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FONDATION CALOUSTE GULBENKIAN<br />

ALBERT SILBERT<br />

Le probleme agraire portugais<br />

au temps des premieres Cortes liberales (1821-1823)<br />

L<br />

Un volume 15,s x 24 cm de 344 pages, avec un depliant<br />

SOLANGE. PARVAUX<br />

. .<br />

La ceramique populaire du Haut-Alentejo<br />

- ;Un volume 15,s x 24 cm de 232 pages, avec un frontispice' en quadrichromie,<br />

48 planches hors texte en phototypie et 62 figures<br />

La critique et la satire<br />

de D: Francisco Manuel de Me10<br />

*,#*,?<br />

Un volume 15,s x 24 cm de 448 pages '-,..% ,<br />

" -.,. . L<br />

LOUISE SIGEE<br />

Dialogue de deux jeunes filles<br />

sur la vie de cour et la vie de retraite (1552)<br />

Un volume 15.5 x 24 cm de 312 pages, avec un frontispice et<br />

1 planche hors texte<br />

FRERE CLAU<strong>DE</strong> <strong>DE</strong> BRONSEVAL<br />

eregrinatio hispanica (1531-1533)<br />

ux volumes 15.5 x 24 cm de 836 pages, avec 2 planches hors<br />

texte et 28 cartes (ensemble)<br />

La lyrique de Camks<br />

Un volume 17 x 24 cm de 572 pages, avec 8 planches hors texte<br />

F. <strong>DE</strong> TOLLENARE<br />

otes dominicales prises pendant un voyage<br />

n Portugal et au Bresil en 1816, 1817 et 1818 (tome<br />

Trois volumes 17 x 24cm de 1000 pages<br />

F. LATOUR DA VEIGA PINTO<br />

Le Portugal et le Congo au XIXe siecle<br />

Un volume 15.5 x 24 cm de 348 pages, avec un frontispice et<br />

PRESSES UNIVERSITAIRES <strong>DE</strong> FRANCE<br />

-


ALBERT SILBERT<br />

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.temps<br />

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des<br />

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Pot otuga$<br />

res Cortes libera<br />

Un volume 15,5 x 24 cm de 344 pages, avec un depliant -<br />

.<br />

~oum$ PARVAUX<br />

,<br />

La ceramique populaire du Haut-Alentejo<br />

- .Un volume 15.5 x 24 cm de 232 pages, avec un frontispice en quadrichromie,<br />

48 planches hors texte en phototypie et 62 figures<br />

JEAN COLOMES -<br />

La critique et la satire<br />

,de D. Francisco Manuel de Me10<br />

Un volume 15,5 x 24 cm de 448 pages<br />

Dialogue de deux jeunes filles<br />

sur la vie de cour et la vie de retraite (1552)<br />

Un volume 15.5 x 24 cm de 312 pages, avec un frontispice et<br />

1 planche hors texte<br />

FRERE CLAU<strong>DE</strong> <strong>DE</strong> BRONSEVAL<br />

Peregrinatio hispanica (1531-1533)<br />

Deux volumes 15.5 x 24 cm de 836 pages, avec 2 planches hors<br />

texte et 28 cartes (ensemble)<br />

OGER BISMUT<br />

a lyrique de Camiies<br />

n volume 17 x 24 cm de 572 pages, avec 8 planches hors texte<br />

L. F. <strong>DE</strong> TOLLENARE<br />

Notes dominicales prises pendant un voyage<br />

en Portugal et au Bresil en 1816, 1817 et 1818 (tome<br />

Trois volumes 17 x 24cm de 1000 pages<br />

F. LATOUR DA VEIGA PINTO<br />

Le Portugal et le Congo au XIXe siecle<br />

n volume 15.5 x 24 cm de 348 pages, avec un frontispice et<br />

2 depliants . . .a - . ._<br />

- cf-.<br />

PRESSES GI VE~SSTA IRES-.--<strong>DE</strong><br />

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FONDATION CALOUSTE GULBENKIAN<br />

PUBLICATIONS DU CENTRE CULTUREL PORTUGAIS<br />

PAULO FERREIRA<br />

Lorrespondance<br />

de quatre artistes portugais<br />

ALMADA-NEGREIROS, JOSE PACHECO<br />

SOUZA-CARDOSO, EDUARDO VIANNA<br />

ROBERT ET 'S UNAY<br />

PRESSES UNIVERSITAIRES<br />

<strong>DE</strong> FRANCE<br />

\


FONDATION CALOUSTE GULBENKIAN<br />

PUBLICATIONS DU CENTRE CULTUREL PORTUGAIS<br />

PAULO FERREIRA<br />

Correspondance<br />

de quatre artistes portugais<br />

ALMADA-NEGREIROS, JOSE PACHECO<br />

SOUZA-CARDOSO, EDUARDO VIANNA<br />

AVEC<br />

ROBERT ET SONIA <strong>DE</strong>LAUNAY<br />

Contri6ution a l'histoire<br />

de l'art moderne portugais<br />

(annees 191 5- 191 7)<br />

PRESSES UNIVERSITAIRES <strong>DE</strong> FRANCE<br />

108, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, PARIS<br />

1981


IL A ETE TIRE HORS COMMERCE<br />

<strong>DE</strong> CET OUVRAGE, EN <strong>DE</strong>UXIEME EDITION:<br />

DIX EXEMPLAIRES NUMEROTES <strong>DE</strong> 1 A 10<br />

ET TRENTE-CINQ EXEMPLAIRES<br />

MARQUES <strong>DE</strong> 1 A XXXV<br />

Depot legal. - 1" edition: I" trimestre 1972<br />

O 1972, Presses Universitaires de France<br />

2' edilion: 2' trimestre 1981<br />

f.$ 1981. Presses Universitaires de France<br />

Tous droits de traduction. de reproduction et d'adaptation<br />

reserves pour tous pays<br />

Lo lai du II mars 1957 n'aula'aanf, a u lmncs des dineos 2 d 3 du Porc<br />

fi& 41, #une pari, que ks a mpics ou reprodudions slriclmnl r l d s a L'usogd<br />

p'v6 du mpisb d mm deslindds a une uliliadion edlcdice D d, d'aulre pari, puc lu<br />

andyw cl bs cowbs citalias dons un bul d'acmpk d d'ulustrdion, iode rep seniaiion ou npmdudion Wgrdc, ou pa- Oib sans k msenkmeni & 1 aubur<br />

ou & sur ayank drou ou oyant8 couac, est iUt& * (di& 1" & l'orfieb 401.<br />

C& mpremniaiion ou nproauctim,, par qdqw pmcedd qw te ad. mMNwau<br />

done une Cmryqon sanctionnk par bs articius 425 et suiuants du Code Pend.


PREFACE


PREFACE<br />

POUR L'HISTOIRE <strong>DE</strong> L'ART MO<strong>DE</strong>RNE AU PORTUGAL<br />

I. Voici, exactement neuf ans apres la parution de la pre-<br />

miere, vite epuisee, la seconde edition de ce livre, que<br />

Paulo Ferreira a realise avec une methode de chercheur<br />

et le gout raffine d'un artiste. C'est, bien sur, l'enthou-<br />

siasme et la competence de Paulo Ferreira qui ont fait<br />

le succes de l'ouvrage, ainsi que le soin apporte a son<br />

aspect graphique. Mais il faut compter aussi avec le<br />

prestige de Robert et Sonia Delaunay et celui de leurs<br />

correspondants portugais: deux d'entre eux jouissent<br />

d'un grand' renom au Portugal et meme a l'ettianger.<br />

Nous voulons parler dlAmadeu de Souza-Cardoso et<br />

dlAlmada Negreiros, sans pour autant mesestimer Jose<br />

Pacheco et Eduardo Viana, dont la biographie est fort<br />

bien tracee dans l'introduction.<br />

Eduardo Viana (1885-1967), Amadeu de SouzaCar-<br />

doso (1889-1918), Almada-Negreiros (1893-1970) et Jose<br />

Pacheco (1885-1934) sont tous quatre de grands peintres<br />

du modernisme au Portugal (Almada fut aussi un excel-<br />

lent poete et prosateur, Jose Pacheco etait en meme<br />

temps architecte). Par leur caractere et leur talent hors<br />

du comun, par leur sensibilite au souffle novateur des<br />

courants artistiques europeens, ces quatre artistes ont


su ouvrir a l'art portugais de leur temps des horizons<br />

universels. Point n'est besoin de parler ici de Robert et<br />

Sonia Delaunay, deux noms mondialement connus. Ils<br />

ont ete, dans ces annees 1915-1917, profondement mar-<br />

ques par la luminosite du paysage portugais et ses tein-<br />

tes vibrantes. C'est a cette epoque que doit remonter<br />

l'explosion joyeuse de couleurs contrastees, qui carac-<br />

terise au premier coup d'oeil la peinture de Sonia De-<br />

launay. Elle ecrit d'ailleurs: áLa lumiere exaltait toutes<br />

les couleursâ - áon a eu l'impression de se trouver dans<br />

un pays de reves. Il est certain aussi que ces relations<br />

entre les deux artistes francais et les quatre portugais<br />

leur ont permis de s'enrichir mutuellement, en se<br />

communiquant savoir et experience: les textes en font<br />

foi. Nous pensions a tout cela, en ce clair matin de<br />

decembre 1979, ou nous accompagnions le corps de So-<br />

nia Delaunay a sa derniere demeure, le petit cimetiere<br />

campagnard de Gambais. La disparition de ce grand<br />

peintre, russe d'origine, francais d'adoption (et c'etait<br />

la sa vraie patrie, par le coeur et par l'esprit), marquait<br />

la fin d'un chapitre, bref sans doute mais signifiant, de<br />

l'histoire du modernisme portugais. Ces textes en sont<br />

les temoins irremplacables, et Paulo Ferreira l'evoque<br />

avec talent.


II Sonia Delaunay n'avait pas accorde son affection<br />

qu'aux quatre Portugais dont nous avons ici la corres-<br />

pondance. Il nous a ete donne de voir les manifesta-<br />

tions d'estime et d'amitie qu'elle se plaisait a prodiguer<br />

a Paulo Ferreira. Il le meritait bien, d'ailleurs. Ce pein-<br />

tre a la forte personnalite, chez qui une technique rigou-<br />

reuse est animee par un souffle lyrique tres humaniste,<br />

a connu les peintres, les poetes et les ecrivains du groupe<br />

de Ia revue Orpheu, il a frequente Almada et Fernando<br />

Pessoa, fut l'un des collaborateurs les plus feconds et 16s<br />

plus assidus de Presenca. C'est du reste en partie dans<br />

cette revue, mais aussi dans l'oeuvre de grands auteurs,<br />

dont Jose Regio et Branquinho da Fonseca, que s'est<br />

revelee sa vocation d'illustrateur de livres. Nous le<br />

tenons, avec Bernardo Marques - un autre disparu, dont<br />

il etait tres proche -pour l'un des plus grands artistes<br />

du genre dans le Portugal d'aujourd'hui. On a pu appre-<br />

cier ses qualites dans une remarquable exposition souli-<br />

gnant, une fois de plus, le role vivant et vital qu'il a joue<br />

dans l'histoire du modernisme portugais: il fut l'un des<br />

premiers dans notre pays, en 1931, a suivre les courants<br />

thematiques du surrealisme. Il a puissamment contri-<br />

bue, aussi, a faire connaitre l'art portugais en France et<br />

dans d'autres pays, en organisant des expositions


auxquelles il ne participait pas toujours, restant<br />

volontairement dans l'ombre afin de mettre en va P. eur les<br />

creations de peintres comme Amadeu de Souza-Cardoso et<br />

Francis Smith, pour ne citer que deux des plus grands.<br />

C'est lui encore qui inspira la belle exposition realisee<br />

a la Fondation Calouste Gulbenkian a Lisbonne (avrilmai<br />

1972) sur le theme: áSonia et Robert Delaunay et<br />

leurs amis - Eduardo Viana, Amadeu de Souza-iardoso,<br />

Jose Pacheco et Almada Negreiross. Bien entendu, etant<br />

la personne la plus indiquee, il participa aussi a son<br />

elaboration.<br />

Raymond Cogniat, le regrette critique francais, eut<br />

une heureuse formule pour definir la demarche de Paulo<br />

Ferreira: áL'artiste explore son tempsâ. Pouvait-on resumer<br />

de facon plus lapidaire et plus exacte le long chemin<br />

parcouru par ce peintre, qui a passe une grande partie<br />

de sa vie, a Paris ou il demeure toujours, se souciant<br />

moins de lui-meme que de l'art de ses pairs, de son pays<br />

et de son epoque.<br />

III. En mai 1976, lorsque Sonia Delaunay tint a assister<br />

au vernissage de l'exposition Paulo Ferreira, organisee<br />

par nous au Centre Culturel Portugais, pour embrasser<br />

l'ami et feliciter l'artiste, nous avons eu par moments


l'impression qu'elle evoquait le temps deja lointain de<br />

son sejour au Portugal et les quatre peintres disparus.<br />

Leur art revivait dans la retrospective d'un confrere plus<br />

jeune. Seul d'entre eux, Amadeu de Souza-Cardoso, qui<br />

mourut en 1918, ne put voir aucune des oeuvres expo-<br />

sees. Parmi les dessins presentes, trente dataient de la<br />

periode 1930-1933, du vivant donc de l'architecte Jose<br />

Pacheco, decede en 1934. Lors de cette exposition, il y<br />

avait deja quatre ans qu'etait sortie la premiere edition<br />

de ce livre. Son auteur apparaissait comme le digne re-<br />

presentant des artistes amis des Delaunay. Dans ce<br />

monde en constant devenir, ou !a vie et la mort se<br />

succedent, ou surgit la creation artistique, qui permet<br />

a certains hommes de se perpetuer dans l'amour et la<br />

beaute, cette rencontre avec Sonia Delaunay ressuscitait<br />

les liens affectifs et spirituels entre les artistes des<br />

annees 1915-1917. Mais c est encore dans ce livre que t'on<br />

trouve la meilleure illustration de ce chapitre de I'his-<br />

toire de l'art moderne portugais.<br />

Pans, janvier 1981<br />

Le Directeur<br />

du Centre Culturel Portugais,<br />

JOSE V. <strong>DE</strong> PINA MARTINS


A LA MfiMOIRE<br />

<strong>DE</strong> MADAME SONIA <strong>DE</strong>LAUNAY


AUX REMERCIEMENTS ADRESSES A Mme SONIA <strong>DE</strong>LAUNAY<br />

par le Centre Culturel portugais de Paris de la Fondation<br />

Calouste Gulbenkian, qu'il me soit permis de joindre<br />

l'expression de ma gratitude personnelle. Non seule-<br />

ment, en effet, Mm Delaunay a accueilli avec chaleur<br />

le projet qui m'est cher d'une exposition retrospective<br />

et collective couvrant les annees 1915-1916 qu'elle a<br />

passees avec Robert Delaunay au Portugal, non seule.<br />

ment elle m'a revele l'existence de lettres d'artistes<br />

portugais demeurees en sa possession, et autorise leur<br />

publication, mais elle m'a procure toutes les facilites<br />

de travail possibles. En me laissant acceder a ses archi-<br />

ves personnelles, elle m'a permis de reunir un grand<br />

nombre de documents illustrant ce livre. Et, surtout, au<br />

cours d'une serie d'entretiens, elle a consenti, avec une<br />

inlassable patience, a repondre a mes questions, a pre-<br />

ciser des points obscurs, a retrouver dans sa memoire<br />

des souvenirs vieux de cinquantecinq ans pour m'aider<br />

a reconstituer l'histoire de ces deux annees.<br />

Etre ainsi guide et soutenu dans mon entreprise par<br />

cette grande artiste a l'euvre prestigieuse a ete pour<br />

moi une joie, et je lui en sais un gre infini. Il m'est<br />

agreable de penser que ce retour vers le passe, auquel<br />

elle a bien voulu se preter a l'occasion de cette etude,<br />

lui a du moins fait revivre des moments particulierement<br />

heureux de sa vie de femme et d'artiste, et qui restent<br />

pour elle tout illumines de cette belle lumiere portu-<br />

gaise qu'elle affirme n'avoir jamais oubliee.


La famille Delaunay dans leur jardin de Vila do Conde.


... Chasses par la chaleur torride d'aout,<br />

Robert Delaunay et moi, conseilles par des amis<br />

peintres de Lisbonne, sommes arrives a Vila do<br />

Conde, au nord du Portugal.<br />

La lumiere n'etait pas violente, mais exaltait<br />

toutes les couleurs - les maisons multicolores<br />

ou d'un blanc eclatant, d'une ligne sobre, des<br />

paysans dans des costumes populaire^, des tissus,<br />

des ceramiques aux lignes a la beaute antique<br />

d'une purete etonnante, parmi la foule des<br />

hieratiques a grandes cornes - on a eu l'impres-<br />

sion de se trouvbr dans un pays de reve.


INTRODUCTION


INTRODUCTION<br />

E m n E LE D~BUT <strong>DE</strong> CE SIWE m LA D~CULRATLTION <strong>DE</strong> UL<br />

Premiere Guerre mondiale en 1914, nombreux furent les<br />

jeunes artistes portugais qui partirent pour Paris, attires<br />

par de nouvelles expressions artistiques, dont ils avaient<br />

eu connaissance soit par des amis revenus de France,<br />

soit par la presse francaise, soit par les quelques rares<br />

livres ou revues d'art qui se referaient a ces recents<br />

mouvements, et qu'ils trouvaient chez les libraires, bien<br />

fournis deja en ce temps-la de toutes les nouveautes litteraires<br />

en langue francaise.<br />

Vers cette epoque, donc, lasses du vieil academisme<br />

triomphant, les jeunes artistes portugais decident de<br />

chercher l'evasion. Aller a Paris est l'un de leurs espoirs<br />

et de leurs buts. Et, nous le verrons, nombre d'entre eux<br />

reussiront a y faire d'assez longs sejours.


