josE DE - mestradohistoriadaarte - home
josE DE - mestradohistoriadaarte - home
josE DE - mestradohistoriadaarte - home
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
FONDATION CALOUSTE GULBENKIAN<br />
ALBERT SILBERT<br />
Le probleme agraire portugais<br />
au temps des premieres Cortes liberales (1821-1823)<br />
L<br />
Un volume 15,s x 24 cm de 344 pages, avec un depliant<br />
SOLANGE. PARVAUX<br />
. .<br />
La ceramique populaire du Haut-Alentejo<br />
- ;Un volume 15,s x 24 cm de 232 pages, avec un frontispice' en quadrichromie,<br />
48 planches hors texte en phototypie et 62 figures<br />
La critique et la satire<br />
de D: Francisco Manuel de Me10<br />
*,#*,?<br />
Un volume 15,s x 24 cm de 448 pages '-,..% ,<br />
" -.,. . L<br />
LOUISE SIGEE<br />
Dialogue de deux jeunes filles<br />
sur la vie de cour et la vie de retraite (1552)<br />
Un volume 15.5 x 24 cm de 312 pages, avec un frontispice et<br />
1 planche hors texte<br />
FRERE CLAU<strong>DE</strong> <strong>DE</strong> BRONSEVAL<br />
eregrinatio hispanica (1531-1533)<br />
ux volumes 15.5 x 24 cm de 836 pages, avec 2 planches hors<br />
texte et 28 cartes (ensemble)<br />
La lyrique de Camks<br />
Un volume 17 x 24 cm de 572 pages, avec 8 planches hors texte<br />
F. <strong>DE</strong> TOLLENARE<br />
otes dominicales prises pendant un voyage<br />
n Portugal et au Bresil en 1816, 1817 et 1818 (tome<br />
Trois volumes 17 x 24cm de 1000 pages<br />
F. LATOUR DA VEIGA PINTO<br />
Le Portugal et le Congo au XIXe siecle<br />
Un volume 15.5 x 24 cm de 348 pages, avec un frontispice et<br />
PRESSES UNIVERSITAIRES <strong>DE</strong> FRANCE<br />
-
ALBERT SILBERT<br />
proble<br />
.temps<br />
:me<br />
des<br />
. .<br />
Pot otuga$<br />
res Cortes libera<br />
Un volume 15,5 x 24 cm de 344 pages, avec un depliant -<br />
.<br />
~oum$ PARVAUX<br />
,<br />
La ceramique populaire du Haut-Alentejo<br />
- .Un volume 15.5 x 24 cm de 232 pages, avec un frontispice en quadrichromie,<br />
48 planches hors texte en phototypie et 62 figures<br />
JEAN COLOMES -<br />
La critique et la satire<br />
,de D. Francisco Manuel de Me10<br />
Un volume 15,5 x 24 cm de 448 pages<br />
Dialogue de deux jeunes filles<br />
sur la vie de cour et la vie de retraite (1552)<br />
Un volume 15.5 x 24 cm de 312 pages, avec un frontispice et<br />
1 planche hors texte<br />
FRERE CLAU<strong>DE</strong> <strong>DE</strong> BRONSEVAL<br />
Peregrinatio hispanica (1531-1533)<br />
Deux volumes 15.5 x 24 cm de 836 pages, avec 2 planches hors<br />
texte et 28 cartes (ensemble)<br />
OGER BISMUT<br />
a lyrique de Camiies<br />
n volume 17 x 24 cm de 572 pages, avec 8 planches hors texte<br />
L. F. <strong>DE</strong> TOLLENARE<br />
Notes dominicales prises pendant un voyage<br />
en Portugal et au Bresil en 1816, 1817 et 1818 (tome<br />
Trois volumes 17 x 24cm de 1000 pages<br />
F. LATOUR DA VEIGA PINTO<br />
Le Portugal et le Congo au XIXe siecle<br />
n volume 15.5 x 24 cm de 348 pages, avec un frontispice et<br />
2 depliants . . .a - . ._<br />
- cf-.<br />
PRESSES GI VE~SSTA IRES-.--<strong>DE</strong><br />
< - f I ' *<br />
- %.
FONDATION CALOUSTE GULBENKIAN<br />
PUBLICATIONS DU CENTRE CULTUREL PORTUGAIS<br />
PAULO FERREIRA<br />
Lorrespondance<br />
de quatre artistes portugais<br />
ALMADA-NEGREIROS, JOSE PACHECO<br />
SOUZA-CARDOSO, EDUARDO VIANNA<br />
ROBERT ET 'S UNAY<br />
PRESSES UNIVERSITAIRES<br />
<strong>DE</strong> FRANCE<br />
\
FONDATION CALOUSTE GULBENKIAN<br />
PUBLICATIONS DU CENTRE CULTUREL PORTUGAIS<br />
PAULO FERREIRA<br />
Correspondance<br />
de quatre artistes portugais<br />
ALMADA-NEGREIROS, JOSE PACHECO<br />
SOUZA-CARDOSO, EDUARDO VIANNA<br />
AVEC<br />
ROBERT ET SONIA <strong>DE</strong>LAUNAY<br />
Contri6ution a l'histoire<br />
de l'art moderne portugais<br />
(annees 191 5- 191 7)<br />
PRESSES UNIVERSITAIRES <strong>DE</strong> FRANCE<br />
108, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, PARIS<br />
1981
IL A ETE TIRE HORS COMMERCE<br />
<strong>DE</strong> CET OUVRAGE, EN <strong>DE</strong>UXIEME EDITION:<br />
DIX EXEMPLAIRES NUMEROTES <strong>DE</strong> 1 A 10<br />
ET TRENTE-CINQ EXEMPLAIRES<br />
MARQUES <strong>DE</strong> 1 A XXXV<br />
Depot legal. - 1" edition: I" trimestre 1972<br />
O 1972, Presses Universitaires de France<br />
2' edilion: 2' trimestre 1981<br />
f.$ 1981. Presses Universitaires de France<br />
Tous droits de traduction. de reproduction et d'adaptation<br />
reserves pour tous pays<br />
Lo lai du II mars 1957 n'aula'aanf, a u lmncs des dineos 2 d 3 du Porc<br />
fi& 41, #une pari, que ks a mpics ou reprodudions slriclmnl r l d s a L'usogd<br />
p'v6 du mpisb d mm deslindds a une uliliadion edlcdice D d, d'aulre pari, puc lu<br />
andyw cl bs cowbs citalias dons un bul d'acmpk d d'ulustrdion, iode rep seniaiion ou npmdudion Wgrdc, ou pa- Oib sans k msenkmeni & 1 aubur<br />
ou & sur ayank drou ou oyant8 couac, est iUt& * (di& 1" & l'orfieb 401.<br />
C& mpremniaiion ou nproauctim,, par qdqw pmcedd qw te ad. mMNwau<br />
done une Cmryqon sanctionnk par bs articius 425 et suiuants du Code Pend.
PREFACE
PREFACE<br />
POUR L'HISTOIRE <strong>DE</strong> L'ART MO<strong>DE</strong>RNE AU PORTUGAL<br />
I. Voici, exactement neuf ans apres la parution de la pre-<br />
miere, vite epuisee, la seconde edition de ce livre, que<br />
Paulo Ferreira a realise avec une methode de chercheur<br />
et le gout raffine d'un artiste. C'est, bien sur, l'enthou-<br />
siasme et la competence de Paulo Ferreira qui ont fait<br />
le succes de l'ouvrage, ainsi que le soin apporte a son<br />
aspect graphique. Mais il faut compter aussi avec le<br />
prestige de Robert et Sonia Delaunay et celui de leurs<br />
correspondants portugais: deux d'entre eux jouissent<br />
d'un grand' renom au Portugal et meme a l'ettianger.<br />
Nous voulons parler dlAmadeu de Souza-Cardoso et<br />
dlAlmada Negreiros, sans pour autant mesestimer Jose<br />
Pacheco et Eduardo Viana, dont la biographie est fort<br />
bien tracee dans l'introduction.<br />
Eduardo Viana (1885-1967), Amadeu de SouzaCar-<br />
doso (1889-1918), Almada-Negreiros (1893-1970) et Jose<br />
Pacheco (1885-1934) sont tous quatre de grands peintres<br />
du modernisme au Portugal (Almada fut aussi un excel-<br />
lent poete et prosateur, Jose Pacheco etait en meme<br />
temps architecte). Par leur caractere et leur talent hors<br />
du comun, par leur sensibilite au souffle novateur des<br />
courants artistiques europeens, ces quatre artistes ont
su ouvrir a l'art portugais de leur temps des horizons<br />
universels. Point n'est besoin de parler ici de Robert et<br />
Sonia Delaunay, deux noms mondialement connus. Ils<br />
ont ete, dans ces annees 1915-1917, profondement mar-<br />
ques par la luminosite du paysage portugais et ses tein-<br />
tes vibrantes. C'est a cette epoque que doit remonter<br />
l'explosion joyeuse de couleurs contrastees, qui carac-<br />
terise au premier coup d'oeil la peinture de Sonia De-<br />
launay. Elle ecrit d'ailleurs: áLa lumiere exaltait toutes<br />
les couleursâ - áon a eu l'impression de se trouver dans<br />
un pays de reves. Il est certain aussi que ces relations<br />
entre les deux artistes francais et les quatre portugais<br />
leur ont permis de s'enrichir mutuellement, en se<br />
communiquant savoir et experience: les textes en font<br />
foi. Nous pensions a tout cela, en ce clair matin de<br />
decembre 1979, ou nous accompagnions le corps de So-<br />
nia Delaunay a sa derniere demeure, le petit cimetiere<br />
campagnard de Gambais. La disparition de ce grand<br />
peintre, russe d'origine, francais d'adoption (et c'etait<br />
la sa vraie patrie, par le coeur et par l'esprit), marquait<br />
la fin d'un chapitre, bref sans doute mais signifiant, de<br />
l'histoire du modernisme portugais. Ces textes en sont<br />
les temoins irremplacables, et Paulo Ferreira l'evoque<br />
avec talent.
II Sonia Delaunay n'avait pas accorde son affection<br />
qu'aux quatre Portugais dont nous avons ici la corres-<br />
pondance. Il nous a ete donne de voir les manifesta-<br />
tions d'estime et d'amitie qu'elle se plaisait a prodiguer<br />
a Paulo Ferreira. Il le meritait bien, d'ailleurs. Ce pein-<br />
tre a la forte personnalite, chez qui une technique rigou-<br />
reuse est animee par un souffle lyrique tres humaniste,<br />
a connu les peintres, les poetes et les ecrivains du groupe<br />
de Ia revue Orpheu, il a frequente Almada et Fernando<br />
Pessoa, fut l'un des collaborateurs les plus feconds et 16s<br />
plus assidus de Presenca. C'est du reste en partie dans<br />
cette revue, mais aussi dans l'oeuvre de grands auteurs,<br />
dont Jose Regio et Branquinho da Fonseca, que s'est<br />
revelee sa vocation d'illustrateur de livres. Nous le<br />
tenons, avec Bernardo Marques - un autre disparu, dont<br />
il etait tres proche -pour l'un des plus grands artistes<br />
du genre dans le Portugal d'aujourd'hui. On a pu appre-<br />
cier ses qualites dans une remarquable exposition souli-<br />
gnant, une fois de plus, le role vivant et vital qu'il a joue<br />
dans l'histoire du modernisme portugais: il fut l'un des<br />
premiers dans notre pays, en 1931, a suivre les courants<br />
thematiques du surrealisme. Il a puissamment contri-<br />
bue, aussi, a faire connaitre l'art portugais en France et<br />
dans d'autres pays, en organisant des expositions
auxquelles il ne participait pas toujours, restant<br />
volontairement dans l'ombre afin de mettre en va P. eur les<br />
creations de peintres comme Amadeu de Souza-Cardoso et<br />
Francis Smith, pour ne citer que deux des plus grands.<br />
C'est lui encore qui inspira la belle exposition realisee<br />
a la Fondation Calouste Gulbenkian a Lisbonne (avrilmai<br />
1972) sur le theme: áSonia et Robert Delaunay et<br />
leurs amis - Eduardo Viana, Amadeu de Souza-iardoso,<br />
Jose Pacheco et Almada Negreiross. Bien entendu, etant<br />
la personne la plus indiquee, il participa aussi a son<br />
elaboration.<br />
Raymond Cogniat, le regrette critique francais, eut<br />
une heureuse formule pour definir la demarche de Paulo<br />
Ferreira: áL'artiste explore son tempsâ. Pouvait-on resumer<br />
de facon plus lapidaire et plus exacte le long chemin<br />
parcouru par ce peintre, qui a passe une grande partie<br />
de sa vie, a Paris ou il demeure toujours, se souciant<br />
moins de lui-meme que de l'art de ses pairs, de son pays<br />
et de son epoque.<br />
III. En mai 1976, lorsque Sonia Delaunay tint a assister<br />
au vernissage de l'exposition Paulo Ferreira, organisee<br />
par nous au Centre Culturel Portugais, pour embrasser<br />
l'ami et feliciter l'artiste, nous avons eu par moments
l'impression qu'elle evoquait le temps deja lointain de<br />
son sejour au Portugal et les quatre peintres disparus.<br />
Leur art revivait dans la retrospective d'un confrere plus<br />
jeune. Seul d'entre eux, Amadeu de Souza-Cardoso, qui<br />
mourut en 1918, ne put voir aucune des oeuvres expo-<br />
sees. Parmi les dessins presentes, trente dataient de la<br />
periode 1930-1933, du vivant donc de l'architecte Jose<br />
Pacheco, decede en 1934. Lors de cette exposition, il y<br />
avait deja quatre ans qu'etait sortie la premiere edition<br />
de ce livre. Son auteur apparaissait comme le digne re-<br />
presentant des artistes amis des Delaunay. Dans ce<br />
monde en constant devenir, ou !a vie et la mort se<br />
succedent, ou surgit la creation artistique, qui permet<br />
a certains hommes de se perpetuer dans l'amour et la<br />
beaute, cette rencontre avec Sonia Delaunay ressuscitait<br />
les liens affectifs et spirituels entre les artistes des<br />
annees 1915-1917. Mais c est encore dans ce livre que t'on<br />
trouve la meilleure illustration de ce chapitre de I'his-<br />
toire de l'art moderne portugais.<br />
Pans, janvier 1981<br />
Le Directeur<br />
du Centre Culturel Portugais,<br />
JOSE V. <strong>DE</strong> PINA MARTINS
A LA MfiMOIRE<br />
<strong>DE</strong> MADAME SONIA <strong>DE</strong>LAUNAY
AUX REMERCIEMENTS ADRESSES A Mme SONIA <strong>DE</strong>LAUNAY<br />
par le Centre Culturel portugais de Paris de la Fondation<br />
Calouste Gulbenkian, qu'il me soit permis de joindre<br />
l'expression de ma gratitude personnelle. Non seule-<br />
ment, en effet, Mm Delaunay a accueilli avec chaleur<br />
le projet qui m'est cher d'une exposition retrospective<br />
et collective couvrant les annees 1915-1916 qu'elle a<br />
passees avec Robert Delaunay au Portugal, non seule.<br />
ment elle m'a revele l'existence de lettres d'artistes<br />
portugais demeurees en sa possession, et autorise leur<br />
publication, mais elle m'a procure toutes les facilites<br />
de travail possibles. En me laissant acceder a ses archi-<br />
ves personnelles, elle m'a permis de reunir un grand<br />
nombre de documents illustrant ce livre. Et, surtout, au<br />
cours d'une serie d'entretiens, elle a consenti, avec une<br />
inlassable patience, a repondre a mes questions, a pre-<br />
ciser des points obscurs, a retrouver dans sa memoire<br />
des souvenirs vieux de cinquantecinq ans pour m'aider<br />
a reconstituer l'histoire de ces deux annees.<br />
Etre ainsi guide et soutenu dans mon entreprise par<br />
cette grande artiste a l'euvre prestigieuse a ete pour<br />
moi une joie, et je lui en sais un gre infini. Il m'est<br />
agreable de penser que ce retour vers le passe, auquel<br />
elle a bien voulu se preter a l'occasion de cette etude,<br />
lui a du moins fait revivre des moments particulierement<br />
heureux de sa vie de femme et d'artiste, et qui restent<br />
pour elle tout illumines de cette belle lumiere portu-<br />
gaise qu'elle affirme n'avoir jamais oubliee.
La famille Delaunay dans leur jardin de Vila do Conde.
... Chasses par la chaleur torride d'aout,<br />
Robert Delaunay et moi, conseilles par des amis<br />
peintres de Lisbonne, sommes arrives a Vila do<br />
Conde, au nord du Portugal.<br />
La lumiere n'etait pas violente, mais exaltait<br />
toutes les couleurs - les maisons multicolores<br />
ou d'un blanc eclatant, d'une ligne sobre, des<br />
paysans dans des costumes populaire^, des tissus,<br />
des ceramiques aux lignes a la beaute antique<br />
d'une purete etonnante, parmi la foule des<br />
hieratiques a grandes cornes - on a eu l'impres-<br />
sion de se trouvbr dans un pays de reve.
INTRODUCTION
INTRODUCTION<br />
E m n E LE D~BUT <strong>DE</strong> CE SIWE m LA D~CULRATLTION <strong>DE</strong> UL<br />
Premiere Guerre mondiale en 1914, nombreux furent les<br />
jeunes artistes portugais qui partirent pour Paris, attires<br />
par de nouvelles expressions artistiques, dont ils avaient<br />
eu connaissance soit par des amis revenus de France,<br />
soit par la presse francaise, soit par les quelques rares<br />
livres ou revues d'art qui se referaient a ces recents<br />
mouvements, et qu'ils trouvaient chez les libraires, bien<br />
fournis deja en ce temps-la de toutes les nouveautes litteraires<br />
en langue francaise.<br />
Vers cette epoque, donc, lasses du vieil academisme<br />
triomphant, les jeunes artistes portugais decident de<br />
chercher l'evasion. Aller a Paris est l'un de leurs espoirs<br />
et de leurs buts. Et, nous le verrons, nombre d'entre eux<br />
reussiront a y faire d'assez longs sejours.
INTRODUCTION<br />
L'Ecole des Beaux-Arts, au Portugal, porte alors le<br />
nom d'Academie, et l'on y enseigne sur des bases stricte-<br />
ment classiques. La plupart des maitres ont pour idoles<br />
Cabanel, Bonnat, Carolus-Duran, Meissonier, Detaille ...<br />
La moindre tendance se reclamant de l'esprit á moder-<br />
niste fi se voit immediatement combattue par eux avec<br />
la derniere energie. Certains arborent avec arrogance<br />
lavalliere et chapeau a la mousquetaire ; la canne, alors,<br />
est a la mode, et l'un de ces messieurs a fait graver au<br />
bout de la sienne : á Pour corriger ceux qui s'ecartent du<br />
droit chemin. â<br />
Il importe de souligner qu'il n'y a pas eu, au Portu-<br />
gal, de mouvement impressionniste ni d'artistes de tem-<br />
perament veritablement impressionniste - des peintres<br />
qui travaillaient sur le motif, en pleine nature, oui, mais<br />
de conception et de technique assez academiques. Ce n'est<br />
qu'en 191 1 que se cree a Lisbonne le Musee national d'Art<br />
contemporain, et, pendant des annees, les portes en res-<br />
teront fermees aux artistes des á tendances nouvelles â,<br />
a ces fous qu'on devrait interner, a ces á barbouilleurs<br />
incapables de dessiner â, aux expositions desquels le<br />
bon public vient s'esclaffer a se tenir les cotes.<br />
Au cours de cette meme annee 191 1 s'ouvre a Lisbonne<br />
une exposition groupant quelques-uns de ces jeunes<br />
peintres revenus de Paris, que la critique appellera<br />
á modernistes â. Pour la premiere fois, se tient, egalement<br />
dans la capitale portugaise, le Salon des Humoristes, ou<br />
l'un des grands promoteurs des tendances nouvelles,<br />
Jose de Almada-Negreiros, expose ses Ce Salon<br />
se renouvellera en 1912 a Lisbonne, et en 1914 a Porto.<br />
Parmi ces artistes qui partent pour Paris au debut<br />
du siecle et tous ceux qui suivront leur exemple jus-<br />
qu'en 1914, une vingtaine prendront rang dans l'histoire<br />
de l'art portugais. Le peintre Antonio Carneiro arrive<br />
en France des 1897; Leal da Camara, le celebre carica-<br />
turiste de l'Assiette au beurre, qui signe á Camara D ses<br />
magnifiques portraitscharges, vit a Paris de 1900 a 1916 ;
INTRODUCTION<br />
Francisco Smith s'installe a Montparnasse en 1902, en<br />
1911 il epouse Yvonne Mortier, une jeune Francaise sculp<br />
teur de talent, et se fixera definitivement a Paris ou il<br />
etablit sa reputation sous le nom de Francis Smith ;<br />
Alberto Cardoso vient a Paris en 1903, suivi, deux ans<br />
plus tard, par les peintres Eduardo Vianna, Manuel Jar-<br />
dim et Manuel Bentes ; Arnadeu de Souza-Cardoso, dont<br />
le depart se situe en 1906, detiendra une positionclef<br />
dans l'avant-garde de la peinture portugaise, et il partici-<br />
pera a plusieurs expositions internationales majeures<br />
aux cotes de ceux qui comptent parmi les plus grands<br />
noms de la peinture mondiale de notre temps : a Amadeu<br />
de Souza-Cardoso est la premiere decouverte du Portugal<br />
dans l'Europe du xxe siecle B, prophetise, des 1916, son<br />
ami Almada-Negreiros ; Emmerico Nunes, caricaturiste<br />
et peintre, sejourne a Paris de 1906 a 191 1, et le sculpteur<br />
Francisco Franco, de 1909 a 1912 ; les peintres Armando<br />
de Basto, Dordio Gomes et Santa-Rita sont, en 1910, pre-<br />
cedes de quelques mois a Paris par Jose Pacheco, qui<br />
y etudie l'architecture et les arts graphiques. De 1911<br />
egalement date le sejour dans la capitale francaise du<br />
sculpteur Diogo de Macedo, auteur d'un livre de souve-<br />
nirs intitule 14, cite Falguiere, et qui deviendra plus tard<br />
directeur du Musee d'Art contemporain et ecrivain d'art.<br />
Parmi les jeunes visiteurs portugais de Paris a cette<br />
epoque, mentionnons encore Antonio de Azevedo, Domin-<br />
gos Rebelo, le sculpteur Canto da Maya qui, a partir de<br />
1913, fixe sa residence a Paris pour de longues annees -<br />
et dont les recoivent un accueil flatteur de la<br />
critique francaise - ainsi que la jeune femme peintre-<br />
graveur Mily Possoz.<br />
Tous ces artistes - avec leurs camarades demeures<br />
au Portugal, Almada-Negreiros, Jorge Barradas, Stuart<br />
Carvalhais, Antonio Soares et Abel Manta - peuvent<br />
etre consideres de plein droit comme les pionniers<br />
du mouvement moderne dans ce pays. Jusqu'au debut<br />
de 1917 - date que nous nous sommes fixee comme
INTRODUCTION<br />
limite a notre expose - ils realiseront diverses mani-<br />
festations artistiques revelant un art entierement nou-<br />
veau au public portugais, qui y reagit parfois avec une<br />
assez bruyante hostilite. Ce sont, par exemple, en 1913,<br />
les premieres expositions individuelles d1Almada-Negrei-<br />
ros a Lisbonne ou de Diogo de Macedo a Porto.<br />
Un evenement important se produit en 1915, avec<br />
la creation du groupe a Orpheu â et la publication de<br />
deux numeros d'une revue litteraire qui sera le grand<br />
point de depart et comme la premiere pierre des fon-<br />
dations du mouvement moderne portugais. Cette revue,<br />
c'est le poete Luis de Montalvor qui en propose la reali-<br />
sation, qui la concoit comme un lien entre les intellec-<br />
tuels portugais et bresiliens et lui donne son titre<br />
d'Orpheu; elle doit, en principe, paraitre trimestrielle-<br />
ment. La redaction du premier numero - date de jan-<br />
vier-fevrier-mars 1915 - est assuree sous la direction de<br />
Luis de Montalvor pour le Portugal et de Ronald de<br />
Carvalho pour le Bresil ; au sommaire figurent les noms<br />
des poetes Fernando Pessoa, Mario de Sa-Carneiro,<br />
Alfredo Guisado, Cortes-Rodrigues, Alvaro de Campos<br />
(alias Fernando Pessoa) et du poete-peintreecrivain<br />
Jose de Almada-Negreiros ; la couverture est de Jose<br />
Pacheco ; l'editeur est Antonio Ferro. Pour le numero 2<br />
d'Orpheu, qui parait le 28 juin de la meme annee, les<br />
directeurs sont Mario de Sa-Carneiro et Fernando<br />
Pessoa ; ils se sont assures la collaboration du poete<br />
Ange10 de Lima, de Raul Leal, a philosophe du vertige â,<br />
de Violante de Cysneiros (alias Cortes-Rodrigues) et de<br />
l'artiste Santa-Rita. Le troisieme numero d'Orpheu,<br />
auquel le peintre Amadeu de Souza-Cardoso devait<br />
apporter sa collaboration plastique, ne paraitra jamais.<br />
Le 26 avril 1916, a l'age de vingt-six ans, Mario de Sa-<br />
Carneiro se suicide a Paris, et sa mort plonge le groupe<br />
dans un desarroi profond.<br />
Au cours de llannCe 1915 egalement, s'ouvre a Porto<br />
le premier Salon des Modernistes, et de vagues projets
Sonia Delaunay-Terk. dans son jardin de Vila do Conde.
La famille Delaunay. Assis, de gauche a droite : Sonia Delau-<br />
nay-Terk, le petit Charles, Robert Delaunay; debout : Beatris.
INTRODUCTION<br />
s'elaborent en vue de fonder une Societe portugaise<br />
d'Art moderne.<br />
Des le commencement de la Grande Guerre, dans<br />
les annees 19141915, tous les artistes qui sejournaient<br />
en France regagnent le Portugal. Ils se rencontrent quo-<br />
tidiennement au cafe á A Brazileira ., situe dans le<br />
Chiado, petite place du centre de Lisbonne. Ce cafe,<br />
devenu centre intellectuel, equivalent du á Dome n ou<br />
de la Rotonde . de Paris, existe encore de nos jours.<br />
Journalistes, poetes, hommes de lettres, musiciens,<br />
medecins, avocats, toute la fine fleur de l'intelligentsia<br />
portugaise s'y donne rendez-vous. En ce Parnasse s'inven-<br />
tent blagues et canulars, se concoivent des manifestes,<br />
se commentent avec chaleur les nouvelles recues de<br />
France, de Paris. Celui qui arrive de la capitale fran-<br />
caise, comme il est entoure, fete, crible de questions !<br />
Tous ces mouvements artistiques ? Le cubisme ? Le<br />
futurisme ? Alors qu'on lui demande, un jour de 1916,<br />
a quelle ecoie il se rattache, Amadeu de Souza-Cardoso<br />
repond categoriquement : A aucune ! Les ecoles sont<br />
mortes. Nous, les jeunes, nous cherchons l'originalite.<br />
Je suis impressionniste, futuriste, abstractionniste, de<br />
tout un peu. â C'est l'epoque ou il fait siennes les decla-<br />
rations du Manifeste futuriste : Rien n'est absolu en<br />
peinture. Ce qui etait une verite pour les peintres d'hier<br />
est un mensonge pour les peintres d'aujourd'hui. Ce qui<br />
etait hier nature morte est aujourd'hui matiere vivante.<br />
Les etres, animaux et vegetaux, ont une vitalite d'explo-<br />
sion vers l'exterieur. Les objets ont une vitalite de concen-<br />
tration en-dedans. Rien de statique dans la nature, toute<br />
vie suit sa propre vie dans l'espace. ))<br />
A la a Brazileira â circulent les noms de tous ces<br />
jeunes qui, a Paris, a Berlin, a Rome, bouleversent le<br />
monde des arts. Aux tables des (< moderes . s'opposent<br />
les tables des avant-garde m. On parle des Ballets<br />
russes de Diaghilev qui, en 1917, enthousiasmeront<br />
Lisbonne comme ils ont enthousiasme Paris et les autres
villes dlEurppe, et dont les representations, au Coli-<br />
seu â, seront fidelement suivies par Almada et ses amis<br />
qui les applaudiront a tout rompre. Entre Almada et<br />
Massine va d'ailleurs naitre une amitie que le temps<br />
n'effacera pas : trentecinq ans plus tard, Massine nous<br />
demandait encore souvent des nouvelles d'Almada. Celui-<br />
ci aime le mouvement, le rythme, le dynamisme, donc la<br />
danse. Il danse lui-meme et cree des ballets. Il ne fait<br />
pas bon, a la K Brazileira D, d'appartenir au clan des<br />
tenants de l'academisme, des pompiers â, des á botti-<br />
nes a elastiques â (botas de elastico), comme les baptise<br />
irreverencieusement en 1912 le caricaturiste Cristiano<br />
Cruz, ou des lepidopteres bourgeois â stigmatises par<br />
Sa-Carneiro. Ils sont la cible favorite de la jeune avant-<br />
garde et, en particulier, de l'un des collaborateurs<br />
d'Orpheu, le peintre Santa-Rita (a Santa-Rita Pintor â,<br />
comme il se designe lui-meme), qui surpasse tous ses<br />
camarades en originalite, en extravagance, en verve et<br />
en insolence. On lui attribue mille histoires caustiques,<br />
passees dans la legende. Un jour, en sortant de la a Bra-<br />
zileira â, il se serait trouve face a face avec l'ecrivain<br />
Julio Dantas, image meme de la respectabilite litteraire,<br />
que les jeunes ont choisi pour tete de Turc. Il le salue :<br />
e Bonjour, Monsieur Dantas Julio ! - Pardon, lui repond<br />
aimablement l'homme de lettres, je me nomme Julio<br />
Dantas ... - Ah, que non ! riposte Santa-Rita. Vous dites<br />
cela parce que vous etes de votre cote, mais moi, qui me<br />
trouve en face, je vous vois toujours comme Dantas<br />
Julio. â Santa-Rita attaque sans repit toute forme de<br />
moderation, se fait le champion du cubisme, exalte le<br />
futurisme, et, par ses outrances, provoque des bagarres.<br />
Pour le grand public, les noms d'Alvaro de Campos, de<br />
Sa-Carneiro, d'Almada, de Santa-Rita et d'Amadeu de<br />
Souza-Cardoso sont synonymes de folie, ce qui fera dire<br />
a Amadeu : Nous devons considerer comme un titre<br />
d'orgueil le surnom de fous, avec lequel la mediocrite<br />
s'efforce de demolir les novateurs. â
INTRODUCTION<br />
L'entree dans le cafe d'un de ces heros du jour est<br />
saluee par des demonstrations d'amitie, des accolades,<br />
des exclamations, des commentaires. L'atmosphere est<br />
a la subversion : il faut tout detruire pour mieux cons-<br />
truire. Les discussions se poursuivent, interminables,<br />
devant les tasses de cafe et le traditionnel petit verre<br />
de marc, le bagaco, et les serveurs de la a Brazileira â,<br />
pris, eux aussi, d'une fievre d'invention, creent des mots<br />
nouveaux pour designer les divers dosages et melanges<br />
de cafe exiges par leurs habitues.<br />
Mais, en contrepoint de cette effervescence intellec-<br />
tuelle, existe une inquietude non moins intense, nee de<br />
la guerre et entretenue, pour les uns, par les nouvelles<br />
recues de jeunes soldats du corps expeditionnaire por-<br />
tugais qui se battent glorieusement aux cotes de la<br />
France, pour les autres, par la menace toujours immi-<br />
nente de la conscription. L'Allemagne, des septembre<br />
1914, a attaque les colonies portugaises, et elle declarera<br />
la guerre au Portugal le 9 mars 1916. A part le bouillant<br />
Amadeu de Souza-Cardoso qui, en septembre 1915, anime<br />
de l'ardeur combative qu'il apporte en toute chose,<br />
ecrit : Si l'on ne participe pas a la guerte, si peu que<br />
ce soit, on s'embete. Il nous faut quelque chose de fort.<br />
Je suis militariste ! â - a part lui, donc, dont l'ampu-<br />
tation de Cendrars assombrira d'ailleurs l'humeur belli-<br />
queuse, ses camarades, Vianna surtout, eprouvent, non<br />
pas certes de la peur, mais un desespoir profond a la<br />
perspective d'abandonner leur en plein essor,<br />
de renoncer a leurs projets, a leurs reves de (( vie<br />
sublime â pour une (( vie qui n'est pas la leur â.<br />
C'est donc dans cette Brazileira â, ou sont nees<br />
deja tant d'esperances, ou se brassent tant d'idees melees<br />
de tant d'illusions et entrecoupees de tant de decoura-<br />
gements et de depressions qui frappent surtout les<br />
meneurs de ce combat spirituel, qu'a la fin du printemps<br />
de 1915 Robert Delaunay fait son entree. Il est aureole<br />
de son prestige d'artiste parisien, dont connait
INTRODUCTION<br />
deja une notoriete internationale, de theoricien ecoute<br />
de l'a orphisme â et des contrastes simultanes â, ami<br />
de Guillaume Apollinaire et de Blaise Cendrars. Quelque<br />
temps plus tard arrive sa seduisante jeune femme, Sonia<br />
Delaunay-Terk, peintre de grand talent elle aussi, dont<br />
les recents succes artistiques, l'esprit createur et entre-<br />
prenant - et les á robes simultanees â - soulevent<br />
l'admiration de la jeune avant-garde, qui aussitot voue<br />
a a Madame )> un culte ou l'enthousiasme le dispute au<br />
respect.<br />
Sonia et Robert Delaunay, accompagnes de leur jeune<br />
fils Charles, a venus au Portugal pour un mois d'ete, y<br />
resteront pres de deux ans â, jusqu'au debut de 1917.<br />
L'amitie qui les lie aux quatre artistes portugais, Almada,<br />
Pacheco, Souza-Cardoso et Vianna, les projets mis en<br />
commun, les discussions theoriques ou techniques, les<br />
desaccords memes qui pourront survenir, tous ces<br />
echanges intellectuels et affectifs dont ces lettres gar-<br />
dent le souvenir - bien qu'il faille deplorer l'absence<br />
des reponses des Delaunay a leurs correspondants -<br />
portent temoignage de l'influence profonde et K cata-<br />
lysante )) (mais non pas a sens unique) de ces relations<br />
entre ce couple fascinant et les artistes portugais, au<br />
moment meme ou ceuxci se trouvent, du fait de la<br />
guerre, prives de la possibilite de sortir de leurs fron-<br />
tieres et de participer a ce qui subsiste des mouve-<br />
ments de l'esthetique nouvelle a l'etranger.<br />
De ce sejour au Portugal, Madame Sonia Delaunay<br />
aime dire que c'est un des moments les plus merveilleux<br />
de sa vie. Elle en a garde precieusement les beaux souve-<br />
nirs ainsi que la correspondance adressee a elle-meme<br />
et a son mari par leurs quatre jeunes confreres portu-<br />
gais, comme eux enivres de leur art, debordants de<br />
projets, passionnes de travail. C'est grace a sa fidelite de<br />
envers ses annees portugaises que cette etude a<br />
pu etre realisee. Qu'elle en soit, une fois de plus,<br />
remerciee.
