur la qualité de la langue, sur ce qui est beau ou moins<br />

beau (norme prescriptive), sur la tonalité de la voix, le rythme des paroles et l'intonation<br />

des phrases deviennent toutes des modalités de caractérisation des sujets parlants (par<br />

ex.: le rythme lent de la langue moldave s'oppose à la fréquence rapide des paroles dans<br />

la langue d'Olténie, marquant l'appartenance régionale des locuteurs) (Annexe G):<br />

ex. (traduction): « ...des paroles qui, c'est vrai, ne ressemblaient pas tout à fait à celles<br />

du parler courant, mais qui étaient simplement plus belles, on dirait extraites des livres<br />

lorsqu'un long récit commence. »<br />

Le rapport langue-pensée est très bien mis en évidence par les exemples du souscorpus<br />

Annexe J. Ce « langage silencieux » illustre une réalité linguistique propre à<br />

certains locuteurs de l'univers prédien: parler avec soi-même, parler dans le rêve, porter<br />

un dialogue imaginaire. Celui qui n'a pas le don de la parole apparaît sous le surnom de<br />

« Le Muet ». ex. (traduction): « Et chaque fois qu'il arrête le chariot et qu'il descend, il<br />

regarde longuement sa terre et dit: « Bonjour, ma terre!» Et la terre lui répond: « Merci<br />

à vous, Voicu ! » (dialogue imaginaire ).<br />

Le scripteur -sujet parlant du premier degré –ressent toujours le besoin de<br />

préciser le sens des mots, d'expliquer la provenance et la signification de certaines<br />

constructions, de rapporter la langue, le mot à la réalité (norme fictive) (Annexe H).<br />

Cela témoigne, entre autres, un haut degré d'ambiguïté sémantique au niveau de<br />

l'imaginaire linguistique des sujets parlants du deuxième degré:<br />

Ex. (traduction : « …il [Moromete] n’a personne à qui parler, dans le sens qu’il n’y a<br />

person digne d’écouter ses pensées…”)<br />

ou « Jeudi après les Pâques, c’était une moquerie, ce qui voulait dire “jamais”.”<br />

Les jugements évaluatifs sur la langue des sujets parlants du deuxième degré<br />

abondent dans le texte; ils contribuent à définir l’état de l’unes langue tout en prouvant<br />

l’existence d’une théorie de la langue dont le scripteur est le principal porteur (Annexe<br />

F).<br />

Ex. (traduction): “Il commença, par une voix douce, à lui dire un longue conte<br />

qui durait longuement, et où les mots “ce papa disait que”, “et moi, je disais que”<br />

revenaient très souvent dans son parler.”<br />

Ou: “… ces paroles qui justifiaient l’énorme flot des mots…”<br />

Ou: “C’est à dire que tu parles en vain si tu ne veux pas comprendre ce que l’on te dise,<br />

c’est que tu as beau de dire ensuite des choses vraies, à quoi ça te servira-t-il?”<br />

La recherche sur l’Imaginaire Linguistique (IL) dans Les Moromete s’étend sur<br />

un échantillon de locuteurs homogénéisables socialement et géographiquement, c’est-àdire<br />

du point de vue de leur occupation de base (des paysans travailleurs des champs) et<br />

48


de leur pays d’origine (l’Olténie). Ces facteurs (causalités) externes déterminent leur<br />

attitude linguistique: les locuteurs prédiens se révèlent, en fait, très prescriptifs eu égard<br />

à leur parler, ils manifestent une certaine constance dans l’expression de leurs pensées<br />

(norme communicationnelle). Par exemple, au moment où des locuteurs tels Niculae<br />

Moromete, le paysan philosophe, devenu activiste du parti communiste ou le notaire,<br />

communiste engagé tout comme Bila était paysan engagé, essayent de transgresser les<br />

normes prescriptives locales, la communication devient « brouillée », les précisions<br />

sémantiques faites par le sujet parlant du premier degré sine qua non, et, par<br />

conséquent, très fréquentes. Cette attitude subjective à l ‘égard de la langue de bois<br />

permet, à la fois, l’étayage des sentiments des autres locuteurs face à La Langue, forme<br />

de résistence sociale (facteur d’inertie) ou de progrès social (facteur du renouveau).<br />

Ex. (traduction) : « Qu’est-ce que ça veut dire, des instruments ? » (C’était un mot<br />

extrait des journaux, par lequel on désignait ces paysans qui continuaient encore à avoir<br />

de bonnes relations avec les anciens propriétaires de terres… ») (Annexe H).<br />

Au bout des échantillons d’analyse qu’on vient de présenter, il devient évident<br />

qu’une méthodologie complexe est mise en œuvre par Marin Preda pour mettre en<br />

évidence une variété de comportements linguistiques et leurs tendances dynamiques<br />

dans tout ce qu’il y a, à la fois, de convergent et de divergent, d’objectif et de subjectif<br />

(facteurs extralinguistiques). Si le sujet investigant a trouvé passionnant repérer ces<br />

constituants de l’Imaginaire Linguistique, c’est encore pour démontrer et vérifier<br />

comment les représentations (fictives ou objevtives) influencent le comportement des<br />

sujets. C’est ce qui permet, en fin de compte, de mieux comprendre les mécanismes de<br />