INTRODUCTION<br />

L'Ecole des Beaux-Arts, au Portugal, porte alors le<br />

nom d'Academie, et l'on y enseigne sur des bases stricte-<br />

ment classiques. La plupart des maitres ont pour idoles<br />

Cabanel, Bonnat, Carolus-Duran, Meissonier, Detaille ...<br />

La moindre tendance se reclamant de l'esprit á moder-<br />

niste fi se voit immediatement combattue par eux avec<br />

la derniere energie. Certains arborent avec arrogance<br />

lavalliere et chapeau a la mousquetaire ; la canne, alors,<br />

est a la mode, et l'un de ces messieurs a fait graver au<br />

bout de la sienne : á Pour corriger ceux qui s'ecartent du<br />

droit chemin. â<br />

Il importe de souligner qu'il n'y a pas eu, au Portu-<br />

gal, de mouvement impressionniste ni d'artistes de tem-<br />

perament veritablement impressionniste - des peintres<br />

qui travaillaient sur le motif, en pleine nature, oui, mais<br />

de conception et de technique assez academiques. Ce n'est<br />

qu'en 191 1 que se cree a Lisbonne le Musee national d'Art<br />

contemporain, et, pendant des annees, les portes en res-<br />

teront fermees aux artistes des á tendances nouvelles â,<br />

a ces fous qu'on devrait interner, a ces á barbouilleurs<br />

incapables de dessiner â, aux expositions desquels le<br />

bon public vient s'esclaffer a se tenir les cotes.<br />

Au cours de cette meme annee 191 1 s'ouvre a Lisbonne<br />

une exposition groupant quelques-uns de ces jeunes<br />

peintres revenus de Paris, que la critique appellera<br />

á modernistes â. Pour la premiere fois, se tient, egalement<br />

dans la capitale portugaise, le Salon des Humoristes, ou<br />

l'un des grands promoteurs des tendances nouvelles,<br />

Jose de Almada-Negreiros, expose ses Ce Salon<br />

se renouvellera en 1912 a Lisbonne, et en 1914 a Porto.<br />

Parmi ces artistes qui partent pour Paris au debut<br />

du siecle et tous ceux qui suivront leur exemple jus-<br />

qu'en 1914, une vingtaine prendront rang dans l'histoire<br />

de l'art portugais. Le peintre Antonio Carneiro arrive<br />

en France des 1897; Leal da Camara, le celebre carica-<br />

turiste de l'Assiette au beurre, qui signe á Camara D ses<br />

magnifiques portraitscharges, vit a Paris de 1900 a 1916 ;


INTRODUCTION<br />

Francisco Smith s'installe a Montparnasse en 1902, en<br />

1911 il epouse Yvonne Mortier, une jeune Francaise sculp<br />

teur de talent, et se fixera definitivement a Paris ou il<br />

etablit sa reputation sous le nom de Francis Smith ;<br />

Alberto Cardoso vient a Paris en 1903, suivi, deux ans<br />

plus tard, par les peintres Eduardo Vianna, Manuel Jar-<br />

dim et Manuel Bentes ; Arnadeu de Souza-Cardoso, dont<br />

le depart se situe en 1906, detiendra une positionclef<br />

dans l'avant-garde de la peinture portugaise, et il partici-<br />

pera a plusieurs expositions internationales majeures<br />

aux cotes de ceux qui comptent parmi les plus grands<br />

noms de la peinture mondiale de notre temps : a Amadeu<br />

de Souza-Cardoso est la premiere decouverte du Portugal<br />

dans l'Europe du xxe siecle B, prophetise, des 1916, son<br />

ami Almada-Negreiros ; Emmerico Nunes, caricaturiste<br />

et peintre, sejourne a Paris de 1906 a 191 1, et le sculpteur<br />

Francisco Franco, de 1909 a 1912 ; les peintres Armando<br />

de Basto, Dordio Gomes et Santa-Rita sont, en 1910, pre-<br />

cedes de quelques mois a Paris par Jose Pacheco, qui<br />

y etudie l'architecture et les arts graphiques. De 1911<br />

egalement date le sejour dans la capitale francaise du<br />

sculpteur Diogo de Macedo, auteur d'un livre de souve-<br />

nirs intitule 14, cite Falguiere, et qui deviendra plus tard<br />

directeur du Musee d'Art contemporain et ecrivain d'art.<br />

Parmi les jeunes visiteurs portugais de Paris a cette<br />

epoque, mentionnons encore Antonio de Azevedo, Domin-<br />

gos Rebelo, le sculpteur Canto da Maya qui, a partir de<br />

1913, fixe sa residence a Paris pour de longues annees -<br />

et dont les recoivent un accueil flatteur de la<br />

critique francaise - ainsi que la jeune femme peintre-<br />

graveur Mily Possoz.<br />

Tous ces artistes - avec leurs camarades demeures<br />

au Portugal, Almada-Negreiros, Jorge Barradas, Stuart<br />

Carvalhais, Antonio Soares et Abel Manta - peuvent<br />

etre consideres de plein droit comme les pionniers<br />

du mouvement moderne dans ce pays. Jusqu'au debut<br />

de 1917 - date que nous nous sommes fixee comme


INTRODUCTION<br />

limite a notre expose - ils realiseront diverses mani-<br />

festations artistiques revelant un art entierement nou-<br />

veau au public portugais, qui y reagit parfois avec une<br />

assez bruyante hostilite. Ce sont, par exemple, en 1913,<br />

les premieres expositions individuelles d1Almada-Negrei-<br />

ros a Lisbonne ou de Diogo de Macedo a Porto.<br />

Un evenement important se produit en 1915, avec<br />

la creation du groupe a Orpheu â et la publication de<br />

deux numeros d'une revue litteraire qui sera le grand<br />

point de depart et comme la premiere pierre des fon-<br />

dations du mouvement moderne portugais. Cette revue,<br />

c'est le poete Luis de Montalvor qui en propose la reali-<br />

sation, qui la concoit comme un lien entre les intellec-<br />

tuels portugais et bresiliens et lui donne son titre<br />

d'Orpheu; elle doit, en principe, paraitre trimestrielle-<br />

ment. La redaction du premier numero - date de jan-<br />

vier-fevrier-mars 1915 - est assuree sous la direction de<br />

Luis de Montalvor pour le Portugal et de Ronald de<br />

Carvalho pour le Bresil ; au sommaire figurent les noms<br />

des poetes Fernando Pessoa, Mario de Sa-Carneiro,<br />

Alfredo Guisado, Cortes-Rodrigues, Alvaro de Campos<br />

(alias Fernando Pessoa) et du poete-peintreecrivain<br />

Jose de Almada-Negreiros ; la couverture est de Jose<br />

Pacheco ; l'editeur est Antonio Ferro. Pour le numero 2<br />

d'Orpheu, qui parait le 28 juin de la meme annee, les<br />

directeurs sont Mario de Sa-Carneiro et Fernando<br />

Pessoa ; ils se sont assures la collaboration du poete<br />

Ange10 de Lima, de Raul Leal, a philosophe du vertige â,<br />

de Violante de Cysneiros (alias Cortes-Rodrigues) et de<br />

l'artiste Santa-Rita. Le troisieme numero d'Orpheu,<br />

auquel le peintre Amadeu de Souza-Cardoso devait<br />

apporter sa collaboration plastique, ne paraitra jamais.<br />

Le 26 avril 1916, a l'age de vingt-six ans, Mario de Sa-<br />

Carneiro se suicide a Paris, et sa mort plonge le groupe<br />

dans un desarroi profond.<br />

Au cours de llannCe 1915 egalement, s'ouvre a Porto<br />

le premier Salon des Modernistes, et de vagues projets


Sonia Delaunay-Terk. dans son jardin de Vila do Conde.


La famille Delaunay. Assis, de gauche a droite : Sonia Delau-<br />

nay-Terk, le petit Charles, Robert Delaunay; debout : Beatris.


INTRODUCTION<br />

s'elaborent en vue de fonder une Societe portugaise<br />

d'Art moderne.<br />

Des le commencement de la Grande Guerre, dans<br />

les annees 19141915, tous les artistes qui sejournaient<br />

en France regagnent le Portugal. Ils se rencontrent quo-<br />

tidiennement au cafe á A Brazileira ., situe dans le<br />

Chiado, petite place du centre de Lisbonne. Ce cafe,<br />

devenu centre intellectuel, equivalent du á Dome n ou<br />

de la Rotonde . de Paris, existe encore de nos jours.<br />

Journalistes, poetes, hommes de lettres, musiciens,<br />

medecins, avocats, toute la fine fleur de l'intelligentsia<br />

portugaise s'y donne rendez-vous. En ce Parnasse s'inven-<br />

tent blagues et canulars, se concoivent des manifestes,<br />

se commentent avec chaleur les nouvelles recues de<br />

France, de Paris. Celui qui arrive de la capitale fran-<br />

caise, comme il est entoure, fete, crible de questions !<br />

Tous ces mouvements artistiques ? Le cubisme ? Le<br />

futurisme ? Alors qu'on lui demande, un jour de 1916,<br />

a quelle ecoie il se rattache, Amadeu de Souza-Cardoso<br />

repond categoriquement : A aucune ! Les ecoles sont<br />

mortes. Nous, les jeunes, nous cherchons l'originalite.<br />

Je suis impressionniste, futuriste, abstractionniste, de<br />

tout un peu. â C'est l'epoque ou il fait siennes les decla-<br />

rations du Manifeste futuriste : Rien n'est absolu en<br />

peinture. Ce qui etait une verite pour les peintres d'hier<br />

est un mensonge pour les peintres d'aujourd'hui. Ce qui<br />

etait hier nature morte est aujourd'hui matiere vivante.<br />

Les etres, animaux et vegetaux, ont une vitalite d'explo-<br />

sion vers l'exterieur. Les objets ont une vitalite de concen-<br />

tration en-dedans. Rien de statique dans la nature, toute<br />

vie suit sa propre vie dans l'espace. ))<br />

A la a Brazileira â circulent les noms de tous ces<br />

jeunes qui, a Paris, a Berlin, a Rome, bouleversent le<br />

monde des arts. Aux tables des (< moderes . s'opposent<br />

les tables des avant-garde m. On parle des Ballets<br />

russes de Diaghilev qui, en 1917, enthousiasmeront<br />

Lisbonne comme ils ont enthousiasme Paris et les autres


villes dlEurppe, et dont les representations, au Coli-<br />

seu â, seront fidelement suivies par Almada et ses amis<br />

qui les applaudiront a tout rompre. Entre Almada et<br />

Massine va d'ailleurs naitre une amitie que le temps<br />

n'effacera pas : trentecinq ans plus tard, Massine nous<br />

demandait encore souvent des nouvelles d'Almada. Celui-<br />

ci aime le mouvement, le rythme, le dynamisme, donc la<br />

danse. Il danse lui-meme et cree des ballets. Il ne fait<br />

pas bon, a la K Brazileira D, d'appartenir au clan des<br />

tenants de l'academisme, des pompiers â, des á botti-<br />

nes a elastiques â (botas de elastico), comme les baptise<br />

irreverencieusement en 1912 le caricaturiste Cristiano<br />

Cruz, ou des lepidopteres bourgeois â stigmatises par<br />

Sa-Carneiro. Ils sont la cible favorite de la jeune avant-<br />

garde et, en particulier, de l'un des collaborateurs<br />

d'Orpheu, le peintre Santa-Rita (a Santa-Rita Pintor â,<br />

comme il se designe lui-meme), qui surpasse tous ses<br />

camarades en originalite, en extravagance, en verve et<br />

en insolence. On lui attribue mille histoires caustiques,<br />

passees dans la legende. Un jour, en sortant de la a Bra-<br />

zileira â, il se serait trouve face a face avec l'ecrivain<br />

Julio Dantas, image meme de la respectabilite litteraire,<br />

que les jeunes ont choisi pour tete de Turc. Il le salue :<br />

e Bonjour, Monsieur Dantas Julio ! - Pardon, lui repond<br />

aimablement l'homme de lettres, je me nomme Julio<br />

Dantas ... - Ah, que non ! riposte Santa-Rita. Vous dites<br />

cela parce que vous etes de votre cote, mais moi, qui me<br />

trouve en face, je vous vois toujours comme Dantas<br />

Julio. â Santa-Rita attaque sans repit toute forme de<br />

moderation, se fait le champion du cubisme, exalte le<br />

futurisme, et, par ses outrances, provoque des bagarres.<br />

Pour le grand public, les noms d'Alvaro de Campos, de<br />

Sa-Carneiro, d'Almada, de Santa-Rita et d'Amadeu de<br />

Souza-Cardoso sont synonymes de folie, ce qui fera dire<br />

a Amadeu : Nous devons considerer comme un titre<br />

d'orgueil le surnom de fous, avec lequel la mediocrite<br />

s'efforce de demolir les novateurs. â


INTRODUCTION<br />

L'entree dans le cafe d'un de ces heros du jour est<br />

saluee par des demonstrations d'amitie, des accolades,<br />

des exclamations, des commentaires. L'atmosphere est<br />

a la subversion : il faut tout detruire pour mieux cons-<br />

truire. Les discussions se poursuivent, interminables,<br />

devant les tasses de cafe et le traditionnel petit verre<br />

de marc, le bagaco, et les serveurs de la a Brazileira â,<br />

pris, eux aussi, d'une fievre d'invention, creent des mots<br />

nouveaux pour designer les divers dosages et melanges<br />

de cafe exiges par leurs habitues.<br />

Mais, en contrepoint de cette effervescence intellec-<br />

tuelle, existe une inquietude non moins intense, nee de<br />

la guerre et entretenue, pour les uns, par les nouvelles<br />

recues de jeunes soldats du corps expeditionnaire por-<br />

tugais qui se battent glorieusement aux cotes de la<br />

France, pour les autres, par la menace toujours immi-<br />

nente de la conscription. L'Allemagne, des septembre<br />

1914, a attaque les colonies portugaises, et elle declarera<br />

la guerre au Portugal le 9 mars 1916. A part le bouillant<br />

Amadeu de Souza-Cardoso qui, en septembre 1915, anime<br />

de l'ardeur combative qu'il apporte en toute chose,<br />

ecrit : Si l'on ne participe pas a la guerte, si peu que<br />

ce soit, on s'embete. Il nous faut quelque chose de fort.<br />

Je suis militariste ! â - a part lui, donc, dont l'ampu-<br />

tation de Cendrars assombrira d'ailleurs l'humeur belli-<br />

queuse, ses camarades, Vianna surtout, eprouvent, non<br />

pas certes de la peur, mais un desespoir profond a la<br />

perspective d'abandonner leur en plein essor,<br />

de renoncer a leurs projets, a leurs reves de (( vie<br />

sublime â pour une (( vie qui n'est pas la leur â.<br />

C'est donc dans cette Brazileira â, ou sont nees<br />

deja tant d'esperances, ou se brassent tant d'idees melees<br />

de tant d'illusions et entrecoupees de tant de decoura-<br />

gements et de depressions qui frappent surtout les<br />

meneurs de ce combat spirituel, qu'a la fin du printemps<br />

de 1915 Robert Delaunay fait son entree. Il est aureole<br />

de son prestige d'artiste parisien, dont connait


INTRODUCTION<br />

deja une notoriete internationale, de theoricien ecoute<br />

de l'a orphisme â et des contrastes simultanes â, ami<br />

de Guillaume Apollinaire et de Blaise Cendrars. Quelque<br />

temps plus tard arrive sa seduisante jeune femme, Sonia<br />

Delaunay-Terk, peintre de grand talent elle aussi, dont<br />

les recents succes artistiques, l'esprit createur et entre-<br />

prenant - et les á robes simultanees â - soulevent<br />

l'admiration de la jeune avant-garde, qui aussitot voue<br />

a a Madame )> un culte ou l'enthousiasme le dispute au<br />

respect.<br />

Sonia et Robert Delaunay, accompagnes de leur jeune<br />

fils Charles, a venus au Portugal pour un mois d'ete, y<br />

resteront pres de deux ans â, jusqu'au debut de 1917.<br />

L'amitie qui les lie aux quatre artistes portugais, Almada,<br />

Pacheco, Souza-Cardoso et Vianna, les projets mis en<br />

commun, les discussions theoriques ou techniques, les<br />

desaccords memes qui pourront survenir, tous ces<br />

echanges intellectuels et affectifs dont ces lettres gar-<br />

dent le souvenir - bien qu'il faille deplorer l'absence<br />

des reponses des Delaunay a leurs correspondants -<br />

portent temoignage de l'influence profonde et K cata-<br />

lysante )) (mais non pas a sens unique) de ces relations<br />

entre ce couple fascinant et les artistes portugais, au<br />

moment meme ou ceuxci se trouvent, du fait de la<br />

guerre, prives de la possibilite de sortir de leurs fron-<br />

tieres et de participer a ce qui subsiste des mouve-<br />

ments de l'esthetique nouvelle a l'etranger.<br />

De ce sejour au Portugal, Madame Sonia Delaunay<br />

aime dire que c'est un des moments les plus merveilleux<br />

de sa vie. Elle en a garde precieusement les beaux souve-<br />

nirs ainsi que la correspondance adressee a elle-meme<br />

et a son mari par leurs quatre jeunes confreres portu-<br />

gais, comme eux enivres de leur art, debordants de<br />

projets, passionnes de travail. C'est grace a sa fidelite de<br />

envers ses annees portugaises que cette etude a<br />

pu etre realisee. Qu'elle en soit, une fois de plus,<br />

remerciee.


INTRODUCTION<br />

EDUARDO VIANNA, l'aine du petit groupe, est ne a<br />

Lisbonne le 28 novembre 1881. A l'Academie des Beaux-<br />

Arts de Lisbonne, il etudie le dessin, de 1896 a 1903,<br />

puis la peinture, de 1903 a 1905. Cette meme annee 1905,<br />

il part pour Paris avec les peintres Manuel Jardim et<br />

Manuel Bentes, et devient l'eleve de Paul Laurens. A<br />

partir de 1908, il frequente des academies libres, tel le<br />

a Studio n, ou il rencontre ses camarades Manuel Bentes,<br />

Francisco Smith, Emmerico Nunes et Amadeu de Souza-<br />

Cardoso. Plusieurs documents attestent cette bonne<br />

amitie. En 1910, il entreprend, avec Bentes, Smith et<br />

Emmerico Nunes, un voyage en Angleterre, en Hollande<br />

et en Belgique, qui les enthousiasme, et au cours duquel<br />

ils n'oublient pas d'envoyer des cartes postales a leur<br />

ami Amadeu demeure a Paris. En 1911, il expose a Lis-<br />

bonne, a la Societe nationale des Beaux-Arts (ou il expo-<br />

sera egalement les annees suivantes), et a 1' a Exposition<br />

libre â du Salao Bobone. Il regagne le Portugal en 1914.<br />

AMA<strong>DE</strong>U <strong>DE</strong> SOUZA-CARDOSO nait le 14 novembre 1887<br />