INTRODUCTION<br />
EDUARDO VIANNA, l'aine du petit groupe, est ne a<br />
Lisbonne le 28 novembre 1881. A l'Academie des Beaux-<br />
Arts de Lisbonne, il etudie le dessin, de 1896 a 1903,<br />
puis la peinture, de 1903 a 1905. Cette meme annee 1905,<br />
il part pour Paris avec les peintres Manuel Jardim et<br />
Manuel Bentes, et devient l'eleve de Paul Laurens. A<br />
partir de 1908, il frequente des academies libres, tel le<br />
a Studio n, ou il rencontre ses camarades Manuel Bentes,<br />
Francisco Smith, Emmerico Nunes et Amadeu de Souza-<br />
Cardoso. Plusieurs documents attestent cette bonne<br />
amitie. En 1910, il entreprend, avec Bentes, Smith et<br />
Emmerico Nunes, un voyage en Angleterre, en Hollande<br />
et en Belgique, qui les enthousiasme, et au cours duquel<br />
ils n'oublient pas d'envoyer des cartes postales a leur<br />
ami Amadeu demeure a Paris. En 1911, il expose a Lis-<br />
bonne, a la Societe nationale des Beaux-Arts (ou il expo-<br />
sera egalement les annees suivantes), et a 1' a Exposition<br />
libre â du Salao Bobone. Il regagne le Portugal en 1914.<br />
AMA<strong>DE</strong>U <strong>DE</strong> SOUZA-CARDOSO nait le 14 novembre 1887<br />
a Manhufe, pres d'Amarante, dans le nord du Portugal,<br />
d'une famille de riches proprietaires terriens qui exploi-<br />
tent leurs vignobles. Il fait a Lisbonne ses etudes puis<br />
commence, en 1905, des etudes preparatoires d'archi-<br />
tecture a l'Academie des Beaux-Arts. Au mois de novem-<br />
bre 1906, il part pour Paris avec son ami le peintre<br />
Francisco Smith et s'installe a Montparnasse. Il pour-<br />
suit ses etudes d'architecture, mais, l'annee suivante,<br />
apres avoir frequente les ateliers de Godefroy et de<br />
Freynet, il se met a etudier la peinture dans les acade-<br />
iiiies libres et devient l'eleve du peintre espagnol Anglada<br />
Camarasa. L'annee 1909 le trouve au numero 14 cite<br />
Falguiere, dans l'atelier 21, non loin de celui de Modi-<br />
gliani, ou il convie souvent ses amis portugais : les<br />
peintres Francisco Smith, Emmerico Nunes (lui aussi<br />
un hote de la cite Falguiere), Manuel Bentes, Domingos<br />
Rebelo et l'architecte Alfredo Ferraz. Ces jeunes gens
INTRODUCTION<br />
se reunissent tantot chez les uns, tantot chez les autres,<br />
pour de bruyantes et joyeuses soirees dont quelques<br />
photographies pittoresques gardent le souvenir. (Diogo<br />
de Macedo, l'historiographe de la a cite D, n'arrivera<br />
qu'en 1911.) D'autres peintres viendront rejoindre ce<br />
groupe : Eduardo Vianna, Jose Pacheco - a qui Amadeu<br />
ctidera son atelier et qui, comme lui, debute dans l'archi-<br />
tecture - Alberto Cardoso, qui joue a merveille de la<br />
guitare, le sculpteur espagnol Sola, qui execute un buste<br />
dlAmadeu, ainsi que les Bresiliens Roberto Colin et<br />
Scarpia. Sans doute vers la fin de 1910, Souza-Cardoso<br />
loue un atelier 27 rue de Fleurus, a cote du pavillon<br />
sur cour ou habitent Gertrude Stein et Alice Toklas.<br />
Picasso, Juan Gris, Braque sont des visiteurs assidus<br />
de la femme de lettres americaine. Malheureusement, on<br />
n'a pas, jusqu'a present, trouve de traces des relations<br />
de voisinage, pourtant plus que probables, qulAmadeu<br />
a du entretenir avec Gertrude Stein et ses illustres<br />
hotes. C'est donc de cette epoque que datent sa grande<br />
amitie pour Modigliani et ses rapports cordiaux avec<br />
Walter Pach, Archipenko, Diego de Rivera, Brancusi,<br />
Otto Freundlich, Boccioni et bien d'autres artistes.<br />
Au mois de decembre 1910, Souza-Cardoso va passer<br />
les fetes de fin d'annee aupres des siens, au Portugal,<br />
et, des son retour a Paris, il se met au travail avec cet<br />
acharnement et cette force de volonte qui le caracteri-<br />
sent. Il occupe alors un etage au 3 de la rue Colonel-<br />
Combes. Son amitie avec Modigliani est au beau fixe,<br />
et les deux Amadeo decident d'exposer ensemble dans<br />
l'atelier du Portugais. Ce dernier participe pour la pre<br />
miere fois au Salon des Independants de Munich, et,<br />
le 21 avril, il envoie six toiles au XXVIIe Salon des<br />
Independants de Paris. C'est a cette occasion qu'au dire<br />
du sculpteur Diogo de Macedo, Modigliani, devant les<br />
tableaux de Souza-Cardoso, se serait ecrie : c Voila !<br />
Voila ! ... C'est presque bien ... Il ne lui manque qu'un peu<br />
de courage pour emmerder tous ces barbouilleurs ! D
INTRODUCTION<br />
En 1912, Arnadeu fait editer a Paris un album de<br />
XX Dessins D, avec une preface de Jerome Doucet,<br />
auquel L. Vauxcelles consacre une excellente critique.<br />
En octobre, il presente des toiles au Xe Salon d'Automne<br />
ainsi qu'au XXVIIIe Salon des Independants de Paris.<br />
Par l'entremise de Walter Pach, il recoit une invitation<br />
a exposer a 1'Armory Show, manifestation qui doit avoir<br />
lieu l'annee suivante aux Etats-Unis.<br />
Vers cette epoque se situent probablement ses pre-<br />
miers contacts avec Robert et Sonia Delaunay qui, au<br />
cours des annees 1912 et 1913, recevaient leurs amis<br />
tous les dimanches, en des reunions ou se retrouvaient<br />
poetes, peintres, sculpteurs, ecrivains tels que Archi-<br />
penko, Picabia, Apollinaire, Cocteau, Cendrars, Chagall<br />
et bien d'autres.<br />
En 1913, les Delaunay proposent a Soma-Cardoso -<br />
qui possede alors un atelier 20 rue Ernest-Cresson -<br />
de participer a l'exposition collective du Herbstsalon,<br />
a la galerie u Der Sturm D de Berlin, qui doit avoir lieu,<br />
comme son nom l'indique, a l'automne. Mais, aupara-<br />
vant, au mois de fevrier, 1'Armory Show ouvre ses portes<br />
a New York, puis le 24 mars a Chicago, et le 28 avril a<br />
Boston. Soma-Cardoso y a envoye huit peintures, dont<br />
trois, acquises par le critique Jerome Eddy, seront plus<br />
tard leguees a l'Art Institute de Chicago. Il participe,<br />
avec d'autres envois, a diverses expositions collectives<br />
de Cologne, Hambourg, etc.<br />
L'artiste portugais habite, en 1914, dans la Villa<br />
Louvat, 38 bis rue Boulard. Il expose, le le' mars, au<br />
XXXe Salon des Independants de Paris et, au mois<br />
d'avril, expedie trois tableaux au London Salon. C'est<br />
au cours d'un voyage en Espagne, qui le mene d'abord<br />
a Barcelone (ou il rencontre l'architecte Antonio Gaudi),<br />
puis a Madrid, que la declaration de guerre le surprend<br />
et l'oblige a regagner le Portugal. Il revient alors vivre<br />
aupres de sa famille, a Manhufe, dans cette grande
INTRODUCTION<br />
demeure seigneuriale, avec Lucie, sa jeune et ravissante<br />
epouse francaise, qu'il a connue a Paris, dans ce quar-<br />
tier du Montparnasse qu'il aimait tant. La, dans l'isole-<br />
ment de ses montagnes natales, il va poursuivre sans<br />
relache ses travaux et scs recherches, mu par une foi<br />
ou il met toute la vitalitb de sa jeunesse et sa ferme<br />
determination de reussir.<br />
JOSE PACHECO voit le jour a Lisbonne en 1885. 11 y<br />
fait ses etudes, et, vers la fin de 1909, part pour Paris<br />
ou il s'installe dans l'atelier qu'Amadeu de Souza-Cardoso<br />
lui cede au 14 cite Falguiere. Lui aussi commence des<br />
etudes d'architecture qu'il ne terminera jamais. 11 se<br />
N sent >J architecte - N Je suis architecte par la grace<br />
de Dieu n, dit-il - mais reve d'une architecture ideale,<br />
bien differente de celle qu'on lui enseigne. Boheme,<br />
insatisfait, revolte, il frequente ateliers et academies<br />
libres, et sa grande jeunesse d'esprit lui fait toujours<br />
prendre position avec l'avant-garde. De retour au Portu-<br />
gal en 1914, il rejoint le groupe dit des á modernistes n<br />
ou des á futuristes â, qui a rassemble ses compagnons<br />
de Paris, les peintres Santa-Rita et Souza-Cardoso,<br />
Almada, ainsi qce les poetes qu'il admire, Mario de<br />
SA-Carneiro et Fernando Pessoa. Son ambition est de<br />
tout renouveler. A commencer par les arts graphiques.<br />
11 fait de belles mises en pages qu'il illustre lui-meme,<br />
ecrit des articles doctrinaires ; il peint aussi, et signe<br />
ses á Jose Paxeko m.<br />
JOSE <strong>DE</strong> ALMADA-NEGREIROS, le seul de ces quatre<br />
mousquetaires qui soit reste au Portugal, est, avec Ama-<br />
deu de Souza-Cardoso, la grande figure de l'avant-garde<br />
portugaise. C'est essentiellement un createur, un esprit<br />
aux facettes et aux talents multiples, d'une debordante<br />
jeunesse : a Plus je vis, plus je me sens jeune a, ecrit-il<br />
a Sonia Delaunay, Grand poete, ecrivain remarquable,
Eduardo Vianna (1881-1967).
Amadeu de Souza-Cardoso (1889-1918), photographie en 1916.
Jose Pacheco (1885-1934).
Jose de Almada-Negreiros (18934970).
INTRODUCTION<br />
dessinateur d'une merveilleuse habilete, il ecrit aussi des<br />
pieces de theatre, redige des manifestes et des pamphlets,<br />
regle des choregraphies et les danse. Il est le fondateur<br />
du mouvement futuriste portugais.<br />
Ne au Cap-Vert, le 7 avril 1893, il fait ses etudes au<br />
college de Campolide, a l'Ecole nationale de Lisbonne,<br />
puis au lycee de Coimbra. Tres tot, en 1911, il debute<br />
dans la caricature et collabore aux revues Rajada et<br />
Satira.<br />
Il expose pour la premiere fois en 1911 au 1" Salon<br />
du Groupe des Humoristes, et organise, a la fin de 1912,<br />
sa premiere exposition individuelle de caricature a<br />
l'Ecole internationale de Lisbonne.<br />
Ses premiers ecrits voient le jour entre 1913 et 1915 :<br />
ce sont des pieces de theatre : 23, 3" andar (23, 3' etage)<br />
et Os Outros (les Autres), ainsi qu'une nouvelle, A<br />
Engomadeira (la Repasseuse), et son virulent Mani-<br />
feste anti-Dantas, dirige contre le brillant ecrivain a<br />
succes Julio Dantas, dont nous avons parle plus haut,<br />
infortunee victime de ces jeunes irreductibles. Il compte<br />
parmi les fondateurs de la revue Orpheu, publiee en<br />
1915, dont nous avons deja souligne l!importance.<br />
Il nous reste a presenter les deux protagonistes de<br />
cette etude - protagonistes muets, helas, puisque leurs<br />
lettres font defaut - autour desquels, pendant quelque<br />
temps, gravite et prend la mesure de ses forces le jeune<br />
mouvement moderne portugais, fraichement sorti de<br />
sa chrysalide.<br />
ROBERT <strong>DE</strong>LAUNAY est ne a Paris, le 12 avril 1885.<br />
De bonne heure, il manifeste d'exceptionnelles disposi-<br />
tions pour le dessin et la peinture. De ses seize ans<br />
demeure un premier temoignage de sa precocite pictu-<br />
rale, intitule Cour de ferme. En 1902, son oncle maternel<br />
le place en apprentissage dans un atelier de decors, a
INTRODUCTION<br />
Belleville, chez Ronsin, ou il reste deux ans. L'ete de<br />
1904 le trouve en vacances en Bretagne, travaillant d'apres<br />
nature et marque par l'influence des impressionnistes et<br />
des nabis. L'annee suivante, ses s'orientent vers la<br />
nature et la peinture contemporaine, et attestent les<br />
influences japonistes et pointillistes. A dix-neuf ans, il<br />
execute son autoportrait. Survient en 1906 une phase<br />
neo-impressionniste : natures mortes. portraits, sujets<br />
tels que le Fiacre. Au Salon d'Automne, il envoie une<br />
toile, Manege electrique, dans une premiere version qui<br />
sera refusee. Cette periode pointilliste est interrompue<br />
par le service militaire, qu'il effectue a Laon ; il est<br />
affecte a la bibliotheque de son regiment et lit beaucoup,<br />
avec une predilection pour les philosophes allemands.<br />
La silhouette de la cathedrale surgissant au-dessus de<br />
la cite est a l'origine de deux themes qui vont caracte-<br />
riser une grande partie de son : la ville et les<br />
tours. Libere de ses obligations militaires pour raisons<br />
de sante, il regagne Paris, ou il se consacre desormais<br />
entierement a la peinture.<br />
En 1909-1910, les traits essentiels de la personnalite<br />
artistique de Delaunay commencent a se preciser, avec<br />
Dirigeable et la Tour, Saint-Severin, Portrait par lui-<br />
meme, les Tours de Notre-Dame, les Villes : neo-impres-<br />
sionnisme, pointillisme s'y melangent a de la figuration<br />
geometrique. Avec les Villes, le jeune peintre se relie<br />
aux premieres tentatives cubistes.<br />
L'annee 1910 est celle de son mariage avec Sonia<br />
Terk ; avec elle, d'avril a septembre, il s'installe a<br />
Nantua, ou il execute une serie de vingt toiles sur le<br />
theme de á la Tour m. C'est alors que, pour la premiere<br />
fois, le celebre disque solaire fait son apparition. Trois<br />
ans plus tard, en aout 1913, inspire par ces tableaux,<br />
Blaise Cendrars composera son beau poeme intitule<br />
Tour, dedie a Robert Delaunay :
INTRODUCTION<br />
O Tour Eiffel! (...)<br />
O sonde celeste !<br />
Pour le Simultane Delaunay a qui je dedie ce<br />
[poeme,<br />
Tu es le pinceau qu'il trempe dans la lumiere (...)<br />
Tu es tout<br />
Tour<br />
Dieu antique<br />
Bete moderne<br />
Spectre solaire<br />
Sujet de mon poeme<br />
Tour<br />
Tour du monde<br />
Tour en mouvement<br />
Apres plusieurs etudes faites, l'annee precedente, sur<br />
le theme des Trois Graces, I'artiste expose, au Salon<br />
des Independants de 1912, son grand tableau de la Ville<br />
de Paris, qui sera juge par Apollinaire comme u le plus<br />
important du Salon et le du cubisme â.<br />
Pour definir l'art de son ami, Apollinaire propose le<br />
mot d'orphisme, qui est, comme il l'explique dans les<br />
Peintres cubistes, u l'art de peindre des ensembles nou-<br />
veaux avec des elements empruntes, non a la realite<br />
visuelle, mais entierement crees par l'artiste, et doues<br />
par lui d'une puissante realite B. C'est aussi l'epoque<br />
des Fenetres. Ces fenetres, Delaunay les ouvre sur une<br />
nouvelle realite, et elles mettent en evidence la distance<br />
qu'il prend a l'egard de la vision directe de la nature,<br />
. s'orientant desormais, selon l'expression de Paul Klee,<br />
vers un u type de tableau se suffisant a lui-meme ... qui<br />
possede sur le plan de la forme une existence entiere-<br />
ment abstraite ... creation plastique vivante, aussi eloi-<br />
gnee d'un tapis que l'est une fugue de Bach m. Le premier<br />
Disque simultane fait son apparition dans de<br />
l'artiste, et la serie des Formes circulaires inaugure<br />
l'ere constructive de la peinture dite inobjective : la
INTRODUCTION<br />
couleur est forme et sujet, en opposition a la technique<br />
du cubisme.<br />
Des cette epoque existe une grande amitie entre les<br />
Delaunay et Herwarth Walden, musicien, poete et editeur<br />
allemand, qui dirige a Berlin une revue et une galerie<br />
auxquelles il a donne le nom de á Der Sturm n, et qui<br />
joueront un role important dans la diffusion de l'art<br />
d'avant-garde en Allemagne. Lors de l'inauguration de<br />
la galerie, en mars 1912, Walden expose trois toiles de<br />
Delaunay, et, en 1913, il lui consacre une exposition<br />
individuelle. Par ailleurs, des 1911, une amie commune<br />
a Sonia Delaunay et a Kandinsky avait ecrit a ce dernier<br />
pour lui parler du tableau la Tour Eiffel de Robert.<br />
Kandinsky a aussitot manifeste l'interet le plus vif et<br />
prie Delaunay de lui envoyer quelques toiles. Robert<br />
Delaunay accepte, et sept de ses prennent le<br />
chemin de l'Allemagne : elles vont contribuer a etablir<br />
outre-Rhin sa reputation de chef de file d'un art entiere-<br />
ment nouveau.<br />
C'est grace a l'enthousiasme de Kandinsky et de<br />
Paul Klee et a l'appui de Walden qu'au debut de 1913,<br />
sur une invitation de ses amis, Robert Delaunay se rend<br />
a Berlin, en compagnie d'Apollinaire - et aussi, detail<br />
peu connu, de Cendrars - pour assister au vernissage de<br />
son exposition individuelle du a Sturm D.<br />
Cette exposition, tres importante, se tient du 27 jan-<br />
vier au 20 fevrier. Y figurent des telles que<br />
l'Equipe de Cardiff, les Fenetres simultanees, les Tours,<br />
les Tours de Notre-Dame. En outre, tres probablement<br />
par l'entremise de Kandinsky, quatre toiles et un dessin<br />
de Robert Delaunay ont ete exposes, des decembre 1911,<br />
a la galerie Thannhauser de Munich, dans le cadre de la<br />
manifestation du groupe du a Blaue Reiter â.<br />
Les Delaunay ont eu ainsi l'occasion de nouer des<br />
relations tres amicales avec les peintres expressionnistes<br />
allemands Franz Marc et August Macke. Walden demande<br />
a Sonia et a Robert Delaunay, non seulement de parti-
INTRODUCTION<br />
ciper largement au 1" Salon d'Automne allemand (Erster<br />
Herbstsalon), mais aussi de lui signaler quelques artistes<br />
susceptibles d'y etre admis. Entre autres peintres, les<br />
Delaunay ,lui recommandent Chagall et Amadeu de<br />
Souza-Cardoso.<br />
Le premier Herbstsalon ouvre ses portes a Berlin,<br />
a la galerie á Der Sturm D, du 20 septembre au 1" novem-<br />
bre 1913. Robert Delaunay y expose des series de<br />
Contrastes simultanes D, de a Soleils D, de á Lunes â,<br />
de Prismes â...<br />
Parmi ses de l'annee 1914, citons l'Affaire<br />
Caillaux, l'Hommage a Bleriot et la suite des Formes<br />
circulaires.<br />
Le couple entreprend ensuite un .voyage en Espagne,<br />
mais, cet ete-la, eclate la guerre. En 1915, Robert part<br />
pour Lisbonne, accompagne de son fils Charles et' du<br />
peintre americain Halpert. Sonia les rejoindra un peu<br />
plus tard.<br />
SONIA <strong>DE</strong>LAUNAY-TERK nait le 14 novembre 1885 en<br />
Ukraine, Russie. Elle a cinq ans lorsque son oncle mater-<br />
nel l'adopte ; elle vivra desormais a Saint-Petersbourg<br />
et y fera ses etudes.<br />
En 1903, elle etudie le dessin a Karlsruhe ; deux ans<br />
plus tard, elle est a Paris et frequente l'atelier de la<br />
á Palette â, ou elle a pour camarades Ozenfant, Dunoyer<br />
de Segonzac, Boussingault. Vers 1907, sa peinture est<br />
fauve et montre l'influence de Gauguin et de Van Gogh.<br />
Passionnee par son art, elle craint que ses parents<br />
ne la rappellent en Russie pour la marier. C'est alors<br />
qu'elle fait la connaissance du critique d'art Wilhelm<br />
Udhe, de dix ans son aine - elle est agee de vingtquatre<br />
ans - et s'entend avec lui pour conclure un c mariage<br />
amical â, qui lui permet de rester a Paris, sauvegardant<br />
leur independance reciproque. Peu de temps apres,<br />
Wilhelm Udhe -presente a sa femme un jeune peintre
INTRODUCTION<br />
de talent qui fait son portrait, Robert Delaunay. Des sa<br />
premiere rencontre avec Sonia, c'est le coup de foudre :<br />
Udhe s'efface, rend, par un prompt divorce, la liberte<br />
a la jeune femme et demeurera toute sa vie un ami du<br />
couple. Robert et Sonia se marient en 1910 et s'instal-<br />
lent 3 rue des Grands-Augustins, dans un atelier qu'ils<br />
conserveront jusqu'en 1935. En 1911 leur nait un fils,<br />
Charles, le á gentil petit Charlot â, le petit peintre â<br />
- futur historien du jazz - auquel, on le verra, il est<br />
toujours fait allusion avec tendresse dans les lettres<br />
des correspondants portugais de ses parents.<br />
Des cette epoque datent les premieres creations et<br />
decorations d'objets de la jeune femme : coffres, bre<br />
deries, ombrelles, tissus appliques, voilettes simultanees,<br />
collages, reliures (en particulier, celle des poemes de<br />
Rimbaud). Guillaume Apollinaire vient vivre chez les<br />
Delaunay de novembre a la mi-decembre 1912. Au debut<br />
de 1913, a l'un des mercredis â d'Apollinaire, qui avait<br />
choisi de recevoir ce jour-la ses amis, se produit la<br />
rencontre des Delaunay avec Blaise Cendrars, alors age<br />
de vingt-six ans, qui apporte ses Paques a New York,<br />
tout recemment editees. u Il y a eu tout de suite entre<br />
nous, raconte Sonia Delaunay, une tres grande sympa-<br />
thie, et Blaise a commence a delaisser quelque peu<br />
Apollinaire, qui avait ete jusqu'alors son plus grand<br />
ami. Entre Robert et lui, c'a tout de suite ete la grande<br />
amitie ; Robert etait tres extraverti, tres seduisant, tout<br />
comme Blaise ; il leur arrivait de parler des nuits entie-<br />
res. Pour moi, j'etais assez timide et plutot portee a la<br />
reverie : je me melais peu a leurs propos, mais, avec<br />
Blaise, nous parlions souvent des poetes allemands ... et<br />
de la Russie d'ou j'etais originaire. B Quelques mois plus<br />
tard, la jeune femme commence l'illustration du grand<br />
poeme de Cendrars, la Prose du Transsiberien et la<br />
petite Jeanne de France. Je ne serais pas etonnee,<br />
ajoute-telle, que l'amitie qui nous avait reunis ait ete<br />
un stimulant pour lui [Cendrars] : toujours est-il que
INTRODUCTION<br />
le Transsiberien est ne a la suite des grandes parleries<br />
entre Blaise et Robert. Un petit heritage que fera Blaise<br />
va lui permettre d'entreprendre l'edition de ce poeme<br />
avec mes couleurs simultanees. D Cendrars, a n'en pas<br />
douter, est tout acquis a l'art de Sonia Delaunay, si<br />
l'on en juge par ces lignes, ecrites en 1914 : a Une cou-<br />
leur-n'est pas couleur en soi. Elle n'est couleur qu'en<br />
contraste avec une ou plusieurs couleurs ... C'est par<br />
contraste que les astres et les murs gravitent. C'est le<br />
contraste qui fait leur profondeur. Le contraste est pre<br />
fondeur-forme. B Le tirage du livre ne de cette colla-<br />
boration consiste en cent cinquante exemplaires colories<br />
au pochoir, d'une typographie insolite - comptant plus<br />
de dix caracteres et corps differents -, d'un format<br />
qui ne l'est pas moins : 10 x 36 x 200 cm, et dont la<br />
hauteur totale, lorsqu'ils sont deplies, atteindrait celle<br />
de la Tour Eiffel, en hommage a Robert, dont la Tour<br />
etait le modele prefere D. Texte et á interpretations D<br />
se deploient dans un mouvement de continuite. La cou-<br />
verture, composee specialement, constitue un pochoir<br />
supplementaire.<br />
Le livre, expose a Berlin, a Londres, a New York et<br />
a Moscou, suscite des polemiques et des enthousiasmes.<br />
Dans les Soirees de Paris, Guillaume Apollinaire ecrira, le<br />
15 juin 1916 : Blaise Cendrars et Madame Delaunay-<br />
Terk ont fait une premiere tentative de simultaneite<br />
ecrite, ou contrastes de couleurs habituaient a lire<br />
d'un seul regard l'ensemble d'un poeme, comme un chef<br />
d'orchestre lit d'un seul coup les notes superposees dans<br />
la partition, comme on voit d'un seul coup les elements<br />
plastiques et imprimes d'une affiche. â<br />
Outre cette remarquable demonstration de a repre-<br />
sentation synchrome u, l'annee 1913 voit la creation de<br />
robes et de gilets simultanes. Au Herbstsalon de Berlin,<br />
a la galerie á Der Sturm â, Sonia Delaunay fait un<br />
envoi de vingt objets et tableaux, parmi lesquels le
INTRODUCTION<br />
magnifique Bal Bullier, large de pres de 4 metres, actuel-<br />
lement au musee d'Art moderne de Paris.<br />
Au Salon des Independants de Paris de 1914, elle<br />
expose les Prismes electriques, et, comme le rapporte<br />
Robert Delaunay, á collabore avec des poetes nouveaux,<br />
comme Tzara et Soupault, pour creer la robe-poeme qui<br />
fit sensation â. Cette innovation á complexe et impre-<br />
vue â inspire a Blaise Cendrars l'un de ses Dix-neuf<br />
poemes elastiques, intitule á Sur la robe elle a un<br />
COI@ â :<br />
Mes yeux sont des kilos qui pesent la sensualite<br />
[des femmes<br />
Tout ce qui fuit saille avance dans la profondeur<br />
Les etoiles creusent le ciel<br />
Les couleurs deshabillent<br />
á Sur la robe elle a un corps â<br />
Sonia et Robert Delaunay partent en vacances a<br />
Fontarabie, en Espagne. Le 2 aout 1914, c'est la guerre.<br />
Comme Robert est degage du service actif (il a ete<br />
reforme, nous l'avons vu, en 1908) et que le petit Charles<br />
est tombe gravement malade, le couple decide de s'ins-<br />
taller a Madrid. L'ete suivant, fuyant la chaleur acca-<br />
blante de la capitale espagnole, les Delaunay se retrou-<br />
vent a Lisbonne. C'est la qu'ils font connaissance, et<br />
bientot se lient d'amitie, avec le groupe des jeunes<br />
peintres portugais, et, en particulier, avec Almada,<br />
Vianna et Pacheco. Amadeu de Souza-Cardoso, qu'ils ont<br />
connu a Paris, vit alors retire dans sa demeure fami-<br />
liale de Manhufe, au nord du Portugal. En 1915, Sonia<br />
et Robert ont tous deux trente ans, Jose Pacheco egale-<br />
ment, Vianna en a trente-quatre, Amadeu de Souza-<br />
Cardoso vingt-huit et Jose de Almada-Negreiros vingt-<br />
deux.<br />
Dans ce Portugal, dont la lumiere, les couleurs et<br />
peut-etre aussi l'accueil chaleureux les enchantent, les
La villa la Simultanee, 7 Rua Benio de Freiias a Vila do Code,<br />
ou vecurent Robert el Sonia Delaunay, ainsi que Vianna, en<br />
1915-1916.
Materiel utilise par les Delaunay pour leurs peintures a la<br />
cire, pendant leur sejour a Vila do Conde.
INTRODUCTION<br />
Delaunay decident de s'attarder. Pacheco se charge de<br />
revendre les billets de retour pour Madrid. Sur la sug-<br />
gestion de Vianna, semble-t-il, ils choisissent de se<br />
rendre a Vila do Conde, non loin de Porto, ou ils s'ins-<br />
tallent, avec Halpert et Vianna, au 7 de la rue Bento de<br />
Freitas. Robert et Sonia sont ravis : dans le paysage,<br />
les poteries, les costumes, les couvertures de lit, les<br />
jouets du Minho, ils retrouvent a l'etat de nature les<br />
K contrastes simultanes P, ce simultanisme dont Robert,<br />
depuis 1913, est le theoricien, puisqu'il en fait remonter<br />
la decouverte aux Fenetres, pour lesquelles Apollinaire<br />
fit son poeme celebre :<br />
Du rouge au vert, tout le jaune se meurt (...)<br />
Beaute paleur d'insondables violets (...)<br />
IA fenetre s'ouvre comme une orange<br />
Le beau fruit de la lumiere<br />
Pour mieux comprendre l'ascendant exerce par<br />
Delaunay sur ses jeunes confreres portugais, citons<br />
quelques lignes capitales ou il a fermement resume sa<br />
pensee : N [Le simultanisme] c'etait la reaction de la<br />
couleur au clair-obscur du cubisme. C'etait la premiere<br />
manifestation, dans le groupe, de la couleur pour la<br />
couleur, que Cendrars appela simultanee - metier spe-<br />
cifiquement pictural qui correspond a un etat de sensi-<br />
bilite qui s'oppose a tout retour en art a toute imitation<br />
de la nature ou des styles. Il ecrit a ce sujet : Nos yeux<br />
vont jtlsqu'au soleil.<br />
á Le contraste n'est pas un noir et blanc, au contraire<br />
(une dissemblance), le contraste est une ressemblance.<br />
L'art d'aujourd'hui est l'art de la profondeur. Le mot<br />
simultane est un terme de metier ... Le simultane est une<br />
technique. Le contraste simultane est le perfectionne-<br />
ment le plus nouveau de cette technique. n<br />
Se souvenant plus tard de cette atmosphere vibrante<br />
dont il a, en cet ete de 1915, la revelation irremplacable,
INTRODUCTION<br />
Robert ecrira encore :
INTRODUCTION<br />
sans cesse a etendre et a perfectionner sa connaissance<br />
du metier ; lui aussi, en cette periode, execute plusieurs<br />
tableaux a la cire. Quant a Arnadeu de Souza-Cardoso,<br />
son enthousiasme pour la cire retombe assez vite ; son<br />
temperament impulsif, son desir de produire - et aussi<br />
quelques experiences manquees et nauseabondes, dont il<br />
parle dans l'une de ses lettres - font qu'il est peu a<br />
l'aise avec cette technique á trop molle et trop vague â<br />
et qu'il l'abandonne pour reprendre celle de l'huile.<br />
Mais il execute tout de meme en 1916, avec ce procede,<br />
plusieurs peintures figurant a son exposition d'automne<br />
de Porto, dont une toile de grandes dimensions, exposee<br />
aujourd'hui au musee d'Amarante. (Cependant, il n'en<br />
a guere peint que les trois quarts superieurs, et ce sera<br />
Vianna qui la terminera, comme ce dernier nous l'a<br />
aff irrne lui-meme.)<br />
Pour en revenir aux Delaunay, il semble donc bien<br />
qu'ils aient trouve a Vila do Conde - dont l'aqueduc du<br />
XVIII' siecle, qui aligne ses 999 arches sur cinq kiloine-<br />
tres, figure dans plusieurs compositions de Sonia -<br />
tout ce qui pouvait combler leur regard et leur ame<br />
d'artistes : l'authenticite, la generosite, la plenitude de<br />
la nature, des etres et des choses. La maison qu'ils ont<br />
choisie est sise dans l'ancienne Rua dos Banhos (rue des<br />
Bains), qui mene tout droit vers l'immensite de l'Atlan-<br />
tique. Elle dispose d'un jardin et de vastes pieces se<br />
pretant a l'execution de grands formats - et ou l'on<br />
peut facilement heberger les amis. Une servante, Beatris,<br />
va s'attacher a la famille Delaunay et la suivra fidele-<br />
ment dans ses divers deplacements, a Vigo en Espagne,<br />
puis de nouveau au Portugal, a Valenca do Minho ; elle<br />
prendra sa large part de la mesaventure qui, a la fin du<br />
sejour a Vila do Conde, eprouvera cruellement Sonia<br />
Delaunay. celle-ci, aujourd'hui encore, se souvient de<br />
cette servante au grand avec affection et saudade<br />
- ce mot portugais intraduisible, qui evoque la nostal-<br />
gie du temps passe.
INTRODUCTION<br />
Toutes les realisees par Robert et Sonia<br />
Delaunay au Portugal semblent impregnees d'un par-<br />
fum d'intimite et de bonheur, d'une joie de vivre exaltee<br />
et comme d'une humanite retrouvee. Intimite sereine<br />
chez Robert Delaunay, dans sa belle serie de natures<br />
mortes - expression qui convient bien mal a ces visions<br />
pleines de vie -, dans ses Verseuses et ses Portugaises ;<br />
explosion joyeuse et intense vitalite chez Sonia, dans<br />
ses differentes versions du Marche au Minho - parmi<br />
lesquelles la grande toile exposee au musee d'Art moderne<br />
de Paris, á de la serie, une des realisations<br />
les plus fulgurantes et les plus visionnaires de l'or-<br />
phisme â (Ch. Goerg) - ou dans ses Jouets.<br />
Tous deux se mettent au travail avec une ardeur<br />
juvenile, et Sonia Delaunay elle-meme nous a transmis<br />
le souvenir de ces beaux jours : N La lumiere n'etait pas<br />
intense, mais exaltait toutes les couleurs - les maisons<br />
multicolores ou d'un blanc eclatant, d'une ligne sobre,<br />
des paysans dans des costumes populaires, des tissus,<br />
des ceramiques aux lignes a la beaute antique d'une<br />
purete etonnante, parmi la foule des hieratiques a<br />
grandes cornes - on a eu l'impression de se trouver<br />
dans un pays de reve.<br />
á Nous nous sommes jetes dans la peinture. On<br />
peignait du petit matin au soir. Venus pour un mois<br />
d'ete, nous sommes restes pres de deux ans, isoles de<br />
tout au bord d'une plage immense de l'Ocean - avec des<br />
amis peintres portugais et un americain (vieil ami de<br />
Robert Delaunay) qui vivaient avec nous. D<br />
Le peintre portugais qui habite chez eux, dans la<br />
villa baptisee á la Simultanee â, est Eduardo Vianna,<br />
l'Americain, Sam Halpert. Cette vie commune prend fin<br />
en mars 1916, Robert Delaunay etant oblige, pour y<br />
passer un conseil de revision, de se rendre a Vigo<br />
(Espagne), ou le consul de France, M. Vachez, est son<br />
ami. La correspondance, adressee tout d'abord poste<br />
restante, l'est ensuite a 1'á Hotel de Francia â, puis, a
1<br />
INTRODUCTION<br />
partir du le' juin, au 43 avenida Garcia Barbon. Mais,<br />
entre-temps, Sonia Delaunay, revenue vers le 8 ou 10<br />
avril a Vila do Conde pour chercher une malle, a ete<br />
victime d'une denonciation mensongere - incident sur<br />
lequel nous reviendrons - qui l'a retenue a Porto jus-<br />
qu'au 25 avril environ. Fin aout-debut septembre, Robert<br />
et Sonia Delaunay reviennent au Portugal et s'instal-<br />
lent, cette fois, tout pres de la frontiere, a Valenca do<br />
Minho, ou ils passeront l'hiver, avec un court sejour a<br />
Moncao.<br />
Il nous faut ici ouvrir une parenthese pour parler<br />
de cette periode de Valenca, qui est, particulierement<br />
pour Sonia, toute remplie d'une feconde et magnifique<br />
activite, en communion avec l'ame et la couleur portu-<br />
gaises. Disons d'abord que le beau-pere du maire de<br />
Valenca se prend pour les deux artistes d'une vive sym-<br />
pathie : avant meme de faire leur connaissance, il a<br />
l'aimable attention de leur envoyer chaque jour le jour-<br />
nal le Figaro; ce charmant homme est un poete, qui se<br />
comportera envers le couple á comme un pere u et lui<br />
accordera tout son appui. C'est alors que Sonia Delau-<br />
nay se voit confier un grand projet de decor monumen-<br />
tal : la facade de la chapelle de la Misericordia, couvent<br />
, de peres jesuites. Ceux4 permettent aux deux peintres<br />
d'utiliser comme ateliers d'immenses salles desaffectees<br />
du couvent, dont les fenetres ont perdu leurs carreaux,<br />
mais ou ils peuvent travailler a l'aise. C'est la que Sonia<br />
entreprend une grande maquette sur toile (de 1'30 m<br />
de haut sur 3'26 m de large) d'un decor prevu pour etre<br />
execute en azulejos - carreaux de ceramique portu-<br />
gaise -'et qui devrait alors mesurer pres de 15 metres<br />
de large. De cette maquette, intitulee l'Hommage au<br />
donateur, Robert Delaunay dira dans ses Notes qu'elle<br />
est l'apotheose de toute l'expression portugaise, ou se<br />
retrouvent les elements de toutes les etudes et tableaux<br />
de Sonia Delaunay-Terk ... Le donateur au milieu du<br />
tableau, derriere lui les lointains des montagnes du pays
INTRODUCTION<br />
et, plus pres, les deux collines seurs : Valenca la portu-<br />
gaise et Tuy l'espagnole â. La description se poursuit,<br />
detaillee et enthousiaste, puis vient un commentaire de<br />
synthese :<br />
Dans la Misericordia, la forme est exprimee par<br />
la lumiere ; le tableau est la representation simultanee<br />
de formes : contrastes de formes exprimes par des<br />
contrastes de couleurs, mouvements simultanes de la<br />
couleur, pas de lignes, pas de perspective, de la profon-<br />
deur.<br />
á Le tableau : equilibre conscient des formes, soumis<br />
a l'expression monumentale, en harmonie architecturale<br />
avec le monument. Le grand contraste du ciel est oppose<br />
au groupe d'hommes, et la forme lumineuse de la Vierge<br />
est opposee au noir profond et chaud de la confrerie ...<br />
Ensuite des contrastes, des femmes se detachent dans<br />
ces grandes oppositions et vibrent simultanement dans<br />
le mouvement general de la couleur. Le disque. Les<br />
grands batons des paysans, les bannieres de la confrerie,<br />
avec les masses de couleurs qu'ils brisent et qu'ils oppo-<br />
sent, forment un element architectural qui exalte l'envo-<br />
lee des ovales des fenetres qui encadrent le bas du<br />
tableau. â Pour Robert Delaunay, l'Hommage au dona-<br />
teur est une á fete humaine â, qui prend place parmi<br />
á les simples, claires et nettes. vraiment dega-<br />
gees des tourments de la recherche â. Cette derniere<br />
phrase est profondement revelatrice de l'etat d'ame des<br />
deux artistes en cette periode portugaise. Sans doute les<br />
paysans de Valenca sont-ils intuitivement sensibles a<br />
cet aspect de l'euvre, puisque, comme le raconte<br />
Madame Delaunay, ils se glissent dans la salle pour admi-<br />
rer l'artiste au travail et manifester leur approbation.<br />
Malheureusement, ce splendide decor ne sera jamais<br />
realise, mais la maquette definitive en est aujourd'hui<br />
conservee au musee national d'Art moderne de Paris.<br />
Valenca constitue la derniere etape du sejour des<br />
Delaunay au Portugal. Au cours de l'annee 1917, ils
INTRODUCTION<br />
repartent pour l'Espagne, d'abord pour Vigo, puis pour<br />
Sitges, et enfin pour Madrid.<br />
Eduardo Vianna partage donc l'existence de ses amis<br />
francais jusqu'a leur premier depart pour Vigo, mais<br />
il demeure ensuite dans á son cher petit pays â - comme<br />
dit Souza-Cardoso - ou l'atmosphere est propice a sa<br />
passion du travail, jusqu'a la fin de la periode qui nous<br />
interesse, n'effectuant que quelques deplacements a<br />
Porto, Manhufe et Lisbonne.<br />
Amadeu de Souza-Cardoso ne va guere, lui non plus,<br />
s'eloigner de sa retraite montagnarde de Manhufe, vaste<br />
propriete de cette ancienne famille, qui vit rassemblee,<br />
de facon presque patriarcale, dans la vieille demeure<br />
aux multiples corps de batiments, flanques d'une tour<br />
a creneaux de fiere allure, et ou Amadeu s'est, en plus,<br />
fait construire, en contrebas, son atelier personnel. Le<br />
bourg le plus proche, ou l'on ne peut se rendre qu'en<br />
voiture a cheval - est Vila Me2 ; il est relie a la ville<br />
de Porto, distante d'environ quatre-vingts kilometres,<br />
par une ligne de chemin de fer, et Porto meme se trouve<br />
a peu pres a trentecinq kilometres de Vila do Conde.<br />
Le trajet Vila do Conde-Manhufe est donc long et diffi-<br />
cile, et Amadeu se plaint du manque de cc facilites d'ac-<br />
tion communicative â. Malgre de nombreuses promes-<br />
ses, les Delaunay ne se resoudront jamais a cette<br />
expedition ; en revanche, le cc montagnard â, qui se<br />
rend assez souvent a Porto, ira au moins deux fois voir<br />
ses amis a la villa á la Simultanee â, puisque, le<br />
13 septembre puis le 24 octobre 1915, il leur ecrit pour<br />
les remercier de leur á charmante hospitalite â.<br />
Quant a Almada et a Pacheco, leurs relations avec<br />
Robert et Sonia Delaunay se situent sur un plan amical<br />
et litteraire plutot qu'artistique et sont beaucoup moins<br />
suivies. Lisbonne est loin, a trois cent cinquante kilo-<br />
metres de Vila do Conde, et Almada, lui non plus, ne<br />
tiendra pas sa promesse d'une visite a ses amis.