« révolution » linguistique.<br />

IV. a. RESUME<br />

L’Imaginaire Linguistique d’un sujet parlant se caractérise par les<br />

normes particulières qui le régissent. Concrètement, ces normes peuvent recouvrir les<br />

formes suivantes, formes considérées comme des écarts à La Norme : des marques<br />

phonétiques, des marques lexicales, des marques morphologiques, des marques<br />

syntaxiques, des marques syntaxiques, des marques sémantiques, des figures de<br />

langage, des jurons. Le mot peut ainsi devenir une marque de l’appartenance sociopolitique,<br />

ou bien peut trahir des attitudes ou sentiments linguistiques.<br />

IV. b. TEST DE VALIDITÉ<br />

1) Donnez quelques exemples pour illustrer les normes qui régissent<br />

l’Imaginaire Linguistique d’un sujet parlant.<br />

2) En prenant comme objet d’analyse des sujets parlants se trouvant dans votre<br />

entourage, remarquez les différentes marques linguistiques qui les éloignent de “la<br />

langue standard”.<br />

49


ANNEXE A<br />

SOUS-CORPUS AVEC DES ELEMENTS D'ORDRE PHONETIQUE,<br />

MORPHOLOGIQUE ET SYNTAXIQUE PROPRES A LA VARIETE<br />

DE LANGUE PARLEE DECRITE<br />

"Nea îndărăt, blegule unde vreai să te duci?" (M, I, 7)<br />

"Acu se întunericeşte " (M, I, 7)<br />

"Raci o să mîncăm, fă, d-aia te vaiţi tu? " (M, I, 7)<br />

"Lovi-o-ar moartea de Bisisica ! "(M, I, 9)<br />

« Niculae o ţinea minte încă de pe cînd era o noantină" (M, I, 9)<br />

"…beştecăind cu corniţele ei mici… "(M, I, 10)<br />

"Taci din gură că nu-ţi iese maţăle " (M, I, 12)<br />

"Ce e, fă, zălţato, ce vreai să fac eu?" (M, I, 12)<br />

“E Florica lui Miuleţ şi cu ga Leana" (M, I, 14)<br />

"… i-a luat-o a lui percitoru înainte… " (M, I, 21)<br />

"Niculae ieşi din tindă niţel bleojdit… " (M, I, 35)<br />

"E caii voştri […]" (M, I, 48)<br />

"Băi Nilă-m'!" (M, I, 67)<br />

"- Eu, domnule comandant, zise un glas. N-a vrut sa vie, 'cea ca el e ostenit de la sapă,<br />

'cea că ce, …." (M, I, 81)<br />

"Îi convine lu' domnu…" (M, I, 81)<br />

"Cînd l-au îţînat să se scoale... " (M, I, 87)<br />

"Vite, acu' se întoarce ăla… " (M, I, 87)<br />

"Plecaţi d-aici, că… m-aş în gura voastră de oţi!" (M, I, 88)<br />

"Ai terminal de sapă?" (M, I, 107)<br />

"Şi n-avea neam păr pe cap!" (M, I, 134)<br />

"Da' ce, o doare ghearele să-i dea sula de pe poliţă?!... " (M, I, 176)<br />

"Ai lu Ilie Moromete!" (M, I, 181)<br />

"Şi alea ce zicea... Alea nu zicea nimic?" (M, I, 195)<br />

"... beştecăia la ciorap" (M, I, 199)<br />

"Barîm să tacă din gură!" (M, I, 204)<br />

"Ce tot dondăneşti din gura aia?" (M, I, 216)<br />

"Era sănătos, [...], era un om deştept care îţi făcea plăcere să stai cu el de vorbă..." (M,<br />

I, 236)<br />

"Vezi cum îi faci cu seceratul!" (M, I, 243)<br />

"Nia d-acolo...! (M, I, 257)<br />

"A venit cu pălăria lui ta-său!" (M, I, 260)<br />

"Stai la-n loc!" (M, I, 299)<br />

"Vatica, vezi să nu-ţi taie vreun deşti'" (M, I, 300)<br />

"Hei, und' te duci?" (M, I, 307)<br />

"Cornile, iunde e fiurca? se izmeni Anghelina... " (M, I, 318)<br />

"Ion al lui Miai"<br />

“aşi fi”<br />

"... dacă nu-i bate ăia pe-ăia, atunci îi bate ailanţi pe astenlanţi!" (M, I, 28)<br />

50


ANNEXE B<br />

SOUS-CORPUS AVEC DES LEXEMES ET STRUCTURES<br />

DEVENUS DES INDICES DE L'APPARTENANCE POLITIQUE<br />

(OU VERS LA LANGUE DE BOIS)<br />

"ezista procese-verbale" (M, II, 156)<br />

"un manochin. De ce manochin? !" (M, II, 178)<br />

"Măi, parcă ziceai că în sectembre îţi dai concediu" (M, II, 186)<br />

"... adăugăm două zeruri... " (M, II, 187)<br />

"...màhine..." (M, II, 202)<br />

“…văpsească " (M, II, 453)<br />

“…te-am isploatat…" (M, II, 477)<br />

"... facistà... " (M, II, 490)<br />

"Eu îmi caut eul meu" (M, II, 67)<br />

"U-manism, citi Moromete, lăsîndu-se în voia sunetului cuvîntului. În speranţa că în<br />

felul acesta i se va dezvălui poate şi înţelesul, u-manism, repeta el, în gîndirea<br />

secolului." (M, II, 68)<br />

"Un cuvînt străin de vorbirea lor, uşor de ghicit că venea de la notar, revenea din cînd în<br />

cînd ca o oaie brează. În cele ce spuneau: fericire!" (M, II, 75)<br />

"Nu mă cunoşti, domnule Moromete, zice. Eu sînt comunist anticommunist. "(M, II,<br />