a Manhufe, pres d'Amarante, dans le nord du Portugal,<br />

d'une famille de riches proprietaires terriens qui exploi-<br />

tent leurs vignobles. Il fait a Lisbonne ses etudes puis<br />

commence, en 1905, des etudes preparatoires d'archi-<br />

tecture a l'Academie des Beaux-Arts. Au mois de novem-<br />

bre 1906, il part pour Paris avec son ami le peintre<br />

Francisco Smith et s'installe a Montparnasse. Il pour-<br />

suit ses etudes d'architecture, mais, l'annee suivante,<br />

apres avoir frequente les ateliers de Godefroy et de<br />

Freynet, il se met a etudier la peinture dans les acade-<br />

iiiies libres et devient l'eleve du peintre espagnol Anglada<br />

Camarasa. L'annee 1909 le trouve au numero 14 cite<br />

Falguiere, dans l'atelier 21, non loin de celui de Modi-<br />

gliani, ou il convie souvent ses amis portugais : les<br />

peintres Francisco Smith, Emmerico Nunes (lui aussi<br />

un hote de la cite Falguiere), Manuel Bentes, Domingos<br />

Rebelo et l'architecte Alfredo Ferraz. Ces jeunes gens


INTRODUCTION<br />

se reunissent tantot chez les uns, tantot chez les autres,<br />

pour de bruyantes et joyeuses soirees dont quelques<br />

photographies pittoresques gardent le souvenir. (Diogo<br />

de Macedo, l'historiographe de la a cite D, n'arrivera<br />

qu'en 1911.) D'autres peintres viendront rejoindre ce<br />

groupe : Eduardo Vianna, Jose Pacheco - a qui Amadeu<br />

ctidera son atelier et qui, comme lui, debute dans l'archi-<br />

tecture - Alberto Cardoso, qui joue a merveille de la<br />

guitare, le sculpteur espagnol Sola, qui execute un buste<br />

dlAmadeu, ainsi que les Bresiliens Roberto Colin et<br />

Scarpia. Sans doute vers la fin de 1910, Souza-Cardoso<br />

loue un atelier 27 rue de Fleurus, a cote du pavillon<br />

sur cour ou habitent Gertrude Stein et Alice Toklas.<br />

Picasso, Juan Gris, Braque sont des visiteurs assidus<br />

de la femme de lettres americaine. Malheureusement, on<br />

n'a pas, jusqu'a present, trouve de traces des relations<br />

de voisinage, pourtant plus que probables, qulAmadeu<br />

a du entretenir avec Gertrude Stein et ses illustres<br />

hotes. C'est donc de cette epoque que datent sa grande<br />

amitie pour Modigliani et ses rapports cordiaux avec<br />

Walter Pach, Archipenko, Diego de Rivera, Brancusi,<br />

Otto Freundlich, Boccioni et bien d'autres artistes.<br />

Au mois de decembre 1910, Souza-Cardoso va passer<br />

les fetes de fin d'annee aupres des siens, au Portugal,<br />

et, des son retour a Paris, il se met au travail avec cet<br />

acharnement et cette force de volonte qui le caracteri-<br />

sent. Il occupe alors un etage au 3 de la rue Colonel-<br />

Combes. Son amitie avec Modigliani est au beau fixe,<br />

et les deux Amadeo decident d'exposer ensemble dans<br />

l'atelier du Portugais. Ce dernier participe pour la pre<br />

miere fois au Salon des Independants de Munich, et,<br />

le 21 avril, il envoie six toiles au XXVIIe Salon des<br />

Independants de Paris. C'est a cette occasion qu'au dire<br />

du sculpteur Diogo de Macedo, Modigliani, devant les<br />

tableaux de Souza-Cardoso, se serait ecrie : c Voila !<br />

Voila ! ... C'est presque bien ... Il ne lui manque qu'un peu<br />

de courage pour emmerder tous ces barbouilleurs ! D


INTRODUCTION<br />

En 1912, Arnadeu fait editer a Paris un album de<br />

XX Dessins D, avec une preface de Jerome Doucet,<br />

auquel L. Vauxcelles consacre une excellente critique.<br />

En octobre, il presente des toiles au Xe Salon d'Automne<br />

ainsi qu'au XXVIIIe Salon des Independants de Paris.<br />

Par l'entremise de Walter Pach, il recoit une invitation<br />

a exposer a 1'Armory Show, manifestation qui doit avoir<br />

lieu l'annee suivante aux Etats-Unis.<br />

Vers cette epoque se situent probablement ses pre-<br />

miers contacts avec Robert et Sonia Delaunay qui, au<br />

cours des annees 1912 et 1913, recevaient leurs amis<br />

tous les dimanches, en des reunions ou se retrouvaient<br />

poetes, peintres, sculpteurs, ecrivains tels que Archi-<br />

penko, Picabia, Apollinaire, Cocteau, Cendrars, Chagall<br />

et bien d'autres.<br />

En 1913, les Delaunay proposent a Soma-Cardoso -<br />

qui possede alors un atelier 20 rue Ernest-Cresson -<br />

de participer a l'exposition collective du Herbstsalon,<br />

a la galerie u Der Sturm D de Berlin, qui doit avoir lieu,<br />

comme son nom l'indique, a l'automne. Mais, aupara-<br />

vant, au mois de fevrier, 1'Armory Show ouvre ses portes<br />

a New York, puis le 24 mars a Chicago, et le 28 avril a<br />

Boston. Soma-Cardoso y a envoye huit peintures, dont<br />

trois, acquises par le critique Jerome Eddy, seront plus<br />

tard leguees a l'Art Institute de Chicago. Il participe,<br />

avec d'autres envois, a diverses expositions collectives<br />

de Cologne, Hambourg, etc.<br />

L'artiste portugais habite, en 1914, dans la Villa<br />

Louvat, 38 bis rue Boulard. Il expose, le le' mars, au<br />

XXXe Salon des Independants de Paris et, au mois<br />

d'avril, expedie trois tableaux au London Salon. C'est<br />

au cours d'un voyage en Espagne, qui le mene d'abord<br />

a Barcelone (ou il rencontre l'architecte Antonio Gaudi),<br />

puis a Madrid, que la declaration de guerre le surprend<br />

et l'oblige a regagner le Portugal. Il revient alors vivre<br />

aupres de sa famille, a Manhufe, dans cette grande


INTRODUCTION<br />

demeure seigneuriale, avec Lucie, sa jeune et ravissante<br />

epouse francaise, qu'il a connue a Paris, dans ce quar-<br />

tier du Montparnasse qu'il aimait tant. La, dans l'isole-<br />

ment de ses montagnes natales, il va poursuivre sans<br />

relache ses travaux et scs recherches, mu par une foi<br />

ou il met toute la vitalitb de sa jeunesse et sa ferme<br />

determination de reussir.<br />

JOSE PACHECO voit le jour a Lisbonne en 1885. 11 y<br />

fait ses etudes, et, vers la fin de 1909, part pour Paris<br />

ou il s'installe dans l'atelier qu'Amadeu de Souza-Cardoso<br />

lui cede au 14 cite Falguiere. Lui aussi commence des<br />

etudes d'architecture qu'il ne terminera jamais. 11 se<br />

N sent >J architecte - N Je suis architecte par la grace<br />

de Dieu n, dit-il - mais reve d'une architecture ideale,<br />

bien differente de celle qu'on lui enseigne. Boheme,<br />

insatisfait, revolte, il frequente ateliers et academies<br />

libres, et sa grande jeunesse d'esprit lui fait toujours<br />

prendre position avec l'avant-garde. De retour au Portu-<br />

gal en 1914, il rejoint le groupe dit des á modernistes n<br />

ou des á futuristes â, qui a rassemble ses compagnons<br />

de Paris, les peintres Santa-Rita et Souza-Cardoso,<br />

Almada, ainsi qce les poetes qu'il admire, Mario de<br />

SA-Carneiro et Fernando Pessoa. Son ambition est de<br />

tout renouveler. A commencer par les arts graphiques.<br />

11 fait de belles mises en pages qu'il illustre lui-meme,<br />

ecrit des articles doctrinaires ; il peint aussi, et signe<br />

ses á Jose Paxeko m.<br />

JOSE <strong>DE</strong> ALMADA-NEGREIROS, le seul de ces quatre<br />

mousquetaires qui soit reste au Portugal, est, avec Ama-<br />

deu de Souza-Cardoso, la grande figure de l'avant-garde<br />

portugaise. C'est essentiellement un createur, un esprit<br />

aux facettes et aux talents multiples, d'une debordante<br />

jeunesse : a Plus je vis, plus je me sens jeune a, ecrit-il<br />

a Sonia Delaunay, Grand poete, ecrivain remarquable,


Eduardo Vianna (1881-1967).


Amadeu de Souza-Cardoso (1889-1918), photographie en 1916.


Jose Pacheco (1885-1934).


Jose de Almada-Negreiros (18934970).


INTRODUCTION<br />

dessinateur d'une merveilleuse habilete, il ecrit aussi des<br />

pieces de theatre, redige des manifestes et des pamphlets,<br />

regle des choregraphies et les danse. Il est le fondateur<br />

du mouvement futuriste portugais.<br />

Ne au Cap-Vert, le 7 avril 1893, il fait ses etudes au<br />

college de Campolide, a l'Ecole nationale de Lisbonne,<br />

puis au lycee de Coimbra. Tres tot, en 1911, il debute<br />

dans la caricature et collabore aux revues Rajada et<br />

Satira.<br />

Il expose pour la premiere fois en 1911 au 1" Salon<br />

du Groupe des Humoristes, et organise, a la fin de 1912,<br />

sa premiere exposition individuelle de caricature a<br />

l'Ecole internationale de Lisbonne.<br />

Ses premiers ecrits voient le jour entre 1913 et 1915 :<br />

ce sont des pieces de theatre : 23, 3" andar (23, 3' etage)<br />

et Os Outros (les Autres), ainsi qu'une nouvelle, A<br />

Engomadeira (la Repasseuse), et son virulent Mani-<br />

feste anti-Dantas, dirige contre le brillant ecrivain a<br />

succes Julio Dantas, dont nous avons parle plus haut,<br />

infortunee victime de ces jeunes irreductibles. Il compte<br />

parmi les fondateurs de la revue Orpheu, publiee en<br />

1915, dont nous avons deja souligne l!importance.<br />

Il nous reste a presenter les deux protagonistes de<br />

cette etude - protagonistes muets, helas, puisque leurs<br />

lettres font defaut - autour desquels, pendant quelque<br />

temps, gravite et prend la mesure de ses forces le jeune<br />

mouvement moderne portugais, fraichement sorti de<br />

sa chrysalide.<br />

ROBERT <strong>DE</strong>LAUNAY est ne a Paris, le 12 avril 1885.<br />

De bonne heure, il manifeste d'exceptionnelles disposi-<br />

tions pour le dessin et la peinture. De ses seize ans<br />

demeure un premier temoignage de sa precocite pictu-<br />

rale, intitule Cour de ferme. En 1902, son oncle maternel<br />

le place en apprentissage dans un atelier de decors, a


INTRODUCTION<br />

Belleville, chez Ronsin, ou il reste deux ans. L'ete de<br />

1904 le trouve en vacances en Bretagne, travaillant d'apres<br />

nature et marque par l'influence des impressionnistes et<br />

des nabis. L'annee suivante, ses s'orientent vers la<br />

nature et la peinture contemporaine, et attestent les<br />

influences japonistes et pointillistes. A dix-neuf ans, il<br />

execute son autoportrait. Survient en 1906 une phase<br />

neo-impressionniste : natures mortes. portraits, sujets<br />

tels que le Fiacre. Au Salon d'Automne, il envoie une<br />

toile, Manege electrique, dans une premiere version qui<br />

sera refusee. Cette periode pointilliste est interrompue<br />

par le service militaire, qu'il effectue a Laon ; il est<br />

affecte a la bibliotheque de son regiment et lit beaucoup,<br />

avec une predilection pour les philosophes allemands.<br />

La silhouette de la cathedrale surgissant au-dessus de<br />

la cite est a l'origine de deux themes qui vont caracte-<br />

riser une grande partie de son : la ville et les<br />

tours. Libere de ses obligations militaires pour raisons<br />

de sante, il regagne Paris, ou il se consacre desormais<br />

entierement a la peinture.<br />

En 1909-1910, les traits essentiels de la personnalite<br />

artistique de Delaunay commencent a se preciser, avec<br />

Dirigeable et la Tour, Saint-Severin, Portrait par lui-<br />

meme, les Tours de Notre-Dame, les Villes : neo-impres-<br />

sionnisme, pointillisme s'y melangent a de la figuration<br />

geometrique. Avec les Villes, le jeune peintre se relie<br />

aux premieres tentatives cubistes.<br />

L'annee 1910 est celle de son mariage avec Sonia<br />

Terk ; avec elle, d'avril a septembre, il s'installe a<br />

Nantua, ou il execute une serie de vingt toiles sur le<br />

theme de á la Tour m. C'est alors que, pour la premiere<br />

fois, le celebre disque solaire fait son apparition. Trois<br />

ans plus tard, en aout 1913, inspire par ces tableaux,<br />

Blaise Cendrars composera son beau poeme intitule<br />

Tour, dedie a Robert Delaunay :


