Polynésie Arts et Divinités 1760-1860 - musée du quai Branly
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Les travaux de Gell affectent profondément la compréhension des obj<strong>et</strong>s, des chefferies<br />
<strong>et</strong> des religions de <strong>Polynésie</strong> <strong>et</strong>, selon sa conception, les obj<strong>et</strong>s montrés ici sont de l’art.<br />
L’idée que les dieux, les personnes ou les agents sociaux peuvent être remplacés par des<br />
obj<strong>et</strong>s nous aide à comprendre la puissance <strong>et</strong> la valeur dont ces derniers sont si souvent<br />
investis – dans le cas des reliques religieuses, par exemple, ou des obj<strong>et</strong>s associés à des<br />
personnages célèbres comme le capitaine Cook.<br />
Dès que l’on parle d’art, les idées <strong>et</strong> les soupçons sur son authenticité, ne sont jamais<br />
très loin. On a longtemps distingué, à tort, des obj<strong>et</strong>s d’art polynésiens authentiques <strong>et</strong><br />
inauthentiques : les premiers, datant d’avant le contact avec les Européens, auraient été<br />
fabriqués avec des outils en pierre (<strong>et</strong> seraient authentiques), alors que les seconds,<br />
d’emblée destinés à la vente, n’auraient pas servi dans les rituels locaux (<strong>et</strong> ne seraient<br />
pas authentiques). Or, il se trouve que la grande majorité des obj<strong>et</strong>s présentés, y compris<br />
de nombreuses « grandes » sculptures, a été réalisée avec des outils fournis par les<br />
Européens. Que les outils aient été en pierre, en coquillage, en dent ou en peau de<br />
requin, en fer ou en acier est moins une question d’authenticité que de vitesse<br />
d’exécution.<br />
De surcroît, la grande majorité de ces obj<strong>et</strong>s était réalisée pour la « vente » ou son<br />
équivalent local, l’échange. Ils étaient commandés, offerts <strong>et</strong> présentés avant de servir à<br />
d’autres fins. Des obj<strong>et</strong>s comme les tambours des îles Australes ou les pectorals des Fidji<br />
<strong>et</strong> des Tonga étaient souvent fabriqués pour l’exportation parce que leur valeur <strong>et</strong> leur<br />
efficacité dépendaient étroitement <strong>du</strong> fait qu’ils soient négociables. Et même les pagaies<br />
si travaillées de Ra’ivavae, apparues vers 1820 <strong>et</strong> quelque peu méprisées par les<br />
spécialistes, n’étaient pas seulement fabriquées pour être ven<strong>du</strong>es aux Européens mais<br />
servaient dans les échanges locaux. Les représentants de la London Missionary Soci<strong>et</strong>y<br />
rapportent que plusieurs de ces pagaies avaient été offertes, accompagnées de discours<br />
formels, à un chef de Ra’ivavae, en 1824. Aucun des obj<strong>et</strong>s présentés ici n’appartenait à<br />
une <strong>Polynésie</strong> « intacte, authentique, d’avant le contact avec l’extérieur », car un tel<br />
concept n’existe que dans l’imaginaire européen. Ces obj<strong>et</strong>s sont plutôt le pro<strong>du</strong>it de<br />
contextes locaux similaires qui pouvaient éventuellement inclure des Européens. Ils<br />
révèlent un grand esprit d’initiative face à des outils, des idées <strong>et</strong> des matériaux<br />
nouveaux <strong>et</strong> témoignent de savoir-faire plus ou moins importants.<br />
Pagaie Îles Australes,<br />
© Ex<strong>et</strong>er, RAMM<br />
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