Corina da Rocha Soares CRIAÇÃO LITERÁRIA SOB MEDIATIZAÇÃO

Corina da Rocha Soares CRIAÇÃO LITERÁRIA SOB MEDIATIZAÇÃO Corina da Rocha Soares CRIAÇÃO LITERÁRIA SOB MEDIATIZAÇÃO

22.06.2013 Views

- 624 - – II. Trois écrivains d’expression française médiatisés – vouloir des autres, l’humilie dans le non-acte, le condamne à l’inaccomplissement de toute pensée et de tout vœu. » (Ibidem) 1208 . Terminons ici cette vue d’ensemble portée sur l’œuvre de Jacques Chessex pour nous plonger, cette fois, sur des cas plus spécifiques de son écriture, où l’on pourra noter l’influence, les marques et les effets de la médiatisation de l’auteur et de la société du spectacle dont il fait partie. 3.3.2. Cas spécifiques Dans son farouche essai critique, Charles Edouard Racine lisait l’écriture chessexienne à la lueur des effets de mode et des influences de notre société médiatique, laquelle recherche des sensations fortes, voire excessives, à grande vélocité. Pour ce critique, Chessex ne ferait pas exception à la règle de ce nouvel état du champ littéraire ainsi décrit : Si le mythe de l'écriture mystiquement lié au Réel triomphe dans la théorie, en réalité, les œuvres prolifèrent, dans lesquelles on nous présente (et toujours en trahissant la loi du roman), des violences de plus en plus crues et gratuites, dont je vois bien que la surenchère n'a pour seul but que de se démarquer de son voisin. (…) Pour la première fois dans l'histoire, la durée de vie d'un roman n'excède guère celle d'un article de revue. L'ordinateur n'a fait qu'accélérer ce mouvement, et la saisie orale du texte l'amplifiera encore de façon considérable dans les années à venir: on se prépare à quelques milliers de tranches de vie dictées en vitesse et encore plus vite oubliées. (...) L'avenir nous réserve donc des romans courts, linéaires, caricaturaux, où les effets spéciaux auront pris le pas sur l'interrogation étonnée, et où quelques références culturelles (Calvin, la Bible, pourquoi pas...) feront la différence d'avec les romans de gare. Bref: des romans de Jacques Chessex. (Racine, 1997: 96, 98). Pourtant, l’écrivain vaudois visé se défend bien de telles accusations. Dans son recueil de trente-trois petits textes intimes intitulé Le Désir de Dieu (Chessex, 2005), Jacques Chessex s'exprime à la première personne en démontrant sa culture calviniste. Il 1208 Jacques Chessex est, dès lors, en profond désaccord avec Amélie Nothomb pour qui l’enfance, temps du

– 3. Jacques Chessex – existe quelques passages qui laissent entendre que Chessex aime être discret, à l'ombre de sa popularité. Il est même contre l'ordre du jour en ce qui concerne la mode actuelle selon laquelle l'écrivain doit être sous la lumière des projecteurs et doit émigrer à Paris pour se faire connaître. En effet, il s’insurge contre la société et le champ éditorial qui l'entourent: «Dire non aux fâcheux qui insistent pour me convaincre de tel écrit; non à tel esprit du temps... Mais je n'ai pas envie de parler de fâcheux ou de modes parce que ça ne compte pas dans ce que je vis. » (Chessex, op.cit.: 213). D’ailleurs, en 2002, dans son long entretien avec Geneviève Bridel 1209 , Chessex exprimait déjà son désir total de liberté et confirmait son refus d’obligations, de contraintes. Voilà une des raisons pour laquelle cet écrivain préférait se maintenir en coulisses, plutôt que de s’exposer aux feux de la rampe et de se soumettre aux projecteurs des médias. Chessex a toujours affiché l’image d’un auteur qui s’éloignait des lumières médiatiques. Dans L’interrogatoire, Chessex nous a laissé, à titre posthume, son explication : « Il se peut que mon origine protestante, – sobriété, méfiance du faux luxe et des falbalas, ironie à l’endroit du monde –, me préserve des effets de l’apparence. » (Chessex, 2011 : 60). Il ajoute, encore à propos de son désir du secret, de l’ombre, de sa fuite des lumières, qu’il s’agit aussi d’un souci de sa densité (sic): « Les bavards de leur propre fonds deviennent transparents comme des chemises de plastique. Je conserve ma substance dans une boîte d’os plus opaque. » (Idem : 120). Il conclut, enfin, «me voir mort [dans un char du carnaval de Payerne en mars 2009] m’a valu un privilège : le plaisir de vérifier mon peu de considération pour le surplus, les ornements glorieux, les feux mondains dont je me passe et me passerai » (Idem : 152). Postulat que l’on retrouve tout naturellement dans la fiction romanesque de Jacques Chessex. Ainsi, de la bouche du narrateur de L’Eternel sentit une odeur agréable, sort cette philosophie de vie : « Je préfère l’effacement au paraître. » (Chessex, 2004 : 40). Ecrivain de profession et narrateur de Incarnata, dévoilant, entre autre chose, ses sentiments ambigus (un mélange de jalousie et d’admiration, telles qu’Antonio Salieri nourrissait envers Mozart) envers Ramuz (dont les funérailles font l’incipit du récit 1210 ), Manuel Sorge affirme : « Ramuz est solaire, rugueux, rythmé, je fréquente l’ombre et le silence. » (Chessex, 1999 : 19). parfait, est une période magique, chargée de plénitude et d’innocence. 1209 Cf. Bridel, 2002. 1210 Funérailles auxquelles a réellement assisté Jacques Chessex enfant. - 625 -