INTRODUCTION<br />

O Tour Eiffel! (...)<br />

O sonde celeste !<br />

Pour le Simultane Delaunay a qui je dedie ce<br />

[poeme,<br />

Tu es le pinceau qu'il trempe dans la lumiere (...)<br />

Tu es tout<br />

Tour<br />

Dieu antique<br />

Bete moderne<br />

Spectre solaire<br />

Sujet de mon poeme<br />

Tour<br />

Tour du monde<br />

Tour en mouvement<br />

Apres plusieurs etudes faites, l'annee precedente, sur<br />

le theme des Trois Graces, I'artiste expose, au Salon<br />

des Independants de 1912, son grand tableau de la Ville<br />

de Paris, qui sera juge par Apollinaire comme u le plus<br />

important du Salon et le du cubisme â.<br />

Pour definir l'art de son ami, Apollinaire propose le<br />

mot d'orphisme, qui est, comme il l'explique dans les<br />

Peintres cubistes, u l'art de peindre des ensembles nou-<br />

veaux avec des elements empruntes, non a la realite<br />

visuelle, mais entierement crees par l'artiste, et doues<br />

par lui d'une puissante realite B. C'est aussi l'epoque<br />

des Fenetres. Ces fenetres, Delaunay les ouvre sur une<br />

nouvelle realite, et elles mettent en evidence la distance<br />

qu'il prend a l'egard de la vision directe de la nature,<br />

. s'orientant desormais, selon l'expression de Paul Klee,<br />

vers un u type de tableau se suffisant a lui-meme ... qui<br />

possede sur le plan de la forme une existence entiere-<br />

ment abstraite ... creation plastique vivante, aussi eloi-<br />

gnee d'un tapis que l'est une fugue de Bach m. Le premier<br />

Disque simultane fait son apparition dans de<br />

l'artiste, et la serie des Formes circulaires inaugure<br />

l'ere constructive de la peinture dite inobjective : la


INTRODUCTION<br />

couleur est forme et sujet, en opposition a la technique<br />

du cubisme.<br />

Des cette epoque existe une grande amitie entre les<br />

Delaunay et Herwarth Walden, musicien, poete et editeur<br />

allemand, qui dirige a Berlin une revue et une galerie<br />

auxquelles il a donne le nom de á Der Sturm n, et qui<br />

joueront un role important dans la diffusion de l'art<br />

d'avant-garde en Allemagne. Lors de l'inauguration de<br />

la galerie, en mars 1912, Walden expose trois toiles de<br />

Delaunay, et, en 1913, il lui consacre une exposition<br />

individuelle. Par ailleurs, des 1911, une amie commune<br />

a Sonia Delaunay et a Kandinsky avait ecrit a ce dernier<br />

pour lui parler du tableau la Tour Eiffel de Robert.<br />

Kandinsky a aussitot manifeste l'interet le plus vif et<br />

prie Delaunay de lui envoyer quelques toiles. Robert<br />

Delaunay accepte, et sept de ses prennent le<br />

chemin de l'Allemagne : elles vont contribuer a etablir<br />

outre-Rhin sa reputation de chef de file d'un art entiere-<br />

ment nouveau.<br />

C'est grace a l'enthousiasme de Kandinsky et de<br />

Paul Klee et a l'appui de Walden qu'au debut de 1913,<br />

sur une invitation de ses amis, Robert Delaunay se rend<br />

a Berlin, en compagnie d'Apollinaire - et aussi, detail<br />

peu connu, de Cendrars - pour assister au vernissage de<br />

son exposition individuelle du a Sturm D.<br />

Cette exposition, tres importante, se tient du 27 jan-<br />

vier au 20 fevrier. Y figurent des telles que<br />

l'Equipe de Cardiff, les Fenetres simultanees, les Tours,<br />

les Tours de Notre-Dame. En outre, tres probablement<br />

par l'entremise de Kandinsky, quatre toiles et un dessin<br />

de Robert Delaunay ont ete exposes, des decembre 1911,<br />

a la galerie Thannhauser de Munich, dans le cadre de la<br />

manifestation du groupe du a Blaue Reiter â.<br />

Les Delaunay ont eu ainsi l'occasion de nouer des<br />

relations tres amicales avec les peintres expressionnistes<br />

allemands Franz Marc et August Macke. Walden demande<br />

a Sonia et a Robert Delaunay, non seulement de parti-


INTRODUCTION<br />

ciper largement au 1" Salon d'Automne allemand (Erster<br />

Herbstsalon), mais aussi de lui signaler quelques artistes<br />

susceptibles d'y etre admis. Entre autres peintres, les<br />

Delaunay ,lui recommandent Chagall et Amadeu de<br />

Souza-Cardoso.<br />

Le premier Herbstsalon ouvre ses portes a Berlin,<br />

a la galerie á Der Sturm D, du 20 septembre au 1" novem-<br />

bre 1913. Robert Delaunay y expose des series de<br />

Contrastes simultanes D, de a Soleils D, de á Lunes â,<br />

de Prismes â...<br />

Parmi ses de l'annee 1914, citons l'Affaire<br />

Caillaux, l'Hommage a Bleriot et la suite des Formes<br />

circulaires.<br />

Le couple entreprend ensuite un .voyage en Espagne,<br />

mais, cet ete-la, eclate la guerre. En 1915, Robert part<br />

pour Lisbonne, accompagne de son fils Charles et' du<br />

peintre americain Halpert. Sonia les rejoindra un peu<br />

plus tard.<br />

SONIA <strong>DE</strong>LAUNAY-TERK nait le 14 novembre 1885 en<br />

Ukraine, Russie. Elle a cinq ans lorsque son oncle mater-<br />

nel l'adopte ; elle vivra desormais a Saint-Petersbourg<br />

et y fera ses etudes.<br />

En 1903, elle etudie le dessin a Karlsruhe ; deux ans<br />

plus tard, elle est a Paris et frequente l'atelier de la<br />

á Palette â, ou elle a pour camarades Ozenfant, Dunoyer<br />

de Segonzac, Boussingault. Vers 1907, sa peinture est<br />

fauve et montre l'influence de Gauguin et de Van Gogh.<br />

Passionnee par son art, elle craint que ses parents<br />

ne la rappellent en Russie pour la marier. C'est alors<br />

qu'elle fait la connaissance du critique d'art Wilhelm<br />

Udhe, de dix ans son aine - elle est agee de vingtquatre<br />

ans - et s'entend avec lui pour conclure un c mariage<br />

amical â, qui lui permet de rester a Paris, sauvegardant<br />

leur independance reciproque. Peu de temps apres,<br />

Wilhelm Udhe -presente a sa femme un jeune peintre


INTRODUCTION<br />

de talent qui fait son portrait, Robert Delaunay. Des sa<br />

premiere rencontre avec Sonia, c'est le coup de foudre :<br />

Udhe s'efface, rend, par un prompt divorce, la liberte<br />

a la jeune femme et demeurera toute sa vie un ami du<br />

couple. Robert et Sonia se marient en 1910 et s'instal-<br />

lent 3 rue des Grands-Augustins, dans un atelier qu'ils<br />

conserveront jusqu'en 1935. En 1911 leur nait un fils,<br />

Charles, le á gentil petit Charlot â, le petit peintre â<br />

- futur historien du jazz - auquel, on le verra, il est<br />

toujours fait allusion avec tendresse dans les lettres<br />

des correspondants portugais de ses parents.<br />

Des cette epoque datent les premieres creations et<br />

decorations d'objets de la jeune femme : coffres, bre<br />

deries, ombrelles, tissus appliques, voilettes simultanees,<br />

collages, reliures (en particulier, celle des poemes de<br />

Rimbaud). Guillaume Apollinaire vient vivre chez les<br />

Delaunay de novembre a la mi-decembre 1912. Au debut<br />

de 1913, a l'un des mercredis â d'Apollinaire, qui avait<br />

choisi de recevoir ce jour-la ses amis, se produit la<br />

rencontre des Delaunay avec Blaise Cendrars, alors age<br />

de vingt-six ans, qui apporte ses Paques a New York,<br />

tout recemment editees. u Il y a eu tout de suite entre<br />

nous, raconte Sonia Delaunay, une tres grande sympa-<br />

thie, et Blaise a commence a delaisser quelque peu<br />

Apollinaire, qui avait ete jusqu'alors son plus grand<br />

ami. Entre Robert et lui, c'a tout de suite ete la grande<br />

amitie ; Robert etait tres extraverti, tres seduisant, tout<br />

comme Blaise ; il leur arrivait de parler des nuits entie-<br />

res. Pour moi, j'etais assez timide et plutot portee a la<br />

reverie : je me melais peu a leurs propos, mais, avec<br />

Blaise, nous parlions souvent des poetes allemands ... et<br />

de la Russie d'ou j'etais originaire. B Quelques mois plus<br />

tard, la jeune femme commence l'illustration du grand<br />

poeme de Cendrars, la Prose du Transsiberien et la<br />

petite Jeanne de France. Je ne serais pas etonnee,<br />

ajoute-telle, que l'amitie qui nous avait reunis ait ete<br />

un stimulant pour lui [Cendrars] : toujours est-il que


INTRODUCTION<br />

le Transsiberien est ne a la suite des grandes parleries<br />

entre Blaise et Robert. Un petit heritage que fera Blaise<br />

va lui permettre d'entreprendre l'edition de ce poeme<br />

avec mes couleurs simultanees. D Cendrars, a n'en pas<br />

douter, est tout acquis a l'art de Sonia Delaunay, si<br />

l'on en juge par ces lignes, ecrites en 1914 : a Une cou-<br />

leur-n'est pas couleur en soi. Elle n'est couleur qu'en<br />

contraste avec une ou plusieurs couleurs ... C'est par<br />

contraste que les astres et les murs gravitent. C'est le<br />

contraste qui fait leur profondeur. Le contraste est pre<br />

fondeur-forme. B Le tirage du livre ne de cette colla-<br />

boration consiste en cent cinquante exemplaires colories<br />

au pochoir, d'une typographie insolite - comptant plus<br />

de dix caracteres et corps differents -, d'un format<br />

qui ne l'est pas moins : 10 x 36 x 200 cm, et dont la<br />

hauteur totale, lorsqu'ils sont deplies, atteindrait celle<br />

de la Tour Eiffel, en hommage a Robert, dont la Tour<br />

etait le modele prefere D. Texte et á interpretations D<br />

se deploient dans un mouvement de continuite. La cou-<br />

verture, composee specialement, constitue un pochoir<br />

supplementaire.<br />

Le livre, expose a Berlin, a Londres, a New York et<br />

a Moscou, suscite des polemiques et des enthousiasmes.<br />

Dans les Soirees de Paris, Guillaume Apollinaire ecrira, le<br />

15 juin 1916 : Blaise Cendrars et Madame Delaunay-<br />

Terk ont fait une premiere tentative de simultaneite<br />

ecrite, ou contrastes de couleurs habituaient a lire<br />

d'un seul regard l'ensemble d'un poeme, comme un chef<br />

d'orchestre lit d'un seul coup les notes superposees dans<br />

la partition, comme on voit d'un seul coup les elements<br />

plastiques et imprimes d'une affiche. â<br />

Outre cette remarquable demonstration de a repre-<br />

sentation synchrome u, l'annee 1913 voit la creation de<br />

robes et de gilets simultanes. Au Herbstsalon de Berlin,<br />

a la galerie á Der Sturm â, Sonia Delaunay fait un<br />

envoi de vingt objets et tableaux, parmi lesquels le


INTRODUCTION<br />

magnifique Bal Bullier, large de pres de 4 metres, actuel-<br />

lement au musee d'Art moderne de Paris.<br />

Au Salon des Independants de Paris de 1914, elle<br />

expose les Prismes electriques, et, comme le rapporte<br />

Robert Delaunay, á collabore avec des poetes nouveaux,<br />

comme Tzara et Soupault, pour creer la robe-poeme qui<br />

fit sensation â. Cette innovation á complexe et impre-<br />

vue â inspire a Blaise Cendrars l'un de ses Dix-neuf<br />

poemes elastiques, intitule á Sur la robe elle a un<br />

COI@ â :<br />

Mes yeux sont des kilos qui pesent la sensualite<br />

[des femmes<br />

Tout ce qui fuit saille avance dans la profondeur<br />

Les etoiles creusent le ciel<br />

Les couleurs deshabillent<br />

á Sur la robe elle a un corps â<br />

Sonia et Robert Delaunay partent en vacances a<br />

Fontarabie, en Espagne. Le 2 aout 1914, c'est la guerre.<br />

Comme Robert est degage du service actif (il a ete<br />

reforme, nous l'avons vu, en 1908) et que le petit Charles<br />

est tombe gravement malade, le couple decide de s'ins-<br />

taller a Madrid. L'ete suivant, fuyant la chaleur acca-<br />

blante de la capitale espagnole, les Delaunay se retrou-<br />

vent a Lisbonne. C'est la qu'ils font connaissance, et<br />

bientot se lient d'amitie, avec le groupe des jeunes<br />

peintres portugais, et, en particulier, avec Almada,<br />

Vianna et Pacheco. Amadeu de Souza-Cardoso, qu'ils ont<br />

connu a Paris, vit alors retire dans sa demeure fami-<br />

liale de Manhufe, au nord du Portugal. En 1915, Sonia<br />

et Robert ont tous deux trente ans, Jose Pacheco egale-<br />

ment, Vianna en a trente-quatre, Amadeu de Souza-<br />

Cardoso vingt-huit et Jose de Almada-Negreiros vingt-<br />

deux.<br />

Dans ce Portugal, dont la lumiere, les couleurs et<br />

peut-etre aussi l'accueil chaleureux les enchantent, les


La villa la Simultanee, 7 Rua Benio de Freiias a Vila do Code,<br />

ou vecurent Robert el Sonia Delaunay, ainsi que Vianna, en<br />

1915-1916.


Materiel utilise par les Delaunay pour leurs peintures a la<br />

cire, pendant leur sejour a Vila do Conde.


INTRODUCTION<br />

Delaunay decident de s'attarder. Pacheco se charge de<br />

revendre les billets de retour pour Madrid. Sur la sug-<br />

gestion de Vianna, semble-t-il, ils choisissent de se<br />

rendre a Vila do Conde, non loin de Porto, ou ils s'ins-<br />

tallent, avec Halpert et Vianna, au 7 de la rue Bento de<br />

Freitas. Robert et Sonia sont ravis : dans le paysage,<br />

les poteries, les costumes, les couvertures de lit, les<br />

jouets du Minho, ils retrouvent a l'etat de nature les<br />

K contrastes simultanes P, ce simultanisme dont Robert,<br />

depuis 1913, est le theoricien, puisqu'il en fait remonter<br />

la decouverte aux Fenetres, pour lesquelles Apollinaire<br />

fit son poeme celebre :<br />

Du rouge au vert, tout le jaune se meurt (...)<br />

Beaute paleur d'insondables violets (...)<br />

IA fenetre s'ouvre comme une orange<br />

Le beau fruit de la lumiere<br />

Pour mieux comprendre l'ascendant exerce par<br />

Delaunay sur ses jeunes confreres portugais, citons<br />

quelques lignes capitales ou il a fermement resume sa<br />

pensee : N [Le simultanisme] c'etait la reaction de la<br />

couleur au clair-obscur du cubisme. C'etait la premiere<br />

manifestation, dans le groupe, de la couleur pour la<br />

couleur, que Cendrars appela simultanee - metier spe-<br />

cifiquement pictural qui correspond a un etat de sensi-<br />

bilite qui s'oppose a tout retour en art a toute imitation<br />

de la nature ou des styles. Il ecrit a ce sujet : Nos yeux<br />

vont jtlsqu'au soleil.<br />

á Le contraste n'est pas un noir et blanc, au contraire<br />

(une dissemblance), le contraste est une ressemblance.<br />

L'art d'aujourd'hui est l'art de la profondeur. Le mot<br />

simultane est un terme de metier ... Le simultane est une<br />

technique. Le contraste simultane est le perfectionne-<br />

ment le plus nouveau de cette technique. n<br />

Se souvenant plus tard de cette atmosphere vibrante<br />

dont il a, en cet ete de 1915, la revelation irremplacable,


INTRODUCTION<br />

Robert ecrira encore :


INTRODUCTION<br />

sans cesse a etendre et a perfectionner sa connaissance<br />

du metier ; lui aussi, en cette periode, execute plusieurs<br />

tableaux a la cire. Quant a Arnadeu de Souza-Cardoso,<br />

son enthousiasme pour la cire retombe assez vite ; son<br />

temperament impulsif, son desir de produire - et aussi<br />

quelques experiences manquees et nauseabondes, dont il<br />

parle dans l'une de ses lettres - font qu'il est peu a<br />

l'aise avec cette technique á trop molle et trop vague â<br />

et qu'il l'abandonne pour reprendre celle de l'huile.<br />

Mais il execute tout de meme en 1916, avec ce procede,<br />

plusieurs peintures figurant a son exposition d'automne<br />

de Porto, dont une toile de grandes dimensions, exposee<br />

aujourd'hui au musee d'Amarante. (Cependant, il n'en<br />

a guere peint que les trois quarts superieurs, et ce sera<br />

Vianna qui la terminera, comme ce dernier nous l'a<br />

aff irrne lui-meme.)<br />

Pour en revenir aux Delaunay, il semble donc bien<br />

qu'ils aient trouve a Vila do Conde - dont l'aqueduc du<br />

XVIII' siecle, qui aligne ses 999 arches sur cinq kiloine-<br />

tres, figure dans plusieurs compositions de Sonia -<br />

tout ce qui pouvait combler leur regard et leur ame<br />

d'artistes : l'authenticite, la generosite, la plenitude de<br />

la nature, des etres et des choses. La maison qu'ils ont<br />

choisie est sise dans l'ancienne Rua dos Banhos (rue des<br />

Bains), qui mene tout droit vers l'immensite de l'Atlan-<br />

tique. Elle dispose d'un jardin et de vastes pieces se<br />

pretant a l'execution de grands formats - et ou l'on<br />

peut facilement heberger les amis. Une servante, Beatris,<br />

va s'attacher a la famille Delaunay et la suivra fidele-<br />

ment dans ses divers deplacements, a Vigo en Espagne,<br />

puis de nouveau au Portugal, a Valenca do Minho ; elle<br />

prendra sa large part de la mesaventure qui, a la fin du<br />

sejour a Vila do Conde, eprouvera cruellement Sonia<br />

Delaunay. celle-ci, aujourd'hui encore, se souvient de<br />

cette servante au grand avec affection et saudade<br />

- ce mot portugais intraduisible, qui evoque la nostal-<br />

gie du temps passe.


INTRODUCTION<br />

Toutes les realisees par Robert et Sonia<br />

Delaunay au Portugal semblent impregnees d'un par-<br />

fum d'intimite et de bonheur, d'une joie de vivre exaltee<br />

et comme d'une humanite retrouvee. Intimite sereine<br />

chez Robert Delaunay, dans sa belle serie de natures<br />

mortes - expression qui convient bien mal a ces visions<br />

pleines de vie -, dans ses Verseuses et ses Portugaises ;<br />

explosion joyeuse et intense vitalite chez Sonia, dans<br />

ses differentes versions du Marche au Minho - parmi<br />

lesquelles la grande toile exposee au musee d'Art moderne<br />

de Paris, á de la serie, une des realisations<br />

les plus fulgurantes et les plus visionnaires de l'or-<br />

phisme â (Ch. Goerg) - ou dans ses Jouets.<br />

Tous deux se mettent au travail avec une ardeur<br />

juvenile, et Sonia Delaunay elle-meme nous a transmis<br />

le souvenir de ces beaux jours : N La lumiere n'etait pas<br />

intense, mais exaltait toutes les couleurs - les maisons<br />

multicolores ou d'un blanc eclatant, d'une ligne sobre,<br />

des paysans dans des costumes populaires, des tissus,<br />

des ceramiques aux lignes a la beaute antique d'une<br />

purete etonnante, parmi la foule des hieratiques a<br />

grandes cornes - on a eu l'impression de se trouver<br />

dans un pays de reve.<br />

á Nous nous sommes jetes dans la peinture. On<br />

peignait du petit matin au soir. Venus pour un mois<br />

d'ete, nous sommes restes pres de deux ans, isoles de<br />

tout au bord d'une plage immense de l'Ocean - avec des<br />

amis peintres portugais et un americain (vieil ami de<br />

Robert Delaunay) qui vivaient avec nous. D<br />

Le peintre portugais qui habite chez eux, dans la<br />

villa baptisee á la Simultanee â, est Eduardo Vianna,<br />

l'Americain, Sam Halpert. Cette vie commune prend fin<br />

en mars 1916, Robert Delaunay etant oblige, pour y<br />

passer un conseil de revision, de se rendre a Vigo<br />

(Espagne), ou le consul de France, M. Vachez, est son<br />

ami. La correspondance, adressee tout d'abord poste<br />

restante, l'est ensuite a 1'á Hotel de Francia â, puis, a


1<br />

INTRODUCTION<br />

partir du le' juin, au 43 avenida Garcia Barbon. Mais,<br />

entre-temps, Sonia Delaunay, revenue vers le 8 ou 10<br />

avril a Vila do Conde pour chercher une malle, a ete<br />

victime d'une denonciation mensongere - incident sur<br />

lequel nous reviendrons - qui l'a retenue a Porto jus-<br />

qu'au 25 avril environ. Fin aout-debut septembre, Robert<br />

et Sonia Delaunay reviennent au Portugal et s'instal-<br />

lent, cette fois, tout pres de la frontiere, a Valenca do<br />

Minho, ou ils passeront l'hiver, avec un court sejour a<br />

Moncao.<br />

Il nous faut ici ouvrir une parenthese pour parler<br />

de cette periode de Valenca, qui est, particulierement<br />

pour Sonia, toute remplie d'une feconde et magnifique<br />

activite, en communion avec l'ame et la couleur portu-<br />

gaises. Disons d'abord que le beau-pere du maire de<br />

Valenca se prend pour les deux artistes d'une vive sym-<br />

pathie : avant meme de faire leur connaissance, il a<br />

l'aimable attention de leur envoyer chaque jour le jour-<br />

nal le Figaro; ce charmant homme est un poete, qui se<br />

comportera envers le couple á comme un pere u et lui<br />

accordera tout son appui. C'est alors que Sonia Delau-<br />

nay se voit confier un grand projet de decor monumen-<br />

tal : la facade de la chapelle de la Misericordia, couvent<br />

, de peres jesuites. Ceux4 permettent aux deux peintres<br />

d'utiliser comme ateliers d'immenses salles desaffectees<br />

du couvent, dont les fenetres ont perdu leurs carreaux,<br />

mais ou ils peuvent travailler a l'aise. C'est la que Sonia<br />

entreprend une grande maquette sur toile (de 1'30 m<br />

de haut sur 3'26 m de large) d'un decor prevu pour etre<br />

execute en azulejos - carreaux de ceramique portu-<br />

gaise -'et qui devrait alors mesurer pres de 15 metres<br />

de large. De cette maquette, intitulee l'Hommage au<br />

donateur, Robert Delaunay dira dans ses Notes qu'elle<br />

est l'apotheose de toute l'expression portugaise, ou se<br />

retrouvent les elements de toutes les etudes et tableaux<br />

de Sonia Delaunay-Terk ... Le donateur au milieu du<br />

tableau, derriere lui les lointains des montagnes du pays


INTRODUCTION<br />

et, plus pres, les deux collines seurs : Valenca la portu-<br />

gaise et Tuy l'espagnole â. La description se poursuit,<br />

detaillee et enthousiaste, puis vient un commentaire de<br />

synthese :<br />

Dans la Misericordia, la forme est exprimee par<br />

la lumiere ; le tableau est la representation simultanee<br />

de formes : contrastes de formes exprimes par des<br />

contrastes de couleurs, mouvements simultanes de la<br />

couleur, pas de lignes, pas de perspective, de la profon-<br />

deur.<br />

á Le tableau : equilibre conscient des formes, soumis<br />

a l'expression monumentale, en harmonie architecturale<br />

avec le monument. Le grand contraste du ciel est oppose<br />

au groupe d'hommes, et la forme lumineuse de la Vierge<br />

est opposee au noir profond et chaud de la confrerie ...<br />

Ensuite des contrastes, des femmes se detachent dans<br />

ces grandes oppositions et vibrent simultanement dans<br />

le mouvement general de la couleur. Le disque. Les<br />

grands batons des paysans, les bannieres de la confrerie,<br />

avec les masses de couleurs qu'ils brisent et qu'ils oppo-<br />

sent, forment un element architectural qui exalte l'envo-<br />

lee des ovales des fenetres qui encadrent le bas du<br />

tableau. â Pour Robert Delaunay, l'Hommage au dona-<br />

teur est une á fete humaine â, qui prend place parmi<br />

á les simples, claires et nettes. vraiment dega-<br />

gees des tourments de la recherche â. Cette derniere<br />

phrase est profondement revelatrice de l'etat d'ame des<br />

deux artistes en cette periode portugaise. Sans doute les<br />

paysans de Valenca sont-ils intuitivement sensibles a<br />

cet aspect de l'euvre, puisque, comme le raconte<br />

Madame Delaunay, ils se glissent dans la salle pour admi-<br />

rer l'artiste au travail et manifester leur approbation.<br />

Malheureusement, ce splendide decor ne sera jamais<br />

realise, mais la maquette definitive en est aujourd'hui<br />

conservee au musee national d'Art moderne de Paris.<br />

Valenca constitue la derniere etape du sejour des<br />

Delaunay au Portugal. Au cours de l'annee 1917, ils


INTRODUCTION<br />

repartent pour l'Espagne, d'abord pour Vigo, puis pour<br />

Sitges, et enfin pour Madrid.<br />

Eduardo Vianna partage donc l'existence de ses amis<br />

francais jusqu'a leur premier depart pour Vigo, mais<br />

il demeure ensuite dans á son cher petit pays â - comme<br />

dit Souza-Cardoso - ou l'atmosphere est propice a sa<br />

passion du travail, jusqu'a la fin de la periode qui nous<br />

interesse, n'effectuant que quelques deplacements a<br />

Porto, Manhufe et Lisbonne.<br />

Amadeu de Souza-Cardoso ne va guere, lui non plus,<br />

s'eloigner de sa retraite montagnarde de Manhufe, vaste<br />

propriete de cette ancienne famille, qui vit rassemblee,<br />

de facon presque patriarcale, dans la vieille demeure<br />

aux multiples corps de batiments, flanques d'une tour<br />

a creneaux de fiere allure, et ou Amadeu s'est, en plus,<br />

fait construire, en contrebas, son atelier personnel. Le<br />

bourg le plus proche, ou l'on ne peut se rendre qu'en<br />

voiture a cheval - est Vila Me2 ; il est relie a la ville<br />

de Porto, distante d'environ quatre-vingts kilometres,<br />

par une ligne de chemin de fer, et Porto meme se trouve<br />

a peu pres a trentecinq kilometres de Vila do Conde.<br />

Le trajet Vila do Conde-Manhufe est donc long et diffi-<br />

cile, et Amadeu se plaint du manque de cc facilites d'ac-<br />

tion communicative â. Malgre de nombreuses promes-<br />

ses, les Delaunay ne se resoudront jamais a cette<br />

expedition ; en revanche, le cc montagnard â, qui se<br />

rend assez souvent a Porto, ira au moins deux fois voir<br />

ses amis a la villa á la Simultanee â, puisque, le<br />

13 septembre puis le 24 octobre 1915, il leur ecrit pour<br />

les remercier de leur á charmante hospitalite â.<br />

Quant a Almada et a Pacheco, leurs relations avec<br />

Robert et Sonia Delaunay se situent sur un plan amical<br />

et litteraire plutot qu'artistique et sont beaucoup moins<br />

suivies. Lisbonne est loin, a trois cent cinquante kilo-<br />

metres de Vila do Conde, et Almada, lui non plus, ne<br />

tiendra pas sa promesse d'une visite a ses amis.