202) "Tovarăşii …. Îmi fac critica şi autocritica" (M, II, 440)<br />

"celula" (M II 76)<br />

"adeziune" (M, II,76)<br />

"transubstanţa" (M, II, 84)<br />

"Sancta simlicitas" (M, II, 85)<br />

“Nu voia să-I spună sau poarte nu ştia nici el, însă cuvîntul perinda arăta că observase<br />

totuşi acest fenomen...” (M, II, 108)<br />

“…faceţi politica struţului (expresia asta o auzise probabil tot de la acest fost prefect…)<br />

(M, II, 112)<br />

“…se urcau într-un Gaz…” (M, II, 142)<br />

“Evidenta…” (M, II, 147)<br />

“…construirea socialismului…” (M, II, 150)<br />

“…unelte…” (M, II, 170<br />

“…chiaburii…” (M, II, 170)<br />

“…şi la asta să se rezume tot rolul lor…” (M, II, 172)<br />

“… nu vreai să vii la sfat şi să lichidezi afacerea aia…” (M, II, 202)<br />

“BIROU” (M, II, 207)<br />

“…eşti în eroare…”<br />

“…traducerea în fapt”<br />

“…strecurînd un cuvînt care în alte împrejurări avea un înţeles de îndoială : Cred că o<br />

luam, tovarăşe secretar, fiindcă la noi totul e organizat” (M, II, 217)<br />

“ Bine că venişi tu cu alte modalităţi, zise Moromete…” (M, II, 234)<br />

“…origine sănătoasă ” (M, II, 298)<br />

“…cuvintele ce le-a zis de bastionul socialismului” (M, II, 424)<br />

51


SOUS-CORPUS AVEC DES MOTS INVENTES<br />

„Tu-ţi adineaurea mă-ti” (M, I, 7)<br />

„Taci, fă, din gură, dosădito” (M, I, 17)<br />

„N-auzi ce zice colţatul ?” (M, I, 19)<br />

„Dă-le-n iacacine de fete” (M, I, 33)<br />

„...tăia-te-ar cinenutrebuie...(M, I, 89)<br />

Parcă mi-ai cumpăra din averea mă-tii, izmenito.”...” (M, I, 89)<br />

„Nu ţi-ar fi ruşine, măgăreaţo.” (M, I, 89)<br />

„Nu ia ăla una ca tine, botoaso !” (M, I, 90)<br />

„...să cumpărăm nişte gumarabică...” (M, I, M, I, 133)<br />

„...ce găinezi acolo pe scaun ?” (M, I, 176)<br />

„Cecsina ! blodogări Paraschiv fără să se sinchisească. (M, I, 190)<br />

„Na, mă, pleacă de aici, Căpăţînosule ! Ai un cap cît o baniţă !” (M, I, 255)<br />

„Fă, armăsăroaicelor, legaţi-vă cîinele...!” (M, I, 257)<br />

„Sîntem prea cuminţi, domnilor, sîntem plini de cumsecădenie !” (M, I, 271)<br />

„Stai jos, starea-i bumben !” (M, I, 290)<br />

„Paraschiv lucrează la ucebé...” (M, II, 7)<br />

„...că acum trecuse la setebé (Societatea Tramvaie Bucureşti)” (M, II, 8)<br />

„mneatè” (M, II, 210-211)<br />

„mă tilimplă” (M, II, 220)<br />

„...să-i spună că e poancă, un cuvînt născocit de ea...” (M, II, 226)<br />

„utemè” (M; II, 286)<br />

„geacè” (M, II, 452)<br />

52<br />

ANNEXE C


ANNEXE D<br />

SOUS-CORPUS ILLUSTRANT LA FORMATION DES NOMS<br />

PROPRES À PARTIR DE SURNOMS<br />

Jupuitu<br />

Voicu Cîinaru<br />

Burtica<br />

Guica -"Leica, nu mai guici aşa [... ] Ce guicii aşa, leica ? Cum mai guică ! Ca o<br />

purcea!"<br />

"Parizianul- "... Pe vremuri ea [mama] însoţise la Paris, ca servitoare, pe cucoana<br />

Marica. "(M,l, 189)<br />

Sfîfirlica<br />

Bălosu<br />

Ţugurlan Botochina<br />

Ciuica<br />

Scamosu<br />

Ciorosbuliga<br />

Terente<br />

Oăbei -"Ouă, bei, care mai vinde ouă ?" (M, Il, 73)<br />

Gogonaru<br />

Isosica -"Se spunea despre acest Isosica -de fapt îl chema Tabîrgel Gheorghe, după<br />

numele lui tat-său, dar nu ştie cine îi scornise aceasta porecla care oricît te-ai fi gîndit<br />

tot nu ţi-ai fi putut da seama ce putea sa însemne... " (M, Il, 88) 1:<br />

Cinenupoate<br />

Bila<br />

« Zdroncan […] – de fapt îl chema Fănică, porecla i.o dăduse maică-sa cînd era mic<br />

fiindcă alerga toata yiua prin pat […] ; şi aşa îi rămăsese numele şi pronumele. »(M, II,<br />

209)<br />

« Te-a poreclit Mutul. Nu vorbeai neam ![…] ! N-aveai darul vorbirii ! » (M, II, 505)<br />