INTRODUCTION<br />
Ces circonstances materielles favorisent donc<br />
l'echange, entre les membres de ce petit groupe, de<br />
nombreux messages, a une epoque ou - heureusement<br />
pour nous - le telephone n'etait pas entre dans les<br />
meurs.<br />
Sans cesser de poursuivre leur travail createur per-<br />
sonnel, les Delaunay deviennent un pole d'attraction<br />
pour ces peintres, comme eux pleins de jeunesse, d'ideal<br />
et d'ambition. Tres tot s'elaborent des projets d' action<br />
artistique D, de manifestations, de travaux, d'expositions<br />
en commun, dont ils prennent l'initiative, et que leurs<br />
confreres portugais adoptent aussitot, avec un enthou-<br />
siasme qui n'ira pas sans quelques desillusions.<br />
Il s'agit d'abord de fonder une association, designee<br />
sous le nom de Corporation nouvelle â, constituee par<br />
Sonia et Robert Delaunay, Amadeu de Souza-Cardoso,<br />
Eduardo Vianna, Jose de Almada-Negreiros, D. Rossine<br />
(peintre russe habitant Paris), auxquels se joindraient<br />
les poetes Guillaume Apollinaire et Blaise Cendrars. Ce<br />
groupe organiserait des expositions itinerantes, dites<br />
a expositions mouvantes â, et editerait des albums d'art.<br />
L'Album no 1 consisterait en un recueil de poemes,<br />
accompagnes d' á interpretations â de differents artis-<br />
tes, executees au pochoir. A Vianna est confiee la reali-<br />
sation du projet, ce qu'il accepte avec joie. Amadeu<br />
envoie des esquisses pour la couverture. Robert Delau-<br />
nay prepare le bulletin de souscription, lequel porte,<br />
en en-tete : CC Album no 1 des Expositions mouvantes,<br />
Nord-Sud-Est-Ouest â ; tous les exemplaires seront nume-<br />
rotes et signes par les artistes ; le prix de chaque exem-<br />
plaire est fixe a huit francs par souscription et a dix<br />
francs chez les libraires et dans les galeries d'art ; le<br />
prix de l'exemplaire en edition de luxe sur papier spe-<br />
cial sera de vingt francs par souscription et de trente<br />
francs a la vente normale ; deja, l'on annonce que se<br />
trouve en preparation l'Album no 2, avec de nouvel-<br />
les collaborations â. La preparation de cet Album,
INTRODUCTION<br />
les problemes que soulevent l'execution des pochoirs<br />
et leur envoi aux Delaunay tiennent une place majeure<br />
dans la correspondance echangee entre juin. 1915 et<br />
aout 1916. Pour Aniadeu qui, au cours de toute cette<br />
periode, poursuit fievreusement son propre combat et<br />
ses propres recherches, sa collaboration a l'Album est<br />
un effort de solidarite amicale. Il s'astreint a faire<br />
quelques pochoirs, mais avec une grande repugnance<br />
personnelle a l'egard de cette technique et une veritable<br />
hantise du temps ainsi perdu : cc Je n'ai aucun entrainement<br />
aux pochoirs, declare-t-il sans ambages, et, partant,<br />
je n'aime pas du tout ce travail qui me rend<br />
esclave â, mais, ajoute-t-il, cc puisque la Corporation<br />
exige ... )) Il envoie deux epreuves de pochoirs, á faits<br />
dans une seule coupure, dit-il, car j'ai mes toiles qui<br />
m'appellent toujours, toujours â. Pour Vianna, il en va<br />
tout autrement. Cet Album dont il est responsable, c'est<br />
sa chose, sa cc seule pensee D, son cc idee fixe D. Il decide<br />
du format, de la mise en pages, multiplie les etudes<br />
pour son illustration et met un point d'honneur a mener<br />
a bien cet enorme travail, en lui donnant la priorite<br />
sur ses personnelles : Je reussirai ou je creve. â<br />
Mais, a lui aussi, cette servitude commence a peser :<br />
cc Je ne pourrai pas m'occuper de faire des tableaux<br />
plus serieux pour nos expositions mouvantes avant<br />
d'avoir fini les pages, et je vais continuer avec courage.<br />
J'ai hate de faire des tableaux grands. â<br />
Cet Album, qui doit servir de lien entre 'les membres<br />
de la Corporation naissante et qui fait couler tant<br />
d'encre, va surtout etre l'occasion d'irritants malentendus<br />
et meme, entre Robert Delaunay et Vianna, d'une<br />
rupture temporaire. Le depart pour Vigo du couple<br />
francais complique desesperement les choses. Les travaux<br />
expedies par la poste - pochoirs de Vianna,<br />
toiles de Souza-Cardoso destinees a d'eventuelles expo<br />
sitions a l'etranger - subissent des deteriorations desastreuses.<br />
Il faut fabriquer des tubes en carton ou en
INTRODUCTION<br />
fer-blanc, et, malgre toutes les precautions prises, les<br />
tubes s'ecrasent : les pochoirs arrivent comme des<br />
chiffons, ratatines, foutus â, selon l'expression de Vianna,<br />
et les toiles roulees deteignent. Et, surtout, les Delaunay,<br />
accapares par leur propre travail, temoignent d'une cer-<br />
taine negligence a retourner leurs aux deux<br />
artistes portugais. Lettre apres lettre, ceux-ci deman-<br />
dent, rappellent, supplient, exigent que leur soient<br />
reexpedies leurs envois. Au mois de juillet 1916, l'orage<br />
eclate. Vianna semble, en effet, avoir mis au point une<br />
matiere et une technique nouvelles, á avec un resultat<br />
merveilleux â, et il reproche hautement a ses amis fran-<br />
cais de n'avoir pas su faire la difference de ce procede<br />
avec la á mecanique â, la á rengaine fi, le á pauvre<br />
travail abrutissant des pochoirs D. Il s'indigne : Pour-<br />
tant, vous etes cales dans le metier ! â L'Album ne verra<br />
jamais le jour. Furieux contre Robert Delaunay, Vianna<br />
garde neanmoins toute son amitie a Sonia, continue de<br />
lui ecrire avec abandon et finira meme, oubliant tout<br />
ressentiment, par offrir une toile a l'un comme a l'autre.<br />
Ce sont, ecrira-t-il a la jeune femme, quelques jours de<br />
ma vie que je vous offre avec le plus grand plaisir, en<br />
souvenir du beau temps. â<br />
Quant a Amadeu de Souza-Cardoso, s'il manifeste un<br />
grand enthousiasme pour 1'á action artistique D des<br />
Delaunay, au Portugal et aussi en Espagne (a cela<br />
m'interesse vivement, c'est une chose qui me touche<br />
de pres D), c'est surtout en ce qui concerne les projets<br />
d'expositions : expositions mouvantes D de la Corpo<br />
ration, expositions collectives, avec les Delaunay. On<br />
parle d'abord beaucoup d'une exposition a Lisbonne (qui<br />
pourrait ensuite se tenir a Porto), puis d'une exposition<br />
a Barcelone, pour le printemps de 1916, puis de nou-<br />
veau d'une grande exposition a Barcelone, pour l'automne<br />
de la meme annee, a laquelle Amadeu tient vivement<br />
(G Cette exposition, ecrit-il a Sonia Delaunay, mettez-y<br />
votre genie â), puis encore de possibilites a Stockholm
INTRODUCTION<br />
et Christiania. Confiant, Amadeu travaille aux catalo-<br />
gues, se declare pret a se rendre a Lisbonne pour un<br />
eventuel accrochage, s'enquiert a plusieurs reprises de<br />
details pratiques pour l'expedition de ses toiles a Bar-<br />
celone, en envoie meme cinq a Vigo avec titres et prix<br />
- puis il s'apercoit que le temps passe et qu'il se fait<br />
trop tard. Finalement, de tous ces beaux projets, aucun<br />
ne se realisera, du moins pour Amadeu (car a Stockholm,<br />
en avril 1916, Sonia Delaunay a envoye vingt-six<br />
et Robert quatre), et le peintre portugais se resoudra a<br />
exposer seul a Porto a l'automne de 1916. A partir du<br />
mois de juillet, il reclame ses toiles aux Delaunay, conti-<br />
nue avec eux son amicale correspondance, mais ne fait<br />
plus allusion a des projets communs. Le 4 aout 1916,<br />
il leur declare en outre nettement : Je regrette de vous<br />
dire que je ne ferai plus de pochoirs. Je suis absolu-<br />
ment nul dans ce travail, c'est un esclavage que je ne<br />
veux pas subir. D Conscient de son originalite d'artiste<br />
et feru d'independance, Amadeu n'est d'ailleurs pret a<br />
subir aucune forme de contrainte.<br />
Les projets que forme Almada de composer des<br />
á ballets simultanes â ou des a poemes portugais â,<br />
avec la collaboration de Sonia Delaunay, n'auront pas<br />
un sort meilleur. Ainsi, la cc Corporation nouvelle â est<br />
bien mal en point. Mais ces discussions sans effet, ces<br />
occasions perdues, ces enthousiasmes retombes auront<br />
cependant joue, dans le petit groupe, un role d'actif<br />
ferment et, en cela, n'auront pas ete 'inutiles.<br />
Et d'ailleurs - ces lettres en temoignent - il existe,<br />
entre Robert et Sonia Delaunay, d'une part, et les quatre<br />
correspondants portugais, de l'autre, autre chose qu'une<br />
simple communaute de vue intellectuelle ou d'interets<br />
professionnels ; il existe surtout, fondee sur celle-ci, une<br />
profonde et authentique amitie. Pour leurs amis, Robert<br />
et Sonia Delaunay ne se confondent pas dans une entite<br />
bicephale. A chacun d'eux, leurs correspondants vouent<br />
une forme d'admiration et d'attachement differente. Il
INTRODUCTION<br />
n'est pas rare que, le meme jour, l'un ou l'autre des<br />
artistes portugais ecrive une lettre a Robert et une<br />
autre a Sonia. Par sa sensibilite feminine, cette der-<br />
niere apparait sans doute plus proche, plus comprehen-<br />
sive a ses amis portugais, qui cherchent aupres d'elle,<br />
dans les moments de crise ou de depression, á un mot<br />
ami, un bon conseil, un peu de courage, un peu de<br />
soleil, un peu de vie â, comme l'ecrit Vianna. Meme au<br />
milieu des transports d' á admiration epileptique n<br />
qu1Almada dedie a á Celle qui rit dans les eclairs â, a<br />
Celle qui fait taire D, Sonia Delaunay reste pour le<br />
jeune homme une á marraine n, qui ne manque jamais<br />
de pardons pour le Narcisse d'Egypte 8 et ranime,<br />
par la vertu de ses lettres
aux sous-marins<br />
utilisant, comme<br />
INTRODUCTION<br />
allemands qui croisent au large, en<br />
signaux, les celebres M disques simul-<br />
tanes B, qui sont des elements essentiels de leurs<br />
tableaux. Si saugrenue que nous paraisse la chose avec<br />
le recul des annees, il ne faut pas oublier que la psychose<br />
de 1' espionnite â regnait alors partout. Lorsque Sonia<br />
Delaunay se presente au consulat de France de Porto,<br />
son passeport lui est confisque, et elle apprend que<br />
Beatris vient d'etre arretee a la frontiere luso-espagnole,<br />
et la fameuse malle saisie. Or cette malle, outre des<br />
objets personnels, se trouve contenir un nombre impor-<br />
tant de lettres adressees aux Delaunay par leurs amis<br />
peintres allemands, Franz Marc, August Macke, Paul<br />
Klee et par d'autres relations de la galerie Der Sturm â<br />
de Berlin. Cette correspondance, tres suspecte aux yeux<br />
ignorants des douaniers, semble confirmer la denon-<br />
ciation. Sonia Delaunay telegraphie a Souza-Cardoso,<br />
qui arrive immediatement de Manhufe pour l'assister<br />
et mettre en son influence personnelle et celle de<br />
ses amis, jouant ainsi un role preponderant dans la<br />
protection de la jeune femme et l'eclaircissement de<br />
l'affaire. Tout le petit groupe est en etat d'alerte. Les<br />
amis de Lisbonne, Almada-Negreiros et Pacheco agis-<br />
sent activement dans le domaine de la presse. á Tout<br />
Porto est au courant de ce cas, et tout Lisbonne aussi â,<br />
ecrit Souza-Cardoso a Robert Delaunay qui, reste a<br />
Vigo, malade et sans nouvelles, est plonge dans l'anxiete.<br />
K Ne soyez pas inquiet, ecrit de son cote Pacheco a<br />
Robert, ne vous impatientez pas, ne bougez pas, n'ecri-<br />
vez pas. n Chacun s'emploie a le rassurer, et c'est Amadeu<br />
qui sert de boite aux lettres entre les deux epoux :<br />
á Soyez tout a fait tranquille ... Madame se porte bien,<br />
elle n'est pas seule, on s'y interesse beaucoup ... Je lui<br />
ai envoye tous vos mots ... â<br />
Apres avoir saisi la malle, la police est venue operer<br />
une perquisition dans la villa habitee par les Delaunay<br />
a Vila do Conde, faisant main basse sur tout ce qui lui
INTRODUCTION<br />
semblait suspect ou insolite. Sur la suggestion des auto-<br />
rites administratives - comme on peut le lire dans la<br />
presse - Vianna est arrete c en tant que personne<br />
frequentant assidument le couple francais â. Ses lettres<br />
et documents personnels, ses travaux et ses fragiles<br />
pochoirs sont egalement saisis ; ces derniers lui seront<br />
rendus tout casses, roules, deteints. Vianna lui-meme a<br />
ete fort malmene. La police l'a conduit, sous les huees<br />
de la foule, comme il le raconte avec verve dans une<br />
lettre a Robert Delaunay, jusqu'a la prison de Porto,<br />
ou on l'a jete dans un cachot avec les prisonniers de<br />
droit commun. La preuve ayant ete faite, quelques jours<br />
plus tard, de la faussete de la denonciation et de l'inno-<br />
cence de tous les inculpes, Vianna sortira de prison fort<br />
deprime, couvert de vermine et, selon son expression,<br />
si ebranle a avec tous ces tremblements pour ce que<br />
j'ai passe ces jours4 â qu'il en aura une crise de furon-<br />
culose. Pour seule compensation, il obtiendra quelques<br />
lignes de rehabilitation dans le journal local.<br />
Cette triste affaire, que la presse portugaise decrit<br />
comme une a gaffe â (en francais), a dure pres de trois<br />
semaines. Avec les excuses du consul, Sonia Delaunay<br />
recoit son passeport et peut enfin aller rejoindre son<br />
mari et son fils a Vigo.<br />
Peut-etre nous est-il permis de penser que, pour<br />
Madame Delaunay, le souvenir de cette epreuve subie et<br />
surmontee en commun avec ses amis portugais n'est pas<br />
etranger au soin qu'elle a pris de conserver cette corres-<br />
pondance.<br />
Le plus serieux probleme que nous aient pose cer-<br />
taines de ces lettres est celui de leur datation. Il s'agit<br />
la, surtout, des envois de Vianna qui, parfois, ecrit a<br />
la diable et ne porte sur ses messages que des indica-<br />
tions des plus sommaires, telles que á mardi soir â, ou<br />
á le 13 â, ou bien rien du tout, ou bien encore specifie<br />
le jour, la date et l'annee et se trompe, comme le demon-<br />
trent les calendriers des annees en question. Cependant,
INTRODUCTION<br />
presque toujours, le contenu des lettres a permis de les<br />
retablir dans une sequence apparemment logique, mal-<br />
gre les lacunes, les á blancs â que comporte cette corres-<br />
pondance.<br />
A part de rares exceptions, ces lettres sont ecrites<br />
en francais et apparaissent remarquables par l'aisance,<br />
la vivacite du style et la richesse des nuances de l'expres-<br />
sion. Nous en avons, bien entendu, respecte le texte,<br />
ne retablissant que l'orthographe, parfois fantaisiste, et<br />
la ponctuation, souvent absente, afin d'en faciliter la<br />
comprehension. Souza-Cardoso et Vianna temoignent<br />
d'une parfaite pratique du francais, qu'ils ont acquise<br />
au cours de leurs sejours prolonges a Paris, et ils ecri-<br />
vent, le premier avec une efficace concision, le second<br />
avec un naturel desarmant. Le lecteur voudra bien ne<br />
pas s'offusquer de ce que nous avons juge bon de trans-<br />
crire, sans les attenuer, les verdeurs de vocabulaire et<br />
les expressions argotiques de Vianna, qui ecrit comme<br />
il parle, et qui parle le langage peu chatie des ateliers<br />
et des academies de Montparnasse. II faut d'ailleurs<br />
souligner que, chez lui, la grossierete n'est que dans la<br />
forme, et l'on est souvent touche de la delicatesse et<br />
de la noblesse des sentiments qu'elle recouvre.<br />
Quant a Almada, il souffre de ne pas savoir assez<br />
bien le francais, au point qu'ayant ecrit une belle lettre<br />
lyrique a Sonia Delaunay, tourmente a l'idee de s'etre<br />
mal fait comprendre, il ecrit aussitot a Vianna en portu-<br />
gais en le priant de se faire son interprete. En fait, le<br />
talent de ce jeune et genial exalte brille a travers les<br />
obstacles de la syntaxe, et ses inventions verbales n'en<br />
acquierent que plus d'intensite.<br />
Les quelques lettres redigees en portugais ont ete tra-<br />
duites le plus litteralement possible.<br />
De l'ete 1913, nous possedons deux lettres de Souza-<br />
Cardoso adressees, de Paris, aux Delaunay, alors en<br />
residence a Louveciennes. Pour l'annee 1915, il n'existe<br />
pas de lettres de Vianna - qui, a cette epoque, habite
INTRODUCTION<br />
chez les Delaunay - mais une correspondance abon-<br />
dante, bien qu'incomplete, de Souza-Cardoso, deux lettres<br />
dlAlmada et une de Pacheco. L'annee 1916 etant la plus<br />
riche en lettres, nous l'avons subdivisee en quatre tri-<br />
mestres ; dans le cadre de chaque trimestre, nous pre-<br />
sentons successivement la suite des lettres ecrites par<br />
chacun des correspondants, de facon a pouvoir suivre,<br />
pour chacun, le fil de ses relations avec les Delaunay,<br />
tout en donnant une image d'ensemble des preoccupa-<br />
tions communes du petit groupe au cours de telle ou<br />
telle periode. Quelques lettres s'echangent encore au<br />
debut de 1917, puis les relations s'estompent. Souza-<br />
Cardoso est brutalement emporte par la maladie en<br />
1918. Quant a Vianna, il gardera son amitie pour les<br />
Delaunay et ira fidelement leur rendre visite a chacun<br />
de ses voyages a Paris, jusqu'apres la Seconde Guerre<br />
mondiale.
Nature morte portugaise, tableau de Robert Delaunay. Colle<br />
sur papier, 22 x 23 cm. Portugal, 19111916.<br />
Avec un poeme de Jose Verde :<br />
Vendo-os assim tao pertinho<br />
A Galliza e mais O Minho<br />
S5o como dois narnorados<br />
Que O rio traz separados<br />
Quase desde O nascirnento<br />
Deixai os dois narnorar<br />
Ja que os paes para casar<br />
Lhes nao dao consentimento.<br />
En les voyant ainsi tout pres l'un de l'autre,<br />
La Galice et puis le Minho,<br />
II semble yue ce soit deux amoureux<br />
Que le fleuve amene, separes<br />
Presque des leur naissance.<br />
Laissez-les roucouler. ces deux-la,<br />
Puisqu'a leur mariage<br />
Leurs parents refusent de consentir.
L'Hommage au donateur, projet definitif d'un decor destine<br />
a la facade de la Misericordia, a Valenca do Minho. Cire sur<br />
toile, 130 x 326 cm. Portugal, 1916.
LETTRES
AMA<strong>DE</strong>U <strong>DE</strong><br />
SOUZA-CARDOSO
Les m ux uxmEs SuIvAmEs, <strong>DE</strong> J umm rn AouT 1913,<br />
attestent les relations existant des cette epoque entre les<br />
Delaunay et A. de Souza-Cardoso. Au cours de ces'ren-<br />
contres, il dut etre discute du Herbstsafon qui devait<br />
ouvrir ses portes a la galerie a Der Sturm â de Berlin, le<br />
20 septembre suivant, et auquel, recommande par les<br />
Delaunay, Souza-Cardoso enverra trois toiles. Cellesxi<br />
figurent dans le catalogue de l'exposition sous les nume-<br />
ros 334, 335, 336, avec les titres : Der Athlet, Gemafd A,<br />
Gemafd G, la premiere ayant meme l'honneur d'une repro-<br />
duction en pleine page.
Carte-lettre<br />
A. de SouzaCardoso<br />
a Robert Delaunav,<br />
1, rue du Pont<br />
Louveciennes<br />
Cher ami,<br />
LETTRES<br />
Paris<br />
26 juillet 1913<br />
Hier soir j'ai pris sans le savoir un exemplaire des<br />
Sequences ' qui vous a ete offert.<br />
Donc, je vous prierai de m'en preter un autre jeudi,<br />
et je vous rendrai celui-ci.<br />
Tres cordialement a vous,<br />
Carte-lettre.<br />
A. de SouzaCardoso<br />
a Robert Delaunay,<br />
1, rue du Pont<br />
Louveciennes<br />
Cher ami,<br />
Paris<br />
Vendredi 8 aout 1913<br />
Apres-demain dimanche, je desirerais vous visiter, si<br />
cela ne vous derange pas. J'irai tout de suite apres le<br />
dejeuner pour revenir aussitot. Si cela vous gene, ayez<br />
la complaisance de me le faire savoir. 11 m'a ete impos-<br />
sible de vous voir jeudi dernier.<br />
Mes respects a Madame, et une cordiale poignee de<br />
main pour vous.<br />
A. de SOUZA-CARDOSO<br />
1. Le recueil de Sequences, publie par Blaise Cendrars, a ses Frais,<br />
alors qu'il avait deja ecrit les Paques a New York, fut, par la suite.<br />
qualifie par l'auteur lui-meme de a peche de jeunesse n et retire de<br />
ses ocuvres completes.
Sonia Delaunay-Terk travaillant a sa grande toile le Marche<br />
au Minho, a Vila do Conde, en 1916.
Le Marche au Minho, tableau de Sonia-Delaunay. Cire sur toile;<br />
98 x 112 cm. Portugal, 1915. Collection particuliere.
Soniu Delaunay photographiee en 1915 parmi ses creations :<br />
coussins brodes et appliques, tapisserie de 1909, boites peintes,<br />
colliers, reliures ; fond de tissus portugais.
L'atelier des Delaunay a Vila do Conde. A gauche au mur,<br />
tableau des Jouets portugais ; sur la table, au premier plan, exem-<br />
plaire des Euvres completes de Jules Laforgue, relie par Sonia<br />
Delaunay en 1912-1913; au centre, poteries portugaises et tissus<br />
decores par Sonia Delaunay; a droite, au mur, premiere compo-<br />
sition pour Zenith, poeme de Blaise Cendrars.
Projet de pochoir pour la couverture de l'Album no 1, a edition<br />
Corporation nouvelle, Expositions mouvantes â, extrait de la<br />
lettre de SouzaCardoso a Robert Delaunay, 11 juin 1915.
AMA<strong>DE</strong>U <strong>DE</strong><br />
SOUZA-CARDOSO
L A MANIERE mm <strong>DE</strong>BUTE LA PREMIERE L Enm DI~A<strong>DE</strong>U<br />
de Souza-Cardoso en notre possession pour l'annee<br />
1915, datee de juin, laisse presumer qu'il s'agit proba-<br />
blement de la suite d'une correspondance egaree, echan-<br />
gee precedemment, au cours de laquelle Sonia et Robert<br />
Delaunay ont repris contact avec leur ami de Paris,<br />
devenu presque leur voisin au Portugal, et lui ont deja<br />
expose leurs projets de a Corporation nouvelle â et<br />
d' expositions mouvantes B.
A. de Souza-Cardoso<br />
a Robert Delaunay,<br />
Vila do Conde<br />
Mon cher Delaunay,<br />
LETTRES<br />
Manhufe, Vila Me5<br />
Vendredi 11 juin 1915<br />
C'est tres bien votre idee de l'album accompagnant<br />
l'exposition. Je n'ai aucun entrainement aux pochoirs<br />
et, partant, je n'aime pas.du tout ce travail qui me rend<br />
esclave. Mais je suis d'accord que, dans la situation<br />
actuelle, c'est une maniere d'assembler les efforts. Donc,<br />
il en faut. J'ai fait la page ecriture, un pochoir simple<br />
d'une petite feuille, le troisieme sera cette aquarelle<br />
que je vous ai envoyee a Vila do Conde, dont vous avez<br />
la coupure, et que je vous prie de me preter : cela<br />
m'eviterait du travail et du temps, dont j'ai tant besoin<br />
pour mes toiles. Envoyez-moi du papier propre pour<br />
l'album et avertissez-moi quand ca doit etre pret -<br />
oui - et il faut un delai pour tous, mais un delai fixe,<br />
sans quoi tout le monde se juge pris a l'improviste.<br />
N'oubliez pas de m'envoyer du papier - ici on n'en<br />
trouve pas. Dites aussi la grandeur juste de la feuille<br />
pour l'album.<br />
Je travaille a l'huile et n'ai aucune pratique de faire<br />
des gouaches : donnez-moi quelques renseignements<br />
utiles. Choisissez un papier que vous jugez bon pour<br />
les affiches, envoyez-le et dites combien doit en faire<br />
chacun. C'est tres dommage les distances : j'aurais fait<br />
d'autres choses essayant de briser le continu des pochoirs<br />
(je veux dire toutes les qui devient monotone<br />
- mais il faut se conformer, au moins pour le moment.<br />
J'ai envoye a Vianna la carte postale-bulletin de Madame<br />
et le papier-formule. Nous devons travailler tres bien :<br />
Barcelone pour cet automne, et aussi pour l'hiver. Ici,<br />
impossible, meme compromettant, n'importe quelle<br />
action. Ah ! Mais dites-moi, qu'estce qu'il fera le mar-<br />
chand Dalman ? Il doit faire quelque chose !
LETTRES<br />
Par ce meme courrier, je vous envoie deux epreuves<br />
cire des deux pochoirs : feuille ecriture, gourde violon.<br />
Je les ai faits dans une seule coupure pour aller plus<br />
vite, car j'ai mes toiles qui m'appellent toujours, tou-<br />
jours.<br />
Excusez le retard de ma reponse, mais, que voulez-<br />
vous, quand on travaille, on est parfois insociable.<br />
Rien recu encore de ce que vous m'avez annonce.<br />
Du papier, n'oubliez pas.<br />
Souvenirs a tous les votres. A bientot j'espere.<br />
A. de Souza-Cardoso<br />
a Sonia Delaunay,<br />
Vila do Conde<br />
Chere Madame,<br />
Manhufe<br />
Vendredi 11 juin 1915<br />
Je ne vous reponds que maintenant pour de fortes<br />
raisons - veuillez m'excuser. J'ai recu votre lettre me<br />
grondant d'etre un reveur quand je travaillais comme<br />
un animal.<br />
Vous me demandez trois beaux pochoirs. Je vous<br />
en envoie deux ; pour le troisieme, j'ai prie Delaunay de<br />
me preter la coupure qu'il a faite a Vila do Conde de<br />
mon aquarelle. Vous voulez de beaux pochoirs : cela<br />
m'embarrasse parce que c'est un travail ou je me juge<br />
absolument mediocre - mais puisque la Corporation<br />
exige ...<br />
J'ai envoye votre carte postale-bulletin a Vianna,<br />
avec la formule. Savez-vous que cette carte postale est<br />
plus grande que d'ordinaire, et il me semble que dans<br />
les postes, il y a une mesure fixe - renseignez-vous.
LETTRES<br />
Je compte aller a Porto la semaine prochaine et porte-<br />
rai moi-meme votre Rimbaud a Pinto Leite. J'aimerais<br />
lire Laforgue - je vous remercie d'avance.<br />
Cet album dont vous avez eu l'idee ne remplace pas<br />
le livre dont je vous ai parle en projet. Le livre, nous le<br />
ferons plus tard ; nous pouvons faire une chose unique,<br />
mais il nous faut toutes les facilites d'action communica-<br />
tive.<br />
Par ce meme courrier, j'ecris a Delaunay. Ici, un man-<br />
que absolu de papier. Qu'il m'en envoie et dise combien<br />
je lui dois.<br />
Ma femme est un peu plus forte de sante, elle com-<br />
mence a gonfler - pourvu qu'elle mene ca jusqu'au<br />
bout.<br />
Je suis tres content de votre ardeur d'action. Moi, je<br />
travaille toujours vertigineusement.<br />
Le costume de votre mari lui va bien ?<br />
Encore une fois, je vous demande excuse de l'impoli-<br />
tesse de mon retard a repondre. Votre pochoir en-tete<br />
est tres bien - vraiment, je suis un idiot pour les<br />
pochoirs.<br />
Tres affectueusement,<br />
A. de SouzaCardoso<br />
a Robert Delaunay,<br />
Vila do Conde<br />
Cher Ami,<br />
A. de SOUZA-CARDOSO<br />
Manhufe-Amarante<br />
Mercredi (16 juin 1915 ?)<br />
Par ce courrier je vous envoie les expositions mou-<br />
vantes et la Corporation nouvelle : vous en prendrez<br />
des pochoirs et me renverrez les originaux pour que j'en
LETTRES<br />
fasse de mon cote. Pour le catalogue de Barcelone, je<br />
n'ai pas voulu faire de dessin ; je trouve que l'ecriture<br />
suffit. Dites-moi des nouvelles de la galerie Dalman.<br />
J'ai fait faire des photographies de trois petits<br />
tableaux a Porto, qui doivent etre pretes dans deux jours,<br />
et qui pourront servir pour le catalogue Barcelone. On<br />
m'a recommande ce photographe comme specialiste :<br />
d'apres les miennes, vous verrez s'il peut vous etre<br />
utile.<br />
Quant a l'aluminium, le monsieur qui s'y connait est<br />
parti a Paris. J'en ai fait chercher, ainsi que de la feuille ',<br />
demandant qu'on m'envoie des echantillons. De l'alumi-<br />
nium, on me dit qu'il n'y en a pas*; quant a la feuille,<br />
les idiots m'envoient un echantillon de zinc. Cependant, je<br />
m'en occuperai toujours. Par ce meme courrier, je vous<br />
envoie aussi une feuille de papier echantillon pour les<br />
Paques Cendrars. C'est du cc nacional â, je l'ai trouve<br />
chez Araujo Sobrinho ; il dit que cela coute 3 500 reis<br />
les cinq cents feuilles, mais il me semble qu'on peut<br />
l'avoir meilleur marche, malgre qu'il dise le contraire.<br />
Quant aux cartes postales avec renseignements, dites<br />
a Vianna que j'ai trouve a Amarante un homme qui me<br />
fait une molette en marbre. Je lui en ai commande une<br />
qui doit etre prete mardi. Que Vianna me fasse savoir<br />
si je dois en commander pour lui.<br />
Lorsque vous aurez reponse du Macarron, communi-<br />
quez-le moi. Enfin, mettez-moi toujours au courant, afin<br />
que la Corporation se developpe.<br />
Ma femme partira pour Paris bientot, et elle m'appor-<br />
tera quelques tableaux que j'enverrai d'ici a Barcelone,<br />
et nous pourrions tous faire l'envoi ensemble - c'est<br />
plus sur et plus economique. Pour Lisbonne, je compte<br />
avoir des gens de Paris. Tachez de faire vite les pochoirs,<br />
car je n'en ai pas encore fait, et il me faudra les ori-<br />
ginaux.<br />
1. 11 s'agit de B feuille de Flandre n, c'est-a-dirc de fer-blanc.
LETTRES<br />
Il fait tres froid ; j'ai ete un peu malade.<br />
Quand ma femme partira, j'irai vous voir.<br />
Bonjour a tous. A vous, je vous serre la main amica-<br />
lement.<br />
SOUZA-CARWSO<br />
A. de Souza-Cardoso<br />
a Robert Delaunay,<br />
Vila do Conde<br />
Cher Ami,<br />
Manhufe<br />
30 aout 1915<br />
Merci de vos nowelles. Cela me fait plaisir de vous<br />
savoir installes et contents de la vie.<br />
D'ici une huitaine de jours, j'irai vous voir.<br />
Bonjour a tout le monde. Bien a vous,<br />
CARDOSO<br />
Carte postale '<br />
A. de SouzaCardoso<br />
a Robert Delaunay,<br />
Vila do Coizde<br />
Bonjour a tous.<br />
Manhufe<br />
6 septembre 1915<br />
1. Cette carte est envoyee a l'adresse suivante :<br />
Villa la Simultanee<br />
Rua dos Banhos<br />
Vila do Conde<br />
Rua dos Banhos est l'ancien nom de la Rua Bento de Freitas.
LETTRES<br />
Carte nostale<br />
A. de Souza-Cardoso<br />
a Robert Delaunay,<br />
Vila do Conde<br />
Manhufe<br />
Mercredi 9 septembre 1915<br />
Merci de votre carte postale. Demain, je vais a Porto<br />
pour trois ou quatre jours - j'irai vous voir et vous en<br />
avertirai d'avance. Vous etes brunis par les foins ?<br />
C'est agreable de se sentir bronzer.<br />
Le petit est-il bien ?<br />
Mes respects a Madame.<br />
Bonjour a tous. Bien a vous,<br />
Carte postale<br />
A. de SouzaCardoso<br />
a Robert Delaunay,<br />
Vila do Conde<br />
Cher Ami,<br />
Manhufe<br />
Lundi 13 septembre 1915<br />
Me voici de nouveau dans mes montagnes, gardant<br />
les meilleurs souvenirs de ma visite chez vous.<br />
Mes respects a Madame, et a vous, je vous serre la<br />
main cordialement.
Carte postale<br />
A. de Souza-Cardoso<br />
a ~ ~obert Delaunav,<br />
Vila do Conde<br />
Cher ami,<br />
LETTRES<br />
ManhuEe<br />
Mercredi 15 septembre 1915<br />
Je vous remercie de la liste des couleurs. J'ai recu<br />
des nouvelles de Paris. D'apres ce qu'on me dit, la vie<br />
n'est pas gaie. Je me prepare a une partie de chasse dans<br />
la haute montagne.<br />
Mes respects a votre Dame. Bonjour a tous.<br />
A bientot. Cordialement votre,<br />
A. de Souza-Cardoso<br />
a Robert Delaunay,<br />
Vila do Conde<br />
Cher Ami,<br />
Manhufe-Amarante<br />
(18 septembre 1915 ?)<br />
J'arrive de la chasse et trouve votre carte postale. A<br />
mon prochain voyage a Porto, je m'occuperai des cou-<br />
leurs.<br />
Merci de vos renseignements.<br />
Que la guerre est charmante - c'est un peu litte-<br />
raire, mais il se peut ... Qu'elle doive etre emotionnante,<br />
je n'ai aucun doute. Je vous avoue mon regret de me<br />
trouver si loin. Je voudrais la sentir de plus pres, la<br />
vivre davantage.<br />
Que la paix soit devenue trop chere, je vous crois -<br />
on la paie. Mais si on ne participe pas a la guerre, si<br />
peu que ce soit, on s'embete. Il nous faut quelque chose<br />
de fort - je suis militariste !
LETTRES<br />
On me dit de Porto qu'il faudrait que vous remplissiez<br />
un bulletin ou je ne sais quoi pour qu'on vous envoie<br />
vos telegrammes. Donc, votre adresse que j'ai donnee ne<br />
suffit, pas ; il la faut signee de votre main.<br />
Salutations a Madame, et, pour vous, une amicale<br />
poignee de main.<br />
Carte os tale<br />
A. de ~ouza-Cardoso<br />
a Robert Delaunay,<br />
Vila do Conde<br />
Cher ami,<br />
Manhufe<br />
Dimanche 24 octobre 1915<br />
Merci de votre charmante hospitalite. Je suis arrive,<br />
gardant de tres bons souvenirs de tous et de tout.<br />
Au revoir. Amicalement,<br />
A. de SOULA-CARDOSO<br />
A. de Souza-Cardoso<br />
a Robert Delaunay,<br />
Vila do Conde<br />
Cher Ami,<br />
Manhufe-Amaran te<br />
Vendredi 29 octobre 1915<br />
Je vous ai envoye une caisse avec vingt-quatre bou-<br />
teilles de vin, dont voici le bulletin de chemin de fer.<br />
Je suis heureux de savoir que, malgre tout, Cendrars<br />
est sauve. Ce serait doinmage que cette terrible guerre
LETTRES<br />
nous ait prives de ce bel esprit. Si vous lui ecrivez,<br />
n'oubliez pas de me rappeler a son souvenir.<br />
Mes respects a Madame. Bonjour a tous.<br />
Une amicale poignee de main.<br />
A. de Souza-Cardoso<br />
a Robert Delaunay,<br />
Vila do Conde<br />
Cher Ami,<br />
Manhufe<br />
Mardi 7 decembre 1915<br />
Dites-moi, quand irez-vous dans le Sud ? Et avant,<br />
il faut venir me voir : vous viendrez pour coucher et<br />
repartirez le lendemain. Avertissez-moi du jour pour<br />
que je vous envoie la voiture a la gare. Venez tous,<br />
n'estce pas ?<br />
J'en ai assez de la vie a la campagne, l'hiver est<br />
sinistre.<br />
J'irai a Paris en janvier. J'ai des nouvelles de Sola<br />
et de Picasso. Celui-ci travaille, malgre qu'il dise le<br />
contraire. Je travaille aussi, mais j'en ai trop de la vie<br />
aux champs.<br />
J'irai a Porto peut-etre la semaine prochaine. J'irai<br />
vous voir, si vous etes toujours la.<br />
Bonjour a Madame de la part de ma femme et de<br />
la mienne.<br />
Cordialement a vous,
LETTRES<br />
A. de SouzaCardoso<br />
a Robert Delaunay,<br />
Vila do Conde<br />
Cher Ami,<br />
Manhufe<br />
(Fin decembre 1915)<br />
Deux mots a la hate.<br />
Je vous souhaite une bonne nouvelle annee et vous<br />
envoie ce gateau pour le diner. Hier, je vous ai envoye un<br />
livre de vers portugais. L'avez-vous recu ?<br />
Quand venez-vous ? Parce qu'il faut se decider.<br />
A bientot. J'irai vous voir dans les premiers jours de<br />
janvier.<br />
Bien des choses a tous. Mes respects a Madame, et une<br />
cordiale poignee de main pour vous.