INTRODUCTION<br />

Ces circonstances materielles favorisent donc<br />

l'echange, entre les membres de ce petit groupe, de<br />

nombreux messages, a une epoque ou - heureusement<br />

pour nous - le telephone n'etait pas entre dans les<br />

meurs.<br />

Sans cesser de poursuivre leur travail createur per-<br />

sonnel, les Delaunay deviennent un pole d'attraction<br />

pour ces peintres, comme eux pleins de jeunesse, d'ideal<br />

et d'ambition. Tres tot s'elaborent des projets d' action<br />

artistique D, de manifestations, de travaux, d'expositions<br />

en commun, dont ils prennent l'initiative, et que leurs<br />

confreres portugais adoptent aussitot, avec un enthou-<br />

siasme qui n'ira pas sans quelques desillusions.<br />

Il s'agit d'abord de fonder une association, designee<br />

sous le nom de Corporation nouvelle â, constituee par<br />

Sonia et Robert Delaunay, Amadeu de Souza-Cardoso,<br />

Eduardo Vianna, Jose de Almada-Negreiros, D. Rossine<br />

(peintre russe habitant Paris), auxquels se joindraient<br />

les poetes Guillaume Apollinaire et Blaise Cendrars. Ce<br />

groupe organiserait des expositions itinerantes, dites<br />

a expositions mouvantes â, et editerait des albums d'art.<br />

L'Album no 1 consisterait en un recueil de poemes,<br />

accompagnes d' á interpretations â de differents artis-<br />

tes, executees au pochoir. A Vianna est confiee la reali-<br />

sation du projet, ce qu'il accepte avec joie. Amadeu<br />

envoie des esquisses pour la couverture. Robert Delau-<br />

nay prepare le bulletin de souscription, lequel porte,<br />

en en-tete : CC Album no 1 des Expositions mouvantes,<br />

Nord-Sud-Est-Ouest â ; tous les exemplaires seront nume-<br />

rotes et signes par les artistes ; le prix de chaque exem-<br />

plaire est fixe a huit francs par souscription et a dix<br />

francs chez les libraires et dans les galeries d'art ; le<br />

prix de l'exemplaire en edition de luxe sur papier spe-<br />

cial sera de vingt francs par souscription et de trente<br />

francs a la vente normale ; deja, l'on annonce que se<br />

trouve en preparation l'Album no 2, avec de nouvel-<br />

les collaborations â. La preparation de cet Album,


INTRODUCTION<br />

les problemes que soulevent l'execution des pochoirs<br />

et leur envoi aux Delaunay tiennent une place majeure<br />

dans la correspondance echangee entre juin. 1915 et<br />

aout 1916. Pour Aniadeu qui, au cours de toute cette<br />

periode, poursuit fievreusement son propre combat et<br />

ses propres recherches, sa collaboration a l'Album est<br />

un effort de solidarite amicale. Il s'astreint a faire<br />

quelques pochoirs, mais avec une grande repugnance<br />

personnelle a l'egard de cette technique et une veritable<br />

hantise du temps ainsi perdu : cc Je n'ai aucun entrainement<br />

aux pochoirs, declare-t-il sans ambages, et, partant,<br />

je n'aime pas du tout ce travail qui me rend<br />

esclave â, mais, ajoute-t-il, cc puisque la Corporation<br />

exige ... )) Il envoie deux epreuves de pochoirs, á faits<br />

dans une seule coupure, dit-il, car j'ai mes toiles qui<br />

m'appellent toujours, toujours â. Pour Vianna, il en va<br />

tout autrement. Cet Album dont il est responsable, c'est<br />

sa chose, sa cc seule pensee D, son cc idee fixe D. Il decide<br />

du format, de la mise en pages, multiplie les etudes<br />

pour son illustration et met un point d'honneur a mener<br />

a bien cet enorme travail, en lui donnant la priorite<br />

sur ses personnelles : Je reussirai ou je creve. â<br />

Mais, a lui aussi, cette servitude commence a peser :<br />

cc Je ne pourrai pas m'occuper de faire des tableaux<br />

plus serieux pour nos expositions mouvantes avant<br />

d'avoir fini les pages, et je vais continuer avec courage.<br />

J'ai hate de faire des tableaux grands. â<br />

Cet Album, qui doit servir de lien entre 'les membres<br />

de la Corporation naissante et qui fait couler tant<br />

d'encre, va surtout etre l'occasion d'irritants malentendus<br />

et meme, entre Robert Delaunay et Vianna, d'une<br />

rupture temporaire. Le depart pour Vigo du couple<br />

francais complique desesperement les choses. Les travaux<br />

expedies par la poste - pochoirs de Vianna,<br />

toiles de Souza-Cardoso destinees a d'eventuelles expo<br />

sitions a l'etranger - subissent des deteriorations desastreuses.<br />

Il faut fabriquer des tubes en carton ou en


INTRODUCTION<br />

fer-blanc, et, malgre toutes les precautions prises, les<br />

tubes s'ecrasent : les pochoirs arrivent comme des<br />

chiffons, ratatines, foutus â, selon l'expression de Vianna,<br />

et les toiles roulees deteignent. Et, surtout, les Delaunay,<br />

accapares par leur propre travail, temoignent d'une cer-<br />

taine negligence a retourner leurs aux deux<br />

artistes portugais. Lettre apres lettre, ceux-ci deman-<br />

dent, rappellent, supplient, exigent que leur soient<br />

reexpedies leurs envois. Au mois de juillet 1916, l'orage<br />

eclate. Vianna semble, en effet, avoir mis au point une<br />

matiere et une technique nouvelles, á avec un resultat<br />

merveilleux â, et il reproche hautement a ses amis fran-<br />

cais de n'avoir pas su faire la difference de ce procede<br />

avec la á mecanique â, la á rengaine fi, le á pauvre<br />

travail abrutissant des pochoirs D. Il s'indigne : Pour-<br />

tant, vous etes cales dans le metier ! â L'Album ne verra<br />

jamais le jour. Furieux contre Robert Delaunay, Vianna<br />

garde neanmoins toute son amitie a Sonia, continue de<br />

lui ecrire avec abandon et finira meme, oubliant tout<br />

ressentiment, par offrir une toile a l'un comme a l'autre.<br />

Ce sont, ecrira-t-il a la jeune femme, quelques jours de<br />

ma vie que je vous offre avec le plus grand plaisir, en<br />

souvenir du beau temps. â<br />

Quant a Amadeu de Souza-Cardoso, s'il manifeste un<br />

grand enthousiasme pour 1'á action artistique D des<br />

Delaunay, au Portugal et aussi en Espagne (a cela<br />

m'interesse vivement, c'est une chose qui me touche<br />

de pres D), c'est surtout en ce qui concerne les projets<br />

d'expositions : expositions mouvantes D de la Corpo<br />

ration, expositions collectives, avec les Delaunay. On<br />

parle d'abord beaucoup d'une exposition a Lisbonne (qui<br />

pourrait ensuite se tenir a Porto), puis d'une exposition<br />

a Barcelone, pour le printemps de 1916, puis de nou-<br />

veau d'une grande exposition a Barcelone, pour l'automne<br />

de la meme annee, a laquelle Amadeu tient vivement<br />

(G Cette exposition, ecrit-il a Sonia Delaunay, mettez-y<br />

votre genie â), puis encore de possibilites a Stockholm


INTRODUCTION<br />

et Christiania. Confiant, Amadeu travaille aux catalo-<br />

gues, se declare pret a se rendre a Lisbonne pour un<br />

eventuel accrochage, s'enquiert a plusieurs reprises de<br />

details pratiques pour l'expedition de ses toiles a Bar-<br />

celone, en envoie meme cinq a Vigo avec titres et prix<br />

- puis il s'apercoit que le temps passe et qu'il se fait<br />

trop tard. Finalement, de tous ces beaux projets, aucun<br />

ne se realisera, du moins pour Amadeu (car a Stockholm,<br />

en avril 1916, Sonia Delaunay a envoye vingt-six<br />

et Robert quatre), et le peintre portugais se resoudra a<br />

exposer seul a Porto a l'automne de 1916. A partir du<br />

mois de juillet, il reclame ses toiles aux Delaunay, conti-<br />

nue avec eux son amicale correspondance, mais ne fait<br />

plus allusion a des projets communs. Le 4 aout 1916,<br />

il leur declare en outre nettement : Je regrette de vous<br />

dire que je ne ferai plus de pochoirs. Je suis absolu-<br />

ment nul dans ce travail, c'est un esclavage que je ne<br />

veux pas subir. D Conscient de son originalite d'artiste<br />

et feru d'independance, Amadeu n'est d'ailleurs pret a<br />

subir aucune forme de contrainte.<br />

Les projets que forme Almada de composer des<br />

á ballets simultanes â ou des a poemes portugais â,<br />

avec la collaboration de Sonia Delaunay, n'auront pas<br />

un sort meilleur. Ainsi, la cc Corporation nouvelle â est<br />

bien mal en point. Mais ces discussions sans effet, ces<br />

occasions perdues, ces enthousiasmes retombes auront<br />

cependant joue, dans le petit groupe, un role d'actif<br />

ferment et, en cela, n'auront pas ete 'inutiles.<br />

Et d'ailleurs - ces lettres en temoignent - il existe,<br />

entre Robert et Sonia Delaunay, d'une part, et les quatre<br />

correspondants portugais, de l'autre, autre chose qu'une<br />

simple communaute de vue intellectuelle ou d'interets<br />

professionnels ; il existe surtout, fondee sur celle-ci, une<br />

profonde et authentique amitie. Pour leurs amis, Robert<br />

et Sonia Delaunay ne se confondent pas dans une entite<br />

bicephale. A chacun d'eux, leurs correspondants vouent<br />

une forme d'admiration et d'attachement differente. Il


INTRODUCTION<br />

n'est pas rare que, le meme jour, l'un ou l'autre des<br />

artistes portugais ecrive une lettre a Robert et une<br />

autre a Sonia. Par sa sensibilite feminine, cette der-<br />

niere apparait sans doute plus proche, plus comprehen-<br />

sive a ses amis portugais, qui cherchent aupres d'elle,<br />

dans les moments de crise ou de depression, á un mot<br />

ami, un bon conseil, un peu de courage, un peu de<br />

soleil, un peu de vie â, comme l'ecrit Vianna. Meme au<br />

milieu des transports d' á admiration epileptique n<br />

qu1Almada dedie a á Celle qui rit dans les eclairs â, a<br />

Celle qui fait taire D, Sonia Delaunay reste pour le<br />

jeune homme une á marraine n, qui ne manque jamais<br />

de pardons pour le Narcisse d'Egypte 8 et ranime,<br />

par la vertu de ses lettres


aux sous-marins<br />

utilisant, comme<br />

INTRODUCTION<br />

allemands qui croisent au large, en<br />

signaux, les celebres M disques simul-<br />

tanes B, qui sont des elements essentiels de leurs<br />

tableaux. Si saugrenue que nous paraisse la chose avec<br />

le recul des annees, il ne faut pas oublier que la psychose<br />

de 1' espionnite â regnait alors partout. Lorsque Sonia<br />

Delaunay se presente au consulat de France de Porto,<br />

son passeport lui est confisque, et elle apprend que<br />

Beatris vient d'etre arretee a la frontiere luso-espagnole,<br />

et la fameuse malle saisie. Or cette malle, outre des<br />

objets personnels, se trouve contenir un nombre impor-<br />

tant de lettres adressees aux Delaunay par leurs amis<br />

peintres allemands, Franz Marc, August Macke, Paul<br />

Klee et par d'autres relations de la galerie Der Sturm â<br />

de Berlin. Cette correspondance, tres suspecte aux yeux<br />

ignorants des douaniers, semble confirmer la denon-<br />

ciation. Sonia Delaunay telegraphie a Souza-Cardoso,<br />

qui arrive immediatement de Manhufe pour l'assister<br />

et mettre en son influence personnelle et celle de<br />

ses amis, jouant ainsi un role preponderant dans la<br />

protection de la jeune femme et l'eclaircissement de<br />

l'affaire. Tout le petit groupe est en etat d'alerte. Les<br />

amis de Lisbonne, Almada-Negreiros et Pacheco agis-<br />

sent activement dans le domaine de la presse. á Tout<br />

Porto est au courant de ce cas, et tout Lisbonne aussi â,<br />

ecrit Souza-Cardoso a Robert Delaunay qui, reste a<br />

Vigo, malade et sans nouvelles, est plonge dans l'anxiete.<br />

K Ne soyez pas inquiet, ecrit de son cote Pacheco a<br />

Robert, ne vous impatientez pas, ne bougez pas, n'ecri-<br />

vez pas. n Chacun s'emploie a le rassurer, et c'est Amadeu<br />

qui sert de boite aux lettres entre les deux epoux :<br />

á Soyez tout a fait tranquille ... Madame se porte bien,<br />

elle n'est pas seule, on s'y interesse beaucoup ... Je lui<br />

ai envoye tous vos mots ... â<br />

Apres avoir saisi la malle, la police est venue operer<br />

une perquisition dans la villa habitee par les Delaunay<br />

a Vila do Conde, faisant main basse sur tout ce qui lui


INTRODUCTION<br />

semblait suspect ou insolite. Sur la suggestion des auto-<br />

rites administratives - comme on peut le lire dans la<br />

presse - Vianna est arrete c en tant que personne<br />

frequentant assidument le couple francais â. Ses lettres<br />

et documents personnels, ses travaux et ses fragiles<br />

pochoirs sont egalement saisis ; ces derniers lui seront<br />

rendus tout casses, roules, deteints. Vianna lui-meme a<br />

ete fort malmene. La police l'a conduit, sous les huees<br />

de la foule, comme il le raconte avec verve dans une<br />

lettre a Robert Delaunay, jusqu'a la prison de Porto,<br />

ou on l'a jete dans un cachot avec les prisonniers de<br />

droit commun. La preuve ayant ete faite, quelques jours<br />

plus tard, de la faussete de la denonciation et de l'inno-<br />

cence de tous les inculpes, Vianna sortira de prison fort<br />

deprime, couvert de vermine et, selon son expression,<br />

si ebranle a avec tous ces tremblements pour ce que<br />

j'ai passe ces jours4 â qu'il en aura une crise de furon-<br />

culose. Pour seule compensation, il obtiendra quelques<br />

lignes de rehabilitation dans le journal local.<br />

Cette triste affaire, que la presse portugaise decrit<br />

comme une a gaffe â (en francais), a dure pres de trois<br />

semaines. Avec les excuses du consul, Sonia Delaunay<br />

recoit son passeport et peut enfin aller rejoindre son<br />

mari et son fils a Vigo.<br />

Peut-etre nous est-il permis de penser que, pour<br />

Madame Delaunay, le souvenir de cette epreuve subie et<br />

surmontee en commun avec ses amis portugais n'est pas<br />

etranger au soin qu'elle a pris de conserver cette corres-<br />

pondance.<br />

Le plus serieux probleme que nous aient pose cer-<br />

taines de ces lettres est celui de leur datation. Il s'agit<br />

la, surtout, des envois de Vianna qui, parfois, ecrit a<br />

la diable et ne porte sur ses messages que des indica-<br />

tions des plus sommaires, telles que á mardi soir â, ou<br />

á le 13 â, ou bien rien du tout, ou bien encore specifie<br />

le jour, la date et l'annee et se trompe, comme le demon-<br />

trent les calendriers des annees en question. Cependant,


INTRODUCTION<br />

presque toujours, le contenu des lettres a permis de les<br />

retablir dans une sequence apparemment logique, mal-<br />

gre les lacunes, les á blancs â que comporte cette corres-<br />

pondance.<br />

A part de rares exceptions, ces lettres sont ecrites<br />

en francais et apparaissent remarquables par l'aisance,<br />

la vivacite du style et la richesse des nuances de l'expres-<br />

sion. Nous en avons, bien entendu, respecte le texte,<br />

ne retablissant que l'orthographe, parfois fantaisiste, et<br />

la ponctuation, souvent absente, afin d'en faciliter la<br />

comprehension. Souza-Cardoso et Vianna temoignent<br />

d'une parfaite pratique du francais, qu'ils ont acquise<br />

au cours de leurs sejours prolonges a Paris, et ils ecri-<br />

vent, le premier avec une efficace concision, le second<br />

avec un naturel desarmant. Le lecteur voudra bien ne<br />

pas s'offusquer de ce que nous avons juge bon de trans-<br />

crire, sans les attenuer, les verdeurs de vocabulaire et<br />

les expressions argotiques de Vianna, qui ecrit comme<br />

il parle, et qui parle le langage peu chatie des ateliers<br />

et des academies de Montparnasse. II faut d'ailleurs<br />

souligner que, chez lui, la grossierete n'est que dans la<br />

forme, et l'on est souvent touche de la delicatesse et<br />

de la noblesse des sentiments qu'elle recouvre.<br />

Quant a Almada, il souffre de ne pas savoir assez<br />

bien le francais, au point qu'ayant ecrit une belle lettre<br />

lyrique a Sonia Delaunay, tourmente a l'idee de s'etre<br />

mal fait comprendre, il ecrit aussitot a Vianna en portu-<br />

gais en le priant de se faire son interprete. En fait, le<br />

talent de ce jeune et genial exalte brille a travers les<br />

obstacles de la syntaxe, et ses inventions verbales n'en<br />

acquierent que plus d'intensite.<br />

Les quelques lettres redigees en portugais ont ete tra-<br />

duites le plus litteralement possible.<br />

De l'ete 1913, nous possedons deux lettres de Souza-<br />

Cardoso adressees, de Paris, aux Delaunay, alors en<br />

residence a Louveciennes. Pour l'annee 1915, il n'existe<br />

pas de lettres de Vianna - qui, a cette epoque, habite


INTRODUCTION<br />

chez les Delaunay - mais une correspondance abon-<br />

dante, bien qu'incomplete, de Souza-Cardoso, deux lettres<br />

dlAlmada et une de Pacheco. L'annee 1916 etant la plus<br />

riche en lettres, nous l'avons subdivisee en quatre tri-<br />

mestres ; dans le cadre de chaque trimestre, nous pre-<br />

sentons successivement la suite des lettres ecrites par<br />

chacun des correspondants, de facon a pouvoir suivre,<br />

pour chacun, le fil de ses relations avec les Delaunay,<br />

tout en donnant une image d'ensemble des preoccupa-<br />

tions communes du petit groupe au cours de telle ou<br />

telle periode. Quelques lettres s'echangent encore au<br />

debut de 1917, puis les relations s'estompent. Souza-<br />

Cardoso est brutalement emporte par la maladie en<br />

1918. Quant a Vianna, il gardera son amitie pour les<br />

Delaunay et ira fidelement leur rendre visite a chacun<br />

de ses voyages a Paris, jusqu'apres la Seconde Guerre<br />

mondiale.


Nature morte portugaise, tableau de Robert Delaunay. Colle<br />

sur papier, 22 x 23 cm. Portugal, 19111916.<br />

Avec un poeme de Jose Verde :<br />

Vendo-os assim tao pertinho<br />

A Galliza e mais O Minho<br />

S5o como dois narnorados<br />

Que O rio traz separados<br />

Quase desde O nascirnento<br />

Deixai os dois narnorar<br />

Ja que os paes para casar<br />

Lhes nao dao consentimento.<br />

En les voyant ainsi tout pres l'un de l'autre,<br />

La Galice et puis le Minho,<br />

II semble yue ce soit deux amoureux<br />

Que le fleuve amene, separes<br />

Presque des leur naissance.<br />

Laissez-les roucouler. ces deux-la,<br />

Puisqu'a leur mariage<br />

Leurs parents refusent de consentir.


L'Hommage au donateur, projet definitif d'un decor destine<br />

a la facade de la Misericordia, a Valenca do Minho. Cire sur<br />

toile, 130 x 326 cm. Portugal, 1916.


LETTRES


AMA<strong>DE</strong>U <strong>DE</strong><br />

SOUZA-CARDOSO


Les m ux uxmEs SuIvAmEs, <strong>DE</strong> J umm rn AouT 1913,<br />

attestent les relations existant des cette epoque entre les<br />

Delaunay et A. de Souza-Cardoso. Au cours de ces'ren-<br />

contres, il dut etre discute du Herbstsafon qui devait<br />

ouvrir ses portes a la galerie a Der Sturm â de Berlin, le<br />

20 septembre suivant, et auquel, recommande par les<br />

Delaunay, Souza-Cardoso enverra trois toiles. Cellesxi<br />

figurent dans le catalogue de l'exposition sous les nume-<br />

ros 334, 335, 336, avec les titres : Der Athlet, Gemafd A,<br />

Gemafd G, la premiere ayant meme l'honneur d'une repro-<br />

duction en pleine page.