53


ANNEXE E<br />

SOUS-CORPUS AVEC DES FIGURES DU LANGAGE<br />

"Văile clocotiră... "(M, l, 73) -personnification nature<br />

"Ei, acuma ce-ai rămas cu capul între urechi ? !" (M, I, 73) -expression figée imagée<br />

"... l-a cîştigat satul la belciuge ?" (M, I, 81) -expression figée imagée<br />

"Parcă pe mine m-a prins statul de bogdaproste... " (M, I, 81) -idem<br />

"Cînd mitralierele inamice începură să "toace" din gură ..." (M, I, 85) -personnification<br />

"... te-ar lovi vărsatul ăla marele !... "- juron à base de personnification<br />

"Degeaba are doi creiri” (M, I, 110) - expression figée imagée<br />

"Opreşte ca s-a fleşcăit !" (M, I, 121) - idem<br />

"... numai dumneata o întinzi ca gaia -matu de mai bine de cincisprezece ani !... "(M, I,<br />

141) - comparaison<br />

"Dau din coadă să ies din iarnă" (M, I, 150) -métaphore<br />

"... parcă nu-ţi ajunge că ai ajuns ca o laiţă !” (M, 1, 158) - comparaison<br />

"În loc sa te apuci de muncă, baţi cîmpii in bocanci, păzeşti pe boier !" (M, I, 182) -<br />

expression figée imagée<br />

".. .turna Moromete apa rece peste propria-i liniştire" (M, II, 186) - idem<br />

"Ăsta e bou ! Bou de mere şi de pere" (M, I, 256) - métaphore<br />

"…ai făcut-o fiartă !... " (M, I, 325) -expression figée imagée<br />

"Am prins pe dracu ghem" (M, I, 14) -personnification<br />

“Tu, Paraschive, ce stai acilea şi beleşti fasolele la mine ?" (M, I, 18) -expression figée<br />

imagée à base de métaphore<br />

“Tu-fi adineaurea mă-tii !" (M, I, 7)<br />

"Cîşi, mînca-te-ar cîinii !" (M, I, 8)<br />

"Mînca-te-ar lupii sa te manînce !" (M, I, 9)<br />

"Lovi-o-ar moartea de Bisisica !" (M, Il, 9)<br />

"Să te ia naiba... " (M, I, 20)<br />

JURONS<br />

54


ANNEXE F<br />

SOUS-CORPUS AVEC DES JUGEMENTS ÉVALUATIFS SUR LE<br />

LANGAGE, LA LANGUE ET L'UNES LANGUE<br />

"Începu cu un glas bun să-i spună o poveste lungă care ţinea multă vreme, şi în<br />

care cuvintele "aide tata zice că ", "şi eu ziceam că" reveneau des in vorbirea lui. (M, I,<br />

424)<br />

“Cuvintele din urmă n-aveau nici o noimă, deoarece Paraschiv nu fusese<br />

niciodata unul din. aceia care să poată fi numit traistă şi la care să fi venit cineva să<br />

mănînce". (M, I, 429)<br />

"Da- tu cum vorbeşti ? [... ] şi neinţelegerea cuvintelor care păreau să adeverească<br />

astfel ca sint făcute ca să-i incurce şi nu să-i ajute pe oameni să comunice mai uşor<br />

între ei". (M, I, 19)<br />

"Uite, mă, Cioroşbulingă", îi zise şi renunţă să mai spună restul, zicîndu-şi poate că nici<br />

pe patul de moarte cuvintele sau lucrurile la care se referă ele nu merită sa le spui<br />

numele şi să vorbeşti despre ele". (M; II, 54)<br />

"Adică degeaba vorbeşti dacă nu vreai sa inţelegi ce ţi se spune, degeaba spui tu pe<br />

urmă lucruri adevărate, la ce foloseşte ?" (M, II, 194)<br />

"... ai ceva să-mi spui sau vorbeşti şi tu ca să te afli in treabă ?" (M, II, 199)<br />

"Prea multe vrei să ştiu, il parafrază atunci lipoveanul acela pe Vasile". (M, II, 212)"<br />

"Vorbe multe, inţelegere pţină !... "(M, II, 321)<br />

"...acele vorbe care justificau enormul val de cuvinte... " (M, II, 326)<br />

"... între cuvintele acelea ciudate [... ] şi cutia de table [...] nu exista nici cea mai mică<br />

legătură. "(M, II,83)<br />

"Vorbeşte, [...], dacă crezi în ideile dumitale, [...], dar sa ştii [...] eşti în eroare." (M, II,<br />

55


ANNEXE G<br />

SOUS-CORPUS AVEC DES APPRECIATIONS SUR LA QUALITE<br />

DE LA LANGUE<br />

"... nişte cuvinte care, ce e drept, nu semănau chiar cu cele din vorbirea<br />

obişnuită, ci erau doar mai frumoase,aşa cum sint ele în cărţi, cînd se începe o<br />

povestire lungă. "(M, II, 263)<br />

"... ce mai limbă o fi şi asta să-i spui vacii carova... " (M, II, 315)<br />

"... acele vorbe care justificau enormul val de cuvinte... " (M, Il, 326)<br />

"... acelaşi glas îndepărtat şi îmbulzit de alte gînduri'" (M, I, 11)<br />

"... glas care il făcu pe Niculae sa se opreasca din plins. " (M, I, 12)<br />

"...în acelaşi glas moale pe care copiii nu prea i-l cunoşteau (M, I, 56)<br />

cuno~teau. " (M,l, 32) , "În privinla injuraturilor era vestit, il înjura ~i pe tat-S\l -<br />

zicea ca de ce l-a fâcut -înjura ~i pe popa... " (M,l,56)<br />

"Avea însa un glas cu totul deosebit de al celorlalli, parcă ar fi fost singurul care<br />

punea întrebarea, sau în orice caz singurul căruia să i se răspundă. "(M, I, 74)<br />