ROBERT <strong>DE</strong>LAUNAY
Projet de pochoir pour la couverture de l'Album no 1, E< edition<br />
Corporation nouvelle, Expositions mouvantes B, extrait de la<br />
lettre de SouzaCardoso a Sonia Delaunay, 11 juin 1915.
Carte postale de Robert Delaunay, adressee a Amadeu de<br />
Souza-Cardoso, le 31 decembre 1915, a I'occasion du Nouvel APL
Carte postale<br />
Robert Delaunay '<br />
a A. de SouzaEardoso,<br />
Manhufe<br />
Mon cher Ami,<br />
LETTRES<br />
Vila do Conde<br />
31 decembre 1915<br />
Heureux que vous veniez, et bonne sante et hommages<br />
a Madame. Merci pour le beau gateau ; nous l'avons<br />
tous goute et bu a la votre. Madame Delaunay envoie a<br />
votre femme un petit collier simultane. Nous avons eu<br />
de bonnes nouvelles, malgre cette sacre machine qui fait<br />
du boudin tous les jours.<br />
Charlot a eu un bel arbre tout couleur, et aussi pour<br />
nous le plaisir de le voir.<br />
A bientot mon cher, et bonjour chez vous.<br />
1. Cette carte postale, communiquee par Mme Lucie SouzaCardoso,<br />
est actuellement le seul message emanant des Delaunay dont nous<br />
disposions.
JOSE <strong>DE</strong><br />
ALMADA-NEGREIROS
Almada<br />
a Sonia Delaunay,<br />
Vila do Conde<br />
LETTRES<br />
Lisbonne.<br />
24 aout 1915<br />
Depuis le matin ou vous avez quitte Lisbonne, moi, je<br />
ne fais que demander votre presence en parlant avec<br />
toutes vos couleurs.<br />
Vous etes partie avec toute ma joie. Vous m'avez<br />
laisse ici tout seul avec ma neurasthenie. Je ne le vous<br />
pardonnerai jamais !<br />
Oui ! Oui ! ! J'ai pense beaucoup, souvent, tres sou-<br />
vent meme, toujours, a nos poemes, les couleurs. .<br />
Oui ! J'attends de trouver ma gloire en costume simul-<br />
tane. J'attends le ler septembre. Mon oncle est deja<br />
arrive, mais il est malade.<br />
Il faut que j'ecrive a Robert Delaunay et a Madame<br />
Delaunay ! et a Vianna! et a Halpert ! et a Charlot<br />
aussi, a mon ami Charlot ! Il faut ecrire pourtant mon<br />
meilleur poeme !<br />
Mais, si vous avez emporte avec vous toute ma joie,<br />
que voulez-vous que nous puissions ecrire de beau ici ?<br />
Mais bientot, je ferai chez vous un tres beau poeme de<br />
mon amitie pour vous tous !<br />
Merci aux amities de vous tous pour moi !<br />
Merci a Sonia Delaunay !<br />
Merci a la gaite d'Halpert ! J'accepte ses propositions<br />
de mariage gai !<br />
Merci a Robert Delaunay !<br />
Et a Charlot, que j'irai bientot embrasser !<br />
Et encore a Vianna, mes compliments tres respec-<br />
tueux pour nos relations coupees. Il ne m'a pas ecrit !<br />
Merci a vous tous et a bientot !<br />
Jose de ALMADA-NEGREIROS<br />
Narcisse dlEgypte
LETTRES<br />
Ce matin, 8 septembre, j'ai trouve dans ma poche<br />
cette lettre admirable pour mes amis du Nord !<br />
Pardonnez-moi ce retard telepathique d'etre medium<br />
de moi-meme !<br />
Ce soir, 21 septembre, j'ai trouve encore cette lettre<br />
sur ma table.<br />
Almada<br />
a Sonia Delaunay.<br />
Villa simultanee<br />
Vila do Conde<br />
JOSE PACHECO
Carte postale de Jose Pacheco a Robert Delaunay, 28 aout 1915.
Carte postale de Jose Pacheco a Robert Delaunay, 28 aout 1915.
Carte postale<br />
Jose Pacheco<br />
a Robert Delaunay,<br />
a Vila do Conde<br />
Rua Bento de Freitas 7<br />
Mon cher Ami,<br />
LETTRES<br />
Lisbonne<br />
28 aoGt 1915<br />
Rien pour vous de Madrid.<br />
Je vous remercie de vos cartes. Je ne sais encore<br />
si je peux partir moi aussi, car j'attends toujours la<br />
meme chose.<br />
Mes meilleurs hommages a Madame Delaunay, Hal-<br />
pert et Charlot.<br />
Vianna, qu'estce qu'il fait ?<br />
J'attends toujours des nouvelles.<br />
Amities.<br />
PACHECO,<br />
Rua Jose Estevam 10,<br />
Lisboa
EDUARDO VIANNA
E. Vianna<br />
a Robert et Sonia Delaunay,<br />
Vila do Conde<br />
Mes chers amis,<br />
LETTRES<br />
Lisbonne<br />
(Octobre 1915 ?)<br />
Je suis passe a la Brazileira n. Almada m'a vu. 11<br />
se met a faire un potin incroyable, court a moi en jetant<br />
toutes les chaises par terre et tombe dans mes bras<br />
presque evanoui de bonheur. Il est joyeux de me voir;<br />
il crie aux passants qu'ils sont emmerdants et que je<br />
suis un chic type, et vous, il dit que vous etes tout sim-<br />
plement merveilleux. Il vous aime bien, et il est content<br />
d'avoir de vous des nouvelles fraiches. Il me demande<br />
si Charlot est encore son petit ami. Je lui parle de l'expo-<br />
sition de Madame - et qu'est-ce qu'il pense de sa colla-<br />
boration a la publicite ? Il fait tout de suite des danses<br />
rythmiques en plein trottoir. Il serait enchante de faire<br />
des ballets russes - danses simultanees - avec un<br />
costume en couleurs fait par Madame. Il me dit qu'il va<br />
ecrire un article d'une serie qu'il pense faire sur Madame :<br />
cela vient dans le Seculo.<br />
Il me donne l'excellente nouvelle qu'il partira pour<br />
Vila do Conde et travaillera avec nous. Il apportera le<br />
levrier, deux especes de cigognes donnees par le cubiste,<br />
un singe je crois et je ne sais pas quoi encore, seulement<br />
voila ... Son oncle est reparti en voyage et reviendra dans<br />
huit, quinze, vingt jours maximum ; alors il partira<br />
aussitot. II me dit tout cela d'un air si convaincu et<br />
enthousiaste que je n'ai pas de peine a le croire. Seul,<br />
Pacheco, qui est devenu pessimiste, ne le croit pas.<br />
Negreiros travaille, mais il ecrit beaucoup plus qu'il<br />
ne peint. J'ai passe une tres belle nuit a l'ecouter lire ses<br />
dernieres productions litteraires. Il y en a qui sont sim-<br />
plement des merveilles d'esprit. Il lit tres bien ; ses gestes,<br />
ses expressions vont tres bien avec ses phrases, et je<br />
crois fermement qu'il sera un grand ecrivain.
LETTRES<br />
Ses etudes en peinture, je les aime moins ; je les trouve<br />
trop compliquees ... interessantes, mais trop litteraires.<br />
Il y a quatre mois, je les aurais bien aimees. Il m'avoue<br />
qu'il a besoin d'une force a cote de lui. Il lui manque<br />
l'emulation ; il a besoin de vos lettres. Ecrivez-lui, cela<br />
lui fera plaisir ; engueulez-le bien pour voir si, cette fois-<br />
ci il arrive a Vila do Conde avec son esprit, son charme,<br />
sa gaite et sa collection zoologique.<br />
Sa-Carneiro est a Paris, et il parait qu'il s'y plait. On<br />
parle beaucoup de ses dernieres ceuvres et on en dit des<br />
merveilles. Almada a une tres grande admiration pour ce<br />
qu'il a fait dernierement. Je n'ai pas lu.<br />
Apres ces deux etres d'elite, ces deux bons poetes, rien<br />
d'autre d'interessant a Lisbonne. Famille rasoir ; ennui<br />
des conseils pour rien ; tristesse ; bon matelas.<br />
Je vous apporterai dans un beau sac simultane de<br />
belles oranges de Bahia. Il y a trois nuits que je ne me<br />
couche pas. J'ai trop gai partout. J'ai commence aujour-<br />
d'hui le demenagement de l'atelier. Je vais voir pour les<br />
photos. Dans deux jours, je fous le camp ; je cours a<br />
vous, a la bonne vie de travail. Cela m'a fait du bien de<br />
venir a Lisbonne. Je vous aimais bien, je vous aime beau-<br />
coup. Et Almada promet de travailler a des etudes simul-<br />
tanees et de vous les envoyer. Amities de<br />
Eduardo VIANNA<br />
Adresse : rua de S. Bernardo 21 - 1" andar. Lisboa.
1916<br />
Janvier - Fevrier - Mars<br />
AMA<strong>DE</strong>U <strong>DE</strong><br />
SOUZA-CARDOSO
Chanson populaire : la Russe et le Figaro, tableau d'dmadeu de<br />
Souza-Cardoso. Huile sur toile, 70 x 58 cm. 1916.
Chanson populaire et Oiseau du Bresil, tableau dlAmadeu dc<br />
Souza-Cardoso. Huile sur toile, 76 x 65 cm, 1916.
La Petite, tableau d'Eduardo Viunna. Huile sur toile et collage,<br />
104 x 83 cm, 1916.
Poupee de chiffon, de fabrication populaire portugaise, ayant<br />
servi de modele a SouzaCardoso pour des tableaux tels que<br />
Chanson populaire et Oiseau du Bresil ou la Russe et le Figaro<br />
(ou se retrouvent les motifs circulaires du tablier). Voir aussi<br />
la Petite, de Vianna.
Carte postale<br />
A. de SouzaCardoso<br />
a Robert Delaunay,<br />
Vila do Conde<br />
Cher Ami,<br />
LETTRES<br />
Manhufe<br />
9 janvier 1916<br />
Ma femme me charge de vous prier de remercier votre<br />
Dame pour le petit collier simultane. Je compte aller ce<br />
soir a Porto ; mardi ou mercredi, j'irai vous voir.<br />
A bientot. Cordialement a vous,<br />
A. de SOUZA-CARWSO<br />
Carte postale<br />
A. de SouzaCardoso<br />
a Robert Delaunay,<br />
Vila do Conde<br />
Mon cher Ami,<br />
Manhufe<br />
9 janvier 1916<br />
Je reponds a votre carte postale. Quant a l'apparte-<br />
ment, cela ne me convient pas. Je ne sais pas encore si<br />
je resterai longtemps a Paris ; je veux me defaire de mon<br />
atelier et trouver un trou quelconque pour mettre mes<br />
meubles, etant ainsi libre de m'en aller quand il me plait.<br />
Quant a l'exposition a Stockholm, je veux bien y<br />
envoyer de petites choses : vous me direz comment faire<br />
pour l'envoi des tableaux et a quelle epoque - mais, de<br />
ceci, on en parlera. Je dois partir pour Porto mardi pro-<br />
chain et, le mercredi, j'irai coucher chez vous et resterai<br />
pour le broyage des couleurs. Ma femme n'ira pas encore ;<br />
je reviendrai la chercher plus tard. J'apporterai une paire<br />
de draps et des couvertures. J'ai hate de me defaire de<br />
l'huile ; ca me donne la neurasthenie.<br />
A bientot, cher ami. Bonjour a votre Dame et a Vianna.<br />
Cordialement a vous,<br />
A. de SOUZA-CARDOSO
LETTRES<br />
Carte postale<br />
A. de SouzaCardoso<br />
a Robert Delaunay,<br />
Vila do Conde<br />
Cher Ami,<br />
Manhufe<br />
Lundi 24 janvier 1916<br />
Dans ma lettre, je vous ai dit, je crois, que j'irai mer-<br />
credi prochain, voulant dire mercredi de la semaine pro-<br />
chaine.<br />
Cordialement a vous,<br />
A. de SouzaCardoso<br />
a Robert Delaunay,<br />
Vigo<br />
Cher Ami,<br />
Porto<br />
Samedi 18 mars 1916<br />
Les magasins etant fermes a l'heure ou je suis arrive<br />
a Porto, il m'a ete impossible de faire l'echange des<br />
couleurs. Ne pouvant finir les tableaux a temps, il faut<br />
remettre a plus tard l'expedition des toiles pour l'expcl<br />
sition.<br />
Je vous ferai parvenir un mot lorsque j'aurai fini<br />
mes tableaux. Quant a l'exposition, je suis convaincu<br />
qu'on aura une vente sure.<br />
Bonjour a Madame. Bien a vous,
A. de Souza-Cardoso<br />
a Sonia Delaunay,<br />
Vila do Conde<br />
Chere Madame,<br />
LETTRES<br />
Porto<br />
Dimanche 19 mars 1916<br />
Comme je le disais dans ma lettre d'hier, l'echange<br />
des couleurs n'a pas ete fait, et l'expedition des tableaux<br />
doit etre remise.<br />
Sur ceci, il faudra que je vous cause. Veuillez venir<br />
a Porto mercredi, par le train de midi ; j'irai vous atten-<br />
dre a la gare.<br />
Tres respectueusement a vous,<br />
P.S. Je vous prie d'avoir l'amabilite de me rapporter<br />
les pochoirs.<br />
A. de SouzaCardoso<br />
a Sonia Delaunay,<br />
Vila do Conde<br />
Chere Madame,<br />
Manhufe<br />
Lundi 20 mars 1916<br />
Je ne dois pas et ne pourrai pas faire mon expedition<br />
de tableaux en ce moment, donc, ne comptez pas avec<br />
moi.<br />
C'est convenu, je vous attendrai mercredi. Si Vianna<br />
peut, qu'il vienne aussi.<br />
Je veux savoir si, vu les conditions, vous ferez ou<br />
non l'envoi des tableaux.<br />
Si Vianna peut m'apporter les jouets qu'il a achetes<br />
pour moi, cela me fera plaisir et vous debarrassera.<br />
Tres respectueusement a vous,
LETTRES<br />
A. de SouzaCardoso<br />
a Sonia Delaunay,<br />
Vila do Conde<br />
Chere Madame,<br />
Manhufe<br />
Mardi 28 mars 1916<br />
Merci de votre lettre. Je fais le pochoir pour le cata-<br />
logue et vais preparer mes envois. Aussitot reponse reque,<br />
donnez-moi tous les details, si le marchand se charge<br />
de mettre les toiles en chassis, comment vous faites les<br />
envois des toiles, cartons, dessins, etc. Nous ferons les<br />
envois ensemble, c'est bien plus pratique. Je porterai<br />
mes choses chez vous pour les joindre aux votres. Tenez-<br />
moi toujours au courant.<br />
Rien de nouveau.<br />
Bonjour a tous. Ma femme vous envoie son souvenir.<br />
Respectueusement a vous,
1916<br />
Janvier - Fevrier - Mars<br />
<strong>josE</strong> <strong>DE</strong><br />
ALMADA-NEGREIROS
Alrnada<br />
a Vianna,<br />
Vila do Conde<br />
Meu Caro Vianna,<br />
LETTRES<br />
a A Brazileira D<br />
Lisboa<br />
27 Janeiro 1916<br />
Escrevi uma carta a Madame Delaunay e julguei ter<br />
dito nela toda a minha grande admiracfio e todos os<br />
exageros da minha amizade sincera ; porem como foi em<br />
francez que eu lh'a escrevi, temo nfio ter-me feito com-<br />
prehender e isto traz-me apoquentado. Eu tambem nfio<br />
sei O que eles possam pensar de mim. Porque efectiva-<br />
mente eu raramente escrevo para lhes dizer esta minha<br />
adoracfio quotidiana que e O estimulo de eu chegar a ser<br />
O seu maior admirador.<br />
Por outro lado, eu ainda nfio fui a Villa do Conde<br />
quando tenho prometido sempre faze-10, mas, tu que eu<br />
sinto claramente que es meu amigo dize-lhes quanto eu<br />
lhes quero, quanto eu penso n'elles, quanto eu sinto que<br />
elles sfio da minha familia, da minha familia que eu quero.<br />
Nfio queres saber como eu vivo abandonado de enthu-<br />
siasmos e de tudo - a minha tragedia empeconha-se<br />
tentacular e tumultuosa. Da-me tu d'ahi de Villa do Conde<br />
qualquer incitamento, qualquer pedaco de crenca para<br />
mim que eu sofro demasiadamente os efeitos da minha<br />
soberba megalomania.<br />
Peco-te que entregues este meu poema a Madame<br />
Delaunay e faz-me tudo O que eu te peco n'esta carta e<br />
escreve-me, escreve-me para que eu sinta em mim<br />
alguma amizade. Teu amigo.<br />
Comprimentos de Jose Pacheco<br />
Jose de ALMADA
LETTRES<br />
Traduction de fa lettre precedente :<br />
Mon cher Vianna,<br />
A Brazileira B<br />
Lisbonne<br />
27 janvier 1916<br />
J'ai ecrit une lettre a Madame Delaunay, et je crois<br />
y avoir dit toute ma grande admiration et tout l'exces<br />
de mon amitie sincere. Neanmoins, comme c'est en<br />
francais que je lui ai ecrit, je crains de ne m'etre pas fait<br />
comprendre et cela me tourmente. En outre, je ne sais pas<br />
ce qu'ils peuvent penser de moi. Parce que, effectivement,<br />
je leur ecris rarement pour leur dire mon adoration quo-<br />
tidienne qui est le stimulant de mon ambition d'etre leur<br />
plus grand admirateur. D'autre part, je ne suis pas encore<br />
alle a Vila do Conde, alors que j'ai toujours promis de le<br />
faire, mais toi qui, je le sens clairement, es mon ami, dis-<br />
leur combien je les aime, combien je pense a eux, com-<br />
bien je sens qu'ils sont de. ma famille, de ma famille que<br />
j'aime. Tu ne voudrais meme pas imaginer a quel point je<br />
vis abandonne de tout enthousiasme et de tout - ma<br />
tragedie s'envenime, tentaculaire et tumultueuse. Toi, de<br />
la-bas, de Vila do Conde, donne-moi le moindre encoura-<br />
gement, la moindre bribe de croyance, a moi qui souf-<br />
fre avec outrance des effets de mon orgueilleuse megalo-<br />
manie.<br />
Je te prie de transmettre mon poeme a Madame Delau-<br />
nay et de faire tout ce que je te demande dans cette let-<br />
tre, et ecris-moi, ecris-moi pour que je sente en moi un<br />
peu d'amitie.<br />
Ton ami<br />
Salutations de Jose Pacheco<br />
Jose de ALMADA
Almada<br />
a Sonia Delaunay,<br />
Vila do Conde<br />
LETTRES<br />
Lisbonne<br />
1" fevrier 1916<br />
Ah ! votre lettre ! estelle pour moi ?<br />
J'ai toute ma tete dans mes yeux betes.<br />
La fete de ma smur qui est revenue<br />
de la jeunesse de mon ame<br />
plus jeune que moi.<br />
Si j'etais femme<br />
mon grand poeme que je ne<br />
[commencerai jamais.<br />
Tendresse<br />
faiblesse<br />
caresse ma jeune mere-beaute<br />
maternite<br />
candide et chaste<br />
et moi excessif<br />
un homme a la mode<br />
le heros de ma vie<br />
le jeune homme<br />
qui pose pour le portrait-biographie<br />
or-boutade de mes danses diademes.<br />
Ah ! votre lettre ! je la repete<br />
a l'emotion-orgueil d'etre moi<br />
Narcisse.<br />
Le reflet de la ville sur le Tage<br />
attentive<br />
affligee<br />
danseuse distraite.<br />
Les soirs desespoir abandon<br />
souvenirs de ce qui viendra<br />
fievre-expression<br />
tristesse paradoxale<br />
reticences ...<br />
et tout de suite l'electricite<br />
affectee<br />
artificielle
LETTRES<br />
excentrique<br />
applaudie.<br />
Le singe-noir-clown-sauteur<br />
rompant de ses gestes inouis<br />
des cercles-soleil<br />
des disques-lumiere.<br />
Je veux lire deuxieme divagation ceremonial de Mallarme,<br />
mais je suis sur que je me trouverai, que je me<br />
[rencontrerai.<br />
Le seul probleme !<br />
C'est la beaute de l'eau et des phares.<br />
Mon ame y va danser<br />
le soir<br />
quand je reve.<br />
Curiosite insatiable dans toutes directions s'etendant<br />
penetrant en toute chose<br />
toutes choses<br />
sont mon premier objet<br />
j'aime toutes mes existences<br />
je veux mourir toutes mes existences.<br />
Nuances sentimentales des couchants-angoisse<br />
miroir-<br />
devin d'idees incompletes.<br />
Musique aux Tuileries<br />
romantiques a la crinoline<br />
litterature-nostalgie poesie-absence<br />
absinthe-danse-triomphe<br />
de celle qui court dans la vanite.<br />
Ma richesse-avarice subtile<br />
futile<br />
inutile.<br />
Je vous donnerai des rythmes pour mon orgueil<br />
et pour Charlot tout ce que pourrai trouver de mieux<br />
[pour lui.<br />
Mon poeme que je vous ai envoye<br />
n'est pas du tout ce que je le veux<br />
mais je l'aime mon cousin.
LETTRES<br />
Cette Ronda Alentejana ' qui va avec cette lettre n'est<br />
pas encore le dernier cri, c'est tout simplement ma<br />
cousine.<br />
Vous entendrez cette chanson du Sud par Vianna.<br />
Tout de suite, je vais ecrire a votre mari, pour lui<br />
demander pardon de mon silence-ingratitude.<br />
Cardoso, il est bien gentil, et moi je le serai aussi<br />
en vous baisant les mains.<br />
Almada<br />
a Sonia Delaunay,<br />
Madame,<br />
Jose de ALMADA-NEGREIROS<br />
Lisbonne<br />
(Fevrier-mars 1916 ?)<br />
Votre lettre, Madame, etait exageree de beaute, et j'ai<br />
peine de ne pas savoir ecrire le francais pour vous dire<br />
tout ce que j'en ai compris. Elle fut toute seule, ma<br />
rapide convalescence. Il n'y a rien de plus vieux que les<br />
maladies, et moi, quelle honte ! je suis malade. Mais je<br />
ferai des poemes de force et de sante en revanche tumul-<br />
tueuse.<br />
Je vous envie la-haut, dans cet abandon createur, entre<br />
la mer et le soleil. Ici, si bas, je ne suis que metamorpho-<br />
ses. Ici, dans la Ville chimiquement fievreuse, dans cet<br />
abandon transversal ou tout le monde fume pour se dis-<br />
traire et faire la digestion, rien ne change. Moi aussi, je<br />
suis toujours Jose. Je suis un gavroche malhonnete qui<br />
1. Titre d'un beau poeme portugais d'Almada, joint a cette lettre,<br />
et quc l'auteur a charge Vianna de traduire a Mm' Delaunay.
LETTRES<br />
attend d'avoir fini l'ecole pour commencer a naitre a sa<br />
vie turbulente. Ma poesie n'est pas distraite, ma delica-<br />
tesse, oui. Mais j'ai fait des poemes avec des yeux blonds,<br />
age de trois ans et les jambes nues, sur les plages. J'ai<br />
chante aussi les monstres perpendiculaires des sculptures<br />
a briser, et le silence de mes chaises, assises et maigres<br />
et sans foi. J'ai voulu donner au monde la revelation<br />
nette de ce qu'il ne veut pas voir de ses yeux naifs. Et<br />
un tres long poeme plein de haine bourgeoise que je crie<br />
dans des rythmes exageres d'esclave empoisonne. C'est<br />
la scene de la haine. C'est un cri europeen et blond du<br />
Nord. Je chante ici mon grand desir d'etre danseur de<br />
force et d'avoir des yeux tout blancs. Je pense toujours<br />
toujours a nos poemes en couleurs, mais je sais que je<br />
n'en ai pas cncore fait un digne de ma gloire avec votre<br />
belle collaboration. Mon dernier travail, c'est une criti-<br />
que scandaleuse des crimes futiles des petits bourgeois ;<br />
il s'appelle O Mendes. C'est encore de la bagatelle.<br />
Et nos ballets ? Est-ce que vous les avez oublies ?<br />
Oh ! moi, non ! Moi, je les chante tous les soirs en desirs<br />
Clectriques d'exhibition. Je sens dans vos tableaux les<br />
beaux gestes de mes ballets simultanistes. Je vois des<br />
disques tout nus ou raidit l'obscenite d'etre belle, ou<br />
bouge la rondeur des ventres qui ,glissent en sueurs<br />
d'amour. Il y a la aussi tout l'internationalisme de la<br />
musique des montagnes et l'expression frissonnante des<br />
grands mots, et les caresses passionnees du genie feminin.<br />
Je travaille toujours, toujours, enchante par votre<br />
inspiration.<br />
Je regrette de ne pas avoir vu vos tableaux de<br />
Stockholm, mais je les devine les plus beaux du monde<br />
entier.<br />
Et Charles ? Mon grand ami. Qui lui donnera mon<br />
meilleur baiser ? Ce baiser vaut bien toute sa jeunesse et<br />
toute mon envie.<br />
Et Halpert ? Il est parti ? II n'a pas voulu de la gloire ?
LETTRES<br />
Et votre mari que j'admire pour toutes ses peintures<br />
que j'aime. Il m'a pardonne mon silence, n'est-ce pas ?<br />
Demain, je lui ecrirai tres longuement, tres enthousiaste-<br />
ment, tres passionnement comme aujourd'hui je le veux.<br />
Je voudrais bien lire toute la longue lettre de Cendrars,<br />
Mon coeur a la guerre.<br />
Vianna, je sais.<br />
Ah ! Et mon francais ! Ne riez pas, non ? Et merci.<br />
Demain, je vous donnerai toute mon ame epileptique<br />
d'admiration pour vous, aujourd'hui, je suis tout seul.<br />
Jose de ALMADA-NEGREIROS
191 6<br />
Janvier - Fevrier - Mars<br />
EDUARDO VIANNA
Portugaise assise, tatileatt de Soviu Delaunay. Cire sur toile,<br />
96 x 75 cm. Portugal, 1916.
Jouets portugais, tableau de Sonia Delaunay, 1915-1916. 11 s'agit<br />
de jouets populaires en terre cuite, formant sifflets, vendus par<br />
les paysans sur les marches de la province du Minho. Colle sui-<br />
papier, 29,3 x 24,5 cm, Portugal, 1915.
E. Vianna<br />
a Robert Delaunay,<br />
Vigo<br />
Mon cher Delaunay,<br />
LETTRES<br />
Vila do Conde<br />
14 mars 1916<br />
Merci pour vos dernieres nouvelles. Je suis oblige<br />
d'interrompre mon travail deux ou trois jours. La vieille<br />
femme qui me soigne est obligee d'aller dans son petit<br />
village voir son frere malade, alors moi, pendant ces<br />
jours-la, il faut que je quitte la maison. J'en profiterai<br />
donc pour faire une visite a Cardoso. Comme je lui ai<br />
promis de lui faire voir quelques etudes, j'emmene avec<br />
moi le tube en fer blanc avec les six etudes, et, une fois<br />
qu'il les aura vues, je vous les expedierai ensuite.<br />
Donc, bientot, vous allez recevoir les etudes, et vous<br />
me renverrez le tube ensuite, car, quelques jours apres, je<br />
vous en enverrai six autres.<br />
Je vais penser a faire quelque chose pour l'album de<br />
la Corporation. Pour les etudes qui suivent, je vais repren-<br />
dre le portrait de Madame, auquel je tiens beaucoup,<br />
et c'est justement pour cela qu'il ne marche pas ! Cela<br />
ne m'etonne pas que vos jouets arrivent brises. Quant<br />
aux miens, le voyage n'a pas ete long, et pourtant beau-<br />
coup d'entre eux sont en miettes. La bonne femme, il<br />
y a longtemps qu'elle n'apparait pas au marche. La der-<br />
niere fois que je l'ai vue, il y a de cela plus d'un mois, elle<br />
n'avait que de la degoutante camelote. Voyons si elle<br />
vient a la prochaine foire.<br />
Amities a vous tous.
LETTRES<br />
Carte postale<br />
E. Vianna<br />
a Sonia Delaunay,<br />
Vigo<br />
Chere Madame,<br />
Vila do Conde<br />
17 mars 1916<br />
J'ai recu votre derniere lettre. Merci. C'est joli la<br />
rondelle noire. Je ne connaissais pas !<br />
Ne faites pas de chichis, grand-mere, avec les jouets.<br />
Je vous ai dit dans ma derniere lettre que la bonne<br />
femme, il y a plus d'un mois qu'elle ne vient pas a la<br />
foire. Qu'est-ce que vous voulez que j'y fasse ?<br />
Delaunay va mieux ? Et le cheri petit Charlot ? Vous<br />
ne me donnez jamais de ses nouvelles.<br />
Aujourd'hui, il a tellement plu que je n'ai pu aller<br />
chez Cardoso. J'irai demain par le train de midi. Je vous<br />
enverrai de la le tube avec les etudes.<br />
Alors, la guigne chez les bons poetes ?<br />
Amities a tous de
Janvier - Fevrier - Mars
Jose .Pacheco<br />
a Sonia Delaunay,<br />
Madame,<br />
LETTRES<br />
Lisbonne<br />
26 mars 1916<br />
Fiquei imensamente satisfeito com O que O Vianna me<br />
pedio por ocasiiio de poder ser prestavel a V. e a um dos<br />
meus maiores amigos, sendm ao rnesmo tempo a mim<br />
tambem.<br />
Niio sei O que podera sahir porquanto O pape1 do<br />
jornal niio se presta muito a photogravuras, mas no<br />
entant0 farei do meu melhor para que saia uma coisa<br />
condigna.<br />
Pecelhe licenca para lhe rerneter um dos bilhetes de<br />
Madrid a Lisboa que me foi devolvido pelo corrector do<br />
liotel dJInglaterra. Quanto ao outro apenas O vendeu,<br />
disse, por mil e duzentos reis, e como se gratificou com<br />
cinco tostoes, apenas recebi setecentos reis, que lhe peco<br />
desconte no dinheiro das tintas, que como pede, perfaz<br />
um total de quatro mil, e oitenta reis, fazendo a cotacao<br />
de duzentos e quarenta por cada franco. Quando pensam<br />
em vir ate Lisboa ?<br />
O Almada-Negreiros conta ir ahi no principio do<br />
proximo mez ...<br />
O Poeta Mario de Sa-Carneiro vem agora a Portugal.<br />
Creio que seria agora uma optima ocasiiio de orga-<br />
nisar-mos uma festa moderna, absoluctamente moderna.<br />
Tanto mais que estando nos tambem beligerantes<br />
poderia-mos offerecer parte dos lucros a cmz vermelha<br />
certo tanto mais que seria absoluctamente organisada<br />
por satelites dos paizes aliados.<br />
O reclamo esta certo, e agora com O aparecimento da<br />
Ideia Nacional duplicaria.<br />
As minhas <strong>home</strong>nagens a Robert Delaunay, uma grande<br />
caricia ao Charlot e V. queira ter a gentileza de receber<br />
os votos da mais elevada admiraciio e respeitos de<br />
Uin bravo a Vianna.<br />
Jose PACHECO
LETTRES<br />
Traduction de la lettre precedente :<br />
Madame,<br />
Lisbonne<br />
26 mars 1916<br />
Je suis extremement satisfait de ce que Vianna m'a<br />
demande et qui me donne l'occasion de vous rendre ser-<br />
vice a vous et a l'un de mes meilleurs amis, en meme<br />
temps qu'a moi-meme.<br />
Je ne sais ce qui pourra en sortir, car le papier journal<br />
ne se prete guere a la photogravure, mais cependant je<br />
ferai de mon mieux pour que le resultat soit honorable.<br />
Permettez-moi de vous remettre l'un des billets de<br />
chemin de fer Madrid-Lisbonne, qui m'a ete restituC par<br />
le convoyeur de l'hotel d'Angleterre. Quant a l'autre, a ce<br />
qu'il dit, il n'a pu le vendre que mille deux cents reis, et<br />
comme il a pris une commission de cinq tostoes, je n'ai<br />
recu que sept cents reis, somme que je vous demande de<br />
deduire de l'argent des couleurs, qui, comme vous me le<br />
dites, se monte a un total de quatre mille quatre-vingts<br />
reis - selon le cours de deux cent quarante pour un<br />
franc. Quand pensez-vous venir a Lisbonne ?<br />
Almada Negreiros compte aller vous voir au debut du<br />
mois prochain.<br />
Le poete Mario Sa-Carneiro va venir au Portugal. Je<br />
crois que ce serait a present une magnifique occasion<br />
pour nous d'organiser une fete moderne, absolument<br />
moderne. D'autant plus que, etant belligerants nous aussi,<br />
nous pourrions offrir une partie des recettes a la croix-<br />
rouge, et d'autant plus encore qu'elle serait totalement<br />
organisee par des satellites des pays allies.<br />
La publicite est assuree et, maintenant, se trouvera<br />
doublee grace a la parution de l'ldeia Nacional.<br />
Mes hommages a Robert Delaunay, une grande caresse<br />
a Charlot. Je vous prie d'agreer l'expression de la plus<br />
haute admiration et les respects de<br />
Jose PACHECO<br />
Un bravo a Vianna.
1916<br />
Avril - Mai - Juin<br />
AMA<strong>DE</strong>U <strong>DE</strong><br />
SOUZA-CARDOSO
Article paru dans un journal de Porto en avril 1916, sur la pre-<br />
tendue affaire d'espionnage dont Sonia Delaunay fut victime.<br />
UNE AFFAIRE EMBRoUILLEE.<br />
L'ENQUETE SE POURSUIT.<br />
ARRESTATIONS<br />
A VILA w CON<strong>DE</strong>.<br />
La lumiere commence a se faire sur l'affaire dont s'occupe depuis<br />
quelques jours la police judiciaire de la deuxieme section, a la demande<br />
de M. le Consul de France en cette ville, affaire ou, d'apres nos infor-<br />
mations, serait accusee d'actes d'espionnage Mue Delonnnay (sic), de<br />
nationalite russe, epouse de Robert Delonnnay, peintre francais repute,<br />
qui se trouve actuellement a Vigo et qui, pendant huit mois, a reside<br />
a Vila do Conde.<br />
Au cours de ces deux derniers jours, il a ete procede a un examen<br />
meticuleux de tous les documents et lettres contenus dans la malle,<br />
saisie a Valenca, des mains de la domestique de Mme Delonnnay, Beatriz<br />
Moraes, qui a ete arretee dimanche.<br />
L'examen de ces documents n'a rien revele de compromettant, de<br />
sorte qu'on croit qu'il s'agit d'une cc gaffe r de la part de celui qui a<br />
fait la denonciation.<br />
En consequence de ce fait, ont ete remis en liberte la domestique<br />
Beatriz Moraes ainsi que le peintre de tableaux Eduardo Vianna de Vila<br />
do Conde, qui, avant-hier, avait ete arrete par I'autorite administrative<br />
de cette ville et transfere aux autorites de Porto, ainsi que les documents<br />
qu'on lui avait saisis, et que la police judiciaire a examines hier, s'assu-<br />
rant qu'ils ne contenaient rien de ce qu'on avait pretendu.<br />
Cette arrestation avait &te motivee par le fait que le peintre Eduardo<br />
Vianna etait I'un des visiteurs assidus des epoux Delonnnay, et, en appre-<br />
nant l'arrestation de la domestique, l'administrateur du conseil a pre-<br />
sume que la ditention de M. Vianna pourrait contribuer a eclaircir<br />
t'affaire.<br />
Tous les documents saisis a M. Eduardo Vianna lui ont ete restitues.<br />
D'aprks ce que nous savons, la police possede deja des informations<br />
sur l'origine de la denonciation, et se preoccupe a present d'elucider les<br />
motifs qui l'ont provoquee.
Femme aux pasteques, tableau de Sonia Delaunay. Huile sur<br />
toile, 79 x 96 cm. Portugal, 1915.