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– II. Trois écrivains d’expression française médiatisés –<br />

vouloir des autres, l’humilie <strong>da</strong>ns le non-acte, le con<strong>da</strong>mne à l’inaccomplissement de toute<br />

pensée et de tout vœu. » (Ibidem) 1208 .<br />

Terminons ici cette vue d’ensemble portée sur l’œuvre de Jacques Chessex pour<br />

nous plonger, cette fois, sur des cas plus spécifiques de son écriture, où l’on pourra noter<br />

l’influence, les marques et les effets de la médiatisation de l’auteur et de la société du<br />

spectacle dont il fait partie.<br />

3.3.2. Cas spécifiques<br />

Dans son farouche essai critique, Charles Edouard Racine lisait l’écriture<br />

chessexienne à la lueur des effets de mode et des influences de notre société médiatique,<br />

laquelle recherche des sensations fortes, voire excessives, à grande vélocité. Pour ce<br />

critique, Chessex ne ferait pas exception à la règle de ce nouvel état du champ littéraire<br />

ainsi décrit :<br />

Si le mythe de l'écriture mystiquement lié au Réel triomphe <strong>da</strong>ns la théorie, en réalité, les œuvres<br />

prolifèrent, <strong>da</strong>ns lesquelles on nous présente (et toujours en trahissant la loi du roman), des violences<br />

de plus en plus crues et gratuites, dont je vois bien que la surenchère n'a pour seul but que de se<br />

démarquer de son voisin.<br />

(…)<br />

Pour la première fois <strong>da</strong>ns l'histoire, la durée de vie d'un roman n'excède guère celle d'un article de<br />

revue. L'ordinateur n'a fait qu'accélérer ce mouvement, et la saisie orale du texte l'amplifiera encore<br />

de façon considérable <strong>da</strong>ns les années à venir: on se prépare à quelques milliers de tranches de vie<br />

dictées en vitesse et encore plus vite oubliées. (...) L'avenir nous réserve donc des romans courts,<br />

linéaires, caricaturaux, où les effets spéciaux auront pris le pas sur l'interrogation étonnée, et où<br />

quelques références culturelles (Calvin, la Bible, pourquoi pas...) feront la différence d'avec les<br />

romans de gare. Bref: des romans de Jacques Chessex. (Racine, 1997: 96, 98).<br />

Pourtant, l’écrivain vaudois visé se défend bien de telles accusations. Dans son<br />

recueil de trente-trois petits textes intimes intitulé Le Désir de Dieu (Chessex, 2005),<br />

Jacques Chessex s'exprime à la première personne en démontrant sa culture calviniste. Il<br />

1208 Jacques Chessex est, dès lors, en profond désaccord avec Amélie Nothomb pour qui l’enfance, temps du

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