"Era glasul ei cunoscut, glasul ei care ii aprinsese inima. " (M, I, 170)<br />

"…îl informa pe "Paraschiv avind in glas ceva care arăta că în privinţa asta de<br />

mult sînt ei acoperiţi de ruşine. " (M, l, 198)<br />

"Destule vorbe urite am auzit în casă !" (M, I, 203)<br />

"...glasul spălat al lui Victor ..." (M, I, 229)<br />

"...şi cuvîntul parale se urca în salcîmi şi pluti limpede prin împrejurimi. " (M, I,<br />

233)<br />

"...aceeaşi vorbărie fără noimă... "(M, I, 236)<br />

"Acolo însă unde sînt mulţi copii, tatăl [... ] este înarmat cu vorbe usturătoare şi<br />

cu rafinate ironii. " (M, I, 285)<br />

"...se izmeni Anghelina la felde suţire." (M, I,318)<br />

"...ea vorbi apăsat, cu un glas coborît, cu o neaşteptată linişte şi hotărîre. " (M,<br />

I, 443)<br />

"Şi pronunţase cu atîta satisfacţie cuvîntul, incît baiatul se înfricoşă, fiindca era<br />

adevărat. " (M, II, 7)<br />

"...toate cuvintele şi toate gîndurile, spuse cu glas tare sau doar lăsate să fie<br />

înţelese dintr-o gîfîitură sau mîrîială. " (M, II, 24)<br />

"... îi şopti tot în felul ăsta al lui de parcă îi era milă de cuvinte.. ." (M, II, 54)<br />

"...şi glasul îi era muncit... " (M, II, 58)<br />

"... ca să i se subţieze glasul mai boiereşte, şi să fie auzit mai bine de urechile<br />

muierilor. "(M, II, 73)<br />

"-5i avu o astfel de intonaţie în glas, încît s-ar fi putut crede ca se bucură... " (M,<br />

II, 82)<br />

"Şi doar se spuseseră în faţa lui cuvinte menite sa-i întindă măcar un zîmbet... "<br />

(M, II, 172)<br />

56


"(M, II, 202)<br />

"... spunea el cu blîndeţea aceea a lui din glas sub care zăcea ceva neliniştitor...<br />

57


ANNEXE H<br />

SOUS-CORPUS AVEC DES PRECISIONS (CLARIFICATIONS)<br />

D'ORDRE SEMANTIQUE<br />

"…n-are cu cine discuta [Moromete], cu sensu! că nimeni nu merita să-i asculte<br />

gîndurile" (M, I, 67)<br />

"Că cînd am sa-ţi fac eu un raport [...], strigă Toderici, batjocorind vorbirea<br />

celuilalt. "(M, I, 83)<br />

"Joi după Paşti'" era o batjocură, adică niciodata. " (M, l, 169)<br />

"N-am de gînd să înghit ceea ce nu se cuvine", însemnau de fapt cuvintele ei,"<br />

(M, I, 202)<br />

"...'vrînd parcă să spună că e de dorit ca acest cui să nu mai iasă niciodată de<br />

acolo." (M, I, 226)<br />

"După felul cum vorbise, Moromete părea sa aibă ceva nou de spus despre<br />

Traian acela, ..:" (M, I, 230)<br />

"Bumben ? ! se mira Moromete. Asta ce-o mai fi ? Asta însemna că Niculae sa<br />

fie bolnav şi să stea cu şezutu1 în sus." (M, l, 290)<br />

"- Adică vreai să spui ca nu e pe din două, din moment ce-ţi " rămîn ţie paiele !<br />

zise Moromete". (M, I, 320)<br />

"- Nu pot, zice. Îmi trebuiesc banii. Dacă e vorba ca te bizui pe oi, nu pot să-ţi<br />

dau", putea să se înţeleaga din glasul său... "(M, I, 404)<br />

"Ucebè-ul acela (Uzinele Centrale Bucure~ti) tocmai asta era [...]. La toţi li se<br />

părea ca daca zic ucebè, în loc de măturător de stradă, pot să ascundă in acest fel<br />

adevărul nenorocirii lor... "(M, II, 7)<br />

“Nu neapărat era o întrebare de bine, dar nici de rău, iar spinii din ochi iî ţîşniră<br />

din pricina precizării la care fusese silit : mama, cum întrebase el, era una, iar mama<br />

noastră era cu totul altceva, n-o cunoscuseră niciodată…” (M, II, 18)<br />

“Acum se înţelesese Achim spunînd mama noastră mamei lor vitrege, vorbise<br />

deci la plural şi îi inclusese în felul ăsta pe toţi trei, adică in loc să vorbească la singular,<br />

numai în numele lor, adică.” (M, II, 19)<br />

“Cuvintele “mă duc la ailaltă în vale” începură să revină în gura ei încărcate de<br />

ameninţări întunecoase (“o să vedeţi voi”), stîrnind pînă la urmă în cele două surori o<br />

înverşunare surdă împotriva “Alboiaicei”…”(M, II, 34)<br />

“Şi in urma acestor cuvinte care fuseseră rostite ca să înţeleagă că el îl pusese pe<br />