LETTRES<br />
Carte postale<br />
A.' de SouzaCardoso<br />
a Robert Delaunay,<br />
Vigo<br />
Cher Ami,<br />
Manhufe<br />
Vendredi 7 avril 1916<br />
Je suis vraiment content de vous savoir en parfaite<br />
sante.<br />
J'ai repondu hier a votre carte qui m'est arrivee en<br />
retard.<br />
Commes vous dites, il faut faire tout effort pour<br />
l'action artistique. Je suis toujours tres enthousiaste,<br />
et j'attends le catalogue pour Barcelone. Je suis pret<br />
depuis longtemps et trouve qu'il faut developper plus<br />
l'action. 11 n'y a plus d'empechement. Donnez-moi de vos<br />
nouvelles souvent, tres souvent. Vigo est tres bien, ne<br />
vous eloignez pas. Quant a Christiania-Stockholm, don-<br />
nez-moi des details, mais avant et surtout, Barcelone.<br />
Au revoir, cher Ami.<br />
A. de SouzaCardoso<br />
h Robert Delaunay,<br />
Vigo<br />
Mon cher Ami,<br />
Manhufe, Vila Me5<br />
(Avril 1916 ?)<br />
Mercredi soir<br />
Je recois a l'instant votre carte postale en retard d'un<br />
jour, trop tard pour aller a Vila do Conde. Je n'y vais<br />
pas, de crainte de ne plus trouver Madame Terk.<br />
Je m'apercois que l'adresse d'Amarante me porte les<br />
lettres en retard - pour cela, ecrivez : Manhufe, Villa<br />
Mes.
LETTRES<br />
Quant aux expositions Stockholm-Christiania, je serais<br />
decide a y exposer, mais il me faudrait des details plus<br />
pratiques et clairs que ceux de votre carte postale, ou<br />
vous me dites a peine de faire les envois par Vigo tout de<br />
suite. Vous comprenez que, pour moi qui suis ici, faire<br />
tout de suite les envois par Vigo n'est pas pratique du<br />
tout, a moins que vous ne vous chargiez de recevoir mes<br />
toiles, de les joindre aux votres et de les reexpedier a<br />
Stockholm-Christiania. Mais, d'apres ce que je comprends<br />
de votre carte, il me semble que vous etes tres presse<br />
pour cette exposition et, dans ce cas-la, je ne voudrais pas<br />
vous retarder. Ecrivez-moi sur ceci.<br />
Dites-moi aussi si vous etes aussi ardent pour l'action<br />
artistique en Espagne, car celle-ci m'interesse vivement ;<br />
c'est une chose qui me touche de pres.<br />
Dites-moi votre adresse aussitot fixes - car moi<br />
je ne suis pas fixe, et il me faut avoir toujours de vos<br />
nouvelles.<br />
C'est l'heure du courrier, et je termine en attendant<br />
un mot de votre part. Tres amicalement a vous,<br />
A. de Souza-Cardoso<br />
a Robert Delaunay,<br />
Vigo<br />
Cher Ami,<br />
SOUZA-CARDOSO<br />
(Avril 1916)<br />
Votre Dame est retenue ici par une affaire avec le<br />
consulat qui fait des difficultes pour lui delivrer ses<br />
papiers. Elle est en bonne sante et espere avoir bientot<br />
regle les complications qu'on lui fait, donc ne vous<br />
inquietez pas.<br />
Amities. CARDOSO
A. de Souza-Cardoso<br />
a Robert Delaunay,<br />
Vigo<br />
Cher Ami,<br />
LETTRES<br />
Porto<br />
Jeudi 13 avril 1916<br />
Votre Dame est en bonne sante, ne vous inquietez<br />
pas a son sujet. Aussitot qu'elle aura recu du consulat<br />
les papiers necessaires pour partir, elle ira vous rejoin-<br />
dre.<br />
Amities.<br />
A. de SouzaCardoso<br />
a Sonia Delaunay,<br />
Vigo<br />
Cher Ami,<br />
Porto<br />
Vendredi 14 avril 1916<br />
Depuis huit jours, je suis a Porto, ayant ete appele<br />
telegraphiquement par votre Dame qui, venant de Vila<br />
do Conde, s'etait presentee au Consulat pour qu'on lui<br />
delivre un passeport, ayant ete ignoblement traitee par<br />
les gens du Consulat qui, sans droit, se sont refuses<br />
a lui delivrer les papiers necessaires, la soupconnant<br />
d'espionnage et lui faisant toutes sortes de complica-<br />
tions. Le Consulat de France a fait marcher la police,<br />
qui a arrete Beatrice et Vianna et a saisi la malle<br />
expediee de Madame, ainsi que tous les papiers, lettres,<br />
albums, etc., que Madame avait dans sa chambre a<br />
l'hotel. N'ayant rien trouve de compromettant dans la<br />
malle, ayant interroge Beatrice et Vianna, et ayant<br />
fouille toutes ses choses sans que rien ne la compro-
LETTRES<br />
mette, on les a remis en liberte, et maintenant la police<br />
cherche le malveillant denonciateur. Quant a la corres-<br />
pondance, que le Consul avec la police ont prise a<br />
Madame, c'est encore une ignoble infamie, car on fouille<br />
et on lit depuis trois jours sans que Madame soit<br />
presente. C'est en dehors de toute loi, c'est un abus, un<br />
crime : ils ne peuvent pas faire ca sans que Madame<br />
soit presente, avec un temoin impartial au moins.<br />
Comme je vous l'ai dit, la police de Porto n'ayant<br />
rien trouve contre Madame, cherche maintenant le denon-<br />
ciateur, et Madame, de son cote, a un avocat qui va<br />
s'en occuper. Comme vous voyez, on a voulu la nouer<br />
avec trente-six mille ficelles, mais comme tout etait faux<br />
et qu'on leur a tenu tete, ils n'ont pu aboutir et ils<br />
n'aboutiront pas a ce qu'ils voulaient (ces gens-la du<br />
Consulat, et peut-etre d'autres).<br />
Donc, soyez tranquille. Madame se porte bien, elle<br />
est a l'hotel et ne vous ecrit pas parce qu'il vaut mieux<br />
ne pas le faire. Cette affaire durera encore une semaine<br />
peut-etre, car il faut continuer encore avec son avocat<br />
aussitot qu'on saura qui a fait la fausse et ignoble accu-<br />
sation.<br />
J'ai envoye un paquet de journaux ou on en parle.<br />
L'argent vous est parvenu ? Il vous en arrivera encore.<br />
Soyez tranquille. Tout finira bien, la verite et la<br />
raison sont tres puissantes. Tout Porto est au courant<br />
de ce cas, et Lisbonne aussi. Apres, vous ferez des<br />
expositions artistiques, et le succes sera d'autant plus<br />
grand.<br />
Madame se porte bien ; elle n'est pas seule ; on s'y<br />
interesse beaucoup. Je lui fais beaucoup de compagnie.<br />
Elle ira vous rejoindre aussitot finies ces histoires.<br />
Donc, attendez-la. Donnez-moi de vos nouvelles a mon<br />
adresse a Manhufe. Donnez des nouvelles de Charlot, et<br />
soyez tranquille.<br />
Amities.<br />
SOUZA-CARDOSO
Carte postale<br />
A. de SouzaCardoso<br />
a Sonia Delaunay,<br />
Porto<br />
Chere Madame,<br />
LETTRES<br />
Manhufe<br />
Jeudi 20 avril 1916<br />
Nous sommes bien arrives et pensons a vous sans<br />
cesse. Je trouve ces cartes que je vous envoie. Je vais<br />
ecrire tout de suite. Mettez-moi toujours au courant ;<br />
je suis entierement a vous. Quant a nos expositions,<br />
on les fera tout de suite apres. Tachez de vous debarras-<br />
ser vite de toutes ces ignobles histoires de province.<br />
Bonjour a notre ami Pinto Leite.<br />
Tres affectueusement a vous,<br />
SOUZA-CARDOSO<br />
A. de SouzaCardoso<br />
a Robert Delaunay,<br />
Vigo<br />
Mon cher Ami,<br />
Je viens d'arriver a Manhufe. Je<br />
cartes, que j'envoie tout de suite a<br />
restee encore a Porto. Elle se porte<br />
Manhufe<br />
Jeudi 20 avril 1916<br />
trouve vos trois<br />
Madame, qui est<br />
bien. Hier, nous<br />
sommes alles au Consulat qu'on lui donne les<br />
papiers qu'il faut pour s'en aller. Le Consul a dit qu'il<br />
faut qu'il recoive reponse de Lisbonne, etc., enfin des<br />
trucs, apres des saletes inqualifiables. Mais Madame ne<br />
se laissera pas faire facilement ; elle a son avocat, des<br />
amis qui s'interessent et surtout la raison. Il parait que<br />
l'organisateur de toute cette ignoble pourriture fut<br />
l'employe du Consulat, qui a fait marcher les autres et<br />
qui, en ce moment, a deja fichu le camp je ne sais ou.<br />
Quant a Madame, soyez tout a fait tranquille ; elle ira
LETTRES<br />
vous retrouver aussitot debarrassee de toutes ces his-<br />
toires de province. Comme vous dites, il faut en finir<br />
avec tout ca et finir bien. La faire attendre, c'est sure-<br />
ment un truc soit pour etouffer leur responsabilite,<br />
soit pour s'accrocher a de faux riens. Lorsque je suis<br />
parti, Madame pensait aller a Lisbonne, mais avant,<br />
elle devait consulter l'avocat et des gens amis. Je ne<br />
sais pas ce qu'elle a decide. Maintenant, il faut qu'on<br />
lui donne ses papiers. Quant aux expositions, j'en ai<br />
longuement parle avec Madame. Nous ferons Lisbonne,<br />
Porto. Je m'en occuperai ; je suis parfaitement avec<br />
vous, mais avant, il faut en finir avec toutes ces histoires.<br />
J'exposerai a Stockholm avec vous ; je tiens a etre avec<br />
vous, n'ayant pas grande'quantite de tableaux a envoyer.<br />
Pour Barcelone, je suis pret. En somme, tout a fait<br />
d'accord au point de vue action artistique.<br />
On agira tout de suite apres. Moi et Madame avons<br />
beaucoup parle a ce sujet et sommes decides a agir, agir.<br />
Par Madame, je vous enverrai de mes et<br />
vous donnerai les renseignements pour me faire parve-<br />
nir les votres.<br />
Bonjour au petit peintre. Pour vous, ma meilleure<br />
amitie.<br />
A. de SOUZA-CARDOSO<br />
A. de SouzaCardoso<br />
a Sonia Delaunay,<br />
Porto<br />
Chere Madame,<br />
Manhufe<br />
Jeudi 20 avril 1916<br />
Je viens de recevoir ces mots, que je vous envoie sans<br />
retard.<br />
Je lui ai ecrit hier. Donnez de vos nouvelles,<br />
Bonjour de la part de ma femme. Bien a vous,
Carte-lettre<br />
A. de SouzaCardoso<br />
a Robert Delaunay,<br />
Vigo<br />
Mon cher Ami,<br />
LETTRES<br />
Manhufe<br />
Samedi 22 avril 1916<br />
Avez-vous recu ma lettre d'avant-hier ? J'ai envoye<br />
tous vos mots a Madame. Ces deux dernieres semaines,<br />
j'ai ete toujours a Porto. Notre ami du Credit s'en est<br />
occupe et s'en occupe tres vivement. Hier et aujourd'hui,<br />
je n'ai pas recu de nouvelles de Madame, elle devait<br />
m'en envoyer si cela ne marchait pas.<br />
Surtout, ne venez pas - attendez. Pour nos exposi-<br />
tions, on agira tout de suite apres.<br />
Bonjour a Charlot. Tres cordialement a vous,<br />
A. de SouzaCardoso<br />
a Sonia Delaunay,<br />
Porto<br />
Chere Madame,<br />
Manhufe<br />
Samedi 22 avril 1916<br />
Donnez-moi de vos nouvelles. Avez-vous recu ma<br />
lettre ?<br />
Ma femme ne va pas tres bien ; elle vous envoie des<br />
souvenirs.<br />
Bien a vous,
LETTRES<br />
Carte postale<br />
A. de SouzaCardoso<br />
a Sonia Delaunay,<br />
Hotel de Paris<br />
Porto<br />
Chere Madame,<br />
Manhufe<br />
24 avril 1916<br />
Recu votre carte postale. Vu que vous restez jusqu'a<br />
la fin de la semaine, j'irai vous voir jeudi ou vendredi.<br />
Nous nous fixerons sur notre action artistique. Voulez-<br />
vous vous charger de porter un petit nombre de toiles<br />
pour l'exposition Barcelone ? Cela me faciliterait. A<br />
bientot. S'il y a du nouveau, dites-le moi. Bien a vous,<br />
A. de SouzaCardoso<br />
a Sonia Delaunay,<br />
Porto<br />
Chere Madame,<br />
Manhufe<br />
(Avril 1916)<br />
Avez-vous recu ma lettre et avez-vous vu les endroits<br />
dont je vous ai parle ? Tenez-moi au courant.<br />
D'apres des informations, vous pouvez parfaitement<br />
envoyer tous les tableaux par chemin de fer sans que<br />
la douane vous embete.<br />
Vianna est toujours la ? Dites-lui qu'il me donne de<br />
ses nouvelles, s'il compte rentrer a Lisbonne. Y a-t-il<br />
du nouveau pour le catalogue ? Je me prepare pour cette<br />
exposition ; je voudrais des details - comme je vous<br />
l'ai demande dans mon avant-derniere lettre.<br />
J'ai trouve un papiercuir huile pour les pochoirs.<br />
On l'emploie dans l'industrie ; il me semble que diffi-<br />
cilement on peut trouver mieux.<br />
Respectueusement a vous,<br />
C ARDOSO
iIr:i-.. c nl!iil.i nz priirii.i::i\ ~\mip!ioiiiw sin~iilia:ii.!ni<br />
i!*>* iiiii-:CO-; .~ioilcrii~~.;. iii~. \'. pert1;~e-<br />
1:iv ~ I I C \'I pr? pnniiii i i(iiiiit I-f~ir:~ CII IFII~IX a<br />
YIIIJC af~~.ic~~lc pr.! pailrr diwr IWII d t ~ 41 t ~11ie<br />
eii :idniir~ >.<br />
A!ew il'icso eii 1111cr11 it.r !CCI~" ismhem pr3<br />
Ialhr 1104 C~>~~III!IC. .!I~I~II~.I~~I>. JC .\I:itlm~,. l)elama!-<br />
l cr'.. imi:~, in.~r.iti\li~. :NII i : v:\rn~ ~~ICII-<br />
I ilinu~i~tc :~pp: LII,!.~~. 11,~- ml!. ~JII*~. de pelc-<br />
rin no.<br />
\.. ilew a l w q-1,. tar shrir en1 Ihr~~li~m<br />
iiiiia vipfii '.,sa LII'I!!" I!I'.'.I umnlc nlr!:~ ilc .\l:i-<br />
C\,IIIIP l IC:~!I:~,, . l C T , C , II-~)II, ..,IT li
Article de Jose de Almada-Negreiros, paru dans l'hebdomadaire<br />
A Ideia Nacional, et illustre d'une photographie de Sonia Delau-<br />
nay-Terk.<br />
L'I<strong>DE</strong>E NATIONALE<br />
L'art et les artistes<br />
Madame Delaunay-Terk<br />
Rohe et voilette<br />
de couleurs simultanees<br />
Mon cher Jose Pacheco :<br />
Vous m'avez annonce que j'avais eu l'honneur d'etre choisi pour<br />
parler de Madame Delaunay-Terk. De fait. mon intellect lui doit tant<br />
que mon orgueil de grand gala deploie ses plumes de parade et voudrait<br />
crier des ordres a des divisions qui lui rendent les honneurs. Mais je<br />
ne connais pas de meilleur eloge, pour Madame Delaunay-Terk, que le<br />
fait de connaitre son et cela, vous pouvez me croire, est toute<br />
ma fierte.<br />
J'aurais pu, toutefois, en guise de presentation aux lecteurs de l'ldeia<br />
Nacional, rendre compte de l'extraordinaire fete simultanee de<br />
Stockholm, ou, conjointement avec une exposition de tableaux de<br />
Madame et Monsieur Delaunay, fut donne lecture de la Prose du Trans-<br />
siberien et Histoire de la petite Jehanne de France de Blaise Cendrars,<br />
et ou se firent entendre les premieres symphonies simultanees des<br />
musiciens modernes. Mais, pardonnez-moi si mon etat de sante ne me<br />
permet que jeudi prochain de proclamer bien haut ce que j'admire.<br />
En outre, il me faut du temps pour parler des costumes simultanes<br />
de Madame Delaunay-Terk, dont les splendeurs vivent encore dans les<br />
acclamations orientales de mes yeux de pelerin.<br />
Vous devez savoir que va s'ouvrir a Barcelone une exposition simul-<br />
tanee, a laquelle ne participeront - aux cotes de Madame Delaunay-<br />
Terk et de Monsieur Delaunay - que trois artistes portugais, qui sont :<br />
Cardoso, Eduardo Vianna et votre ami<br />
Jose de ALMADA-NECREIROS
Carte postale<br />
A. de SouzaCardoso<br />
a Robert Delaunav,<br />
Vigo<br />
Cher Ami,<br />
LETTRES<br />
Manhufe<br />
Samedi 29 avril 1916<br />
Hier, j'ai ete a Porto faire mes adieux a Madame.<br />
Elle n'etait pas sure de l'exposition Barcelone-mai, pen-<br />
chant plutot pour une grande exposition Barcelone-<br />
octobre. Je ne sais pas ce que vous deciderez, en tout<br />
cas, il faudrait une petite exposition Barcelone tout de<br />
suite, n'empechant en rien une grande en octobre.<br />
Pour Lisbonne, il faut aussi s'en occuper tout de<br />
suite. Madame a agi du cote Ideia Nacional-Negreiros.<br />
Il ne faut pas perdre de temps. Donnez-moi immediate-<br />
ment des nouvelles Barcelone pour que je sache a quoi<br />
m'en tenir.<br />
Je pourrai aller a Lisbonne, mais je veux avoir la<br />
reponse Ideia Nacional-Negreiros. Que Madame m'en<br />
avertisse.<br />
Cordialement a vous,<br />
SOUZA-CARDOSO<br />
Carte postale<br />
A. de SouzaCardoso<br />
a Robert Delaunay,<br />
Vigo<br />
Manhufe<br />
3 mai '1916<br />
Je recois a l'instant votre carte de dimanche. Felici-<br />
tations. Dites-moi retour courrier s'il y aura exposition<br />
Barcelone mois mai. Je suis pret ; pochoir aussi. Dois-je<br />
vous envoyer tout ca pour cette exposition ? Et a<br />
Lisbonne ? Avez-vous reponse Negreiros ? Ce soir, je<br />
vous ecrirai une lettre. Il faut faire Barcelone tout de<br />
suite et, a l'automne aussi, une grande exposition.<br />
Amities.<br />
SOUZA-CARDOSO
LETTRES<br />
A. de Souza-Cardoso<br />
a Robert Delaunay,<br />
Vigo<br />
Cher Ami,<br />
Manhufe<br />
Mercredi 3 mai 1916 (?)<br />
J'ai recu tous vos mots. J'attends de votre part<br />
reponse nette sur l'exposition mois de mai Barcelone<br />
pour vous remettre de suite des tableaux montes et les<br />
pochoirs. Madame m'avait parle qu'il valait peut-etre<br />
mieux remettre cette exposition a octobre et en faire<br />
alors une grande manifestation d'art - raison pour<br />
laquelle je ne l'ai pas chargee d'emporter mes toiles. Je<br />
trouve qu'on devrait faire tout de suite une exposition<br />
a Barcelone, et en faire aussi une plus complete en<br />
octobre.<br />
Deux details : se charget-on de clouer mes toiles<br />
sur chassis et de les preparer pour la presentation ?<br />
Voulez-vous la coupure du pochoir ou un tout fait ?<br />
Repondez-moi sur ces deux choses.<br />
Quant a Lisbonne, Madame a-telle recu reponse de<br />
Negreiros ? Je ne dois pas prendre la responsabilite<br />
complete de cette exposition, vu la situation actuelle<br />
qui exigerait un assez long sejour a Lisbonne, et - vous<br />
comprendrez pourquoi - cela ne me convient pas.<br />
Madame avait propose ceci : elle exposerait a Lisbonne,<br />
nous invitant, Negreiros, Vianna et moi uniquement,<br />
et, de cette facon, elle ferait travailler Negreiros avec<br />
ceux de l'ldeia Nacional pour la publication. Moi, j'irai<br />
a Lisbonne et les aiderai pour l'accrochage des tableaux,<br />
pour leur donner des idees pour la reclame, etc., et<br />
surtout eviter autant que possible qu'ils fassent des<br />
gaffes.<br />
Donc, il faut d'abord que Madame les travaille au<br />
point de vue pratique : avoir une bonne salle d'exposi-<br />
tion, l'ldeia Nacional pour la publicite, me mettre au<br />
courant et me donner une lettre de presentation pour
LETTRES<br />
Negreiros. Quant aux envois de vos choses, peut-etre que<br />
le patron de l'hotel se chargera de les faire venir sans<br />
droits d'entree. Tout de suite apres, on fera Porto et,<br />
comme je suis tout pres et qu'on peut avoir de bons<br />
appuis, ce sera facile. L'exposition Lisbonne, il faudrait<br />
que ce soit tres bien, pour demonter les pompiers perfi-<br />
des qui s'accrochent a tout. Le moment sera de plus<br />
en plus mauvais ; il n'y a deja plus de liberte d'action,<br />
on vous entrave officiellement pour n'importe quoi.<br />
Donc, il faut exposer sans retard.<br />
Je finis bientot Rimbaud et vous l'enverrai recom-<br />
mande.<br />
Voulez-vous faire l'echange des albums ?<br />
Rappelez-moi au souvenir de Madame, qui m'a promis<br />
un exemplaire de Cendrars. Presentez-lui mes meilleures<br />
amities, et au petit peintre aussi.<br />
Ecrivez.<br />
Cordialement,<br />
A. de SOUZA-CARDOSO<br />
Dites-moi toujours vos adresses.<br />
Carte postale<br />
A. de SouzaCardoso<br />
a Robert Delaunay,<br />
Vigo<br />
Cher Ami,<br />
Manhufe<br />
Vendredi 5 mai 1916<br />
Avez-vous recu mes carte postale et lettre ? J'attends<br />
reponse sur Barcelone et Lisbonne. Il faut prkparer une<br />
grande exposition en octobre prochain a Barcelone,<br />
mais il en faudrait aussi une petite tout de suite.<br />
Madame a-telle recu reponse de Negreiros ?<br />
Ecrivez.<br />
Bonjour aux votres. Amities.<br />
CARDOSO
LETTRES<br />
Carte vostale<br />
A. de ~ouza-~ardoso<br />
a Sonia Delaunay,<br />
Hotel de Francia<br />
Vigo<br />
Chere Madame et Amie,<br />
Manhufe<br />
Samedi 13 mai 1916<br />
Oui, j'irai a Lisbonne faire l'accrochage aussitot qu'il<br />
le faudra ; vous me donnerez tous les renseignements<br />
et me mettrez au courant de tout ce qui est pratique.<br />
Je travaille la cire ; il me manque des couleurs. La<br />
seule passable, meme belle, c'est la laque rose de Porto.<br />
Je developpe aussi mes connaissances dans le sombre<br />
mystere de l'huile ... Enfin, je travaille. De Lisbonne,<br />
on me dit que la chaleur commence, peut-etre qu'on<br />
tarde de trop. Je n'ai pas bien compris votre recomman-<br />
dation pour le consul d'Espagne. C'est pour l'exposition<br />
ou pour l'expedition ? Ce sera toujours interessant.<br />
Cette grande exposition Barcelone, mettez-y votre<br />
genie.<br />
Je vous prie de me laisser encore quelque temps<br />
Rimbaud ; c'est un grand soutien pour moi ! Ne craignez<br />
rien pour ce livre.<br />
Souvenirs affectueux de ma femme. Amities.<br />
Carte postale<br />
A. de Souza-Cardoso<br />
a Robert Delaunav,<br />
Vigo<br />
Cher Ami,<br />
Manhufe<br />
Samedi 13 mai 1916<br />
Hier, j'ai envoye un rouleau de cinq toiles par la<br />
poste, adresse H8tel de France. Les avez-vous recues ?<br />
Dites-le moi s'il vous plait. Les toiles s'abiment beaucoup
LETTRES<br />
en rouleau. J'en ai quelques-unes qui sont perdues, c'est<br />
pourquoi je crains d'expedier en rouleau. Mettez-moi au<br />
courant de la reponse Barcelone-Lisbonne. Quant au<br />
livre ou catalogue, il faudra le preparer tres bien pour<br />
l'automne; tachez d'y mettre des litterateurs de la<br />
Corporation.<br />
Le paysagiste de Vila do Conde' m'a ecrit hier deux<br />
mots ; il me demande de vos nouvelles.<br />
Demain, je vous enverrai un de mes albums. Ils sont<br />
tous tres abimes ; je vous envoie celui qui est en meilleur<br />
etat.<br />
Je travaille furieusement. Il me manque beaucoup<br />
de materiaux, mais tant pis.<br />
Ecrivez toujours. Amities.<br />
A. de SouzaCardoso<br />
a Robert Delaunay,<br />
Vigo<br />
Cher Ami,<br />
SOUZA-CARWSO<br />
Manhufe<br />
Mardi 16 mai 1916<br />
Avez-vous recu les cinq toiles que je vous ai envoyees<br />
par la poste ? Fait-on l'exposition Barcelone ? Voici, en<br />
tout cas, les mesures des toiles, titres et prix.<br />
Titres et mesures<br />
1 Moulins, 40 X 33<br />
2 Moulins fil telegraphique, 54 X 39<br />
3 Moulins roue dentee, 49 112 X 40<br />
4 Meunier, 34 lj2 x 27 112<br />
5 Fenetre bleue, 27 X 21<br />
1. Vianna.
LETTRES<br />
Prix<br />
Je vous ai ecrit, et aussi a Madame, parlant de<br />
l'exposition. Ici, il commence a faire chaud. J'ai com-<br />
mence des travaux a la cire, mais, franchement, j'aime<br />
mieux l'huile, c'est plus dans mon temperament. Il fait<br />
un printemps radieux, des fleurs magnifiques partout.<br />
Je travaille d'apres nature. Quant a moi, il est trop<br />
tard pour une exposition a Lisbonne.<br />
Donnez des nouvelles. Le moment, ici, n'est pas pour<br />
les arts - moi, je travaille.<br />
Bonjour a Madame et au petit peintre. Amities.<br />
A. de SouzaCardoso<br />
a Sonia Delaunay,<br />
Vigo<br />
Chere Madame,<br />
Manhufe<br />
Vendredi 19 mai 1916<br />
Merci de votre carte postale. C'est tres bien. Je<br />
n'etais pas du tout enthousiaste pour une exposition a<br />
Lisbonne en ce moment.<br />
Je travaille a l'huile - le moral est tres fort, la nature<br />
aussi. Mon jardin est superbe de couleur et de seve et<br />
de lumiere. Il y a des fraises a remplir des paniers, de<br />
á jeunes et fortes roses S. Je suis amoureux. Rimbaud
LETTRES<br />
est dans ma chambre. Je vis sous des u domes d'eme-<br />
raudes D, je vois a sur la hanche la signature du poete D ',<br />
et je suis animal, et ca me plait.<br />
Je travaille et recois des cartes postales de Viama,<br />
et ca me fait rappeler I'elemi a et le petit pharmacien.<br />
Je fais de temps en temps mon voyage d'agrement a<br />
Paris ; aux Galeries Lafayette je fais quelques provisions<br />
- pendant que nos braves soldats se battent glorieuse-<br />
ment. Je visite quelques amis. Ils sont presque tous<br />
disparus ; d'autres me rendent visite, mais il vaudrait<br />
mieux que ca ne fut pas.<br />
Mon pochoir etait destine au catalogue d'une possible<br />
exposition de suite Barcelone. C'est fini pour le moment.<br />
Pour l'automne, je ferai d'autres choses, d'autres<br />
pochoirs. Les toiles que je vous ai envoyees ne sont pas<br />
non plus pour I'automne Barcelone.<br />
Je recois la lettre de Delaunay ; j'y repondrai bien-<br />
tot. Etes-vous bien installes et contents ? Mangez-vous<br />
bien ? Etes-vous de bonnes et fortes betes ? Oui, eh bien,<br />
attention aux drogues.<br />
Ici, ca va, on l'a prevu. Cela ira a char a<br />
ca marchera quand meme.<br />
Je suis oiseau<br />
et n'ignore pas la nage<br />
et connais la chasse.<br />
Je soigne, chere Madame, ce que j'ai appris et herite.<br />
Bonjour de la part de ma femme ; elle va mieux.<br />
Bonjour au petit peintre. Affectueusement a vous,<br />
1. Allusion a l'un des a Dix-neuf poemes elastiques B de Cendrars,<br />
intitule Sur la robe elle a un corps :<br />
... Il y a des mains qui se tendent<br />
Il y a dans la traine la bete tous les yeux toutes les fanfares<br />
tous les habitues du bal Bullier.<br />
Et sur la hanche<br />
la signature du poete.<br />
2. Substance gommo-resineuse employee dans la fabrication des<br />
vernis.
LETTRES<br />
Carte postale<br />
A. de SouzaCardoso<br />
a Robert Delaunay,<br />
Vigo<br />
Mon cher Ami,<br />
Manhufe<br />
19 juin 1916<br />
Voulez-vous m'envoyer par retour du courrier les<br />
toiles que je vous ai envoyees, dans un rouleau de<br />
carton, recommandees. Elles ne sont pas destinees a<br />
l'automne-Barcelone, et j'en ai besoin ici. J'ai recu la<br />
coupure pochoir, pas encore les couleurs ni rien de ce<br />
que vous avez annonce.<br />
Bonjour a Madame. Affectueusement,<br />
Carte postale<br />
A. de Souza-Cardoso<br />
a Robert Delaunay,<br />
Vigo<br />
Mon cher Ami,<br />
Manhufe<br />
Mercredi 21 juin 1916<br />
Je viens de recevoir les couleurs et vous en remercie.<br />
Je ne les ai pas encore vues et viens de les faire chercher<br />
a la poste. Je vous ai ecrit, vous demandant de m'envoyer<br />
mes toiles. J'en ai grand besoin ici. Voulez-vous me les<br />
faire parvenir d'urgence. Comme je vous l'ai dit, elles<br />
n'ont jamais ete destinees a l'automne - Barcelone ; je<br />
vous les ai envoyees dans le cas d'une exposition imme-<br />
diate, mais, maintenant, j'en ai grand besoin.<br />
Affectueusement,<br />
CARWSO
Carte postale commerciale de l'exploitation vinicole de Jose<br />
Emygdio de Souza-iardoso, pere dlAmadeu, representant la<br />
demeure familiale de Manhufe, ou l'artiste est ne et ou il a tra-<br />
vaille. L'adresse est de la main dJAmadeu. 6 juin 1916.<br />
Verso de la carte postale illustree (domaine de Manhufe),<br />
envoyee par Arnadeu de Souza-iardoso a Robert Delaunay, le<br />
6 juin 1916. Cette phrase est le leitmotiv des lettres de l'artiste :<br />
u Je travaille furieusement ... Je travaille vertigineusement ... B Il<br />
est a noter que, par la suite, Amadeu se servira d'un pochoir pour<br />
signer ses toiles, du nom d'Amadeo de Souza-Cardoso.
Eduardo Vianna, dans le jardin des Delaunay a Vila do Conde.
Carte postale<br />
A. de SouzaCardoso<br />
a Robert Delauizay,<br />
Vigo<br />
Mon cher Ami,<br />
LETTRES<br />
Manhufe<br />
23 juin 1916<br />
J'ai recu le rouleau de papier et non pas les couleurs,<br />
comme je le croyais d'abord. Je vous remercie.<br />
J'attends les toiles que je vous ai demandees, et qui<br />
sont de petites etudes que je peux placer ici. Je vous<br />
prie de les envoyer recommandees. J'irai ces joursci a<br />
Amarante et vous enverrai le montant du papier. Ici,<br />
on ne fait pas de mandats postaux.<br />
Vianna vient de passer quelques jours ici ; il compte<br />
s'en aller demain matin.<br />
Affectueusement,<br />
SOUZA-CARDOSO<br />
Carte postale<br />
A. de Souza-Curdoso<br />
a Robert Delaunay,<br />
Vigo<br />
Cher Ami,<br />
Manhufe<br />
Samedi 24 juin 1916<br />
J'ai recu le rouleau de papier ; j'ai aussi le recu<br />
d'expedition des couleurs, mais elles ne sont pas encore<br />
arrivees. Attendons encore quelques jours et, si elles<br />
n'arrivaient pas, je vous enverrai le recu pour que vous<br />
fassiez la reclamation. J'ai une tres grande urgence de<br />
mes toiles : veuillez me les envoyer par retour de cour-<br />
rier, recomriiandees. Il me les faut tout de suite, car<br />
je crois avoir un acheteur.<br />
Tres affectueusement,<br />
CARDOSO
LETTRES<br />
A. de Souza-Cardoso<br />
a Robert Delaunay,<br />
Vigo<br />
Mon cher Delaunay,<br />
Manhufe<br />
29 juin 1916<br />
J'ai grand besoin des toiles que je vous ai envoyees.<br />
Voulez-vous me les renvoyer par poste, recommandees.<br />
Je vous remercie beaucoup.<br />
Bonjour a Madame et a Charlot. Affectueusement,<br />
Pas encore recu les couleurs. Voulez-vous reclamer ?
1916<br />
Avril - Mai - Juin<br />
EDUARDO VIANNA
E. Vianna<br />
a Sonia Delaunay,<br />
Vigo<br />
Chere Madame,<br />
LETTRES<br />
Vila do Conde<br />
8 avril 1916<br />
Je viens de recevoir deux cartes postales et une lettre<br />
que je vous renvoie aussitot.<br />
Est-ce que Beatriz n'est pas restee en panne a<br />
Valenca ? L'administrateur m'a cherche pour me dire<br />
que le sauf-conduit ne servait surement a rien d'apres<br />
les derniers decrets - qu'il dit qu'il n'avait pas lus.<br />
Alors, il fait son geste en avant et il bafouille lamen-<br />
tablement. Il dit qu'il vous faut revenir, puis repartir,<br />
puis je ne sais pas quoi de plus. Com ...p ere, va !<br />
Les dernieres nouvelles sont stupefiantes, incohe-<br />
rence, folie, quoi ...<br />
Mon seul salut est dans le tres beau souvenir que<br />
j'ai de vous tous et dans mon travail, mais ... jusqu'a<br />
quand pourrai-je travailler ? Enfin, je m'y accroche de<br />
toutes mes forces, comme un naufrage.<br />
Il pleut et il fait froid. Un employe du chemin de<br />
fer m'a cherche pour me dire qu'une grande caisse a<br />
vous etait retenue a Valenca, parce qu'elle etait fermee.<br />
Tout cela, je crois que vous l'aviez prevu.<br />
Je travaille aux pochoirs, pour vous les envoyer bien-<br />
tot. Est-ce que vous avez des nouvelles de notre monta-<br />
gnard '. Est-il dans ces regions-la '. Je voudrais bien le<br />
savoir. Vous n'oublierez pas de m'envoyer rua do Lidador<br />
28 - et non 20 comme je vous l'ai dit - le drap : je<br />
ne veux pas avoir affaire a la maquerelle.<br />
1. Amadeu de Souza-Cardoso.<br />
2. A Manhufe.
LETTRES<br />
J'ai ecrit a Lisbonne et j'attends la reponse. Ne<br />
m'abandonnez pas sans nouvelles. J'en ai trop besoin.<br />
Je vous aime tous beaucoup et je vous envoie mes<br />
meilleures amities.<br />
Eduardo VIANNA<br />
Je tiens beaucoup a un mot de Delaunay sur mon pochoir.<br />
E. Vianna<br />
a Sonia Delaunay,<br />
Porto<br />
Chere Madame,<br />
Porto, Grand Hatel de Paris<br />
(Avril 1916)<br />
Je voudrais avoir le plaisir de vous voir, et je vou-<br />
drais que vous me disiez a quelle heure je peux le faire.<br />
J'ai un train pour Vila do Conde a onze heures et<br />
quart et un a deux heures et quart (pour dejeuner).<br />
Bien a vous,<br />
E: Vianna<br />
a Robert Delaunay,<br />
Vigo<br />
Tres cher Ami,<br />
(Aprts le 14 avril 1916)<br />
Vila do Conde<br />
Et voila que je me remets a travailler apres avoir ete<br />
deux jours tres souffrant. Deux plaies se sont ouvertes,<br />
deux furoncles, l'un daris le cou et l'autre dans le bras
LETTRES<br />
droit. Maintenant que la merde qu'il y avait dedans<br />
coule, je suis plus soulage. Il parait qu'il s'est fait en<br />
moi une grande alteration du sang, avec tous ces trem-<br />
blements pour ce que j'ai passe ces joursci.<br />
Ce qu'ils m'ont emmerde tout de meme ces fous-la !<br />
C'est que c'est dangereux les fous ! Jamais je ne me<br />
serais doute qu'il y en avait tant dans mon entourage.<br />
C'est qu'il y avait des mots terribles dans l'air quand<br />
j'ai ete emmene en prison a Porto. Ce n'etait pas moins<br />
que : u Traitre a la Patrie ! Conspirateur ! ... C'est grave,<br />
tres grave ... Il sera fusille ? D Maintenant, tout est fini,<br />
c'est-a-dire les emmerdements, et l'administrateur qui a<br />
fait la gaffe a fait passer une rectification dans le jour-<br />
nal du pays. Evidemment, pour les embetements, pour<br />
ce que j'ai passe et les degats materiels, ce n'est rien -<br />
mais il faudrait depenser de l'argent et du temps pour<br />
exiger d'eux une indemnisation. Pour cela, j'ai par16<br />
avec le juge du tribunal d'ici, avec qui je suis en tres<br />
bonnes relations, et il m'a fait voir a quelle espece de<br />
gens j'ai affaire. Il parait qu'ils fabriquent tout dans la<br />
boite administrative, des documents faux, des temoins<br />
faux, et, comme ils sont mechants et fous, il faut que<br />
je fasse attention.<br />
Ce qu'il me faut, c'est de la tranquillite pour peindre,<br />
et maintenant, je crois l'avoir. J'ai depense un billet de<br />
cinquante escudos avec tout ca. Mes pochoirs,<br />
á pochards D, comme dit l'administrateur - remarquez<br />
qu'il fonce dans la biere comme un enrage - les pochoirs<br />
sont casses ; ils ont ete enroules et transportes a Porto ;<br />
en plus, ils n'etaient pas secs, et ils ont deteint sur les<br />
papiers. Mes lettres, mes malles, tout a ete vu par deux<br />
fois.<br />
Mais moi, ce n'est rien, a cote de Madame ! Et pen-<br />
dant ma detention, j'ai pense beaucoup a elle et a vous<br />
tous. Maintenant que l'affaire est dans les mains d'un<br />
avocat, j'espere qu'elle sera indemnisee largement par
LETTRES<br />
ce cochon de consul de France, l'auteur de toute cette<br />
gaffe. Je ne sais plus rien de Madame ni de Cardosu<br />
depuis que je suis revenu de Porto ; je n'ai pas recu un<br />
mot d'eux.<br />
Et vous ? Avez-vous pu faire quelque chose. Et Char-<br />
lot ? Se porte-t-il bien. Gentil petit Charlot, je voudrais<br />
bien le voir.<br />
Je travaille avec l'idee fixe de l'album de pochoirs,<br />
dont je vous ai parle. Mon deuxieme pochoir, que je<br />
viens de finir (des jouets) sera le premier de la serie<br />
que je vais continuer. Je voudrais bien que vous le<br />
voyiez, ce travail que je viens de finir : je le crois un<br />
progres dans mon nouveau metier.<br />
Et qu'estce qu'il y a de nouveau pour notre exposi-<br />
tion ? Renseignez-moi. Je compte sur votre amitie. Per-<br />
sonne ne m'ecrit, et je ne peux pas aller a Porto, car je<br />
ne peux absolument pas depenser plus d'argent. Cela<br />
m'a ete tres dur a avaler le billet qu'ils m'ont fait depen-<br />
ser juste dans le moment ou je fais le plus d'economies<br />
possibles.<br />
Mon bras me fait encore bien mal, mais je travaille<br />
quand meme. J'ai joui de mon denier travail. Je me<br />
rejouis deja du prochain que je vais commencer apres<br />
le dejeuner. Mon papier a lettre va aussi etre commence.<br />
Je pense aussi beaucoup au portrait de Madame, qui sera<br />
mis dans la premiere page. Il y aura douze pochoirs.<br />
Estce beaucoup ?<br />
Le soir, j'etudie Vibert (ne riez pas), mais je crois<br />
possible de faire d'un mauvais papier un papier qui<br />
resiste a l'humidite et a la lumiere. Je cherche, et je vous<br />
rendrai compte de tout ce que j'ai fait. Seulement, il<br />
faut que je sache au juste ou vous etes, car je veux vous<br />
envoyer des choses.<br />
Etes-vous encore a l'Hotel de Francia. Dites-le moi<br />
tout de suite.