Carte-lettre<br />

A. de SouzaCardoso<br />

a Robert Delaunav,<br />

1, rue du Pont<br />

Louveciennes<br />

Cher ami,<br />

LETTRES<br />

Paris<br />

26 juillet 1913<br />

Hier soir j'ai pris sans le savoir un exemplaire des<br />

Sequences ' qui vous a ete offert.<br />

Donc, je vous prierai de m'en preter un autre jeudi,<br />

et je vous rendrai celui-ci.<br />

Tres cordialement a vous,<br />

Carte-lettre.<br />

A. de SouzaCardoso<br />

a Robert Delaunay,<br />

1, rue du Pont<br />

Louveciennes<br />

Cher ami,<br />

Paris<br />

Vendredi 8 aout 1913<br />

Apres-demain dimanche, je desirerais vous visiter, si<br />

cela ne vous derange pas. J'irai tout de suite apres le<br />

dejeuner pour revenir aussitot. Si cela vous gene, ayez<br />

la complaisance de me le faire savoir. 11 m'a ete impos-<br />

sible de vous voir jeudi dernier.<br />

Mes respects a Madame, et une cordiale poignee de<br />

main pour vous.<br />

A. de SOUZA-CARDOSO<br />

1. Le recueil de Sequences, publie par Blaise Cendrars, a ses Frais,<br />

alors qu'il avait deja ecrit les Paques a New York, fut, par la suite.<br />

qualifie par l'auteur lui-meme de a peche de jeunesse n et retire de<br />

ses ocuvres completes.


Sonia Delaunay-Terk travaillant a sa grande toile le Marche<br />

au Minho, a Vila do Conde, en 1916.


Le Marche au Minho, tableau de Sonia-Delaunay. Cire sur toile;<br />

98 x 112 cm. Portugal, 1915. Collection particuliere.


Soniu Delaunay photographiee en 1915 parmi ses creations :<br />

coussins brodes et appliques, tapisserie de 1909, boites peintes,<br />

colliers, reliures ; fond de tissus portugais.


L'atelier des Delaunay a Vila do Conde. A gauche au mur,<br />

tableau des Jouets portugais ; sur la table, au premier plan, exem-<br />

plaire des Euvres completes de Jules Laforgue, relie par Sonia<br />

Delaunay en 1912-1913; au centre, poteries portugaises et tissus<br />

decores par Sonia Delaunay; a droite, au mur, premiere compo-<br />

sition pour Zenith, poeme de Blaise Cendrars.


Projet de pochoir pour la couverture de l'Album no 1, a edition<br />

Corporation nouvelle, Expositions mouvantes â, extrait de la<br />

lettre de SouzaCardoso a Robert Delaunay, 11 juin 1915.


AMA<strong>DE</strong>U <strong>DE</strong><br />

SOUZA-CARDOSO


L A MANIERE mm <strong>DE</strong>BUTE LA PREMIERE L Enm DI~A<strong>DE</strong>U<br />

de Souza-Cardoso en notre possession pour l'annee<br />

1915, datee de juin, laisse presumer qu'il s'agit proba-<br />

blement de la suite d'une correspondance egaree, echan-<br />

gee precedemment, au cours de laquelle Sonia et Robert<br />

Delaunay ont repris contact avec leur ami de Paris,<br />

devenu presque leur voisin au Portugal, et lui ont deja<br />

expose leurs projets de a Corporation nouvelle â et<br />

d' expositions mouvantes B.


A. de Souza-Cardoso<br />

a Robert Delaunay,<br />

Vila do Conde<br />

Mon cher Delaunay,<br />

LETTRES<br />

Manhufe, Vila Me5<br />

Vendredi 11 juin 1915<br />

C'est tres bien votre idee de l'album accompagnant<br />

l'exposition. Je n'ai aucun entrainement aux pochoirs<br />

et, partant, je n'aime pas.du tout ce travail qui me rend<br />

esclave. Mais je suis d'accord que, dans la situation<br />

actuelle, c'est une maniere d'assembler les efforts. Donc,<br />

il en faut. J'ai fait la page ecriture, un pochoir simple<br />

d'une petite feuille, le troisieme sera cette aquarelle<br />

que je vous ai envoyee a Vila do Conde, dont vous avez<br />

la coupure, et que je vous prie de me preter : cela<br />

m'eviterait du travail et du temps, dont j'ai tant besoin<br />

pour mes toiles. Envoyez-moi du papier propre pour<br />

l'album et avertissez-moi quand ca doit etre pret -<br />

oui - et il faut un delai pour tous, mais un delai fixe,<br />

sans quoi tout le monde se juge pris a l'improviste.<br />

N'oubliez pas de m'envoyer du papier - ici on n'en<br />

trouve pas. Dites aussi la grandeur juste de la feuille<br />

pour l'album.<br />

Je travaille a l'huile et n'ai aucune pratique de faire<br />

des gouaches : donnez-moi quelques renseignements<br />

utiles. Choisissez un papier que vous jugez bon pour<br />

les affiches, envoyez-le et dites combien doit en faire<br />

chacun. C'est tres dommage les distances : j'aurais fait<br />

d'autres choses essayant de briser le continu des pochoirs<br />

(je veux dire toutes les qui devient monotone<br />

- mais il faut se conformer, au moins pour le moment.<br />

J'ai envoye a Vianna la carte postale-bulletin de Madame<br />

et le papier-formule. Nous devons travailler tres bien :<br />

Barcelone pour cet automne, et aussi pour l'hiver. Ici,<br />

impossible, meme compromettant, n'importe quelle<br />

action. Ah ! Mais dites-moi, qu'estce qu'il fera le mar-<br />

chand Dalman ? Il doit faire quelque chose !


LETTRES<br />

Par ce meme courrier, je vous envoie deux epreuves<br />

cire des deux pochoirs : feuille ecriture, gourde violon.<br />

Je les ai faits dans une seule coupure pour aller plus<br />

vite, car j'ai mes toiles qui m'appellent toujours, tou-<br />

jours.<br />

Excusez le retard de ma reponse, mais, que voulez-<br />

vous, quand on travaille, on est parfois insociable.<br />

Rien recu encore de ce que vous m'avez annonce.<br />

Du papier, n'oubliez pas.<br />

Souvenirs a tous les votres. A bientot j'espere.<br />

A. de Souza-Cardoso<br />

a Sonia Delaunay,<br />

Vila do Conde<br />

Chere Madame,<br />

Manhufe<br />

Vendredi 11 juin 1915<br />

Je ne vous reponds que maintenant pour de fortes<br />

raisons - veuillez m'excuser. J'ai recu votre lettre me<br />

grondant d'etre un reveur quand je travaillais comme<br />

un animal.<br />

Vous me demandez trois beaux pochoirs. Je vous<br />

en envoie deux ; pour le troisieme, j'ai prie Delaunay de<br />

me preter la coupure qu'il a faite a Vila do Conde de<br />

mon aquarelle. Vous voulez de beaux pochoirs : cela<br />

m'embarrasse parce que c'est un travail ou je me juge<br />

absolument mediocre - mais puisque la Corporation<br />

exige ...<br />

J'ai envoye votre carte postale-bulletin a Vianna,<br />

avec la formule. Savez-vous que cette carte postale est<br />

plus grande que d'ordinaire, et il me semble que dans<br />

les postes, il y a une mesure fixe - renseignez-vous.


LETTRES<br />

Je compte aller a Porto la semaine prochaine et porte-<br />

rai moi-meme votre Rimbaud a Pinto Leite. J'aimerais<br />

lire Laforgue - je vous remercie d'avance.<br />

Cet album dont vous avez eu l'idee ne remplace pas<br />

le livre dont je vous ai parle en projet. Le livre, nous le<br />

ferons plus tard ; nous pouvons faire une chose unique,<br />

mais il nous faut toutes les facilites d'action communica-<br />

tive.<br />

Par ce meme courrier, j'ecris a Delaunay. Ici, un man-<br />

que absolu de papier. Qu'il m'en envoie et dise combien<br />

je lui dois.<br />

Ma femme est un peu plus forte de sante, elle com-<br />

mence a gonfler - pourvu qu'elle mene ca jusqu'au<br />

bout.<br />

Je suis tres content de votre ardeur d'action. Moi, je<br />

travaille toujours vertigineusement.<br />

Le costume de votre mari lui va bien ?<br />

Encore une fois, je vous demande excuse de l'impoli-<br />

tesse de mon retard a repondre. Votre pochoir en-tete<br />

est tres bien - vraiment, je suis un idiot pour les<br />

pochoirs.<br />

Tres affectueusement,<br />

A. de SouzaCardoso<br />

a Robert Delaunay,<br />

Vila do Conde<br />

Cher Ami,<br />

A. de SOUZA-CARDOSO<br />

Manhufe-Amarante<br />

Mercredi (16 juin 1915 ?)<br />

Par ce courrier je vous envoie les expositions mou-<br />

vantes et la Corporation nouvelle : vous en prendrez<br />

des pochoirs et me renverrez les originaux pour que j'en


LETTRES<br />

fasse de mon cote. Pour le catalogue de Barcelone, je<br />

n'ai pas voulu faire de dessin ; je trouve que l'ecriture<br />

suffit. Dites-moi des nouvelles de la galerie Dalman.<br />

J'ai fait faire des photographies de trois petits<br />

tableaux a Porto, qui doivent etre pretes dans deux jours,<br />

et qui pourront servir pour le catalogue Barcelone. On<br />

m'a recommande ce photographe comme specialiste :<br />

d'apres les miennes, vous verrez s'il peut vous etre<br />

utile.<br />

Quant a l'aluminium, le monsieur qui s'y connait est<br />

parti a Paris. J'en ai fait chercher, ainsi que de la feuille ',<br />

demandant qu'on m'envoie des echantillons. De l'alumi-<br />

nium, on me dit qu'il n'y en a pas*; quant a la feuille,<br />

les idiots m'envoient un echantillon de zinc. Cependant, je<br />

m'en occuperai toujours. Par ce meme courrier, je vous<br />

envoie aussi une feuille de papier echantillon pour les<br />

Paques Cendrars. C'est du cc nacional â, je l'ai trouve<br />

chez Araujo Sobrinho ; il dit que cela coute 3 500 reis<br />

les cinq cents feuilles, mais il me semble qu'on peut<br />

l'avoir meilleur marche, malgre qu'il dise le contraire.<br />

Quant aux cartes postales avec renseignements, dites<br />

a Vianna que j'ai trouve a Amarante un homme qui me<br />

fait une molette en marbre. Je lui en ai commande une<br />

qui doit etre prete mardi. Que Vianna me fasse savoir<br />

si je dois en commander pour lui.<br />

Lorsque vous aurez reponse du Macarron, communi-<br />

quez-le moi. Enfin, mettez-moi toujours au courant, afin<br />

que la Corporation se developpe.<br />

Ma femme partira pour Paris bientot, et elle m'appor-<br />

tera quelques tableaux que j'enverrai d'ici a Barcelone,<br />

et nous pourrions tous faire l'envoi ensemble - c'est<br />

plus sur et plus economique. Pour Lisbonne, je compte<br />

avoir des gens de Paris. Tachez de faire vite les pochoirs,<br />

car je n'en ai pas encore fait, et il me faudra les ori-<br />

ginaux.<br />

1. 11 s'agit de B feuille de Flandre n, c'est-a-dirc de fer-blanc.


LETTRES<br />

Il fait tres froid ; j'ai ete un peu malade.<br />

Quand ma femme partira, j'irai vous voir.<br />

Bonjour a tous. A vous, je vous serre la main amica-<br />

lement.<br />

SOUZA-CARWSO<br />

A. de Souza-Cardoso<br />

a Robert Delaunay,<br />

Vila do Conde<br />

Cher Ami,<br />

Manhufe<br />

30 aout 1915<br />

Merci de vos nowelles. Cela me fait plaisir de vous<br />

savoir installes et contents de la vie.<br />

D'ici une huitaine de jours, j'irai vous voir.<br />

Bonjour a tout le monde. Bien a vous,<br />

CARDOSO<br />

Carte postale '<br />

A. de SouzaCardoso<br />

a Robert Delaunay,<br />

Vila do Coizde<br />

Bonjour a tous.<br />

Manhufe<br />

6 septembre 1915<br />

1. Cette carte est envoyee a l'adresse suivante :<br />

Villa la Simultanee<br />

Rua dos Banhos<br />

Vila do Conde<br />

Rua dos Banhos est l'ancien nom de la Rua Bento de Freitas.


LETTRES<br />

Carte nostale<br />

A. de Souza-Cardoso<br />

a Robert Delaunay,<br />

Vila do Conde<br />

Manhufe<br />

Mercredi 9 septembre 1915<br />

Merci de votre carte postale. Demain, je vais a Porto<br />

pour trois ou quatre jours - j'irai vous voir et vous en<br />

avertirai d'avance. Vous etes brunis par les foins ?<br />

C'est agreable de se sentir bronzer.<br />

Le petit est-il bien ?<br />

Mes respects a Madame.<br />

Bonjour a tous. Bien a vous,<br />

Carte postale<br />

A. de SouzaCardoso<br />

a Robert Delaunay,<br />

Vila do Conde<br />

Cher Ami,<br />

Manhufe<br />

Lundi 13 septembre 1915<br />

Me voici de nouveau dans mes montagnes, gardant<br />

les meilleurs souvenirs de ma visite chez vous.<br />

Mes respects a Madame, et a vous, je vous serre la<br />

main cordialement.


Carte postale<br />

A. de Souza-Cardoso<br />

a ~ ~obert Delaunav,<br />

Vila do Conde<br />

Cher ami,<br />

LETTRES<br />

ManhuEe<br />

Mercredi 15 septembre 1915<br />

Je vous remercie de la liste des couleurs. J'ai recu<br />

des nouvelles de Paris. D'apres ce qu'on me dit, la vie<br />

n'est pas gaie. Je me prepare a une partie de chasse dans<br />

la haute montagne.<br />

Mes respects a votre Dame. Bonjour a tous.<br />

A bientot. Cordialement votre,<br />

A. de Souza-Cardoso<br />

a Robert Delaunay,<br />

Vila do Conde<br />

Cher Ami,<br />

Manhufe-Amarante<br />

(18 septembre 1915 ?)<br />

J'arrive de la chasse et trouve votre carte postale. A<br />

mon prochain voyage a Porto, je m'occuperai des cou-<br />

leurs.<br />

Merci de vos renseignements.<br />

Que la guerre est charmante - c'est un peu litte-<br />

raire, mais il se peut ... Qu'elle doive etre emotionnante,<br />

je n'ai aucun doute. Je vous avoue mon regret de me<br />

trouver si loin. Je voudrais la sentir de plus pres, la<br />

vivre davantage.<br />

Que la paix soit devenue trop chere, je vous crois -<br />

on la paie. Mais si on ne participe pas a la guerre, si<br />

peu que ce soit, on s'embete. Il nous faut quelque chose<br />

de fort - je suis militariste !


LETTRES<br />

On me dit de Porto qu'il faudrait que vous remplissiez<br />

un bulletin ou je ne sais quoi pour qu'on vous envoie<br />

vos telegrammes. Donc, votre adresse que j'ai donnee ne<br />

suffit, pas ; il la faut signee de votre main.<br />

Salutations a Madame, et, pour vous, une amicale<br />

poignee de main.<br />

Carte os tale<br />

A. de ~ouza-Cardoso<br />

a Robert Delaunay,<br />

Vila do Conde<br />

Cher ami,<br />

Manhufe<br />

Dimanche 24 octobre 1915<br />

Merci de votre charmante hospitalite. Je suis arrive,<br />

gardant de tres bons souvenirs de tous et de tout.<br />

Au revoir. Amicalement,<br />

A. de SOULA-CARDOSO<br />

A. de Souza-Cardoso<br />

a Robert Delaunay,<br />

Vila do Conde<br />

Cher Ami,<br />

Manhufe-Amaran te<br />

Vendredi 29 octobre 1915<br />

Je vous ai envoye une caisse avec vingt-quatre bou-<br />

teilles de vin, dont voici le bulletin de chemin de fer.<br />

Je suis heureux de savoir que, malgre tout, Cendrars<br />

est sauve. Ce serait doinmage que cette terrible guerre


LETTRES<br />

nous ait prives de ce bel esprit. Si vous lui ecrivez,<br />

n'oubliez pas de me rappeler a son souvenir.<br />

Mes respects a Madame. Bonjour a tous.<br />

Une amicale poignee de main.<br />

A. de Souza-Cardoso<br />

a Robert Delaunay,<br />

Vila do Conde<br />

Cher Ami,<br />

Manhufe<br />

Mardi 7 decembre 1915<br />

Dites-moi, quand irez-vous dans le Sud ? Et avant,<br />

il faut venir me voir : vous viendrez pour coucher et<br />

repartirez le lendemain. Avertissez-moi du jour pour<br />

que je vous envoie la voiture a la gare. Venez tous,<br />

n'estce pas ?<br />

J'en ai assez de la vie a la campagne, l'hiver est<br />

sinistre.<br />

J'irai a Paris en janvier. J'ai des nouvelles de Sola<br />

et de Picasso. Celui-ci travaille, malgre qu'il dise le<br />

contraire. Je travaille aussi, mais j'en ai trop de la vie<br />

aux champs.<br />

J'irai a Porto peut-etre la semaine prochaine. J'irai<br />

vous voir, si vous etes toujours la.<br />

Bonjour a Madame de la part de ma femme et de<br />

la mienne.<br />

Cordialement a vous,


LETTRES<br />

A. de SouzaCardoso<br />

a Robert Delaunay,<br />

Vila do Conde<br />

Cher Ami,<br />

Manhufe<br />

(Fin decembre 1915)<br />

Deux mots a la hate.<br />

Je vous souhaite une bonne nouvelle annee et vous<br />

envoie ce gateau pour le diner. Hier, je vous ai envoye un<br />

livre de vers portugais. L'avez-vous recu ?<br />

Quand venez-vous ? Parce qu'il faut se decider.<br />

A bientot. J'irai vous voir dans les premiers jours de<br />

janvier.<br />

Bien des choses a tous. Mes respects a Madame, et une<br />

cordiale poignee de main pour vous.


ROBERT <strong>DE</strong>LAUNAY


Projet de pochoir pour la couverture de l'Album no 1, E< edition<br />

Corporation nouvelle, Expositions mouvantes B, extrait de la<br />

lettre de SouzaCardoso a Sonia Delaunay, 11 juin 1915.


Carte postale de Robert Delaunay, adressee a Amadeu de<br />

Souza-Cardoso, le 31 decembre 1915, a I'occasion du Nouvel APL


Carte postale<br />

Robert Delaunay '<br />

a A. de SouzaEardoso,<br />

Manhufe<br />

Mon cher Ami,<br />

LETTRES<br />

Vila do Conde<br />

31 decembre 1915<br />

Heureux que vous veniez, et bonne sante et hommages<br />

a Madame. Merci pour le beau gateau ; nous l'avons<br />

tous goute et bu a la votre. Madame Delaunay envoie a<br />

votre femme un petit collier simultane. Nous avons eu<br />

de bonnes nouvelles, malgre cette sacre machine qui fait<br />

du boudin tous les jours.<br />

Charlot a eu un bel arbre tout couleur, et aussi pour<br />

nous le plaisir de le voir.<br />

A bientot mon cher, et bonjour chez vous.<br />

1. Cette carte postale, communiquee par Mme Lucie SouzaCardoso,<br />

est actuellement le seul message emanant des Delaunay dont nous<br />

disposions.


