Polynésie Arts et Divinités 1760-1860 - musée du quai Branly

* AVANT-PROPOS
Par Ratu Joni Madraiwiwi, Roko Tui Bau, Fidji
(Extrait du catalogue)
En contemplant ces magnifiques objets issus du passé, nous ne pouvons qu’arrêter notre
pensée sur les navigateurs et les artisans, les hiérarchies sociales complexes et la
diversité culturelle que la Polynésie nous a léguées. L’exposition et le livre qui
l’accompagne ont saisi l’essence de cet héritage admirable. Il s’agit avant tout d’une
succession d’actions au cours desquelles ces peuples vivant jusque-là dans une partie
retirée du monde ont dû s’adapter à leur environnement puis à l’arrivée des Européens.
Cette dernière rencontre devait se révéler féconde, bien que parfois douloureuse,
aussi bien pour les uns que pour les autres. Elle débuta à l’époque des Lumières pour
s’achever à l’époque des missionnaires et des colonisateurs. Les deux points de vue,
polynésien et européen, exposés dans le catalogue, dévoilent bien des vérités sur la
nature humaine. Méfiance, défiance, incompréhension, conflit, apaisement, compromis,
acceptation et confiance se sont succédé avec plus ou moins d’intensité. Le sentiment
des Polynésiens sur l’ensemble de ce processus pourrait sans doute se traduire par la
réponse de Talleyrand interrogé sur les bouleversements de la Révolution française :
« J’ai vécu ». Et pendant toute cette période, on rassemblait, on répertoriait et on
documentait pour la postérité l’ensemble des images qui sont aujourd’hui devant nos
yeux. C’est pourquoi nous sommes très reconnaissants aux premiers collectionneurs.
Ce pectoral appartenait en 1840 à Tanoa Visawaqa,
chef de Bau, Iles Fidji, et ancêtre de Ratu Joni Madraiwiwi
© MAA, Cambridge
Bien que le contexte culturel en Polynésie ait été transformé - parfois au point d’être
méconnaissable - la force, la fierté et l’esprit de nos ancêtres polynésiens sont des vertus
que nous nous devons de redécouvrir. Ces sociétés insulaires étaient bien plus que les
plages de sable et les feuilles de palmiers si chères à la perception des Occidentaux.
Selon des critères qui leur sont propres, les Polynésiens étaient des gens raffinés et
pleins de talent – leurs capacités pour la négociation et la stratégie n’étaient pas moins
subtiles ou ingénieuses du fait de leur établissement sous les Tropiques. Une réflexion
sur notre passé apporte indubitablement des enseignements utiles pour la société
contemporaine du Pacifique. C’est vrai, le monde a changé. Cependant, la manière dont
les Polynésiens ont contrôlé et géré les ressources de leurs îles puis coopéré les uns avec
les autres et avec les étrangers, retentit depuis le passé jusqu’à aujourd’hui.
Ce fut une révélation très enrichissante de découvrir ces Polynésiens à travers les
équipements et les techniques grâce auxquels ils ont façonné leur environnement. Ils
l’ont maîtrisé simplement grâce à une alliance de détermination, de force, de
perspicacité et de sagesse. Le lien avec nos ancêtres que constituent ces objets est, pour
l’auteur de ces lignes, une expérience profonde qui l’emplit d’humilité.
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