LETTRES<br />
Pacheco vous a-t-il ecrit ? Vous comprenez, ils m'ont<br />
fouille ma correspondance.<br />
Beaucoup d'amities pour vous et baisers a Charlot.<br />
Ecrivez-moi a la meme adresse.<br />
Je vais vous envoyer un numero de l'Idee nationale - le<br />
seul que j'ai achete.<br />
J'ai recu toutes vos cartes postales. Pacheco vous a cer-<br />
tainement repondu.<br />
Carte postale<br />
E. Vianna<br />
a Robert Delaunay,<br />
Vigo<br />
Porto<br />
19 avril 1916<br />
Dites-moi ou vous voulez que je vous ecrive.<br />
Amities.<br />
VIANNA<br />
E. Vianna<br />
a Robert Delaunay,<br />
Mon cher ami,<br />
Vila do Conde<br />
(Fin avril 1916 ?)<br />
Je vous envoie ce poeme. Ce matin, ca m'a pris tout<br />
d'un coup. Il est mauvais, mais il sera beau en couleur.<br />
Ca va etre d'un metier fou, vous verrez. Je l'ai deja<br />
commence. Le travail, quel soutien !
LETTRES<br />
Vous le lirez, cette page ouverte, et la demi-page<br />
ajoutee a celle-ci en bas. Ce sera la grande page de<br />
l'Album, c'est-a-dire, ce sera une page en deux; vous<br />
verrez que ca fait les dimensions de la Promenade : celle<br />
ci est a la mesure juste de l'Album. Maintenant, je<br />
travaille a la fois les quatre pages : votre poeme, la page<br />
de Cardoso, celle de Madame avec son portrait (celui-la,<br />
je ne sais pas si je le reussirai, c'est tres difficile), celle<br />
d'Almada-Negreiros, et je reduis et je transforme la<br />
page du Concert, celle de Blaise Cendrar. (Vous me direz<br />
si c'est comme ca qu'on ecrit le nom du poete.)<br />
Le Concert, Madame l'a deja vu. Quand vous m'ecri-<br />
rez, dites-moi quelques mots sur la Promenade. Vous me<br />
direz aussi ce que le petit et Madame ont dit. Les jouets,<br />
c'est une serie de trois : le Concert, la Promenade et la<br />
Campagne.<br />
L'Album est ma seule pensee maintenant. Je cherche<br />
deja comment faire la couverture. Plusieurs idees me<br />
passent par la tete. Enfin, je cherche a faire quelque<br />
chose de bien, qui ne soit pas tout a fait rengaine. Et<br />
je reussirai, ou je creve !<br />
Seulement, ce n'est pas un travail a gagner de l'argent.<br />
Tant pis ! En tout cas, je ne pourrai pas demander moins<br />
de 150 F. Dites donc, douze tableaux pour 150 francs ! ?...<br />
Mais ca me lancera un peu j'espere, et je compte sur<br />
vous la-dessus ; nous en parlerons plus tard. Maintenant,<br />
je ne serai tranquille que quand j'aurai le premier exem-<br />
plaire. Ce jour-la, je serai un Mec ! J'ai deja ecrit a<br />
Pacheco pour le prevenir.<br />
Maintenant, attention a ce qui suit :<br />
J'ai fait la nuit derniere un ignoble rouleau, large<br />
et long, pour que la page ne se plie pas sur ellememe.<br />
Le Concert, que Madame a roule pour que je l'apporte<br />
a Vila do Conde, est arrive abime. En se roulant, des<br />
morceaux de tons fonces se sont detaches et colles sur<br />
des tons frais et tres clairs, et j'ai ete oblige de le repein-
LETTRES<br />
dre presque tout entier. Eh bien, j'ai fait le rouleau<br />
pour que cela n'arrive plus. Ce sera le rouleau que je<br />
vous enverrai avec mes pages a mesure que je les fais.<br />
Seulement, vous me le reexpedierez tout de suite, car<br />
j'ai grand besoin de la Promenade. Vous allez me l'expe-<br />
dier pour que je coupe les pochoirs : c'est la premiere<br />
et seule page que j'ai faite.<br />
Vous aurez la bonte de me reexpedier la Promenade<br />
dans ce meme rouleau, mise en longueur. Le rouleau<br />
sera ficele et envoye a Vila do Conde, 28 rua do Lidador,<br />
recommande. J'aurais un tres grand chagrin si la page<br />
se perdait. Dans quelque temps, apres, je vous enverrai<br />
quatre pages d'un seul coup, et vous aurez toujours<br />
l'amabilite de me dire quelque chose ladessus. Je ne sais<br />
pas combien cela coute, recommande, mais si cela peut<br />
se faire, envoyez-le de facon a ce que je paie ici.<br />
Pensez un peu a la preface de l'Album. Amities a<br />
tous.<br />
Vos cartes postales sont des injections de mercure pour<br />
moi. Envoyez-les moi toujours.<br />
Pauvre Rossine ! '<br />
1. D. Rossine, peintre russe habitant Paris, devait faire partie des<br />
a expositions mouvantes m.<br />
147
LETTRES<br />
MA JOURNEE<br />
Poeme<br />
Poeme d'Eduardo Vianna<br />
A Robert Delaunay<br />
Mes yeux s'ouvrent<br />
mon corps est brise.<br />
Le jour est gris.<br />
Mes yeux se ferment<br />
et mon corps est brise.<br />
Je ne suis pas moi. Je suis tous les demons<br />
[qui m'ont eu la nuit.<br />
Mon corps est toujours brise<br />
et les heures sonnent ...<br />
MA VOLONTE SE REVEILLE<br />
j'ai chasse les demons,<br />
Ma volonte domine<br />
Le jour n'est plus gris.<br />
MIDI<br />
Mon corps est droit<br />
Je me regarde dans les yeux<br />
MON ORGUEIL EST ROUGE<br />
ENTOURE D'ORANGE ET <strong>DE</strong> VIOLET<br />
Il est a son apogee,<br />
pardessus, le ciel est bleu, pas le bleu<br />
lointain, nostalgique, mais le Bleu profond,<br />
ami du noir profond lui aussi.<br />
LE SOLEIL EST METALLIQUE<br />
MON AME S'AGRANDIT<br />
LE SOLEIL<br />
LA VIE<br />
MA VOLONTE
Robert Delaunay, Sonia Terk,<br />
oui ! Le metier universel,<br />
L'UNIVERS<br />
Il n'y a pas de races. Les couleurs<br />
dans le prisme s'entraident ...<br />
Je travaille ...<br />
le travail ma gloire<br />
MA SENSIBILITE<br />
Je bondis sur les couleurs<br />
les couleurs bondissent sur moi.<br />
Quelques-unes m'etranglent,<br />
mais je m'en defends,<br />
je leur flanque des ennemies a cote.<br />
D'autres se donnent le bras<br />
comme des pucelles ...<br />
et les gris bourdonnent legers tout autour.<br />
ET C'EST MOI qui fais gueuler tout ca. Ah !<br />
je jouis.<br />
MON ORGUEIL EST ROUGE<br />
ENTOURE D'ORANGE ET <strong>DE</strong> VIOLET<br />
Que je suis fatigue !<br />
Le jour est devenu gris.<br />
Mon cardiaque, mon fils,<br />
pourquoi est-il toujours inquiet ?<br />
Je lui donne pourtant mes illusions,<br />
mes reves ... Et quand je reve,<br />
je sens qu'il ralentit ;<br />
je ne l'entends presque pas.<br />
Il reve aussi le petit.<br />
VIENNENT LES TENBBRES !<br />
Les tenebres ! De la lumiere<br />
toujours, mais celle-la<br />
me fait toujours mal.<br />
Que jc suis fatigue !<br />
LETTRES
LETTRES<br />
Mes os craquent,<br />
mes yeux se ferment,<br />
l'Angoisse me prend.<br />
Mes demons viendront-ils<br />
me visiter cette nuit ?<br />
LES HEURES SONNENT<br />
mes reves m'entourent,<br />
je n'ai plus peur.<br />
Je ferme les yeux<br />
et dans le fond de mes prunelles je vois<br />
LE SOLEIL <strong>DE</strong> <strong>DE</strong>MAIN<br />
qui luit deja.<br />
Mes yeux se ferment ...<br />
Vila do Conde,<br />
Deuxieme annee de la guerre.<br />
Carte postale<br />
E. Vianna<br />
a Robert Delaunay,<br />
Vigo<br />
Mon cher ami,<br />
Eduardo de VIANNA<br />
Vila do Conde<br />
Mercredi 3 mai 1916<br />
Depuis ma derniere lettre, je n'ai pas recu de vos<br />
nouvelles. Vous devez avoir beaucoup a faire en ce<br />
moment, des malles, l'installation, etc. Mais quand vous<br />
aurez un peu de temps a vous, pensez un peu a moi.<br />
N'oubliez pas de me dire quelque chose sur mon travail<br />
et, surtout, pressez-vous de m'envoyer la Promenade
LETTRES<br />
(recommande) : j'en ai grand besoin ; inutile d'insister<br />
la-dessus, vous n'etes pas Almada-Negreiros.<br />
Dites a Madame que les lettres sont parties le lende-<br />
main du jour ou j'ai dejeune avec elle, mais je n'ai<br />
eu de reponse de personne. J'y ai mis ma meilleure elo-<br />
quence ! et vous savez, quand je m'y mets... Mais je ne<br />
sais pas ce qu'ils fichent ces couillons-la. J'ai des choses<br />
a vous envoyer, entre autres, la couverture de l'album :<br />
je viens de la finir et je ne la crois pas trop mal. Je<br />
travaille toujours dans le meme but.<br />
Que je ne m'isole pas ?<br />
Ou voulez-vous que j'aille ? A Lisbonne, non merci !<br />
Ici, je travaille ; la-bas, je n'aurais rien fichu. Et puis,<br />
je ne suis pas seul, quoi ! J'ai mon album dans ma tete,<br />
et pourvu que vous m'ecriviez. On ne peut pas tout<br />
avoir, n'est-ce pas ? Je suis tres content de la couverture<br />
de mon album, mon meilleur travail, je crois.<br />
Je viens d'envoyer les chemises a Cardoso.<br />
Quels tuyaux, s'il vous plait ?<br />
Amities a vous tous.<br />
VIANNA<br />
Avez-vous recu ma derniere lettre ? J'ai oublie de la<br />
dater.<br />
E. Vianna<br />
a Robert Delaunay,<br />
Vigo<br />
Mon cher ami,<br />
Vila do Conde<br />
Jeudi 4 mai 1916<br />
J'ai recu ce matin deux cartes postales qui m'appor-<br />
tent des nouvelles de vous tous que j'aime bien. Cela<br />
m'a mis en joie.<br />
Mais ma journee, je l'ai passee a faire une machine<br />
antipathique (cucu), des fleurs, pour offrir au docteur.
LETTRES<br />
Il faut bien que je paie de quelque maniere mes nom-<br />
breuses visites et celles que je vais recommencer a<br />
faire. Quelle ignoble journee ! Enfin, c'est presque fini,<br />
et je vais pouvoir recommencer et continuer mes pages.<br />
Je suis sorti pour chercher l'ldeia Nacional, pour voir<br />
s'il y avait quelque chose sur Madame. Eh bien, il n'y a<br />
rien du tout qui soit pour nous interessant - c'est-a-dire,<br />
pour moi, il y a une douloureuse nouvelle. SA-Carneiro<br />
s'est tue a Paris. Ce que ca m'a fait mal, vous ne pouvez<br />
pas vous imaginer ...<br />
Pauvre SA-Carneiro, je le croyais plus fort. Il avait<br />
la maladie de nous tous, le decouragement chronique.<br />
Tout de meme, je le croyais plus energique.<br />
L'ironie des choses ! Il y a quelques annees, il pre-<br />
sentait Santa-Rita comme un fou et finissait, dans son<br />
livre, par le tuer sous un train. C'etait alors un garcon<br />
vif, malin et debrouillard. Si peu de temps passe, et il<br />
se fait sauter la cervelle. Je comprends maintenant le<br />
silence des gens la-bas. Ils sont tous fort deprimes sous<br />
ce coup inattendu. Tout au fond d'eux tous, de nous<br />
tous les Portugais, il existe cette detresse, ce cauchemar<br />
de la folie, cette obsession morbide de la fin qui gate<br />
tout, qui enleve toute la crane joie de vivre et de lutter.<br />
Je les connais si bien ! Ils ne m'ecrivent pas, ils ne<br />
m'ecrivent rien de ce que je leur ai demande. Ils sont<br />
tous sous le poids de ce malheur. C'est qu'il etait char-<br />
mant ce pauvre garcon, et ca fait bien de la peine.<br />
Je ne pourrai pas m'occuper de faire des tableaux<br />
plus serieux pour nos expositions mouvantes avant<br />
d'avoir fini les pages, et je vais continuer les pages avec<br />
courage. J'ai hate de faire des tableaux grands.<br />
Envoyez-moi sans faute la Promenade. Je vous enver-<br />
rai toujours du travail.<br />
A vous, a Madame et a Charlot, mes meilleurs sou-<br />
venirs.<br />
VIANNA<br />
Je vous envoie l'ldeia Nacional.
E. Vianna<br />
a Sottia Delauiiay,<br />
Vigo<br />
Chere Madame,<br />
LETTRES<br />
Vila do Conde<br />
(Debut mai 1916)<br />
Oui, chere Madame, je voudrais bien faire quelque<br />
chose, mais mon enthousiasme est tombe. L'ennui me<br />
ronge l'ame et il m'envahit tout le corps.<br />
Mes nuits sont d'affreux cauchemars.<br />
Je commence et je recommence l'article, mais rien<br />
ne sort. Je suis tout a fait abruti. Cela me rappelle la<br />
fameuse promenade, quand Delaunay me disait : Mais<br />
parlez donc, bougre de couillon, parlez toujours nom de<br />
D... u et je ne lachais que des mots idiots et repetes.<br />
Je m'attends a tout cn ce moment. Aller a Lisbonnc<br />
pour l'inspection '... a Porto, cela aurait ete la meme<br />
chose, mais a Lisbonne, j'ai l'illusioil d'y avoir des amis.<br />
J'ai la mort dans l'ame, vous comprenez ... J'avais de<br />
si beaux projets ! Fini, bien fini tout cela ! J'ecope ;<br />
surement, bien d'autres qui ne s'y attendaient pas ont<br />
deja ecope. Quand je vous disais que je paierai cher ma<br />
legerete.<br />
A quoi sert de travailler?<br />
Ne pensez pas que ce soit de la mauvaise volonte,<br />
non. Si, par miracle, je reussis a me donner du courage,<br />
je m'y mets. Mais, pour le moment, la pensee que je<br />
vais commencer une vie pour laquelle je ne suis pas<br />
fait et que malgre tout il faut la vivre ... cette pensee-la<br />
m'ecrase, et je ne peux pas m'en debarrasser. Je pensais<br />
1. Il s'agit d'un conseil de revision. Vianna insere dans sa lettrc<br />
une coupure de journal, avec ces mots : Lisez cela, c'est paru le 8..<br />
Texte dc la coupure :<br />
a Deve ser publicada por estes dias a convocaciio dos mancebos<br />
recenseados desde 1898 para ca e que ficaram isentos do servico militar,<br />
afim de serem novamente inspeccionados. â<br />
n Il sera publie ces jours4 une convocation des jeunes gens recenses<br />
dcpuis 1898 qui ont ete exemptes de service militaire, afin dc les<br />
soumettre a un nouveau conseil dc revision. â
LETTRES<br />
a deux grands tableaux, en meme temps que les pages '.<br />
J'ai fait de trop beaux reves ; la realite n'en est que plus<br />
dure.<br />
Nord Sud<br />
Est et Ouest,<br />
le mouvement, la vie sublime, mais cela m'est defendu.<br />
Parfois, la rage des betes traquees me prend. Je tourne,<br />
je tdbrne et je ne peux pas mordre. De la-bas, je ne<br />
recois rien, mais je sais trop bien ce qui se passe. Et ou<br />
est notre vaillant montagnard ' ? Pouvez-vous me donner<br />
de ses nouvelles ?<br />
Vous, Madame, si vous ne m'en voulez pas trop,<br />
envoyez-moi un mot ami, un bon conseil, un peu de<br />
courage, un peu de soleil, un peu de vie. Je vous serai<br />
infiniment reconnaissant.<br />
Je vous embrasse fort tous, embrassez pour moi<br />
Charlot.<br />
E. Vianna<br />
a Sonia Delaunay,<br />
Vigo.<br />
Chere Madame,<br />
Vila do Conde<br />
(Debut mai 19161<br />
Vous savez, ce que j'attendais est arrive. Je crois<br />
meme que je n'irai pas a Lisbonne. Il parait que cela<br />
ne servirait a rien. Maintenant, on attend, mais tout de<br />
meme, je ne croyais pas que cela arriverait si t6t.<br />
Comment vont-ils se debrouiller, notre homme des mon-<br />
tagnes ' et le Narcisse de la-bas a... et puis encore les<br />
1. Les pages de 1'Album de la Corporation.<br />
2. Amadeu de Souza-Cardoso.<br />
3. Jose de Almada-Negreiros.
LETTRES<br />
autres dans les memes conditions ? Ca va faire du joli.<br />
J'aurai peut-etre des chances pour moi. On ne comprend<br />
pas grandchose pour le moment, trop de confusion.<br />
Je suis content pour vous que l'article doive paraitre<br />
a Porto, comme me l'annonce Delaunay.<br />
Vous savez, le proprietaire m'a accoste en pleine rue<br />
et m'a dit des saletes. Il m'accuse de l'avoir trompe sur<br />
le jour du depart ; en plus, 'il dit qu'il manque dans la<br />
maison pour 150 F de choses. Je l'ai envoye balader, on<br />
s'est appele de tous les noms, il me menace de l'adminis-<br />
trateur. Je lui ai ri au nez !<br />
Delaunay, je le remercie beaucoup de ses lettres, mais<br />
qu'il mette un peu plus d'ordre dans les projets d'avenir.<br />
Il me semble qu'il y a trop de choses a la fois. Dites-lui<br />
que mon nom s'ecrit Vianna. Amities a tous. Ma nouvelle<br />
adresse bien ecrite s'il vous plait.<br />
Amities a tous. VIANNA<br />
E. Vianna<br />
a Sonia Delaunay,<br />
Vigo<br />
Chere Madame,<br />
Vila do Conde<br />
Jeudi 11 mai ,1916<br />
La crise est passee. Un coup de soleil merveilleux,<br />
limpide, beau. Le beau soleil qui, depuis que vous etes<br />
partie, ne s'etait pas montre. Eh bien ! un coup de soleil<br />
a suffi pour me remettre. Je m'en fiche maintenant. Ah !<br />
si vous saviez comme je m'en fiche*! Tout peut venir.<br />
Je suis pret a tout.<br />
En attendant, je travaille. Entre autres choses, je<br />
fais une esquisse pour un grand tableau.<br />
Je suis tres calme.<br />
Amities a vous tous.<br />
v.
LETTRES<br />
E. Vianna<br />
a Sonia Delaurzay,<br />
Vigo<br />
Chere Madame,<br />
Vila do Conde<br />
Samedi 13 mai 1916<br />
Maintenant, tout va a peu pres comme avant, tant<br />
qu'il n'y a pas de nouveau qui me fasse bondir la-bas.<br />
Le temps est merveilleux, les journees longues, je<br />
travaille et j'en jouis. Il n'y a qu'une chose qui me tra-<br />
casse le crane ... quand j'y pense : c'est l'article.<br />
Vous le savez bien, je n'ai jamais ecrit pour les jour-<br />
naux. J'ecris tres mal ; dans les lettres pour les amis,<br />
ca va encore, mais pour un journal, cela entraine des<br />
responsabilites.<br />
J'ecris tres mal, et un article mal ecrit est toujours<br />
ridicule. Et puis, je nc sais pas au juste ce que vous<br />
voulez. Est-ce un article qui parle de Madame, ou bien<br />
un article mettant en evidence la Corporation ?<br />
Et puis, a propos de quoi ? D'une exposition que<br />
Madame realise a Porto ou bien d'une exposition collec-<br />
tive ? Je ne suis pas debrouillard pour deux sous, je<br />
n'ai pas la pratique de ces choses-la, comme vous savez.<br />
Alors, ma journee de travail finie, je m'embrouille dans<br />
les mots et je n'arrive a faire que des cochonneries illi-<br />
sibles.<br />
Cela me tourmente, parce que je vous estime et que<br />
je voudrais vous etre utile.<br />
Est-ce que vous avez recu ma lettre et la carte que<br />
j'ai envoyees poste restante ? Est-elle arrivee tout<br />
entiere ? Ecrivez-le donc, vous, l'article, en francais, et<br />
envoyez-le moi pour que je le sache a peu pres. Personne,<br />
absolument personne ne m'ecrit. Je n'ai que le soleil ei<br />
mon travail pour moi. Mes meilleures amities pour vous<br />
tous.<br />
v.<br />
L'avenir est trouble. Je n'ai jamais comme maintenant<br />
joui de la nature. C'est si beau de vivre la vie quand<br />
on croit qu'on va la perdre !
E. Viarzna<br />
a Robert Delaunay,<br />
Vigo<br />
Mon cher Delaunay,<br />
LETTRES<br />
Vila do Conde<br />
Mardi 23 mai 1916<br />
Voici ce qu'il y a pour le travail. Je fais toujours des<br />
etudes pour les pages, mais, parfois, beaucoup plus<br />
grandes que les pages. Mais vous savez bien que je ne<br />
vais jamais vite dans mon travail. Je ne vous envoie pas<br />
six etudes tout de suite, car j'ai besoin des originaux,<br />
mais dans huit dix jours, pas avant, je vous enverrai six<br />
ou huit tableaux petits et plus grands. Comme il me faut<br />
tous les originaux, il me faut les repeter, et pour cela,<br />
il me faut huit a dix jours. En plus, il me faut aller a<br />
Porto, car je n'ai plus de papier. C'est sur papier et a<br />
la cire que je travaille. Il y aura deux etudes - les plus<br />
grandes - de fleurs, trois etudes de jouets, un poeme<br />
en couleurs et une affiche pour la vitrine de la Corpora-<br />
tion, et apres je ne sais pas ... Vous etes des gens libres ;<br />
moi, ce n'est pas la meme chose, vous comprenez. Est-ce<br />
qu'on peut prevoir le lendemain ? Pour l'Album, quand<br />
j'en aurai un numero, je vous l'enverrai en entier, mais<br />
quand, je ne peux pas vous le dire. Voici ce qu'il y a<br />
pour le moment.<br />
J'ai fait faire un tube en fer blanc pour l'expedition,.<br />
tube que vous me renverrez apres. Les etudes iront chez<br />
Cardoso, et lui vous les enverra apres.<br />
Amities de
LETTRES<br />
E. Vianna<br />
a Sonia Delaunay,<br />
Vigo<br />
Chere Madame,<br />
Vila do Conde<br />
(Jeudi 25 mai ?)<br />
Beatriz est venue me parler depuis qu'elle a recu<br />
votre lettre.<br />
Peut-etre lui donnerai-je pour vous les deux etudes<br />
que je viens de finir pour que Delaunay les voie (le<br />
Concert et la Promenade), mais pas roulees. Le Covlcert<br />
est arrive abime, n'etant pas sec, et je crains la meme<br />
chose pour la Promenade. Je verrai.<br />
Les lettres doivent partir pour Lisbonne aujourd'hui,<br />
par le train de quatre heures.<br />
Je viens de recevoir une carte de Delaunay. Je vais<br />
la lire.<br />
Mes respects.<br />
E. Vianna<br />
d Sonia Delaunay,<br />
Vigo<br />
VIANNA<br />
(Mai 1916 ?)<br />
Vila do Conde<br />
Le train va arriver.<br />
J'ai fabrique hier soir ce rouleau pour que mon<br />
pochoir, qui est frais, ne s'abime pas. L'autre s'est abime.<br />
Je le refais dans la grandeur de celuici, qui est la gran-<br />
deur de l'original de l'Album. Le train arrive. Je n'ai plus<br />
le temps d'ecrire.<br />
Amities a vous, a Delaunay, a Charlot. Je vous ecrirai<br />
aujourd'hui.<br />
VIANNA
Carte postale<br />
E. Vianna<br />
a Robert Delaunay,<br />
Vigo<br />
Mon cher ami,<br />
LETTRES<br />
Vila do Conde<br />
Dimanche 28 mai 1916<br />
Merci pour vos cartes postales. Ca ne va donc pas<br />
la sante ? Toujours le genou ? Puisque la volonte est<br />
forte, c'est ca qu'il faut. Moi, ma sante n'est pas mau-<br />
vaise, mais la volonte n'est pas toujours a la hauteur.<br />
Je travaille toujours. Je fais plutot de petites choses.<br />
Vous savez, la Promenade est arrivee meconnaissa-<br />
ble : le rouleau s'est completement aplati, les couvercles<br />
ont saute, a tel point qu'au moment ou le facteur me<br />
l'a donne, je me demandais s'il y avait quelque chose au<br />
milieu de tout ce gachis. Oui, il y avait quelque chose<br />
comme un chiffon, ratatine, foutu.<br />
Cardoso m'a ecrit. J'ai ecrit une longue lettre a<br />
Negreiros pour qu'il fasse l'article de Madame.<br />
Mes meilleures amities a vous tous.<br />
VIANNA<br />
Carte postale<br />
E. Vianna<br />
a Robert Delaunay,<br />
Vigo<br />
Mon cher ami,<br />
Vila do Conde<br />
(1.. juin 1916 ?)<br />
Avez-vous recu la lettre de Pacheco ? Je travaille et<br />
j'attends. Pas de panique.<br />
L'inquietude est moins pour moi que pour l'autre.<br />
Qu'estce que vous voulez, on a des faiblesses. Je suis<br />
ce que je suis. Je ne suis pas un costaud.<br />
Amities a tous de VIANNA<br />
J'ai recu votre disque. Nous verrons quand je pourrai<br />
vous envoyer des travaux.
LETTRES<br />
Carte postale<br />
E. Vianna<br />
a Sonia Delaunay,<br />
Vigo<br />
Chere Madame,<br />
Vila do Conde<br />
3 juin 1916<br />
Excusez-moi de ne pas vous repondre par lettre,<br />
mais je n'ai pas de papier.<br />
Merci de votre lettre. Alors ? Le á torron â' n'a pas<br />
pu s'embeter en silence a Tolede ? Combien de conjonc-<br />
tivites â a-t-il rapportees de la-bas ? Et les á vouvous â V<br />
Je travaille de neuf heures a sept heures du soir. Je<br />
prends tout ce temps-la, pas pour faire beaucoup de<br />
choses (c'est-a-dire, pas dans ce but-la), mais pour per-<br />
fectionner mon metier, l'augmenter toujours et tacher<br />
de toujours faire mieux. Je decouvre toujours du nou-<br />
veau, et, une fois fini, je crois toujours avoir fait un<br />
pas en avant. Je cherche maintenant dans mes etudes la<br />
decision, la nettete. Et vous me direz si, de ce cote-la,<br />
j'ai fait des progres. Je choisis six de mes etudes pour<br />
vous les envoyer, et je suis en train de les refaire. Ce<br />
serait degoutant qu'elles arrivent collees les unes aux<br />
autres, bien que le tube que j'ai fait faire soit peutetre<br />
assez large. Elles iront chez Cardoso, et Cardoso vous<br />
les enverra. Est-ce que le disque de Delaunay, c'est la<br />
couverture de l'Album ? Repondez-moi sur ce point s'il<br />
vous plait.<br />
Voici ce que dit Pacheco dans sa lettre : Almada est<br />
parti a la campagne chez un ami. Smith a change<br />
d'adresse, il habite Montmartre maintenant. (Et dire<br />
que ce couillon-la ne m'a rien dit ! Et voila comment mes<br />
couleurs sont pour la deuxieme fois en panne.) Pacheco<br />
1. L'identite de la personne designee par ce sobriquet n'a pu etre<br />
precisee par Mme Delaunay.<br />
2. Allusion a une expression enfantine du petit Charles.
Lettre de Vianna a Robert Delaunay, 23 juin 1916 : page 1 a droite<br />
et page 4 a gauche.
Suite de la lettre de Vianna a Robert Delaunay. 23 juin 1916<br />
page 2 a gauche et page 3 a droite.
LETTRES<br />
dit encore que Almada n'ecrit aucun article, parce que<br />
l'ldeia Nacional ne publie que des choses politiques. Il<br />
parait que le directeur est absolument intransigeant<br />
pour des articles sur l'art moderne. Il dit encore qu'il<br />
voudrait bien aller en Espagne, mais que le gouverne-<br />
ment exige une forte somme en depot. Il est invite a<br />
passer l'ete a Saint-Jean-de-Luz chez un ami portugais<br />
qui s'y trouve. Et c'est tout.<br />
Amities a tous.<br />
VIANNA<br />
E. Vianna<br />
a Robert et Sonia Delaunay,<br />
Vigo<br />
Mes chers amis,<br />
Porto<br />
Vendredi 23 juin 1916<br />
Je viens de chez Cardoso ou j'ai passe quelques jours<br />
admirables. Il a beaucoup de travail a l'huile, car c'est<br />
le seul metier qui serve son beau temperament d'artiste<br />
consciencieux, ferme et spontane. La cire, il la trouve<br />
trop molle et vague, mais l'huile, il la connait deja bien,<br />
et il travaille beaucoup, toujours dans le but de per-<br />
fectionner son metier - et quelques echantillons qu'il<br />
a sont de tres belles choses. Cela fait bien voir son<br />
exposition. Il a enormement de travail fini et beaucoup<br />
de commence. On a la Rimbaud dans la montagne. On<br />
a sans cesse parle d'art. J'ai passe de tres belles journees,<br />
qui comptent dans ma vie, en compagnie d'un vieil ami,<br />
'qui est un artiste et un homme.<br />
Je suis a Porto. Ce soir, ie serai a Vila do Conde. Les<br />
etudes je les expedierai aujourd'hui d'ici, de Porto.<br />
Amities a tous de<br />
VIANNA<br />
Juin, la veille de la Saint-Jean.<br />
S'il vous plait, vous me renverrez le tube par retour du<br />
courrier.
LETTRES<br />
Carte postale<br />
E. Vianna<br />
a Sonia Delaunay,<br />
Vigo<br />
Mes chers amis,<br />
Vila do Conde<br />
Lundi 26 juin 1916<br />
Je suis de retour a Vila do Conde. Tous ces joursci<br />
ou j'ai ete en balade m'ont mis en distraction, et il m'est<br />
tres dur maintenant de reprendre le travail. J'ai recom-<br />
mence tout de meme, malgre mon peu d'enthousiasme.<br />
Parfois, on sent le besoin d'abandonner le travail, mais<br />
ce n'est que plus dur aprks pour s'y remettre. Avez-vous<br />
recu le rouleau ? N'oubliez pas de me le dire.<br />
Amities a tous.<br />
J'ai recu les couleurs Vignol, enfin !<br />
Pacheco vient d'acquerir le Salao Bobone pour expo-<br />
sitions, conferences, etc. II parait qu'il y a huit societai-<br />
res fondateurs artistes. Il m'invite. Il y a d'autres socie-<br />
taires, comtes, marquis, medecins ... la u haute D<br />
portugaise quoi ! Il me demande si je consens a exposer.<br />
Je vais lui repondre.<br />
Vous travaillez beaucoup ?<br />
Pas recu les couleurs a macarron D '.<br />
1. Sans doute un sobriquet. Il revient egalement sous la plume de<br />
Souza-Cardoso.<br />
162
Carte postale<br />
E. Vianna<br />
a Sonia Delaunay,<br />
Vigo<br />
Chere Madame,<br />
LETTRES<br />
Vila do Conde<br />
30 juin 1916<br />
On -s'est etonne! de votre resolution de venir au<br />
Minho. Je n'ai pas de conseils a vous donner, meme pour<br />
rien, mais tout de meme, je dois vous rappeler que la<br />
caracteristique des Portugais c'est une mefiance terri-<br />
blement tetue, et malgre 'toutes les preuves evidentes,<br />
ils s'obstinent a voir de travers ... mais ce que je vous<br />
dis, c'est ce que j'entends, et tout le Portugal est provincc<br />
comme vous le savez bien. Mais il est evident que vous<br />
avez la mesure et c'est moi qui me trompe peut-etre.<br />
Quand meme, comme je vous le dis aussi, ne vous fiez<br />
pas trop. Saisissez bien l'epoque, la frontiere, la betise<br />
humaine.<br />
Je vous prie de m'envoyer le tuyau le plus tot que<br />
vous pourrez, car j'en ai grand besoin.<br />
Je ne sais pas encore si je resterai a Vila do Conde ou<br />
si j'irai au Sud. Cela va dependre.<br />
Amities a tous.<br />
Je vous enverrai le bulletin que vous me demandez.
Jose Pacheco<br />
a Robert ~elauna~,<br />
Vigo<br />
Mon cher Delaunay,<br />
LETTRES<br />
Lisbonne<br />
22 avril 1916<br />
Ne soyez pas inquiet. Il y a eu un malentendu a<br />
cause de la malhonnetete du consul de France a Porto,<br />
mais, comme vous le voyez par le nouvel article que je<br />
vous envoie, tout est presque eclairci, et, bientot, vous<br />
allez revoir votre femme.<br />
Ne vous impatientez pas, ne bougez pas, n'ecrivez<br />
Pas.<br />
J'ai bien recu votre lettre ; je vous en remercie.<br />
Donnez toujours de vos nouvelles, et croyez-moi<br />
votre ami.<br />
Carte postale<br />
Josd Pacheco<br />
a Eduardo Vianna,<br />
7 rua Bento Freitas<br />
Villa do Conde<br />
Meu Caro Eduardo,<br />
Jose PACHECO<br />
Lisboa<br />
(16 mai 1916)<br />
Agradeco a tua carta : ainda niio respondi porque<br />
tenho andado como podes calcular com a morte do<br />
Mario e do Picotos Falcao. Pobres amigos !<br />
Com respeito ao artigo sobre a Delaunay, n5o posso<br />
fazer nada porque aquilo agora e s6 a porcaria da politica.<br />
O Almada ja niio collabora. Escreve e recebe um<br />
grande abraco do teu<br />
Jose PACHECO
LETTRES<br />
Traduction de la carte precedente :<br />
Mon cher Eduardo,<br />
Je te remercie de ta lettre ; je n'y ai pas encore<br />
repondu car, comme tu peux le deviner, j'ai ete boule-<br />
verse par la mort de Mariol et de Picotos Falcao. Pau-<br />
vres amis !<br />
Au sujet de l'article sur Madame Delaunay, je ne<br />
peux rien faire parce que cette feuille n'est plus mainte-<br />
nant qu'une salete de politique. Almada n'y collabore<br />
deja plus.<br />
Ecris-moi, et recois une grande accolade de ton<br />
Jose PACHECO<br />
Note de Vianna griffonnee en travers, a l'intention des Delaunay :<br />
Lisez la carte de Pacheco. C'est bien ce que je vous<br />
disais.<br />
Amities de<br />
Jose Pacheco<br />
a Eduardo Vianna,<br />
Vila do Conde<br />
Meu Querido Eduardo,<br />
VIANNA<br />
Lisboa<br />
20 de Maio de 1916<br />
Escrevi ha dias um postal para tua morada antiga,<br />
d'ahi, mas como receio que te nao te tenha sido entre-<br />
gue, e ja tivesse encontrado a tua ultima carta, na qua1<br />
vem O teu novo adresse, escrevo-te hoje novamente, nao<br />
1. Mario de Sa-Carneiro.
LETTRES<br />
para te dar novidades, que as nao ha, mas para que<br />
saibas que me lembro de ti.<br />
Sobre O artigo da Delaunay feito pelo Almada, nada<br />
se pode fazer, porque como O Homem Christo nada mais<br />
queira no jornal, que politica, e seja tudo quanto ha<br />
de mais intransigente sobre arte moderna, O Almada<br />
Negreiros nalo quiz fazer mais nada.<br />
O Almada foi antes de hontem para uma quinta em<br />
Obidos, do Ayres Pinto da Cunha, com este. Eu, agora<br />
espiritualmente encontro-me quasi s6 demais ja nem,<br />
infelismente, recebo cartas do nosso querido Mario de<br />
Sa-Carneiro.<br />
O Franco tambem ha muito tempo que me nalo<br />
escreve.<br />
O pobre Picotos Falcao enterrou-se vai hontem oito<br />
dias.<br />
O Barradas esse felismente esta bem. Tem-me escripto<br />
muitas cartas, e a familia d'elle mandou-me convidar<br />
para ir passar uns tempos a San Juan de Luz com elles<br />
e para onde V ~ O passar O verao.<br />
Disse-me O Barradas, que O Smith se mudou para<br />
Montmartre, 44 rue des Martyrs.<br />
Eu nao sei se poderei sahir, porque querem oitenta<br />
e cinco mil reis de deposito : no entant0 ja fiz requeri-<br />
mento.<br />
Peco-te, quando escreveres aos Delaunay, lhe apre-<br />
sentes os meus respeitos e de minha mulher.<br />
Um grande abraco do teu<br />
Jose PACHECO<br />
A Exposicao da Sociedade e um horror exceptuando<br />
Mily Possoz e Dordio Gomes.