Ouăbei să-I vorbească aşa poştarului…” (M, II, 74)<br />

“Blana era de fapt un ciomag mai gros…”(M, II, 94)<br />

“Adică cum unelte ?” (Era un cuvînt din ziare, prin care erau desemnaţi astfel<br />

acei ţărani care continuau încă să fie în relaţii paşnice cu chiaburii, alt cuvînt<br />

necunoscut în sat prin care erau desemnaţi cei cu stare)” (M, II, 170)<br />

“Vroia, adică, să spună…dar nu spuse că aşa cum zicea ea…” (M, II, 170)<br />

“Bravo, mă tilimplă, zise Isosica cu o falsă admiraţie folosind acest cuvînt cu<br />

care se adresa el în general demult tuturor băieţilor, numai el cunoscîndu-i înţelesul…”<br />

(M, II, 220)<br />

“Ea întoarse capul în felul acela al ei care o făcuse pe maică-sa să-i spună că e<br />

poancă, un cuvînt născocit de ea pentru felul cum fata ei, cind se uita undeva, nu<br />

întorcea faţa într-acolo, şi parcă o arunca…”(M, II, 226)<br />

58


ANNEXE I<br />

SOUS-CORPUS ILLUSTRANT LE "LANGAGE SILENCIEUX"<br />

"Pe mă-ta şi pe tine, chiorule!”şopti atunci Moromete pentru el însuşi, ca şi cînd pînă<br />

atunci ar fi înjurat pe cineva în gînd [... ]; după care răspunsese foarte binevoitor: ..."<br />

(M, I, 6)<br />

"0 să mă rog de el să nu mă ia la sapă şi o să mă lase, gînd Niculae suspinînd... "(M, I,<br />

41)<br />

"Moromete avea uneori obiceiul -semn de batrîneţe sau poate nevoia de a se convinge<br />

ca şi cele mai întortocheate gînduri pot căpăta glas - de a se retrage pe undeva prin<br />

grădină sau prin spate/e casei şi de a vorbi singur". (M, I, 66)<br />

"Ţugurlan însă rămase nemişcat. "Săracul Ion al lui Miai, gîndi el, a făcut-o fiartă şi<br />

acum vine la mine ca şi cînd eu aşi fi frate-său... " (M, I, 325)<br />

"Pe cîtă vreme tu ce vreai ? Nu ţi-e ruşine ? Ştii bine că m-ai văzut cînd eu credeam că<br />

nu e nimeni şi stam eu singur... N-am obiceiul ăsta, nu puteam să-i sufăr pe băieţi la<br />

gîrlă cum se aruncau în apă goi... [...] Dar asta... He ! 0 figură... Eşti curios să ştii cît...<br />

Du-te, mă, dracului, dacă ar fi aşa, te-ai împletici în mers şi ai cădea în nas, tîmpitule...<br />

Nu că, zău care minte... Te mă şi te-nsoară, ce mai aştepţi, nu, că nu vrea tata să-mi<br />

dea pămînt, cică să fac întîi armata, da' cîţi dracu ani ai tu, păi şaisprezece, aoleo, mai<br />

ai patru ani pînă la armată... " (M, II, 268) - rêve<br />

"Şi cînd opreşte căruţa şi se dă jos din ea, se uită lung peste loc şi zice:<br />

"Bună dimineaţa, locule!”<br />

Iar locul răspunde:<br />

"Mulţumesc dumitale, Voicule!”<br />

„Poţi să mă laşi şi aşa, Voicule!” zice, „poţi să te duci acasă” adăugă Moromete de la<br />

el....” (M, I, 291)<br />

59


ANNEXE J<br />

Sous-corpus avec des exemples sur le rôle du mot dans la narration<br />

"Vru să mai spună ceva, dar simţi parcă zădărnicia vorbelor... " (M, I, 157)<br />

"Într-o zi mama spuse "o vorbă" Polinei... "(M, I, 201) "Nea Tudore, n-am să-ti spun<br />

decît cîteva vorbe şi ne ducem... " (M, I, 208)<br />

"- Şi ca să convingă pe ceilalţi care ascultau, începu [...] să se înjure la persoana a treia<br />

că ceea ce spune el e adevărat. " (M, I, 231)<br />

"Nici unul nu s-a gîndit, părinte, continua Niculae, de ce a murit din senin un om, dar el<br />

ştia, mi-a spus-o de mai multe ori, zicea că e o boală, am să mor, măi Niculae, aşa mi-a<br />

zis şi mi-a spus şi boala [...] şi chiar despre un parastas ca ăsta a vorbit, un parastas<br />

general, cu laude... " (M, II, 59)<br />

"Ei ! acum s-a terminat, îl vezi cum îi ia altul vorba din gură fără nici un respect şi el<br />

lasă fruntea jos şi nu mai zice nimic... " (M, Il, 83)<br />

"... nici să nu crezi tu acuma că vorbele alea ar fi pricina, ba eu zic chiar că bine ai făcut<br />

că m-ai oprit şi mi le-ai spus... " (M, II, 320)<br />

"... deşi oamenii nu au fost cîştigaţi de partea vorbitorului, totuşi n-au fost<br />

îndepărtaţi...” (M, Il, 130)<br />

"... cînd ai început să te schimbi, cînd ai început să vorbeşti..." (M, II, 510)<br />