JOSE <strong>DE</strong><br />

ALMADA-NEGREIROS


Almada<br />

a Sonia Delaunay,<br />

Vila do Conde<br />

LETTRES<br />

Lisbonne.<br />

24 aout 1915<br />

Depuis le matin ou vous avez quitte Lisbonne, moi, je<br />

ne fais que demander votre presence en parlant avec<br />

toutes vos couleurs.<br />

Vous etes partie avec toute ma joie. Vous m'avez<br />

laisse ici tout seul avec ma neurasthenie. Je ne le vous<br />

pardonnerai jamais !<br />

Oui ! Oui ! ! J'ai pense beaucoup, souvent, tres sou-<br />

vent meme, toujours, a nos poemes, les couleurs. .<br />

Oui ! J'attends de trouver ma gloire en costume simul-<br />

tane. J'attends le ler septembre. Mon oncle est deja<br />

arrive, mais il est malade.<br />

Il faut que j'ecrive a Robert Delaunay et a Madame<br />

Delaunay ! et a Vianna! et a Halpert ! et a Charlot<br />

aussi, a mon ami Charlot ! Il faut ecrire pourtant mon<br />

meilleur poeme !<br />

Mais, si vous avez emporte avec vous toute ma joie,<br />

que voulez-vous que nous puissions ecrire de beau ici ?<br />

Mais bientot, je ferai chez vous un tres beau poeme de<br />

mon amitie pour vous tous !<br />

Merci aux amities de vous tous pour moi !<br />

Merci a Sonia Delaunay !<br />

Merci a la gaite d'Halpert ! J'accepte ses propositions<br />

de mariage gai !<br />

Merci a Robert Delaunay !<br />

Et a Charlot, que j'irai bientot embrasser !<br />

Et encore a Vianna, mes compliments tres respec-<br />

tueux pour nos relations coupees. Il ne m'a pas ecrit !<br />

Merci a vous tous et a bientot !<br />

Jose de ALMADA-NEGREIROS<br />

Narcisse dlEgypte


LETTRES<br />

Ce matin, 8 septembre, j'ai trouve dans ma poche<br />

cette lettre admirable pour mes amis du Nord !<br />

Pardonnez-moi ce retard telepathique d'etre medium<br />

de moi-meme !<br />

Ce soir, 21 septembre, j'ai trouve encore cette lettre<br />

sur ma table.<br />

Almada<br />

a Sonia Delaunay.<br />

Villa simultanee<br />

Vila do Conde<br />


JOSE PACHECO


Carte postale de Jose Pacheco a Robert Delaunay, 28 aout 1915.


Carte postale de Jose Pacheco a Robert Delaunay, 28 aout 1915.


Carte postale<br />

Jose Pacheco<br />

a Robert Delaunay,<br />

a Vila do Conde<br />

Rua Bento de Freitas 7<br />

Mon cher Ami,<br />

LETTRES<br />

Lisbonne<br />

28 aoGt 1915<br />

Rien pour vous de Madrid.<br />

Je vous remercie de vos cartes. Je ne sais encore<br />

si je peux partir moi aussi, car j'attends toujours la<br />

meme chose.<br />

Mes meilleurs hommages a Madame Delaunay, Hal-<br />

pert et Charlot.<br />

Vianna, qu'estce qu'il fait ?<br />

J'attends toujours des nouvelles.<br />

Amities.<br />

PACHECO,<br />

Rua Jose Estevam 10,<br />

Lisboa


EDUARDO VIANNA


E. Vianna<br />

a Robert et Sonia Delaunay,<br />

Vila do Conde<br />

Mes chers amis,<br />

LETTRES<br />

Lisbonne<br />

(Octobre 1915 ?)<br />

Je suis passe a la Brazileira n. Almada m'a vu. 11<br />

se met a faire un potin incroyable, court a moi en jetant<br />

toutes les chaises par terre et tombe dans mes bras<br />

presque evanoui de bonheur. Il est joyeux de me voir;<br />

il crie aux passants qu'ils sont emmerdants et que je<br />

suis un chic type, et vous, il dit que vous etes tout sim-<br />

plement merveilleux. Il vous aime bien, et il est content<br />

d'avoir de vous des nouvelles fraiches. Il me demande<br />

si Charlot est encore son petit ami. Je lui parle de l'expo-<br />

sition de Madame - et qu'est-ce qu'il pense de sa colla-<br />

boration a la publicite ? Il fait tout de suite des danses<br />

rythmiques en plein trottoir. Il serait enchante de faire<br />

des ballets russes - danses simultanees - avec un<br />

costume en couleurs fait par Madame. Il me dit qu'il va<br />

ecrire un article d'une serie qu'il pense faire sur Madame :<br />

cela vient dans le Seculo.<br />

Il me donne l'excellente nouvelle qu'il partira pour<br />

Vila do Conde et travaillera avec nous. Il apportera le<br />

levrier, deux especes de cigognes donnees par le cubiste,<br />

un singe je crois et je ne sais pas quoi encore, seulement<br />

voila ... Son oncle est reparti en voyage et reviendra dans<br />

huit, quinze, vingt jours maximum ; alors il partira<br />

aussitot. II me dit tout cela d'un air si convaincu et<br />

enthousiaste que je n'ai pas de peine a le croire. Seul,<br />

Pacheco, qui est devenu pessimiste, ne le croit pas.<br />

Negreiros travaille, mais il ecrit beaucoup plus qu'il<br />

ne peint. J'ai passe une tres belle nuit a l'ecouter lire ses<br />

dernieres productions litteraires. Il y en a qui sont sim-<br />

plement des merveilles d'esprit. Il lit tres bien ; ses gestes,<br />

ses expressions vont tres bien avec ses phrases, et je<br />

crois fermement qu'il sera un grand ecrivain.


LETTRES<br />

Ses etudes en peinture, je les aime moins ; je les trouve<br />

trop compliquees ... interessantes, mais trop litteraires.<br />

Il y a quatre mois, je les aurais bien aimees. Il m'avoue<br />

qu'il a besoin d'une force a cote de lui. Il lui manque<br />

l'emulation ; il a besoin de vos lettres. Ecrivez-lui, cela<br />

lui fera plaisir ; engueulez-le bien pour voir si, cette fois-<br />

ci il arrive a Vila do Conde avec son esprit, son charme,<br />

sa gaite et sa collection zoologique.<br />

Sa-Carneiro est a Paris, et il parait qu'il s'y plait. On<br />

parle beaucoup de ses dernieres ceuvres et on en dit des<br />

merveilles. Almada a une tres grande admiration pour ce<br />

qu'il a fait dernierement. Je n'ai pas lu.<br />

Apres ces deux etres d'elite, ces deux bons poetes, rien<br />

d'autre d'interessant a Lisbonne. Famille rasoir ; ennui<br />

des conseils pour rien ; tristesse ; bon matelas.<br />

Je vous apporterai dans un beau sac simultane de<br />

belles oranges de Bahia. Il y a trois nuits que je ne me<br />

couche pas. J'ai trop gai partout. J'ai commence aujour-<br />

d'hui le demenagement de l'atelier. Je vais voir pour les<br />

photos. Dans deux jours, je fous le camp ; je cours a<br />

vous, a la bonne vie de travail. Cela m'a fait du bien de<br />

venir a Lisbonne. Je vous aimais bien, je vous aime beau-<br />

coup. Et Almada promet de travailler a des etudes simul-<br />

tanees et de vous les envoyer. Amities de<br />

Eduardo VIANNA<br />

Adresse : rua de S. Bernardo 21 - 1" andar. Lisboa.


1916<br />

Janvier - Fevrier - Mars<br />

AMA<strong>DE</strong>U <strong>DE</strong><br />

SOUZA-CARDOSO


Chanson populaire : la Russe et le Figaro, tableau d'dmadeu de<br />

Souza-Cardoso. Huile sur toile, 70 x 58 cm. 1916.


Chanson populaire et Oiseau du Bresil, tableau dlAmadeu dc<br />

Souza-Cardoso. Huile sur toile, 76 x 65 cm, 1916.


La Petite, tableau d'Eduardo Viunna. Huile sur toile et collage,<br />

104 x 83 cm, 1916.


Poupee de chiffon, de fabrication populaire portugaise, ayant<br />

servi de modele a SouzaCardoso pour des tableaux tels que<br />

Chanson populaire et Oiseau du Bresil ou la Russe et le Figaro<br />

(ou se retrouvent les motifs circulaires du tablier). Voir aussi<br />

la Petite, de Vianna.


Carte postale<br />

A. de SouzaCardoso<br />

a Robert Delaunay,<br />

Vila do Conde<br />

Cher Ami,<br />

LETTRES<br />

Manhufe<br />

9 janvier 1916<br />

Ma femme me charge de vous prier de remercier votre<br />

Dame pour le petit collier simultane. Je compte aller ce<br />

soir a Porto ; mardi ou mercredi, j'irai vous voir.<br />

A bientot. Cordialement a vous,<br />

A. de SOUZA-CARWSO<br />

Carte postale<br />

A. de SouzaCardoso<br />

a Robert Delaunay,<br />

Vila do Conde<br />

Mon cher Ami,<br />

Manhufe<br />

9 janvier 1916<br />

Je reponds a votre carte postale. Quant a l'apparte-<br />

ment, cela ne me convient pas. Je ne sais pas encore si<br />

je resterai longtemps a Paris ; je veux me defaire de mon<br />

atelier et trouver un trou quelconque pour mettre mes<br />

meubles, etant ainsi libre de m'en aller quand il me plait.<br />

Quant a l'exposition a Stockholm, je veux bien y<br />

envoyer de petites choses : vous me direz comment faire<br />

pour l'envoi des tableaux et a quelle epoque - mais, de<br />

ceci, on en parlera. Je dois partir pour Porto mardi pro-<br />

chain et, le mercredi, j'irai coucher chez vous et resterai<br />

pour le broyage des couleurs. Ma femme n'ira pas encore ;<br />

je reviendrai la chercher plus tard. J'apporterai une paire<br />

de draps et des couvertures. J'ai hate de me defaire de<br />

l'huile ; ca me donne la neurasthenie.<br />

A bientot, cher ami. Bonjour a votre Dame et a Vianna.<br />

Cordialement a vous,<br />

A. de SOUZA-CARDOSO


LETTRES<br />

Carte postale<br />

A. de SouzaCardoso<br />

a Robert Delaunay,<br />

Vila do Conde<br />

Cher Ami,<br />

Manhufe<br />

Lundi 24 janvier 1916<br />

Dans ma lettre, je vous ai dit, je crois, que j'irai mer-<br />

credi prochain, voulant dire mercredi de la semaine pro-<br />

chaine.<br />

Cordialement a vous,<br />

A. de SouzaCardoso<br />

a Robert Delaunay,<br />

Vigo<br />

Cher Ami,<br />

Porto<br />

Samedi 18 mars 1916<br />

Les magasins etant fermes a l'heure ou je suis arrive<br />

a Porto, il m'a ete impossible de faire l'echange des<br />

couleurs. Ne pouvant finir les tableaux a temps, il faut<br />

remettre a plus tard l'expedition des toiles pour l'expcl<br />

sition.<br />

Je vous ferai parvenir un mot lorsque j'aurai fini<br />

mes tableaux. Quant a l'exposition, je suis convaincu<br />

qu'on aura une vente sure.<br />

Bonjour a Madame. Bien a vous,


A. de Souza-Cardoso<br />

a Sonia Delaunay,<br />

Vila do Conde<br />

Chere Madame,<br />

LETTRES<br />

Porto<br />

Dimanche 19 mars 1916<br />

Comme je le disais dans ma lettre d'hier, l'echange<br />

des couleurs n'a pas ete fait, et l'expedition des tableaux<br />

doit etre remise.<br />

Sur ceci, il faudra que je vous cause. Veuillez venir<br />

a Porto mercredi, par le train de midi ; j'irai vous atten-<br />

dre a la gare.<br />

Tres respectueusement a vous,<br />

P.S. Je vous prie d'avoir l'amabilite de me rapporter<br />

les pochoirs.<br />

A. de SouzaCardoso<br />

a Sonia Delaunay,<br />

Vila do Conde<br />

Chere Madame,<br />

Manhufe<br />

Lundi 20 mars 1916<br />

Je ne dois pas et ne pourrai pas faire mon expedition<br />

de tableaux en ce moment, donc, ne comptez pas avec<br />

moi.<br />

C'est convenu, je vous attendrai mercredi. Si Vianna<br />

peut, qu'il vienne aussi.<br />

Je veux savoir si, vu les conditions, vous ferez ou<br />

non l'envoi des tableaux.<br />

Si Vianna peut m'apporter les jouets qu'il a achetes<br />

pour moi, cela me fera plaisir et vous debarrassera.<br />

Tres respectueusement a vous,


LETTRES<br />

A. de SouzaCardoso<br />

a Sonia Delaunay,<br />

Vila do Conde<br />

Chere Madame,<br />

Manhufe<br />

Mardi 28 mars 1916<br />

Merci de votre lettre. Je fais le pochoir pour le cata-<br />

logue et vais preparer mes envois. Aussitot reponse reque,<br />

donnez-moi tous les details, si le marchand se charge<br />

de mettre les toiles en chassis, comment vous faites les<br />

envois des toiles, cartons, dessins, etc. Nous ferons les<br />

envois ensemble, c'est bien plus pratique. Je porterai<br />

mes choses chez vous pour les joindre aux votres. Tenez-<br />

moi toujours au courant.<br />

Rien de nouveau.<br />

Bonjour a tous. Ma femme vous envoie son souvenir.<br />

Respectueusement a vous,


1916<br />

Janvier - Fevrier - Mars<br />

<strong>josE</strong> <strong>DE</strong><br />

ALMADA-NEGREIROS


Alrnada<br />

a Vianna,<br />

Vila do Conde<br />

Meu Caro Vianna,<br />

LETTRES<br />

a A Brazileira D<br />

Lisboa<br />

27 Janeiro 1916<br />

Escrevi uma carta a Madame Delaunay e julguei ter<br />

dito nela toda a minha grande admiracfio e todos os<br />

exageros da minha amizade sincera ; porem como foi em<br />

francez que eu lh'a escrevi, temo nfio ter-me feito com-<br />

prehender e isto traz-me apoquentado. Eu tambem nfio<br />

sei O que eles possam pensar de mim. Porque efectiva-<br />

mente eu raramente escrevo para lhes dizer esta minha<br />

adoracfio quotidiana que e O estimulo de eu chegar a ser<br />

O seu maior admirador.<br />

Por outro lado, eu ainda nfio fui a Villa do Conde<br />

quando tenho prometido sempre faze-10, mas, tu que eu<br />

sinto claramente que es meu amigo dize-lhes quanto eu<br />

lhes quero, quanto eu penso n'elles, quanto eu sinto que<br />

elles sfio da minha familia, da minha familia que eu quero.<br />

Nfio queres saber como eu vivo abandonado de enthu-<br />

siasmos e de tudo - a minha tragedia empeconha-se<br />

tentacular e tumultuosa. Da-me tu d'ahi de Villa do Conde<br />

qualquer incitamento, qualquer pedaco de crenca para<br />

mim que eu sofro demasiadamente os efeitos da minha<br />

soberba megalomania.<br />

Peco-te que entregues este meu poema a Madame<br />

Delaunay e faz-me tudo O que eu te peco n'esta carta e<br />

escreve-me, escreve-me para que eu sinta em mim<br />

alguma amizade. Teu amigo.<br />

Comprimentos de Jose Pacheco<br />

Jose de ALMADA


LETTRES<br />

Traduction de fa lettre precedente :<br />

Mon cher Vianna,<br />

A Brazileira B<br />

Lisbonne<br />

27 janvier 1916<br />

J'ai ecrit une lettre a Madame Delaunay, et je crois<br />

y avoir dit toute ma grande admiration et tout l'exces<br />

de mon amitie sincere. Neanmoins, comme c'est en<br />

francais que je lui ai ecrit, je crains de ne m'etre pas fait<br />

comprendre et cela me tourmente. En outre, je ne sais pas<br />

ce qu'ils peuvent penser de moi. Parce que, effectivement,<br />

je leur ecris rarement pour leur dire mon adoration quo-<br />

tidienne qui est le stimulant de mon ambition d'etre leur<br />

plus grand admirateur. D'autre part, je ne suis pas encore<br />

alle a Vila do Conde, alors que j'ai toujours promis de le<br />

faire, mais toi qui, je le sens clairement, es mon ami, dis-<br />

leur combien je les aime, combien je pense a eux, com-<br />

bien je sens qu'ils sont de. ma famille, de ma famille que<br />

j'aime. Tu ne voudrais meme pas imaginer a quel point je<br />

vis abandonne de tout enthousiasme et de tout - ma<br />

tragedie s'envenime, tentaculaire et tumultueuse. Toi, de<br />

la-bas, de Vila do Conde, donne-moi le moindre encoura-<br />

gement, la moindre bribe de croyance, a moi qui souf-<br />

fre avec outrance des effets de mon orgueilleuse megalo-<br />

manie.<br />

Je te prie de transmettre mon poeme a Madame Delau-<br />

nay et de faire tout ce que je te demande dans cette let-<br />

tre, et ecris-moi, ecris-moi pour que je sente en moi un<br />

peu d'amitie.<br />

Ton ami<br />

Salutations de Jose Pacheco<br />

Jose de ALMADA


Almada<br />

a Sonia Delaunay,<br />

Vila do Conde<br />

LETTRES<br />

Lisbonne<br />

1" fevrier 1916<br />

Ah ! votre lettre ! estelle pour moi ?<br />

J'ai toute ma tete dans mes yeux betes.<br />

La fete de ma smur qui est revenue<br />

de la jeunesse de mon ame<br />

plus jeune que moi.<br />

Si j'etais femme<br />

mon grand poeme que je ne<br />

[commencerai jamais.<br />

Tendresse<br />

faiblesse<br />

caresse ma jeune mere-beaute<br />

maternite<br />

candide et chaste<br />

et moi excessif<br />

un homme a la mode<br />

le heros de ma vie<br />

le jeune homme<br />

qui pose pour le portrait-biographie<br />

or-boutade de mes danses diademes.<br />

Ah ! votre lettre ! je la repete<br />

a l'emotion-orgueil d'etre moi<br />

Narcisse.<br />

Le reflet de la ville sur le Tage<br />

attentive<br />

affligee<br />

danseuse distraite.<br />

Les soirs desespoir abandon<br />

souvenirs de ce qui viendra<br />

fievre-expression<br />

tristesse paradoxale<br />

reticences ...<br />

et tout de suite l'electricite<br />

affectee<br />

artificielle


LETTRES<br />

excentrique<br />

applaudie.<br />

Le singe-noir-clown-sauteur<br />

rompant de ses gestes inouis<br />

des cercles-soleil<br />

des disques-lumiere.<br />

Je veux lire deuxieme divagation ceremonial de Mallarme,<br />

mais je suis sur que je me trouverai, que je me<br />

[rencontrerai.<br />

Le seul probleme !<br />

C'est la beaute de l'eau et des phares.<br />

Mon ame y va danser<br />

le soir<br />

quand je reve.<br />

Curiosite insatiable dans toutes directions s'etendant<br />

penetrant en toute chose<br />

toutes choses<br />

sont mon premier objet<br />

j'aime toutes mes existences<br />

je veux mourir toutes mes existences.<br />

Nuances sentimentales des couchants-angoisse<br />

miroir-<br />

devin d'idees incompletes.<br />

Musique aux Tuileries<br />

romantiques a la crinoline<br />

litterature-nostalgie poesie-absence<br />

absinthe-danse-triomphe<br />

de celle qui court dans la vanite.<br />

Ma richesse-avarice subtile<br />

futile<br />

inutile.<br />

Je vous donnerai des rythmes pour mon orgueil<br />

et pour Charlot tout ce que pourrai trouver de mieux<br />

[pour lui.<br />

Mon poeme que je vous ai envoye<br />

n'est pas du tout ce que je le veux<br />

mais je l'aime mon cousin.


LETTRES<br />

Cette Ronda Alentejana ' qui va avec cette lettre n'est<br />

pas encore le dernier cri, c'est tout simplement ma<br />

cousine.<br />

Vous entendrez cette chanson du Sud par Vianna.<br />

Tout de suite, je vais ecrire a votre mari, pour lui<br />

demander pardon de mon silence-ingratitude.<br />

Cardoso, il est bien gentil, et moi je le serai aussi<br />

en vous baisant les mains.<br />

Almada<br />

a Sonia Delaunay,<br />

Madame,<br />

Jose de ALMADA-NEGREIROS<br />

Lisbonne<br />

(Fevrier-mars 1916 ?)<br />

Votre lettre, Madame, etait exageree de beaute, et j'ai<br />

peine de ne pas savoir ecrire le francais pour vous dire<br />

tout ce que j'en ai compris. Elle fut toute seule, ma<br />

rapide convalescence. Il n'y a rien de plus vieux que les<br />

maladies, et moi, quelle honte ! je suis malade. Mais je<br />

ferai des poemes de force et de sante en revanche tumul-<br />

tueuse.<br />

Je vous envie la-haut, dans cet abandon createur, entre<br />

la mer et le soleil. Ici, si bas, je ne suis que metamorpho-<br />

ses. Ici, dans la Ville chimiquement fievreuse, dans cet<br />

abandon transversal ou tout le monde fume pour se dis-<br />

traire et faire la digestion, rien ne change. Moi aussi, je<br />

suis toujours Jose. Je suis un gavroche malhonnete qui<br />

1. Titre d'un beau poeme portugais d'Almada, joint a cette lettre,<br />

et quc l'auteur a charge Vianna de traduire a Mm' Delaunay.