LETTRES<br />
Traduction de la lettre prtctdente : Lisbonne<br />
20 mai 1916<br />
Mon tres cher Eduardo,<br />
J'ai ecrit il y a quelques jours une carte postale a<br />
ton ancienne adresse de Villa do Conde, mais, comme je<br />
crains qu'elle ne t'ait pas ete remise et qu'entre-temps<br />
j'ai trouve ta derniere lettre avec ta nouvelle adresse,<br />
je t'ecris de nouveau, non pour te donner des nouvelles<br />
- car il n'y en a pas - mais pour que tu saches que je<br />
pense a toi.<br />
En ce qui concerne l'article de Madame Delaunay fait<br />
par Almada, on ne peut rien faire, parce que Homem<br />
Christo ' n'accepte dans son journal que de la politique<br />
et qu'il est tout ce qu'il y a de plus intransigeant sur<br />
l'art moderne. Almada-Negreiros a decide de ne plus rien<br />
faire.<br />
Almada est parti avant-hier dans une ferme, a Obidos,<br />
chez Ayres Pinto da Cunha et avec ce dernier. Moi, en<br />
ce moment, je me trouve spirituellement presque seul,<br />
et, en outre, malheureusement, je ne recois plus de lettres<br />
de notre cher Mario de Sa-Carneiro.<br />
Franco, lui aussi, il y a longtemps qu'il ne m'a pas<br />
ecrit.<br />
Le pauvre Picotos Falcao a ete enterre il y a eu huit<br />
jours hier.<br />
Barradas, lui, heureusement, va bien. Il m'a ecrit<br />
plusieurs lettres, et sa famille m'a invite a aller passer<br />
quelque temps chez elle, a Saint-Jean-de-Luz, ou elle<br />
passe l'ete.<br />
Barradas me dit que Smith a demenage a Montmartre,<br />
44 rue des Martyrs.<br />
170<br />
1. Directeur de la revue A Ideia Nacional.
LETTRES<br />
Moi, j'ignore si je pourrai sortir du pays, parce qu'on<br />
me demande quatre-vingtcinq mille reis de depot. J'ai<br />
tout de meme fait la demande.<br />
Quand tu ecriras aux Delaunay, je te prie de leur<br />
presenter mes respects et ceux de ma femme.<br />
Une grande accolade de ton<br />
Jose PACHECO<br />
L'Exposition de la Societe, c'est une horreur, a l'excep-<br />
tion de Mily Possoz et de Dordio Gomes.<br />
Note de Vianna griffonnee en travers de cette lettre a t'intention<br />
des Delaunay :<br />
Mon papier a lettre va etre bientot pret.<br />
La petite affiche est faite.<br />
Je vous ai dit que j'avais ecrit une lettre a Almada<br />
sur l'article.<br />
Voici ce que je recois de Pacheco.<br />
Amities.<br />
VIANNA<br />
Je vous enverrai six etudes dans quelques jours.' Est-<br />
ce que l'album no 1 est dans les dimensions du papier<br />
que Delaunay m'envoie ? Vous croyez qu'un album fait<br />
a la main peut se vendre pas cher ?<br />
Je vous ai envoye une carte postale a l'Hotel de<br />
Francia.
1916<br />
Avril - Mai - Juin<br />
<strong>josE</strong> <strong>DE</strong><br />
ALMADA-NEGREIROS
Almada<br />
a Sonia Delaunay,<br />
Hotel de Paris<br />
Porto<br />
Madame,<br />
LETTRES<br />
Lisbonne<br />
23 avril 1916<br />
Toujours merci.<br />
Je voudrais vous ecrire une tres longue lettre, mais<br />
la vie que je mene n'est pas la mienne.<br />
Pacheco m'a dit que vous veniez ici et alors je vous<br />
dirai tout. J'ai beaucoup travaille la couleur simultanee.<br />
Toujours merci.<br />
Almada<br />
a Sonia Delaunay,<br />
Vigo<br />
Praca Marques de Pombal<br />
Lisbonne<br />
30 mai 1916<br />
Ne croyez-vous pas qu'on n'ecrit pas A quelqu'un<br />
parce qu'on l'aime trop ? Moi, je le crois et je l'ai fait.<br />
J'ai toujours avec moi vos lettres, vos belles lettres,<br />
et pensez-vous que j'ai aussi des reponses ecrites, mais<br />
pas suffisantes d'Art et de Poesie.<br />
Zenith ' vit avec moi, et je vous le demande A genoux<br />
si vous voulez. Oui, c'est par amour qu'il est chez moi.<br />
Je le comprends si bien, comme si c'etait mon portrait<br />
ou j'apparaisse plus beau. Je ne comprends meme pas<br />
que Zenith n'ait pas ete fait pour moi.<br />
1. Poeme de Cendrars et composition de Sonia Delaunay, marquant<br />
l'avknement du poeme-tableau.
LETTRES<br />
0 ! j'aime ma vanite epatante. Combien de jours<br />
Zenith va vivre la-haut chez vous ?<br />
Plus je vis, plus je suis jeune, bellement jeune, plus<br />
j'aime mon talent grandissant en vous admirant excessi-<br />
vement, a la maniere du luxe imperial de la Russie-Sonia.<br />
O ! ce vice de vous croire la seule,<br />
Celle qui rit dans les eclairs,<br />
sujet de mon Poeme qui Fera tourner le monde plus vite,<br />
La seule qui fait taire et qui vit<br />
dans les images des miroirs Veronese aux gestes<br />
[phosphorescents<br />
de mon dCsir surnaturel delire de vous croire<br />
descendue en Europe pour precher<br />
La Verite des choses.<br />
Mon ex-libris :<br />
Vivent les choses !<br />
Vivam as coisas !<br />
Bravo a las cosas !<br />
Hurrah for things !<br />
Es leben die Lachen !<br />
O ! je veux vous Ccrire tous les jours<br />
Je veux vos lettres pour moi.<br />
J'Ctais en province a faire mon artiste aristocratique des<br />
chateaux du feodalisme, pour dire<br />
a messieurs les marquis<br />
et mesdames les marquises<br />
La seule qui vaut plus que la vie,<br />
La seule dont on peut chanter le genie de faire la paix.<br />
Demain je serai soldat<br />
et Madame ma marraine de guerre, oui ?<br />
Je veux avoir un bracelet de fer inscrit Sonia, oui ?<br />
Apres-demain sort un<br />
u MANIFESTO ANTI-DANTAS E POR EXTENSO â<br />
par JosC de Almada-Negreiros<br />
Le numCro 1 sera pour Madame.<br />
Je vous remercie.
37. RUA 00 M UN00<br />
26, 4 JA DAS GAVEAS<br />
lu
Lettre dAlmada a Sonia Delaunay, 23 avril 1916.
Derniere page du Manifeste anti-Dantas de Jose de Almada-<br />
Negreiros, dedicace a Sonia Delaunay-Terk.<br />
Liste des litteraires de Jose de Almada-Negreiros, incluvznt<br />
des Poemes portugais, par Mme Sonia Delaunay-Terk et Jose<br />
de Almada-Negreiros â, demeures a l'etat de preparation, ainsi<br />
que le á Ballet Veronese et Bleu D.<br />
On peut lire, au bas de la page, cette note de l'auteur : u Tacs<br />
ces livres doivent etre lus au moins deux fois par les plus intelli-<br />
gents; doubler la dose a chaque echelon degressif. â
LETTRES<br />
a Poemes portugais par Madame Delaunay-Terk<br />
et Jose de Almada-Negreiros D<br />
Ca reussira.<br />
J'ai de belles aquarelles pour M. Robert Delaunay.<br />
Ce soir meme je lui dirai ma sympathique opinion sur les<br />
expositions mouvantes.<br />
Sur mon article d'ldeia Nacional :<br />
je suis sorti de cette chose ignoble,<br />
et je lirai la semaine prochaine a des gens comme il faut<br />
une conferenceeloge sur l'art de Madame, et tout de<br />
suite je la ferai imprimer, et toute l'edition vous appar-<br />
tient deja.<br />
Je ne peux pas oublier nos ballets. Et vous ?<br />
Vianna, je ne sais pas. Cardoso m'a envoye une lettre a<br />
cause de mon article d'ldeia Nacional sur Madame. Je<br />
me suis borne a la reproduction de la lettre du pauvre.<br />
J'ai des poemes EXTRAORDINAIRES<br />
Ca vous etonnera,<br />
moi aussi, je suis etonne.<br />
Les bons amis de Lisbonne vont me faire l'hommage<br />
d'un diner, mais, malgre ca, moi seul je me comprends<br />
comme il faut.<br />
J'attends notre rendez-vous de Porto. Dites-moi vite,<br />
pour preparer les choses a cause de la vie militaire. O<br />
merde ! Perestrello a ete a Porto emerveille par Madame<br />
Sonia qui lui parla de moi gentiment.<br />
Savez-vous ? Je ne sais pas ce qu'est un malheureux.<br />
Je ne veux meme pas le savoir.<br />
Et bientot, je serai parfaitement moi.<br />
Cela me fait sourire ma difficulte d'ecrire le francais.<br />
Je saurai aussi le grec pour me faire entendre<br />
des gens que je veux.<br />
J'ai recu une photo de Madame que j'ai aimee a ma<br />
maniere.
LETTRES<br />
Et comme je suis trop long<br />
MADAME SAIT TRES BIEN<br />
QUE JE ME <strong>DE</strong>FENDS<br />
<strong>DE</strong> NE PAS VOUS AIMER<br />
AVEC INTELLIGENCE<br />
JOSE<br />
<strong>DE</strong><br />
ALMADA-NEGREIROS<br />
Nous nous sommes efforces de reproduire typographiquement la<br />
disposition du manuscrit de cette lettre-poeme, qui en traduit le tempo<br />
et les intonations.
191 6<br />
Juillet - Aout - Septembre<br />
AMA<strong>DE</strong>U <strong>DE</strong><br />
SOUZA-CARDOSO
Carte postale<br />
A. de SouzaCardoso<br />
a Sonia Delaunay,<br />
Vigo<br />
Chere Madame,<br />
' LETTRES<br />
Porto<br />
Mercredi 5 juillet 1916<br />
Je viens de recevoir la somme d'argent et de remet-<br />
tre a P. Leite1 votre Rimbauda dans le meme etat de<br />
conservation que je l'ai eu de vos mains. Je vous remer-<br />
cie.<br />
Bonjours a Delaunay et a Charlot.<br />
Tres respectueusement a vous,<br />
A. de SouzaCardoso<br />
a Robert Delaunav,<br />
Vigo<br />
Cher Ami,<br />
Manhuf e<br />
Mardi 11 juillet 1916<br />
J'ai recu les toiles, merci. Quant aux couleurs, pas<br />
encore arrivees. J'ai fait chercher plusieurs fois a la<br />
gare aussi bien qu'a la poste - et rien. Je vous renvoie<br />
ci-joint la feuille d'expedition pour que vous puissiez<br />
reclamer.<br />
Au Portugal, selon les decrets en vigueur maintenant,<br />
tous les etrangers sujets des pays allies doivent se pre-<br />
1. Joaquirn Pinto Leite Homem de Almeida, banquier a Porto.<br />
2. Il s'agit peut-@tre de l'exemplaire de Rimbaud relie par Sonia<br />
Delaunay. a Ces reliures sont des ensembles de papiers de couleurs<br />
decoupes et colles selon un sens plastique ne d'un etat poetique en<br />
relation avec le poete des IlIwnimtions (R. Delaunay).
LETTRES<br />
senter au service militaire - pour ainsi faciliter a cha-<br />
cun la possibilite de servir sa patrie, bien entendu.<br />
Mes couleurs a la cire sont toutes pourries et sentent<br />
une infection. Je travaille beaucoup a l'huile. Vianna est<br />
reparti dans son cher petit pays.<br />
Bonjour a Madame et a Charlot. Affectueusement,<br />
Carte postale<br />
A. de SouzaEardoso<br />
a Robert Delaunay,<br />
Vigo<br />
Cher Ami,<br />
Manhufe<br />
Mercredi 12 juillet 1916<br />
Enfin, les couleurs sont arrivees ! Voulez-vous me<br />
dire si vous etes encore a Vigo pour que je vous fasse<br />
parvenir la somme de 3 F 50 que je vous dois.<br />
Cordialement,<br />
CARDOSO<br />
A. de SouzaCardoso<br />
a Robert Delaunay,<br />
Cher Ami,<br />
Manhuf e<br />
27 juillet 1916<br />
Tres content d'avoir de vos nouvelles - pas moins<br />
de vous savoir en plein travail. C'est tres bien, il faut<br />
un grand travail.<br />
Le manifeste Negreiros est tres bien et tres portugais.
LETTRES<br />
Comptez-vous passer l'ete sur les plages du Nord ?<br />
Donnez toujours de vos nouvelles. Bons souvenirs a<br />
tous.<br />
Affectueusement,<br />
CARWSO<br />
Ma femme est tres tres malade en ce moment !<br />
A. de SouzaCardoso<br />
a Robert Delaunay,<br />
Vigo<br />
Mon cher Delaunay,<br />
Manhufe<br />
Lundi 31 juillet 1916<br />
Je vous envoie ci-joint la somme, en timbres-poste,<br />
montant du papier : 3 F 50. Merci.<br />
Etes-vous contents du pays ? Y passez-vous l'ete ?<br />
Vous etes en grand travail. C'est tres bien.<br />
Moi aussi je travaille. Suis tres heureux - l'ai tou-<br />
jours ete - grace a Dieu !<br />
Je serai aussi content d'avoir de vos nouvelles.<br />
Madame m'a promis un Transsiberien, et aussi de<br />
me preter Laforgue. Veuillez lui dire que je n'oublie<br />
pas sa parole.<br />
Bon souvenirs a tous. Affectueusement,
LETTRES<br />
A. de SouzaCardoso<br />
h Sonia Delaunay,<br />
Vigo<br />
Chere Madame,<br />
\<br />
Jeudi 3 aoUt 1916 (?)<br />
Votre lettre m'est arrivee hier mercredi. Je viens de<br />
la 'lire, ayant ete absent. Je ne connais le Minho que de<br />
passage dans le train ; je ne puis vous donner des rem<br />
seignements precis. Il y a environ dix ans, j'ai passe<br />
deux jours dans une petite plage au nord de Viana,<br />
desservie par le chemin de fer qui conduit a Valenca.<br />
Des personnes de ma famille, qui y ont sejourne plusieurs<br />
fois, me disent que c'est un petit endroit tranquille, avec<br />
des environs tres beaux et verdoyants. A part cela, il<br />
y a une bonne ligne de chemin de fer vous conduisant du<br />
nord au sud, pres d'une ville assez approvisionnee. Enfin,<br />
allez-y ; vous verrez ; il me semble que cela vous plaira.<br />
Cette plage s'appelle Ancora, au nord de Viana.<br />
Donnez toujours de vos nouvelles. Tres respectueuse-<br />
ment a vous,<br />
SOUZA-CARWSO<br />
A. de SouzaCardoso<br />
h Robert Delaunay,<br />
Vigo<br />
Mon cher Delaunay,<br />
Manhufe, vendredi<br />
(4 aout 1916 ?)<br />
Nous avons une maison a Espinho ', mais nous ne<br />
comptons pas la louer : mes parents y passent les mois<br />
d'ete. Quant aux renseignements que je peux vous don-<br />
ner, je sais tout simplement que c'est horriblement<br />
bourgeois, et les petites plages entre Porto et Espinho,<br />
1. Plage situee a une vingtaine de kilometres au sud de Porto, et<br />
ou l'artiste devait mourir le 25 octobre 1918.
LETTRES<br />
c'est encore plus mal. S'il y a quelque chose qui puisse<br />
vous plaire, c'est au sud d'Espinho, entre Ovar et Aveiro,<br />
ou d'autres petits endroits, ou alors dans le Minho. Je<br />
ne sors jamais de mes montagnes ou je me donne au<br />
travail, donc je ne pourrai pas vous etre utile dans la<br />
recherche de ce qui vous interesse.<br />
Quant aux couleurs, je n'ai encore rien recu, l'argent<br />
non plus. Je viens de recevoir un mot de Confienca, me<br />
disant que, jusqu'a present, rien n'est arrive.<br />
Je regrette de vous dire que je ne ferai pas de<br />
pochoirs. Je suis absolument nul dans ce travail, c'est<br />
un esclavage que je ne veux pas subir. J'ai essaye et<br />
vite regrette : c'est une industrie horrible avec des resul-<br />
tats mauvais. Je parle pour moi. C'est peut-etre tres<br />
bien pour d'autres, mais, au fond, c'est remplacer la<br />
mecanique par la mecanique. Il faudrait autre chose que<br />
les vieux systemes, quelque chose de tres varie et de<br />
tres moderne.<br />
Je travaille. Au fond, tout se resume a connaitre bien<br />
son metier - c'est fini la destruction.<br />
Je suis etonne que vous reveniez dans ce pays !<br />
Bonjour a Madame et a Charlot. Affectueusement,<br />
Carte-lettre<br />
A. de Souza-Cardoso<br />
a Robert Delaunas,<br />
Poste restante<br />
Moncuo<br />
Cher Ami Delaunay,<br />
Manhufe, Vila Me5<br />
Mercredi 19 aout 1916<br />
Je ne vous ecris que maintenant, ayant ete absent.<br />
Recu votre carte postale, pas encore la lettre de Madame,<br />
que j'attends.
LETTRES<br />
Je sens que vous travaillez, cela me fait plaisir. Ne<br />
comptez-vous pas revenir a Porto ? On pourrait se<br />
revoir, cela nous changerait les idees.<br />
Ma femme va bien maintenant.<br />
Affectueusement,<br />
A. de SouzaEardoso<br />
a Sonia Delaunay,<br />
MoncZo<br />
Chere Madame,<br />
Manhufe<br />
Lundi 28 aout 1916<br />
Recu votre tres charmante lettre. Quand je serai<br />
sage et que ma comprehension des pochoirs sera plus<br />
developpee, vous me dedicacerez le Transsiberien. C'est<br />
tres amusant.<br />
Ma femme se porte bien maintenant, elle vous envoie<br />
ses meilleurs souvenirs. Je vous felicite pour vos succes<br />
a travers le monde ; le travail est vainqueur.<br />
J'aime vraiment votre art, c'est dommage que vous<br />
fassiez tant de politique.<br />
L'entraide n'etant pas naturelle et franche n'aboutit<br />
jamais.<br />
J'ai fait en troisieme classe un tres bon voyage a<br />
Lisbonne ; il faisait tres chaud.<br />
Je serai content d'avoir toujours de vos nouvelles.<br />
Mes meilleures amities pour Delaunay et Charlot,<br />
et, pour vous, mes sentiments respectueux.<br />
Amadeu de SOUZA-CARWSO
191 6<br />
Juillet - Aout - Septembre<br />
EDUARDO VIANNA
E. Vianna<br />
a Sonia Delaunay,<br />
Vigo<br />
Madame Delaunay,<br />
LETTRES<br />
Vila do Conde<br />
6 juillet 1916<br />
J'avais ecrit hier soir une lettre a Delaunay - pas<br />
le Delaunay que j'ai connu, mais le Delaunay, comme il<br />
a si bien dit, de toutes les devantures des bistrots de<br />
Paris. C'etait la reponse a sa lettre grossiere et vulgaire<br />
d'esprit, sentant plutot le pet - excusez-moi - d'un<br />
monsieur trop gros qui a mal digere ... l'histoire des<br />
pochoirs.<br />
Ce matin, deja interesse par la continuation de mon<br />
dernier tableau, emballe par la decouverte d'une nou-<br />
velle matiere riche, grasse, sans l'inconvenient de laisser<br />
de vilaines taches de l'autre cote du papier, content<br />
parce que mes essais ont finalement abouti a un resultat<br />
merveilleux pour moi et pour bien d'autres, content de<br />
la vie, content du travail, je me suis dit : á Non, parce<br />
qu'un monsieur qui a le mur trop gros etouffe, eclate et<br />
pete, ce n'est pas une raison pour qu'on pete aussi ! n<br />
Excusez-moi de vous parler ainsi, mais l'esprit de<br />
Robert m'a tourne le ciboulot. Donc, pour finir cette<br />
histoire si peu interessante, je dirai que j'ai fourre tout<br />
dans un tiroir, en attendant que, par son indelicatesse<br />
et sa malproprete, il me pousse a lui dire des verites<br />
qui, je le sais, lui seront tres dures, bien qu'il veuille<br />
faire croire le contraire,<br />
Maintenant, je travaille. Je n'ai pas de temps pour<br />
des commerages, car, en somme, vous concevez qu'on<br />
peut travailler fort et dur sans passer son temps a faire<br />
ce pauvre travail abrutissant de pochoirs ? Je ne com-<br />
prends rien du tout. Comment diable avez-vous pu penser<br />
que les etudes que je vous ai envoyees etaient faites<br />
au pochoir ? Pourtant, vous etes cales dans le metier.<br />
Estce qu'on obtient la degradation des tons par la
LETTRES<br />
rengaine des cartons. Vous voyez bien qu'on peut obtenir<br />
le meme resultat qu'avec les pochoirs - avec la sensi-<br />
bilite en plus - sans s'avilir par des moyens mecaniques.<br />
Mon Album est fait tout simplement comme les etudes,<br />
avec une matiere nouvelle. Mais je m'eloigne de mon<br />
but, et je vais finir.<br />
Ce n'est pas tout de se dire adieu ; il faut que ma<br />
situation soit nette envers vous. Vous avez de l'argent a<br />
moi, c'est-adire mes tableaux destines a etre exposes<br />
dans toutes ces fantastiques expositions. Mon grand<br />
tableau et les six petits que vous m'avez demandes<br />
dans le but deja mentionne, et les statuettes negres que<br />
vous avez emportees pour les vendre. Et voila : c'est<br />
mon travail, c'est mon argent. Donc, Madame, voulez-<br />
vous avoir la bonte, s'il vous plait, de me dire, avant<br />
que je parte pour Lisbonne dans quelques jours, com-<br />
ment il faut faire pour que je reprenne mes choses.<br />
Voulez-vous avoir la bonte, s'il vous plait, de m'en-<br />
voyer a mes frais, ce qui m'appartient. Je vous donnerai<br />
mon adresse a Lisbonne pour l'expedition, mais il faut<br />
que je sache quelles sont vos intentions la-dessus.<br />
J'espere en vous, de qui je n'ai rien a dire jusqu'a ce<br />
moment, et de qui je n'ai rien que de bons souvenirs.<br />
J'espere que vous me repondrez avec la nettete et l'honne-<br />
tete qui vous caracterisent.<br />
Mes salutations distinguees.
Carte postale<br />
E. Vianna<br />
a Sonia Delaunay,<br />
Poste restante, MoncSo<br />
LETTRES<br />
Vila do Conde<br />
16 septembre 1916<br />
Voulez-vous bien avoir l'amabilite de m'envoyer les<br />
tableaux dont j'ai tant besoin. Je ne vois rien de mieux<br />
que de rouler les six petits en dedans, enveloppes de<br />
gros papier et bien ficeles, envoyes en grande vitesse,<br />
Vila do Conde, rua do Lidador 28. Pour le moment, seule-<br />
ment les tableaux. Voulez-vous avoir la bonte de me<br />
dire combien ca peut couter, pour vous envoyer l'argent ?<br />
Excusez-moi de vous deranger, mais je ne vois pas un<br />
autre moyen d'avoir mes tableaux. Mes beaux souvenirs<br />
persistent, malgre tout.<br />
Mes salutations a tous.<br />
E. Vianna<br />
a Sonia Delaunay.<br />
Valenca do Minho<br />
Chere Madame,<br />
Vila do Conde<br />
Jeudi 21 septembre 1916<br />
J'ai su par Cardoso que vous vous portez bien et<br />
que vous travaillez beaucoup, ce que vraiment, j'ai<br />
apprecie.<br />
Nous l avons ete a Lisbonne. quelque temps.<br />
Je viens d'arriver a Vila do Conde, ou je passerai<br />
encore quelque temps, deux mois a peu pres. J'ai pense<br />
aller directement de la-bas a Valenca pour vous voir et<br />
emporter avec moi mes choses, dont j'ai grand besoin,<br />
surtout le grand tableau que je veux refaire.<br />
1. Vianna et Souza-Cardoso.
LETTRES<br />
Je vous ai ecrit ladessus, il y a longtemps de cela,<br />
mais n'ai obtenu de vous aucune reponse.<br />
Apres avoir reflechi, j'ai pense que ma visite inatten-<br />
due serait peutetre pour vous une surprise desagreable.<br />
Chere Madame, je sais que le temps vous est pre-<br />
cieux et je ne vous aurais pas embetee avec mes affaires<br />
si ce n'etait le grand besoin que j'ai de les avoir.<br />
Et c'est cela qui me fait ecrire pour vous demander,<br />
pour la deuxieme fois, si vous voulez bien avoir la bonte,<br />
la gentillesse, l'amabilite de me faire envoyer a mes<br />
frais le grand tableau, les six petits et les deux statuettes.<br />
Je vous demande mille excuses de vous deranger et<br />
je vous serai tres reconnaissant si vous voulez bien faire<br />
ce que je vous demande.<br />
En attendant de vous lire bientot, recevez, chere<br />
Madame, mes beaux souvenirs et mes salutations distin-<br />
guees.<br />
Vila do Conde<br />
Rua do Lidador 28<br />
E. VIANNA<br />
Carte postale<br />
E. ~ianna<br />
a Sonia Delaunay,<br />
Casa do Consul. Vuleqx<br />
Chere Madame,<br />
Espinho l<br />
Mercredi 27 septembre 1916<br />
Je vous ai ecrit a Valenca il y a de cela huit jours<br />
a peu pres. Avez-vous recu ma lettre ? Je vous prie d'avoir<br />
l'amabilite de me repondre, toujours a Vila do Conde.<br />
Salutations a vous tous.<br />
VIANNA<br />
1. Sans doute, au cours d'un sejour de Vianna dans la maison d'ete,<br />
au bord de la mer, de la famille Souza-Cardoso.<br />
192
1916<br />
Juillet - Aout - Septembre<br />
<strong>josE</strong> <strong>DE</strong><br />
ALMADA-NEGREIROS
Almada<br />
a Sonia Delaunay,<br />
Poste restante<br />
MoncGo<br />
Tous les jours je veux vous ecrire.<br />
Moi = soldat !<br />
Moi > < soldat !<br />
Demain, je vous dirai tout.<br />
LETTRES<br />
Lisbonne<br />
17 aout 1916
1916<br />
Octobre - Novembre - Decembre<br />
... et apres<br />
EDUARDO VIANNA
E. Vianna<br />
a Sonia Delaunay,<br />
Valenca<br />
Chere Madame,<br />
LETTRES<br />
Vila do Conde<br />
(Automne 1916)<br />
L'automne s'annonce merveilleux. On est souple et<br />
plein de bonheur. Il est evident qu'il faut etre souffrant<br />
pour etre mechant. Et je suis d'autant plus content que<br />
je ne suis ni l'un ni l'autre.<br />
J'ai laisse de cote Ia serie des petits tableaux,~et je<br />
suis dans les grands. Je travaille quatre matieres - la<br />
gomme, la cire, l'huile et - dans le meme tableau.<br />
C'est un travail difficile qui demande du tact, de la<br />
souplesse et de la nettete, mais c'est aussi un travail<br />
d'un charme tres grand, chaque matiere ayant sa qualite,<br />
comme vous le savez bien. Vibert n'est pas un sot,<br />
seulement, voila, il faut se renseigner.<br />
Vous avez fait de belles promenades a MoncZio, le<br />
long de la riviere, vous etes alles en Galicie naturellement.<br />
C'est tres joli par la. J'ai ete a MoncZio un mois<br />
dans le temps.<br />
Votre carte postale ne m'a pas emu du tout. Elle<br />
est trop malhonnete pour etre sincere. Je vous ai connu<br />
de plus beaux sourires que celui du pochoir.<br />
Je mets de l'ordre dans ma vie et dans ma conscience<br />
(ce n'est pas que je fasse ma biographie). Ce qui se<br />
brise dans la vie ne s'arrange plus, et je ne trouve cela<br />
ni triste ni malheureux. C'est comme ca - et, dans la<br />
vie, il y a plusieurs chemins a suivre. Chacun de nous<br />
est fort avec sa force, sensible avec sa sensibilite. Il est<br />
evident qu'on ne peut pas etre ce qu'on a ete, mais, du<br />
moment qu'il n'y a pas eu mort d'homme ni muflerie<br />
des plus grosses, on peut bien rester sur les souvenirs<br />
des beaux moments qu'on a eus de la camaraderie.<br />
Je vous ai ecrit deux cartes postales, auxquelles vous<br />
n'avez pas repondu. Je ne me suis pas etonne. Je ne<br />
m'etonne de rien. Comme je vous l'ai dit, j'ai un besoin
LETTRES<br />
immediat de mes tableaux. Pour vous eviter des demar-<br />
ches, que d'ailleurs vous n'auriez jamais faites pour moi,<br />
je suis en train de trouver par mon frere un individu<br />
de confiance avec lettre de moi, qui doit aller chez vous<br />
chercher mes choses. Il faut maintenant que vous me<br />
disiez si vous voulez bien les donner au porteur de ma<br />
lettre.<br />
Sur deux points, je vous prie d'avoir l'amabilite de<br />
me repondre. D'abord, ce que je viens de vous demander ;<br />
ensuite ceci : je vous offrirais bien un de mes derniers<br />
tableaux et serais bien content qu'il se trouve dans<br />
votre galerie en souvenir de moi. Eh bien, vous me<br />
direz si vous l'acceptez avec plaisir.<br />
Traitez-moi comme vous vaudrez, ne vous genez pas,<br />
mais surtout, je vous prie d'avoir l'amabilite de me<br />
repondre. Je vous salue, Madame, ainsi que Delaunay,<br />
Charlot et aussi Beatriz.<br />
Eduardo VIANNA<br />
Rua do Lidador 28. Vila do Conde.<br />
E. Vianna<br />
a Sonia Delaunay,<br />
Valenca<br />
Chere Madame,<br />
Vila do Conde<br />
(Automne 1916)<br />
Le 10<br />
C'est convenu, vous aurez votre tableau, ma parole<br />
d'honneur, et je n'en ai qu'une.<br />
Vous etes des gens de travail, vous avez un but dans<br />
la vie, et vous y arriverez, VU votre talent, votre energie,<br />
votre perseverance. C'est ce que je dis quand on me<br />
demande des nouvelles de vous. Et, en tant que gens<br />
de travail, vous avez droit a tous les respects qui vous<br />
sont dus.
Jouets portugais, tableau d'Eduardo Vianna. Huile sur toile,<br />
154 x 104 cm, 1916. Ce tableau fut, par la suite, retravaille par<br />
l'artiste.
La Revolte des poupees, tableau dlEduardo Vianna, 1916, offert<br />
par l'artiste a Sonia Delaunay (lettre du 27 octobre 1916). Actuelle-<br />
ment, collection particuliere.
LETTRES<br />
A part ca, vous etes un peu comme tout le monde.<br />
Quelques manies, pas trop de tact parfois, et pas mal<br />
de blague, a mistura '.<br />
A propos, avez-vous parle a Negreiros du bon poete<br />
que vous avez deniche a Monciio ? Cela doit l'interesser<br />
beaucoup. Mefiez-vous tout de meme un peu des talents<br />
trouves en province.<br />
Avec moi (vous me connaissez un peu je pense), pas<br />
de torron ' surtout : franchise pour franchise, honnetete<br />
pour honnetete, mais aussi ... mechancete pour mechan-<br />
cete. Cela, je vous le garantis ! Vous allez avoir l'amabilite<br />
de me dire que vous m'enverrez, dans la caisse que je<br />
ferai faire (ou ira votre toile) : la grande toile, les six<br />
papiers et la plus petite statuette. Vous m'enverrez aussi<br />
la largeur du tableau pour que je fasse faire la caisse<br />
immediatement. J'attends le plaisir de vous lire.<br />
Je vous souhaite a tous les trois de la sante pour<br />
supporter votre gros travail, car Charlot travaille aussi<br />
beaucoup surement.<br />
Salutations a Delaunay et a Charlot, et mes beaux<br />
souvenirs pour vous.<br />
Eduardo VIANNA<br />
E. Vianna<br />
a Sonia Delaunay,<br />
Chere Madame,<br />
Vila do Conde<br />
27 octobre 1916<br />
Quand je vous ai promis le tableau, j'etais en train<br />
de finir un grand tableau qui s'appelle la Revolte des<br />
poupees. Eh bien, je l'ai mis de cote pour en faire un<br />
petit pour vous. Je viens de le finir, et la semaine pro-<br />
chaine vous l'aurez chez vous.<br />
1. Pele-mele.<br />
2. Touron, friandise espagnole : pas de paroles mielleuses.<br />
201
LETTRES<br />
C'est le tableau le plus difficile que j'ai fait jusqu'a<br />
present. Je ne vous dis pas cela pour le faire valoir, ce<br />
chique n'est pas dans ma nature, mais vraiment, il est<br />
difficile, et le petit beaucoup plus dur que le grand. Si<br />
ce n'etait les quelques rouges qui ne sont que des anili-<br />
nes, car je n'en ai pas d'autres, ce serait un tableau<br />
capable de resister de nombreuses annees, car il n'est<br />
pas fait a la legere. Ce sont quelques jours de ma vie<br />
que je vous offre avec le plus grand plaisir, en souvenir<br />
du beau temps.<br />
Il est fait en plusieurs matieres, comme vous le<br />
verrez facilement. J'ai, du meme tableau, deux esquisses,<br />
l'une est a Lisbonne et l'autre m'a servi pour le tableau,<br />
votre petit tableau. Car j'ai tenu a vous faire un tableau.<br />
C'est l'etude numero 3 pour le grand tableau la Revolte<br />
des poupees, le dernier de la serie des tableaux sur les<br />
jouets portugais.<br />
J'ai quatre autres grands tableaux entre les mains et,<br />
quand la Pisseuse viendra, cela fera cinq, car j'ai le<br />
courage de l'attaquer de nouveau ! Celui-ci, le definitif,<br />
sera fait tout autrement.<br />
Vos travaux marchent n'est-ce pas ? Delaunay aura<br />
pour le commencement du mois prochain son petit<br />
tableau de la meme serie des jouets : l'Idole.<br />
Il faut vraiment du courage pour travailler dans les<br />
conditions ou je travaille, mais je crois fermement qu'un<br />
effort n'est jamais perdu, et c'est cela qui me soutient.<br />
Quant a des projets pour ma vie a venir, je n'en ai<br />
aucun, ou plutot j'en ai plusieurs, mais je pense d'abord<br />
a avoir mon compte de tableaux petits et grands. Et<br />
c'est assez parler de moi. Je vous serai reconnaissant de<br />
me donner de vos nouvelles.<br />
J'espere que vous n'etes pas froissee de rna 'blague<br />
ci la portugaise.<br />
Je vous souhaite a tous la sante et du travail fecond.<br />
Mes salutations a tous.<br />
VIANNA
E. Vianna<br />
a Sonia. Delaunay,<br />
Valenca<br />
Chere Madame,<br />
LETTRES<br />
Vila do Conde<br />
(Novembre 1916 ?)<br />
Merci pour vos amabilites.<br />
Ce n'est qu'hier que j'ai revu la Pisseuse '. Je ne sors<br />
pas de ma chambre, car mon sang, qui me fait des bla-<br />
gues, ne me le permet pas. Mais, dans quelques jours,<br />
apres un bon coup de canif, j'espere recommencer le<br />
travail et attaquer mon grand Vermeer, mon champ de<br />
bataille pour l'hiver.<br />
J'ai ete reinspectionne : Zsento condicionalmente !<br />
C'est assez equivoque, n'est-ce pas ?<br />
Quand je regarde ma Pisseuse, je pense a l'evidencz<br />
de la perte de mon sifflet.<br />
Madame, j'ai perdu mon sifflet !<br />
Mais je constate avec joie que le tableau revenu est<br />
mort a cote d'autres recents. Je travaille maintenant les<br />
dents serrees.<br />
Il est evident, quand on ecrit, qu'on ne dit que la<br />
moitie de ce que l'on pense. Il est vrai aussi qu'il y a<br />
une curiosite maligne a deviner l'autre moitie. Il y a tout<br />
de meme un passage dans votre lettre que je ne voudrais<br />
pas laisser passer une petite contestation, si vous me le<br />
permettez.<br />
Comment, diable, moi qui suis tout nerfs et ame dans<br />
mon travail puis-je faire une chose qui ne me ressemble<br />
meme pas ? Concevez-vous qu'on puisse creer sans joie ?<br />
11 n'y a pas de joie sans inquietude, car, en devoilaot<br />
les mysteres de nous-memes, les merveilleuses profon-<br />
deurs de notre ame, on ne le fait pas, mon Dieu, sans<br />
1. 11 semble qu'il s'agisse d'un tableau que Vianna avait envoye<br />
aux Delaunay, et que ceux-ci, a sa demande, lui ont reexpedie.<br />
2. Vianna a passe un nouveau conseil de revision et a ete reforme<br />
a titre temporaire.