"Era glasul ei cunoscut, glasul ei care îi aprinsese inima." (M, I, 170)<br />

60


ANNEXE K<br />

Sous-corpus avec des exemples sur le rôle du mot<br />

dans la définition des attitudes et des comportements<br />

des sujets parlants du deuxième degré<br />

"(şi aceste cuvinte el le spusese ca să-i facă plăcere mamei)" (M, I, 186)<br />

: "Poţi să zici că cu vorbele astea care le-ai spus acum, te-ai spălat pe bot de-un frate !"<br />

(M, I, 212)<br />

"... mai veniseră vreo cîţiva inşi care se aşezaseră pe iarbă fără să se anunţe prin bună<br />

ziua [... ]" (M, I, 230)<br />

"... exclamă Moromete şi ridică mîna în sus şi se înjură din nou la persoana altuia că nu<br />

există. " (M, I, 231)<br />

"Lasă vorba !" zic (că n-avem voie să vorbim cu deţinuţii), dar el nu se sperie... " (M, I,<br />

370)<br />

"Nu se mai putea vorbi cu el, spuneai una şi el asculta şi ai fi zis că înţelegea, ca să te<br />

pomeneşti pe urmă că răspunsurile pe care ţi le dădea veneau din altă parte... " (M, II,<br />

372)<br />

"... alt ţăran care vorbea cu tine aşa cum vorbeşti cu un cal sau cu o vacă. " (M, II, 7)<br />

"-Dar Achim? Era croitor?!!<br />

-De ce croitor ? Zise Tita.<br />

-Păi parcă aşa am înţeles, parca aşa zicea în scrisoare: Costum... " (M, II, 11) [costum /<br />

consum]<br />

"Cuvintele "mă duc la ailaltă în vale" [... ], stîrnind pînă la urmă în cele două surori o<br />

înverşunare surdă împotriva "Alboaicei"..." (M, II, 34)<br />

"... să-şi înjure nevasta cu acel amestec de sentimente în care autoritatea şi dragostea se<br />

schimbă în cursul chiar al unui singur cuvînt spus ..." (M, II, 39)<br />

"Se vedea că tînârul notar cunoştea deja ticurile verbale ale cîrciumarului şi sconta un<br />

anumit răspuns din partea lui:<br />

-E un om foarte serios ! zise Valache. Hai să trăiţi !<br />

Să trăiţi domn' notar !... " (M, II, 79)<br />

"...o fată frumoasă, dar foarte săracă şi mai ales rea, dintre cele care nu se feresc de<br />

cuvinte şi cînd se lega cineva de ea le folosea ca pe nişte cuţite, aşa limbă ascuţită avea.<br />

" (M, II, 93)<br />

"Ăsta e un om blînd, [... ], cînd vorbeşti cu el trebuie să spui de două ori o vorbă ca s-o<br />

înteleagă... "(M, II, 130)<br />

"... felul cum vorbise el cînd i se dăduse cuvîntul, ştia să vorbeasca şi simţeai ca ăsta nu<br />

intra în partid numai ca să-i mai îngroaşe rîndurile încă unul. " (M, II, 329)<br />

"... glas care il făcu pe Niculae să se oprească din plîns. " (M, I, 12)<br />

61


REPERES BIBLIOGRAPHIQUES<br />

1. <strong>ARDELEANU</strong>, <strong>Sanda</strong>-<strong>Maria</strong>, 1995, Repere în dinamica studiilor pe text. De la o<br />

Gramatică Narativă (GN) către un model de Investigaţie Textuală (IT), Editura<br />

Didactică si Pedagogică, Bucureşti.<br />

2. <strong>ARDELEANU</strong>, <strong>Sanda</strong>-<strong>Maria</strong>, 1996, L'Imaginaire linguistique -sa théorie, în<br />

Analele Universitalii ".,Ştefan cel Mare ", Suceava.<br />

3.<strong>ARDELEANU</strong>, <strong>Sanda</strong>-<strong>Maria</strong>, 1998, Sur l'imaginaire linguistique des Roumains, în<br />

Limbaje şi comunicare, Editura Junimea -Iaşi.<br />

4. <strong>ARDELEANU</strong>, <strong>Sanda</strong>-<strong>Maria</strong>, 1999, (prezentare şi traducere), Feminismul în<br />

apărarea interlocutorului exclus, în rev. Bucovina literară, nr. 7-9, (pp.101-103),<br />