LETTRES<br />
inquietude, comme le chasseur emerveille et terrorise<br />
qui traverse la foret vierge'et merveilleuse !<br />
Mais nous causerons, n'estce pas ? Et je vous ecou-<br />
terai, et je me rejouis deja de vous revoir et de pouvoir<br />
plonger dans d'autres mondes que ceux de mon imagi-<br />
nation. Cela me reposera de mes idees, comme vous le<br />
dites.<br />
Seulement, si vous n'avez pas l'intention de m'inviter,<br />
ne me faites pas compter d'avance sur le plaisir de vous<br />
revoir, vous et VQS<br />
Pour le livre de Cendrars ', inutile de vous dire la<br />
joie enorme pour moi de l'avoir dedicace par vous, mais<br />
je ne crois pas que Pacheco me l'enverra, meme avec un<br />
ordre de vous. C'est que, s'il suspecte que vous me le<br />
donnez, il preferera le garder pour lui, bien que nous<br />
soyons amis et pour cette raison meme !<br />
Comment faire donc ? J'y tiens a ce beau livre. Votre<br />
ame et celle de Cendrars seront de bonnes copines a moi<br />
cet hiver, car je l'aime ce livre-la. Je pense donc qu'il<br />
est preferable que vous le demandiez a Pacheco avec<br />
insistance et, quand il sera chez vous, ecrivez un mot<br />
aimable sur la couverture et envoyez-le moi tout de suite.<br />
Allez-vous le faire tout de suite ?<br />
Dommage que vous ne m'ayez pas envoye la petite<br />
statuette, car, il y a deja longtemps de cela, depuis mon<br />
dernier sejour a Lisbonne, un collectionneur de choses<br />
anciennes la voulait pour lui, et cela m'aurait paye un<br />
complet dont j'ai vraiment besoin. Voulez-vous la faire<br />
venir de Paris, s'il vous plait, et me l'envoyer tout de<br />
suite. Il l'avait vue dans le temps, et maintenant, il m'a<br />
ecrit plusieurs fois de suite a ce sujet ; j'ai enormement<br />
besoin d'argent, et je ne voudrais pas rater l'occasion.<br />
La grande, ce n'est pas la peine ; on ne la veut pas, elle<br />
est encombrante.<br />
1. Le Transsiberien.
LETTRES<br />
Amities a vous tous, et j'espere vous lire bientot.<br />
Charlot continue a avoir des joues de paysan ? Tant<br />
mieux ! Donc, un bon baiser a lui de ma part.<br />
Carte postale<br />
E. Vianna<br />
a Sonia Delaunay,<br />
Va2 de Flor<br />
Casa do Consul<br />
Valenca<br />
Chere Madame,<br />
Eduardo VIANNA<br />
Vila do Conde<br />
Jeudi 9 novembre 1916<br />
Je viens de lire votre lettre, dont je vous remercie,<br />
ainsi que des invitations aux expositions. Ce n'est pas<br />
moi qui peux en profiter. Ce n'est pas le moment. La-<br />
dessus, je vous ecrirai plus tard.<br />
Votre envoi de tableau est reste en panne quelques<br />
jours, car j'ai ete appele a rendre un service, mais je<br />
suis de retour et je vais m'y mettre.<br />
Un bonjour et de la sante a tous.
LETTRES<br />
Carte postale<br />
E. Vianna<br />
a Sonia Delaunay,<br />
Val de Flor<br />
Vila do Conde<br />
Casa do Consul Dimanche 26 novembre 1916<br />
Valenca<br />
Chere Madame,<br />
J'ai ete trois jours au lit malade. Aujourd'hui, j'ai fait<br />
venir le menuisier pour les caisses. Demain midi, elles<br />
seront pretes, et le tableau va partir chez vous, et vous<br />
m'expedierez le mien. Je vous ecrirai plus longuement<br />
dans une lettre demain. Aujourd'hui, je suis esquinte.<br />
Amities a tous. '<br />
C'est seulement ces joursci que j'ai recu de l'argent pour<br />
les caisses, qui sont au nombre de deux.<br />
E. Vianna<br />
a Sonia Delaunay,<br />
Valenca<br />
Chere Madame,<br />
Vendredi lu decembre 1916<br />
Votre tableau vient de partir chez vous, emba1Ie dans<br />
une caisse que j'ai fait faire expres, et qui va me servir<br />
pour d'autres envois. Ainsi, vous me la renverrez sans<br />
faute, car j'en ai grand besoin, et ca coute de I'argent ici<br />
de faire faire quelque chose. Ce n'est pas comme cette<br />
poire de menuisier que nous avions deniche dans le<br />
temps !
LETTRES<br />
Avec cette caisse, une autre part aussi, qui servira a<br />
mettre mon grand tableau roule, les six petits et la sta-<br />
tuette la plus petite. La grande, je vous en fais cadeau.<br />
J'ai eu beaucoup de plaisir a travailler pour vous, et<br />
j'ai fait de mon mieux. Je vous ai dit : honnetete pour<br />
honnetete, mais je crois inutile d'insister la-dessus. J'ai<br />
confiance en vous.<br />
Les choses n'ont pas ete plus vite, car on ne fait pas<br />
toujours ce qu'on veut malheureusement. Noel va arri-<br />
ver, et cela me fait souvenir du bon diner de l'annee<br />
derniere, de la jolie table, de la joie de Charlot et du<br />
torron! Sur ce point, faites beaucoup d'attention !...<br />
Et puis, les bonbons ? Cette annee, pour moi, c'est tres<br />
different. J'ai plus de metier, plus de tableaux, mais aussi<br />
plus de cheveux blancs et une grande solitude dans mon<br />
ame.<br />
Beaucoup d'amities a tous les trois et un bonjour a<br />
Beatriz.<br />
Eduardo VIANNA<br />
P.S. Quand vous enleverez le couvercle de la petite caisse,<br />
enlevez-le tout d'une piece, car les bois rentrent les uns<br />
dans les autres et sont cloues par derriere avec des tra-<br />
verses.<br />
Pour enlever le tableau, enlevez une vis de chaque<br />
cote : vous les verrez facilement, elles sont entourees de<br />
deux cercles noirs. Les couvercles se trouvent du cote<br />
des cercles blancs.<br />
Les couvercles des caisses que vous enleverez sont<br />
marques d'un disque blanc sur les deux caisses.<br />
Ne passez pas la main sur le tableau : quelques tons<br />
qui sont a l'huile ne sont pas secs.<br />
J'ai trouve la recette de Vibert pour rendre la cire<br />
miscible a l'eau et a la glycerine. Je crois qu'elle peut etre<br />
d'une grande utilite et j'etudie la question. Si Delaunay<br />
la veut, je la copie et je la lui envoie. Elle est tres sim-<br />
ple.
LETTRES<br />
De bonnes joies pour le Noel de cet ete a Charlot.<br />
Je vous fais une dedicace (je ne sais pas si c'est comme<br />
ca qu'on dit et qu'on ecrit) derriere le tableau.<br />
Carte postale<br />
E. Vianna<br />
cf Sonia Delaunay,<br />
Vol de Flor<br />
Casa do Consul<br />
Valenca - Minho<br />
Chere Madame,<br />
Vila do Conde<br />
Mercredi 3 janvier 1917<br />
Non, je ne suis pas alle a Lisbonne, et je ne compte<br />
pas y aller dans les mois qui viennent. Vous serez bien<br />
gentille, donc, de demander le livre ' a Pacheco, car j'ai<br />
hate d'avoir l'immense plaisir de l'ouvrir.<br />
Beatriz est venue me voir; elle a l'air de se porter<br />
tres bien. Elle est venue avec son frere, pour me le<br />
montrer certainement ... mais il a l'air couillon ! 11 parait<br />
qu'elle ne restera pas longtemps ici, car elle vous aime<br />
bien. Elle m'a dit des mots du cher Charlot qui m'ont<br />
fait bien rire. Je n'ai pas oublie le petit tableau de Delau-<br />
nay. Qu'il compte ladessus.<br />
Je vous souhaite une annee feconde en travail. Baiser<br />
a Charlot.<br />
P.S. J'aurais tant voulu avoir le livre de Cendrars. Il<br />
m'aurait ete un bon copain dans certaines heures.<br />
1. Le TranssibCrien.
E. Vianna<br />
h Sonia Delaunay,<br />
Valenca<br />
Chere Madame,<br />
LETTRES<br />
Vila do Conde<br />
ii janvier 1917<br />
J'ai eu la surprise d'une carte postale de Delaunay.<br />
Allons, je vois que vous etes tous les deux un peu<br />
trop indignes par l'action d'art des cubefuturistes, fumis-<br />
tes, etc. Je ne vois pas qu'un mouvement artistique de<br />
si peu d'importance, de succes europeen si douteux, de<br />
gens deja ages et inoffensifs, eh bien, je ne vois pas que<br />
ces gens-la, avec leur sterile, puissent retenir votre<br />
attention. Voyons, s'ils sont morts, on les enterre, et on<br />
va de l'avant.<br />
Parlez-moi de choses plus interessantes, de votre fort<br />
et noble but artistique, de votre dernier effort sirnultanCl<br />
de la representation formelle, de la peinture pour tout<br />
le monde ... cela, oui, cela m'interesse.<br />
Qu'y a-t-il de nouveau pour le livre de Cendrars ? Pour-<br />
rai-je esperer un jour de l'avoir ' ? Vous avez du me rCcrire<br />
ladessus, et je n'ai rien repondu, car je ne sais que<br />
repondre.<br />
Une de mes petites Ctudes pour le Vermeer sera pour<br />
Delaunay. Inutile de vous rappeler que je ne manque<br />
pas a ma parole, et je ne donne a personne le droit d'en<br />
douter, mais ... pour que je donne, il faut qu'on me donne<br />
1. Vianna finit par recevoir, offert par Sonia Delaunay, cet exem-<br />
plaire tant desire du Transsibdrien. Il le conserva pendant de longues<br />
annees, mais vint un jour, peutetre vers 1949, ou, presse, semble-t-il, par<br />
un besoin d'argent, il se resigna A s'en defaire. Au cours d'un skjour<br />
Paris, ii demanda conseil & Sonia Delaunay pour le vendre. Ceiie-ci<br />
lui recommanda un libraire, pr&s de Notre-Dame, qui lui en offrit trente<br />
mille francs de l'epoque. Vianna prit un taxi pour lui porter le precieux<br />
volume, mais il l'oublia sur la banquette de la voiture et ne le retrouva<br />
plus jamais. Cet acte manque peut laisser presumer que Vianna &mu-<br />
vait une grande repugnance & vendre son livre et qu'il prefera, incons-<br />
ciemment, le perdre.
LETTRES<br />
aussi, et je ne vois rien pour le moment. Donc, quand<br />
j'aurai le livre simultane et une reponse sur le sort du<br />
petit negre, j'aurai alors le grand plaisir d'offrir. A quand<br />
le plaisir de vous lire ?<br />
Recevez, vous tous, -mes amities sinceres.<br />
P.S. Beatriz m'a parle de Charlot. Il parait qu'il a grandi.<br />
II a deja onze ans. Il doit etre bien beau le petit gars !<br />
E. Vianna<br />
a Sonia Delaunay,<br />
Paris<br />
Chere Sonia,<br />
Lisbonne<br />
1923 (?)<br />
Je vous presente Mademoiselle Sarah Af’onsol,<br />
artiste peintre portugaise, et qui fait de la decoration.<br />
Elle a vu et entendu souvent parler de vos<br />
dont elle raffole.<br />
Quant a moi, je lui ai tellement loue vos vertus et<br />
vos talents qu'elle brule de vous connaitre.<br />
Je pense qu'en souvenir de quelques belles journees<br />
passees au Portugal, vous lui donnerez l'appui moral et<br />
pratique qu'elle voudrait solliciter de vous.<br />
Avec mes meilleures amities pour vous et pour<br />
Robert.<br />
Eduardo VIANNA<br />
1. Nee a Lisbonne en 1889. Eleve de 1'Ecole des Beaux-Arts de cette<br />
viiie. Part pour Paris en 1923 et y restera jusqu'a I'annee suivante.<br />
Elle prendra rang parmi les grands noms de la peinture portugaise<br />
contemporaine. Elle epousera Jose de Aimada-Negreiros. De ce mariage<br />
naitront deux enfants : un fils, qui deviendra architecte, et une fille,<br />
poete.
1916<br />
Octobre - Novembre - Decembre<br />
AMA<strong>DE</strong>U <strong>DE</strong><br />
SOUZA-CARDOSO
ERSTER<br />
<strong>DE</strong>UTSCHER<br />
HERBSTSALON<br />
BERLIN 1913<br />
<strong>DE</strong>R STURM<br />
LEITUNG: HERWARTH WAL<strong>DE</strong>N<br />
-<br />
i i 1<br />
1<br />
j!<br />
1<br />
1<br />
l<br />
1
Page de titre du catalogue du Herbstsalon (Salon d'Automne)<br />
qui se tint a la galerie a Der Sturm D, a Berlin, en 1913.
Double page illustree du catalogue du Herbstsalon de 1913 : en<br />
page de droite, reproduction d'une toile, l'Athlete, d'Arnadeu de<br />
SouzaCardoso.
Plantes, tableau de Robert Delaunay. Cire sur toile; 81 x 100 cm.<br />
Portugal, 1916. Composition inspiree a l'artiste par son jardin<br />
de Vila do Conde.
Plantes, tableau de Robert Delaunay. Cire sur toile ; 81 x 100 cm.<br />
Portugal, 1915. Composition inspiree a l'artiste par son jardin<br />
de Vila do Conde.
I<br />
A. de Souza-Cardoso<br />
cf Sonia Delauraay,<br />
Valenca<br />
Chere Madame,<br />
LETTRES<br />
Manhufe<br />
Dimanche 19 novembre 1916<br />
Mon pere a recu votre lettre du 13 novembre, je vous<br />
reponds a sa place.<br />
Veuillez m'excuser, mais je ne peux pas encore vous<br />
envoyer ce que vous desirez et le ferai aussitot que pos-<br />
sible. J'ai enormement de travail pour New York ; bien-<br />
tot, je partirai pour Paris, d'ou je ferai les envois.<br />
Et le Transsibkrien, que vous m'avez si aimablement<br />
donne en parole et jamais envoye ?<br />
Bonjour a tous. Tres respectueusement,<br />
los& Emy dio de SouzaCardoso<br />
cf Robert Be~aunay,<br />
valm<br />
Monsieur,<br />
Manhufe<br />
7.12.1916<br />
Meu filho Arnadeu esta actualrnente em Lisboa a<br />
tractar da sua exposicao, que deve fechar no proximo<br />
domingo.<br />
Envielhe hoje para la a sua estimada carta, com<br />
recomendaq50 para Ihe dar resposta imediata e fazer<br />
lhe O mais breve possivel a remessa do Catalogo que<br />
Ihe pede e ao que elle na0 faitara.<br />
Corn a <strong>home</strong>nagem de M.to respeito e cons.cso. Sou<br />
de V. Ex.a M.to V.O~ e 0brig.do. t<br />
Jose Emygdio de Sz.a CARD~SO
LETTRES<br />
Traduction de la lettre precedente .<br />
Monsieur.<br />
Mon fils Amadeu est actuellement a Lisbonne ou il<br />
s'occupe de son exposition '. qui doit fermer diman-<br />
che prochain.<br />
Je lui envoie la-bas aujourd'hui votre estimee lettre,<br />
en lui recommandant de vous repondre immediatement<br />
et de vous envoyer aussitot que possible le catalogue que<br />
vous lui demandez, chose a laquelle il ne manquera pas.<br />
Avec l'hommage de mon respect et de ma considera-<br />
tion, je suis etc.<br />
A. de Souza-Cardoso<br />
h Robert ou a Sonia Delaunay,<br />
Valenp<br />
Jose Emygdio de SOUZA-C~mso<br />
Manhufe<br />
Mardi 2 janvier 1917<br />
Par ce meme courrier, je vous envoie le catalogue du<br />
Herbstsalon (Sturm) - recommande.<br />
Mon pere m'a tellement gronde, m'a leve les jupes<br />
et tape durement - ce que vous m'avez fait verser de<br />
larmes ! - c'est trop cruel de votre part. Enfin, voila<br />
le catalogue, c'est ce qui importe !<br />
Quant au Transsiberien - tant pis !<br />
Salutations a tous et pour vous.<br />
1. Allusion a l'exposition faite par A. de Souza-Cardoso a Lisbonne<br />
en decembre, qui renouvelait celle, ouverte en novembre, a Porto. Voir<br />
pages suivantes.
L'EXPOSITION<br />
<strong>DE</strong> SOUZA-CARDOSO<br />
A PORTO, EN 1916
Au COURS <strong>DE</strong>S <strong>DE</strong>UX r~~ees<br />
1915-1916, AMA<strong>DE</strong>U <strong>DE</strong> Souw-<br />
Cardoso a, selon sa propre expression, travail16 a comme<br />
un animal D. Il est curieux de remarquer que, dans ses<br />
lettres aux Delaunay, du moins dans celles dont nous<br />
avons connaissance - ou il est surtout question de pro-<br />
jets d'exposition en commun a Stockholm, a Barcelone, a<br />
Lisbonne - il ne fait pas la moindre allusion a l'exposi-<br />
tion qui l'obsede et a laquelle il consacre tous ses efforts,<br />
son exposition individuelle de Porto. Celle-ci se tiendra, du<br />
1" au 12 novembre 1916, dans la Salle des fetes du Jardin<br />
Passos Manuel, et elle provoquera un tel scandale qu'on<br />
en parlera pendant de longues annees. Cette importante<br />
exposition, qui se renouvellera a Lisbonne, dans les<br />
salons de la Liga Naval, a partir du 4 d6cembre de la<br />
meme annee, rassemble quatre-vingts peintures a l'huile,<br />
vingt aquarelles et dix dessins de Souza-Cardoso, qui
LETTRES<br />
l'a placee sous le signe de 1' a abstractionnisme u et cite,<br />
en exergue de son catalogue, ce poeme de Rimbaud :<br />
Nous savons donner notre vie tout entiere<br />
tous les jours.<br />
Benissons la vie !<br />
Saluons la naissance du travail nouveau.<br />
Le monde n'a pas d'age, l'humanite se deplace<br />
tout simplement.<br />
Je ne suis pas prisoiznier de ma raison.<br />
Dieu fait ma force et je loue Dieu.<br />
Splendeurs des villes.<br />
Point de cantique - tenir toujours le pas gagne.<br />
Rappelons que, cette meme annee, Sonia Delaunay<br />
avait prete a Amadeu un exemplaire de Rimbaud - sans<br />
doute relie par elle-meme - et que cette lecture avait<br />
profondement impressionne le jeune peintre.<br />
L'opinion publique et la critique locale se dechainent<br />
devant cet art neuf, auquel leur formation academique<br />
et leur predilection pour le pompierisme ne les a en rien<br />
preparees. Des commentaires injurieux sont accroches<br />
aux cadres, on veut denoncer le peintre comme fou au<br />
prefet de police, des bagarres eclatent entre les jeunes<br />
de l'avant-garde et les champions de la vieille ecole, un<br />
inconnu va meme jusqu'a frapper Amadeu qui doit<br />
aller se faire soigner a l'hopital de la Misericorde. Mais<br />
l'artiste fait front. Un mois plus tard, influence par des<br />
propos futuristes, il declare que a les critiques d'art sont<br />
inutiles et pernicieux, steriles de nature u, et qu'ils<br />
LETTRES<br />
a retentissant, sensationnel, inattendu B de son exposi-<br />
tion de Porto qui, sans exageration, a remue toute une<br />
population B. 11 s'enthousiasme aussi pour une future<br />
exposition a New York que lui a proposee Walter Pach :<br />
á Vous ne vous imaginez pas combien d'espoirs de jeu-<br />
nesse je depose dans vos mains. a 11 se sent de taille a<br />
conquerir le Nouveau Monde : a L'Amerique est notre<br />
grand marche, dira-t-il au cours d'une interview; tous<br />
les tableaux se valorisent enormement la-bas. bb Il n'est<br />
plus question des u expositions mouvantes B. C'est pro-<br />
mis : aussitot apres la cloture de son exposition de<br />
Lisbonne, il passera les fetes de Noel a Manhufe, en<br />
famille, puis volera a Paris, rue de Fleurus, afin de tout<br />
organiser. Malheureusement pour lui et pour l'art por-<br />
tugais, Amadeu ne suivra pas ce programme. Au lieu<br />
d'aller a Paris, il reste au Portugal. Il y restera jusqu'a<br />
ce fatal mois d'octobre 1918 ou, en trois jours, la grippe<br />
espagnole viendra mettre un terme brutal a sa fulgu-<br />
rante carriere.
POSTFACE
AP&S AVOIR LU CES LETTRES, ON NE PEUT QUE RFXRETTER<br />
encore davantage l'absence des reponses des Delaunay<br />
a leurs amis. Nous pouvons juger du prix qu'ils y atta-<br />
chent par les expressions qui reviennent sans cesse sous<br />
leur plume : á Bcrivez ... Ecrivez ... Il me faut toujours<br />
avoir de vos nouvelles ... D, repetent Souza-Cardoso et<br />
Pacheco. Almada a besoin d'une force a cote de lui.<br />
Il lui manque l'emulation, il a besoin de vos lettres.<br />
Ecrivez-lui ... recommande a ses amis Delaunay Eduardo<br />
Vianna. Et lui-meme avoue : u Vos cartes postales sont<br />
des injections de mercure pour moi. â<br />
Mais ici, il faut noter une difference marquee entre<br />
l'attitude de Vianna, dlAlmada ou de Pacheco, tous trois<br />
enclins au decouragement de la a solitude spirituelle â,<br />
et celle de Souza-Cardoso, dont la personnalite d'elite,<br />
energique et independante, semble sans faille. Amadeu
POSTFACE<br />
ne sollicite ni eloges ni conseils (a part quelques indica-<br />
tions techniques mineures), ne se livre pratiquement a<br />
aucun commentaire sur son art ou ses projets person-<br />
nels et poursuit en solitaire sa propre voie, alors que<br />
Vianna envoie ses travaux a Vigo et. demande l'avis de<br />
Robert, de Sonia - et meme du petit Charles. Ce Vianna<br />
qui, avec ses eclats de voix et sa brutalite de langage,<br />
s'est acquis la reputation d'un rustre mal degrossi, se<br />
revele dans ses lettres un ami attentif et chaleureux,<br />
un mur d'une inepuisable generosite, un etre sensible<br />
et vulnerable : u Je suis ce que je suis ... On a ses fai-<br />
blesses ... Je ne suis pas un costaud ... s Il faut relire sa<br />
lettre sur la mort de Sa-Carneiro : a Si vous saviez ,ce<br />
que ca m'a fait mal, vous ne pouvez pas vous imaginer ...<br />
Tout au fond de nous &us les Portugais, il existe cette<br />
detresse, ce cauchemar de la folie, cette obsession de la<br />
fin ... P (4 mai 1916). Cela ne l'empeche pas, a l'occasion,<br />
de montrer de la fermete a l'egard des Delaunay : u Dites<br />
a Robert qu'il mette un peu plus d'ordre dans ses pro-<br />
jets d'avenir ... s ou bien : a Allons, je vois que vous<br />
etes tous les deux un peu trop indignes par l'action<br />
d'art des cubo-futuristes, fumistes, etc.. . Parlez-moi. de<br />
choses plus interessantes, de votre fort et noble but<br />
artistique ... D Sans parler de sa reaction fracassante a<br />
certaine lettre de Robert Delaunay au sujet des pochoirs<br />
de l'Album ...<br />
Tous ces peintres ont en commun une meme et unique<br />
passion : celle de l'art, de leur art, liee a celle du travail.<br />
Il n'entre pas dans notre propos de rechercher ici de<br />
quelle maniere et dans quelle mesure l'orphisme des<br />
Delaunay a influence les executees a partir de<br />
cette epoque par leurs amis portugais. Certes, Almada<br />
declare qu'il a a beaucoup travaille la couleur simulta-<br />
nee m. Certes, Vianna reconnait que son gout a change<br />
depuis sa rencontre avec le couple francais '(parlant des<br />
etudes a trop compliquees et trop litteraires P d'Almada,<br />
il ecrit : á Il y a quatre mois, je les aurais bien aimees s).
POSTFACE<br />
Certes, Souza-Cardoso dit, avec sa reserve habituelle :<br />
a J'aime vraiment beaucoup votre art. B Des cercles<br />
chromatiques, en particulier, apparaissent dans les<br />
tableaux que les deux peintres portugais consacrent. a<br />
la meme epoque que les Delaunay, aux jouets et aux<br />
poteries de l'art populaire du Minho. Mais il semble bien,<br />
dans l'ensemble, qu'il s'agisse d'une influence de á cli-<br />
mat â et de stimulation plutot que d'une stricte influence<br />
d'orientation.<br />
Chacun reste preoccupe par ses propres recherches<br />
dans un domaine personnel determine.<br />
Pour les Delaunay importent avant tout les proble-<br />
mes de l'irradiation de la lumiere, des contrastes et<br />
des dissonances simultanes de la couleur generatrice de<br />
la forme : á La lumiere d'Espagne et du Portugal nous<br />
a aides a decouvrir la distinction, l'acuite d'une couleur,<br />
sa vie personnelle n, a ecrit Sonia Delaunay.<br />
Souza-Cardoso, lui, est en proie a une frenesie de<br />
travail, a une fievre de creation tournee vers une dyna-<br />
mique invention structurale, riche, selon l'expression de<br />
Jean Cassou, de u toutes les plus vehementes inquietudes<br />
du temps n, et á toute portee en avant, vers la prevision<br />
de la plus prochaine outrance B.<br />
L'objet essentiel de la quete dlAlmada, a cette epo-<br />
que, c'est lui-meme : a Ici, si bas, je ne suis que meta-<br />
morphoses ... â mais, ajoute-t-il, á je suis sur que je me<br />
trouverai, que je me rencontrerai ... Et bientot, je serai<br />
parfaitement moi. â Quant a Vianna, il s'adonne a l'etude<br />
de la technique, de la matiere et des secrets de metier,<br />
avec la patience et la curiosite d'un decouvreur. Dans sa<br />
vieillesse, il nous confiera son reve de transmettre a un<br />
jeune artiste tout ce precieux heritage de connaissances<br />
accumulees.<br />
Le metier : c'est la un point sur lequel tous ces<br />
artistes, francais et portugais, sont unanimes : Vianna,<br />
bien sur, qui, avec sa modestie de bon artisan tient pour<br />
une victoire chaque progres accompli ; Souza-Cardoso,
POSTFACE<br />
aussi, qui ecrit : á Je travaille. Au fond, tout se resume<br />
a bien connaitre son metier. â Robert Delaunay egale-<br />
ment, qui notera plus tard : á C'est seulement dans la<br />
technique qu'on pourra s'evader du deja vu, du conven-<br />
tionnel. D Sonia Delaunay enfin, lorsqu'elle dit : Il<br />
s'agit de reapprendre a peindre ... Pour etre complete et<br />
har.monieuse, d'art doit etre soutenue par un<br />
metier reel et prosaique. â Il n'est pas jusqu'a l'utilisa-<br />
tion simultanee de procedes divers dans une meme toile<br />
dont on ne trouve une allusion, a la fois sous la plume<br />
de Vianna en 1916 - a Je travaille quatre matieres, la<br />
gomme, la cire, l'huile et dans le meme tableau.<br />
C'est un travail d'un charme tres grand, chaque matiere<br />
ayant sa qualite, comme vous le savez bien D - et,<br />
rapprochement inattendu, sous celle du theoricien Delau-<br />
nay, dans ses notes de 1917-1919 : M Dans le meme<br />
tableau, la matiere est traitee selon la necessite : a la<br />
cire, a l'huile, a la colle - selon que la couleur a besoin<br />
d'une surface seche (colle) ou de transparence (cire) ou<br />
de matiere couvrante (huile). D<br />
Il est un autre point, tres important, sur lequel tous<br />
ces amis expriment une communaute de vue : c'est le<br />
sentiment qu'ils sont parvenus a une etape, ou la neces-<br />
site qui s'impose a eux n'est plus de detruire, mais de<br />
construire. u Vivent les choses ! 3 s'ecrie en francais, en<br />
portugais, en espagnol, en anglais et en allemand, le<br />
jeune Almada. A ce propos, il semble que leur sejour au<br />
Portugal ait ete tres significatif pour les Delaunay, pour<br />
Robert en particulier, qui voit se terminer alors, comme<br />
il le dira plus tard, la periode de la á peinture catastro-<br />
phique â et s'ouvrir une ere nouvelle : Apres un tel<br />
orage - orage humain, destruction consciente et incons-<br />
ciente - a la fin, le concept constructif, clair, grand, uni-<br />
versel ... â On dirait que, lasses, un temps, de la cerebra-<br />
lite de l'abstraction, tous deux redecouvrent la nature<br />
a la lumiere de prismes qui ne sont plus a electriques B,<br />
mais solaires. á Les moyens nouveaux, poursuit Robert,
POSTFACE<br />
creent les tableaux avec la puissance formelle et objec-<br />
tive de la nature. â Ces reflexions, redigees apres la<br />
guerre, commentent le grand panneau decoratif realise<br />
par Sonia Delaunay pour la Misericordia de Valenca do<br />
Minho, en 1916, l'annee meme ou Arnadeu de Souza-<br />
Cardoso ecrit a Robert Delaunay :
Grande Enciclopedia Portuguesa e Brasileira, EdicSo Enciclopedia,<br />
Lisboa.<br />
GUILLAUME APOLLINAIRE, Calligrammes, Ed. N.R.F./Gallimard, Paris,<br />
1925.<br />
DICIGO <strong>DE</strong> MACEDO, 14 clte Falguiere, Ed. Seara Nova, Lisboa, 1930.<br />
F. GILLES <strong>DE</strong> LA TOCRETTE, Robert Delaunay, Charles Massin et Cm,<br />
Librairie Centrale des Beaux-Arts, Paris, 1950.<br />
JosEAucus~o FRANCA, Amadeo de Souza-Cardoso, Editorial Sul,<br />
Lisboa, 1956.<br />
Catalogue de l'Exposition Robert Delaunay. Preface de Jean Cassou.<br />
Musee national d'Art moderne, 25 mai - 30 septembre<br />
1957, Ed. des Musees nationaux, Paris.<br />
ROBERT <strong>DE</strong>LAUNAY, DU cubisme a l'art abstrait. Documents inedits<br />
publies par Pierre Francastel et suivis d'un catalogue de<br />
de Robert Delaunay, par Guy Habasque, S.E.V.P.E.N.,<br />
Paris, 1957.<br />
DI^ <strong>DE</strong> MACEDO, Amadeo Modigliani e Amadeo de Souza-Cardoso,<br />
Edicoes Panorama, Lisboa, 1959.<br />
Catalogue. de 1'Exposicao retrospectiva de Amadeo de Souza-<br />
Cardoso. Preface de Jean Cassou. Secretariado Nacional da<br />
Informacaio, Lisboa, mai 1959:<br />
CHARLES GOERG, a Les Marches au Minho de Sonia Delaunay â.<br />
Extrait de Genava, ns., tome XIII, Geneve 1965.<br />
MICHEL Hom, Robert et Sonia Delaunay, Ed. des Musees nationaux,<br />
Paris, 1967.<br />
Catalogue de 1'ExposicSo retrospectiva de Eduardo Vianna, S.N.I.,<br />
Palacio Foz, Lisboa, avril 1968.<br />
Catalogue de l'Exposition Sonia Delaunay, Denise Rene, Paris,<br />
novembre 1968.<br />
BLAISE CENDRARS, Euvres completes, Le Club francais du Livre,<br />
tome 1, 1968 (Ed. Denoel, 1952, 1959); tome XIII, 1971 (Ed.<br />
Denoel, 1947).<br />
ORPHEU P 1, reedition, avec etude de Maria Aliete Dores Galhoz :<br />
TABLE <strong>DE</strong>S ILLUSTRATIONS
En couverture: Pro.jet de Robert Delaunay pour le bulletin<br />
de souscription de l'Album no 1 des áExpositions mouvan-<br />
tes â, prevoyant la collaboration de S. Delaunay-Terk, A. de<br />
Souza-Cardoso, E. Vianna, J. de Almada-Negreiros, R. Delau-<br />
nay, D. Rossine, G. Apollinaire, B. Cendrars. Bibliotheque<br />
nationale, Paris.<br />
La famille Delaunay dans le jardin- de la villa u la<br />
Simultanee n a Vila do Conde. (Archives Mnie S.<br />
Delaunay.) ...................<br />
Sonia Delaunay-Terk en 1915-1916. (Archives Mme S.<br />
Delaunay.) . . . . . . . . . . . . . . . . . . .<br />
La famille Delaunay a Vila do Conde. (Archives<br />
We S. Delaunay.) . . . . . . . . . . . . . . . .<br />
Eduardo Vianna. (Archives Paulo Ferreira.) ....<br />
Arnadeu de Souza-Cardoso. (Archives Mme L. de<br />
Souza-Cardoso. ) ................<br />
JosC Pachcco ....................<br />
Jose de Almada-Negreiros . . . . . . . . . . . . .<br />
La villa u la Simultanee rn a Vila do Conde. (Archives<br />
Fondation Calouste Gulbenkian.) ........<br />
Materiel utilise par les Delaunay pour leurs peintures<br />
a la cire. (Archives Mme S. Delaunay.) . ...<br />
Nature morte portugaise, tableau de Robert<br />
Delaunay. (Collection We S. Delaunay.) ....<br />
L'Hommage au donateur, projet definitif d'un decor<br />
architectural, par Sonia Delaunay. (Musee d'Art<br />
moderne de la Ville de Paris.) .........<br />
Pages<br />
16-17<br />
24-25<br />
24-25<br />
32-33<br />
32-33<br />
32-33<br />
32-33<br />
40-41<br />
40-41<br />
56-57<br />
56-57
TABLE <strong>DE</strong>S ILLUSTRATIONS<br />
Sonia Delaunay-Terk travaillant a la toile du Marche<br />
au Minho. (Archives me S. Delaunay.) ......<br />
Le Marche au Minho, tableau de Sonia Delaunay.<br />
(Collection particuliere. Archives de Mme S.<br />
Delaunay.) . ..................<br />
Sonia Delaunay parmi ses creations. (Archives Mme S.<br />
Delaunay.) . . . . . . . . . . . . . . . . . . .<br />
Interieur de l'atelier des Delaunay a Vila do Conde.<br />
(Archives Mme S. Delaunay.) ..........<br />
Projet de pochoir pour la couverture de l'Album no 1<br />
de la u Corporation nouvelle P, par A. de Souza-<br />
Cardoso. (Archives MLne S. Delaunay.) .....<br />
Projet de pochoir pour la couverture de l'Album no 1<br />
de la u Corporation nouvelle D, par A. de Souza-<br />
Cardoso. (Archives Mme S. Delaunay.) ......<br />
Carte postale de Robert Delaunay a A. de Som-<br />
Cardoso. (Archives Mme L. de Som-Cardoso.) . .<br />
Carte postale de Jose Pacheco a R. Delaunay. (Archives<br />
me S. Delaunay.) . .............<br />
Chanson populaire : la Russe et le Figaro, tableau<br />
d'A. de Souza-Cardoso. (Collection Fondation<br />
Calouste Gulbenkian.) . .............<br />
Chanson populaire et Oiseau du Bresil, tableau<br />
d'A. de Souza-Cardoso. (Collection Mme L. de<br />
Souza-Cardoso. ) ................<br />
La Petite, tableau d'E. Vianna. (Collection Fondation<br />
Calouste Gulbenkian.) ..............<br />
Poupee de chiffon, art populaire portugais. (Archives<br />
Mme L. de Souza-Cardoso.) . .........<br />
Portugaise assise, tableau de Sonia Delaunay. (Collection<br />
particuliere. Archives de Mme Sonia Delaunay.)<br />
.....................<br />
Jouets portugais, tableau de Sonia Delaunay. (Col-<br />
lection particuliere.) ..............
TABLE <strong>DE</strong>S ILLUSTRATIONS<br />
Article paru dans un journal de Porto, avril 1916.<br />
(Archives MTIP S. Delaunay.) . . . . . . . . . .<br />
Femme azuc pasteques, tableau de Sonia Delaunay.<br />
(Collection particuliere. Archives de Mm' Sonia<br />
Delaunay.) . . . . . . . . . . . . . . . . . . .<br />
Article de J. de Almada-Negreiros, paru dans A<br />
Ideia Nacional. (Archives Mime S. Delaunay.) . . .<br />
Carte postale d'A. de Souza-Cardoso a Robert Delau-<br />
nay, 6 juin 1916. (Archives Mm' S. Delaunay.) . .<br />
Eduardo Vianna dans le jardin des Delaunay a Vila<br />
do Conde. (Archives M'y S. Delaunay.) . . . . .<br />
Lettre d'E. Vianna a Robert Delaunay, 23 juin 1916.<br />
(Archives Molle S. Delaunay.) . . . . . . . . . .<br />
Lettre de J. de Almada-Negreiros a Sonia Delaunay,<br />
23 avril 1916. (Archives Mm' S. Delaunay.) . . . .<br />
Derniere page du Manifeste anti-Dantas, de J. de<br />
Almada-Negreiros. (Archives Mm" S. Dela~uiay.) . .<br />
Jouets portugais, tableau d'E. Vianna. (Collection<br />
du Secretariat d'Etat de l'Information et de la<br />
Culture, Lisbonne.) . . . . . . . . . . . . . .<br />
La Revolte des poupees, tableau d'E. Vianna. (Collec-<br />
tion particuliere. Archives Mme S. Delaunay.) . . .<br />
Page de titre du catalogue du Herbstsalon, galerie<br />
- --<br />
ACHEV& D'IMPRIMER EN AVRIL<br />
MCMLXXXI SUR LES PRESSES<br />
A. COELHO DIAS, LDA.,<br />
48-A RUE CON<strong>DE</strong> DAS ANTAS<br />
1 O00 LISBONNE. PORTUGAL<br />
Depot legal: 2' trimestre 1981