Suceava.<br />

5. BAYLON, Christian, FABRE, Paul: Initiation à la linguistique, 1999, Nathan, Paris.<br />

6. BOYER, Henri, 1991, Éléments de sociolinguistique, Langue, communication et<br />

société, Dunod, Paris.<br />

7. CAL VET, Louis-Jean, 1993, La Sociolinguistique, PUF, Paris.<br />

8. CHARAUDEAU,' P., 1983, Langage et discours, Hachette, Paris.<br />

9. CHARAUDEAU, P., 1992, Grammaire du sens et de l'expression, Hachette, Paris.<br />

10. COQUET, J.-Cl., 1972, Sémiotique littéraire, Larousse, Paris.<br />

11. COQUET, J.-Cl., 1989, Le discours et son sujet. Essai de grammaire modale, T.1.,<br />

Klincksieck, Paris.<br />

12. COSERIU, Eugen, 1967, Teoria del lenguaje y linguistica general, Edition Grédos,<br />

Madrid.<br />

13. DUCROT, Oswald, SCHAEFFER, J.M., 1996, Noul dicţionar al stiinţelor<br />

limbajului, Babel, Bucureşti.<br />

14. FREI, Henri, 1971, La Grammaire des fautes, Slatkine Reprint, Genève,<br />

réimpression de l'édition de 1929.<br />

15. GREIMAS, A.-J., 1966, Sémantique structurale, Larousse, Paris.<br />

16. GREIMAS, A.-J., 1983, Du sens (II). Essais sémiotiques, Ed. du Seuil, Paris.<br />

17. HAGEGE, CI., 1985, L 'Homme de paroles. Fayard, Paris. 17. HARRIS, Z., 1963,<br />

Discourse Analysis, Hachette, Paris. .<br />

19. HOUDEBINE-GRAVAUD, Anne-Marie, 1974, La prononciation du français<br />

contemporain; esquisse descriptive d'une synchronie régionale, Annales de<br />

Linguistique de l'Université de Poitiers, ed. Par la Hagège, Poitiers.<br />

20. HOUDEBINE-GRAVAUD, Anne-Marie, 1976, Langue nationale et politique, Tel<br />

Quel 68, Paris, Seuil, pp. 97-101.<br />

21. HOUDEBINE-GRA VAUD, Anne-Marie, 1980, Langue et imaginaire: le français<br />

aujourd'hui, Salon du livre Genève.<br />

22. HOUDEBINE-GRAVAUD, Anne-Marie, 1982, « Norme, imaginaire linguistique et<br />

phonologie du français contemporain ». La norme, concept sociolinguistique, Le<br />

Français moderne, 1, Paris, Cilf, pp. 42-51.<br />

23. HOUDEBINE~GRAVAUD, Anne-Marie, 1983, Sur les traces de l'Imaginaire<br />

Linguistique, dans Parlers masculins, parlers féminins, Delachaux -Niestlé, Paris.<br />

62


24. HOUDEBINE-GRAVAUD, Anne-Marie, 1985, Pour une linguistique<br />

synchronique dynamique, La Linguistique, vol. 21, PUF, Paris.<br />

25. HOUDEBINE-GRAVAUD, Anne-Marie, 1986, L'Imaginaire Linguistique dans la<br />

communication mass-médiatique, Enseignement et médias, Paris, Didier, pp. 58-64.<br />

26. HOUDEBINE-GRAVAUD, Anne-Marie, 1989, « La diversité langagière des êtres<br />

humains », Langages, de la cellule à l'homme, Paris, l'Harmattan, Conversciences, pp.<br />

123-167.<br />

27. Houdebine-Gravaud, Anne-Marie, 1993, « L'Unes Langue », symposium La qualité<br />

de la langue, (Sorbonne, 5/6 avril, 1993), Actes sous la direction de J. M. Eloy.<br />

28. HOUDEBINE-GRAVAUD, Anne-Marie, 1993, « De l' imaginaire des locuteurs et<br />

de la dynamique linguistique », colloque de Louvain, dans FRANCARD, M; (ed)<br />

L'insécurité linguistique dans les communautés francophones et périphériques,<br />

Cahier de l'Institut linguistique de Louvain, Louvain-la-Neuve, pp. 31-40.<br />

29. HOUDEBINE-GRAVAUD, Anne-Marie, 1995, « Imaginaire Linguisique et<br />

dynamique des langues. Aspects théoriques et méthodologiques », Estudions en<br />

Homenaxe as Profesoreas Françoise Jordan, Pons e Isolina Snachez Regueira,<br />

Université de Santiago de Compostela, pp. 119-132.<br />

30. HOUDEBINE-GRAVAUD, Anne-Marie, 1995, «L'unes langue », ELOY, J. - M.,<br />

(ed), La qualité de la langue, le cas de français, Paris, Champion, Politique linguistique,<br />

pp. 95-121.<br />

31. HOUDEBINE-GRAVAUD, Anne-Marie, 1996, Travaux de linguistique, 7,<br />

Université d'Angers, « L'Imaginaire Linguis!ique », Université d'Angers, (sous la<br />

direction de...)<br />

32. HOUDEBINE-GRAVAUD, Anne-Marie, 1997, Dynamique et imaginaire<br />

linguistique. Des noms et des usages, Éducation, Langage et Société. Approche<br />

plurielle, L'Harmattan, Paris.<br />

33. HOUDEBINE-GRAVAUD, Anne-Marie, Elle parle français la presse écrite, ou<br />

La Belle au Bois Dormant des analyses de discours, La presse, produit, production,<br />

récéption, Paris, Didier, pp.131-149.<br />

34. HOUDEBINE-GRAVAUD, Anne-Marie, (sous la direction de), 1998, La<br />

féminisation des noms de métiers. En français et dans d’autres langues, L’Harmattan.<br />

35. LABOV, W., 1976, Sociolinguistique, Minuit, Paris.<br />

36. MARTINET, André, 1960, Eléments de linguistique générale, Colin, Paris.<br />

37. MARTINET, André, 1985, Syntaxe générale, Colin, Paris.<br />

38. SAUSSURE, Ferdinand de, 1973, Cours de linguistique générale, Payot, Paris.<br />

39. SIOUFFI, G. VAN RAEMDONCK, D. 1999, 100 fiches pour comprendre la<br />

linguistique, Bréal, Paris.<br />

39. ULIMANN, S., Précis de sémantique française, Larousse, Paris.<br />

40. CORPUS D’ANALYSE-PREDA MARIN, 1977, Moromeţii, Editura Cartea<br />

Românească, Bucureşti.<br />

63

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!