LETTRES<br />

attend d'avoir fini l'ecole pour commencer a naitre a sa<br />

vie turbulente. Ma poesie n'est pas distraite, ma delica-<br />

tesse, oui. Mais j'ai fait des poemes avec des yeux blonds,<br />

age de trois ans et les jambes nues, sur les plages. J'ai<br />

chante aussi les monstres perpendiculaires des sculptures<br />

a briser, et le silence de mes chaises, assises et maigres<br />

et sans foi. J'ai voulu donner au monde la revelation<br />

nette de ce qu'il ne veut pas voir de ses yeux naifs. Et<br />

un tres long poeme plein de haine bourgeoise que je crie<br />

dans des rythmes exageres d'esclave empoisonne. C'est<br />

la scene de la haine. C'est un cri europeen et blond du<br />

Nord. Je chante ici mon grand desir d'etre danseur de<br />

force et d'avoir des yeux tout blancs. Je pense toujours<br />

toujours a nos poemes en couleurs, mais je sais que je<br />

n'en ai pas cncore fait un digne de ma gloire avec votre<br />

belle collaboration. Mon dernier travail, c'est une criti-<br />

que scandaleuse des crimes futiles des petits bourgeois ;<br />

il s'appelle O Mendes. C'est encore de la bagatelle.<br />

Et nos ballets ? Est-ce que vous les avez oublies ?<br />

Oh ! moi, non ! Moi, je les chante tous les soirs en desirs<br />

Clectriques d'exhibition. Je sens dans vos tableaux les<br />

beaux gestes de mes ballets simultanistes. Je vois des<br />

disques tout nus ou raidit l'obscenite d'etre belle, ou<br />

bouge la rondeur des ventres qui ,glissent en sueurs<br />

d'amour. Il y a la aussi tout l'internationalisme de la<br />

musique des montagnes et l'expression frissonnante des<br />

grands mots, et les caresses passionnees du genie feminin.<br />

Je travaille toujours, toujours, enchante par votre<br />

inspiration.<br />

Je regrette de ne pas avoir vu vos tableaux de<br />

Stockholm, mais je les devine les plus beaux du monde<br />

entier.<br />

Et Charles ? Mon grand ami. Qui lui donnera mon<br />

meilleur baiser ? Ce baiser vaut bien toute sa jeunesse et<br />

toute mon envie.<br />

Et Halpert ? Il est parti ? II n'a pas voulu de la gloire ?


LETTRES<br />

Et votre mari que j'admire pour toutes ses peintures<br />

que j'aime. Il m'a pardonne mon silence, n'est-ce pas ?<br />

Demain, je lui ecrirai tres longuement, tres enthousiaste-<br />

ment, tres passionnement comme aujourd'hui je le veux.<br />

Je voudrais bien lire toute la longue lettre de Cendrars,<br />

Mon coeur a la guerre.<br />

Vianna, je sais.<br />

Ah ! Et mon francais ! Ne riez pas, non ? Et merci.<br />

Demain, je vous donnerai toute mon ame epileptique<br />

d'admiration pour vous, aujourd'hui, je suis tout seul.<br />

Jose de ALMADA-NEGREIROS


191 6<br />

Janvier - Fevrier - Mars<br />

EDUARDO VIANNA


Portugaise assise, tatileatt de Soviu Delaunay. Cire sur toile,<br />

96 x 75 cm. Portugal, 1916.


Jouets portugais, tableau de Sonia Delaunay, 1915-1916. 11 s'agit<br />

de jouets populaires en terre cuite, formant sifflets, vendus par<br />

les paysans sur les marches de la province du Minho. Colle sui-<br />

papier, 29,3 x 24,5 cm, Portugal, 1915.


E. Vianna<br />

a Robert Delaunay,<br />

Vigo<br />

Mon cher Delaunay,<br />

LETTRES<br />

Vila do Conde<br />

14 mars 1916<br />

Merci pour vos dernieres nouvelles. Je suis oblige<br />

d'interrompre mon travail deux ou trois jours. La vieille<br />

femme qui me soigne est obligee d'aller dans son petit<br />

village voir son frere malade, alors moi, pendant ces<br />

jours-la, il faut que je quitte la maison. J'en profiterai<br />

donc pour faire une visite a Cardoso. Comme je lui ai<br />

promis de lui faire voir quelques etudes, j'emmene avec<br />

moi le tube en fer blanc avec les six etudes, et, une fois<br />

qu'il les aura vues, je vous les expedierai ensuite.<br />

Donc, bientot, vous allez recevoir les etudes, et vous<br />

me renverrez le tube ensuite, car, quelques jours apres, je<br />

vous en enverrai six autres.<br />

Je vais penser a faire quelque chose pour l'album de<br />

la Corporation. Pour les etudes qui suivent, je vais repren-<br />

dre le portrait de Madame, auquel je tiens beaucoup,<br />

et c'est justement pour cela qu'il ne marche pas ! Cela<br />

ne m'etonne pas que vos jouets arrivent brises. Quant<br />

aux miens, le voyage n'a pas ete long, et pourtant beau-<br />

coup d'entre eux sont en miettes. La bonne femme, il<br />

y a longtemps qu'elle n'apparait pas au marche. La der-<br />

niere fois que je l'ai vue, il y a de cela plus d'un mois, elle<br />

n'avait que de la degoutante camelote. Voyons si elle<br />

vient a la prochaine foire.<br />

Amities a vous tous.


LETTRES<br />

Carte postale<br />

E. Vianna<br />

a Sonia Delaunay,<br />

Vigo<br />

Chere Madame,<br />

Vila do Conde<br />

17 mars 1916<br />

J'ai recu votre derniere lettre. Merci. C'est joli la<br />

rondelle noire. Je ne connaissais pas !<br />

Ne faites pas de chichis, grand-mere, avec les jouets.<br />

Je vous ai dit dans ma derniere lettre que la bonne<br />

femme, il y a plus d'un mois qu'elle ne vient pas a la<br />

foire. Qu'est-ce que vous voulez que j'y fasse ?<br />

Delaunay va mieux ? Et le cheri petit Charlot ? Vous<br />

ne me donnez jamais de ses nouvelles.<br />

Aujourd'hui, il a tellement plu que je n'ai pu aller<br />

chez Cardoso. J'irai demain par le train de midi. Je vous<br />

enverrai de la le tube avec les etudes.<br />

Alors, la guigne chez les bons poetes ?<br />

Amities a tous de


Janvier - Fevrier - Mars


Jose .Pacheco<br />

a Sonia Delaunay,<br />

Madame,<br />

LETTRES<br />

Lisbonne<br />

26 mars 1916<br />

Fiquei imensamente satisfeito com O que O Vianna me<br />

pedio por ocasiiio de poder ser prestavel a V. e a um dos<br />

meus maiores amigos, sendm ao rnesmo tempo a mim<br />

tambem.<br />

Niio sei O que podera sahir porquanto O pape1 do<br />

jornal niio se presta muito a photogravuras, mas no<br />

entant0 farei do meu melhor para que saia uma coisa<br />

condigna.<br />

Pecelhe licenca para lhe rerneter um dos bilhetes de<br />

Madrid a Lisboa que me foi devolvido pelo corrector do<br />

liotel dJInglaterra. Quanto ao outro apenas O vendeu,<br />

disse, por mil e duzentos reis, e como se gratificou com<br />

cinco tostoes, apenas recebi setecentos reis, que lhe peco<br />

desconte no dinheiro das tintas, que como pede, perfaz<br />

um total de quatro mil, e oitenta reis, fazendo a cotacao<br />

de duzentos e quarenta por cada franco. Quando pensam<br />

em vir ate Lisboa ?<br />

O Almada-Negreiros conta ir ahi no principio do<br />

proximo mez ...<br />

O Poeta Mario de Sa-Carneiro vem agora a Portugal.<br />

Creio que seria agora uma optima ocasiiio de orga-<br />

nisar-mos uma festa moderna, absoluctamente moderna.<br />

Tanto mais que estando nos tambem beligerantes<br />

poderia-mos offerecer parte dos lucros a cmz vermelha<br />

certo tanto mais que seria absoluctamente organisada<br />

por satelites dos paizes aliados.<br />

O reclamo esta certo, e agora com O aparecimento da<br />

Ideia Nacional duplicaria.<br />

As minhas <strong>home</strong>nagens a Robert Delaunay, uma grande<br />

caricia ao Charlot e V. queira ter a gentileza de receber<br />

os votos da mais elevada admiraciio e respeitos de<br />

Uin bravo a Vianna.<br />

Jose PACHECO


LETTRES<br />

Traduction de la lettre precedente :<br />

Madame,<br />

Lisbonne<br />

26 mars 1916<br />

Je suis extremement satisfait de ce que Vianna m'a<br />

demande et qui me donne l'occasion de vous rendre ser-<br />

vice a vous et a l'un de mes meilleurs amis, en meme<br />

temps qu'a moi-meme.<br />

Je ne sais ce qui pourra en sortir, car le papier journal<br />

ne se prete guere a la photogravure, mais cependant je<br />

ferai de mon mieux pour que le resultat soit honorable.<br />

Permettez-moi de vous remettre l'un des billets de<br />

chemin de fer Madrid-Lisbonne, qui m'a ete restituC par<br />

le convoyeur de l'hotel d'Angleterre. Quant a l'autre, a ce<br />

qu'il dit, il n'a pu le vendre que mille deux cents reis, et<br />

comme il a pris une commission de cinq tostoes, je n'ai<br />

recu que sept cents reis, somme que je vous demande de<br />

deduire de l'argent des couleurs, qui, comme vous me le<br />

dites, se monte a un total de quatre mille quatre-vingts<br />

reis - selon le cours de deux cent quarante pour un<br />

franc. Quand pensez-vous venir a Lisbonne ?<br />

Almada Negreiros compte aller vous voir au debut du<br />

mois prochain.<br />

Le poete Mario Sa-Carneiro va venir au Portugal. Je<br />

crois que ce serait a present une magnifique occasion<br />

pour nous d'organiser une fete moderne, absolument<br />

moderne. D'autant plus que, etant belligerants nous aussi,<br />

nous pourrions offrir une partie des recettes a la croix-<br />

rouge, et d'autant plus encore qu'elle serait totalement<br />

organisee par des satellites des pays allies.<br />

La publicite est assuree et, maintenant, se trouvera<br />

doublee grace a la parution de l'ldeia Nacional.<br />

Mes hommages a Robert Delaunay, une grande caresse<br />

a Charlot. Je vous prie d'agreer l'expression de la plus<br />

haute admiration et les respects de<br />

Jose PACHECO<br />

Un bravo a Vianna.


1916<br />

Avril - Mai - Juin<br />

AMA<strong>DE</strong>U <strong>DE</strong><br />

SOUZA-CARDOSO


Article paru dans un journal de Porto en avril 1916, sur la pre-<br />

tendue affaire d'espionnage dont Sonia Delaunay fut victime.<br />

UNE AFFAIRE EMBRoUILLEE.<br />

L'ENQUETE SE POURSUIT.<br />

ARRESTATIONS<br />

A VILA w CON<strong>DE</strong>.<br />

La lumiere commence a se faire sur l'affaire dont s'occupe depuis<br />

quelques jours la police judiciaire de la deuxieme section, a la demande<br />

de M. le Consul de France en cette ville, affaire ou, d'apres nos infor-<br />

mations, serait accusee d'actes d'espionnage Mue Delonnnay (sic), de<br />

nationalite russe, epouse de Robert Delonnnay, peintre francais repute,<br />

qui se trouve actuellement a Vigo et qui, pendant huit mois, a reside<br />

a Vila do Conde.<br />

Au cours de ces deux derniers jours, il a ete procede a un examen<br />

meticuleux de tous les documents et lettres contenus dans la malle,<br />

saisie a Valenca, des mains de la domestique de Mme Delonnnay, Beatriz<br />

Moraes, qui a ete arretee dimanche.<br />

L'examen de ces documents n'a rien revele de compromettant, de<br />

sorte qu'on croit qu'il s'agit d'une cc gaffe r de la part de celui qui a<br />

fait la denonciation.<br />

En consequence de ce fait, ont ete remis en liberte la domestique<br />

Beatriz Moraes ainsi que le peintre de tableaux Eduardo Vianna de Vila<br />

do Conde, qui, avant-hier, avait ete arrete par I'autorite administrative<br />

de cette ville et transfere aux autorites de Porto, ainsi que les documents<br />

qu'on lui avait saisis, et que la police judiciaire a examines hier, s'assu-<br />

rant qu'ils ne contenaient rien de ce qu'on avait pretendu.<br />

Cette arrestation avait &te motivee par le fait que le peintre Eduardo<br />

Vianna etait I'un des visiteurs assidus des epoux Delonnnay, et, en appre-<br />

nant l'arrestation de la domestique, l'administrateur du conseil a pre-<br />

sume que la ditention de M. Vianna pourrait contribuer a eclaircir<br />

t'affaire.<br />

Tous les documents saisis a M. Eduardo Vianna lui ont ete restitues.<br />

D'aprks ce que nous savons, la police possede deja des informations<br />

sur l'origine de la denonciation, et se preoccupe a present d'elucider les<br />

motifs qui l'ont provoquee.


Femme aux pasteques, tableau de Sonia Delaunay. Huile sur<br />

toile, 79 x 96 cm. Portugal, 1915.


LETTRES<br />

Carte postale<br />

A.' de SouzaCardoso<br />

a Robert Delaunay,<br />

Vigo<br />

Cher Ami,<br />

Manhufe<br />

Vendredi 7 avril 1916<br />

Je suis vraiment content de vous savoir en parfaite<br />

sante.<br />

J'ai repondu hier a votre carte qui m'est arrivee en<br />

retard.<br />

Commes vous dites, il faut faire tout effort pour<br />

l'action artistique. Je suis toujours tres enthousiaste,<br />

et j'attends le catalogue pour Barcelone. Je suis pret<br />

depuis longtemps et trouve qu'il faut developper plus<br />

l'action. 11 n'y a plus d'empechement. Donnez-moi de vos<br />

nouvelles souvent, tres souvent. Vigo est tres bien, ne<br />

vous eloignez pas. Quant a Christiania-Stockholm, don-<br />

nez-moi des details, mais avant et surtout, Barcelone.<br />

Au revoir, cher Ami.<br />

A. de SouzaCardoso<br />

h Robert Delaunay,<br />

Vigo<br />

Mon cher Ami,<br />

Manhufe, Vila Me5<br />

(Avril 1916 ?)<br />

Mercredi soir<br />

Je recois a l'instant votre carte postale en retard d'un<br />

jour, trop tard pour aller a Vila do Conde. Je n'y vais<br />

pas, de crainte de ne plus trouver Madame Terk.<br />

Je m'apercois que l'adresse d'Amarante me porte les<br />

lettres en retard - pour cela, ecrivez : Manhufe, Villa<br />

Mes.


LETTRES<br />

Quant aux expositions Stockholm-Christiania, je serais<br />

decide a y exposer, mais il me faudrait des details plus<br />

pratiques et clairs que ceux de votre carte postale, ou<br />

vous me dites a peine de faire les envois par Vigo tout de<br />

suite. Vous comprenez que, pour moi qui suis ici, faire<br />

tout de suite les envois par Vigo n'est pas pratique du<br />

tout, a moins que vous ne vous chargiez de recevoir mes<br />

toiles, de les joindre aux votres et de les reexpedier a<br />

Stockholm-Christiania. Mais, d'apres ce que je comprends<br />

de votre carte, il me semble que vous etes tres presse<br />

pour cette exposition et, dans ce cas-la, je ne voudrais pas<br />

vous retarder. Ecrivez-moi sur ceci.<br />

Dites-moi aussi si vous etes aussi ardent pour l'action<br />

artistique en Espagne, car celle-ci m'interesse vivement ;<br />

c'est une chose qui me touche de pres.<br />

Dites-moi votre adresse aussitot fixes - car moi<br />

je ne suis pas fixe, et il me faut avoir toujours de vos<br />

nouvelles.<br />

C'est l'heure du courrier, et je termine en attendant<br />

un mot de votre part. Tres amicalement a vous,<br />

A. de Souza-Cardoso<br />

a Robert Delaunay,<br />

Vigo<br />

Cher Ami,<br />

SOUZA-CARDOSO<br />

(Avril 1916)<br />

Votre Dame est retenue ici par une affaire avec le<br />

consulat qui fait des difficultes pour lui delivrer ses<br />

papiers. Elle est en bonne sante et espere avoir bientot<br />

regle les complications qu'on lui fait, donc ne vous<br />

inquietez pas.<br />

Amities. CARDOSO


A. de Souza-Cardoso<br />

a Robert Delaunay,<br />

Vigo<br />

Cher Ami,<br />

LETTRES<br />

Porto<br />

Jeudi 13 avril 1916<br />

Votre Dame est en bonne sante, ne vous inquietez<br />

pas a son sujet. Aussitot qu'elle aura recu du consulat<br />

les papiers necessaires pour partir, elle ira vous rejoin-<br />

dre.<br />

Amities.<br />

A. de SouzaCardoso<br />

a Sonia Delaunay,<br />

Vigo<br />

Cher Ami,<br />

Porto<br />

Vendredi 14 avril 1916<br />

Depuis huit jours, je suis a Porto, ayant ete appele<br />

telegraphiquement par votre Dame qui, venant de Vila<br />

do Conde, s'etait presentee au Consulat pour qu'on lui<br />

delivre un passeport, ayant ete ignoblement traitee par<br />

les gens du Consulat qui, sans droit, se sont refuses<br />

a lui delivrer les papiers necessaires, la soupconnant<br />

d'espionnage et lui faisant toutes sortes de complica-<br />

tions. Le Consulat de France a fait marcher la police,<br />

qui a arrete Beatrice et Vianna et a saisi la malle<br />

expediee de Madame, ainsi que tous les papiers, lettres,<br />

albums, etc., que Madame avait dans sa chambre a<br />

l'hotel. N'ayant rien trouve de compromettant dans la<br />

malle, ayant interroge Beatrice et Vianna, et ayant<br />

fouille toutes ses choses sans que rien ne la compro-


LETTRES<br />

mette, on les a remis en liberte, et maintenant la police<br />

cherche le malveillant denonciateur. Quant a la corres-<br />

pondance, que le Consul avec la police ont prise a<br />

Madame, c'est encore une ignoble infamie, car on fouille<br />

et on lit depuis trois jours sans que Madame soit<br />

presente. C'est en dehors de toute loi, c'est un abus, un<br />

crime : ils ne peuvent pas faire ca sans que Madame<br />

soit presente, avec un temoin impartial au moins.<br />

Comme je vous l'ai dit, la police de Porto n'ayant<br />

rien trouve contre Madame, cherche maintenant le denon-<br />

ciateur, et Madame, de son cote, a un avocat qui va<br />

s'en occuper. Comme vous voyez, on a voulu la nouer<br />

avec trente-six mille ficelles, mais comme tout etait faux<br />

et qu'on leur a tenu tete, ils n'ont pu aboutir et ils<br />

n'aboutiront pas a ce qu'ils voulaient (ces gens-la du<br />

Consulat, et peut-etre d'autres).<br />

Donc, soyez tranquille. Madame se porte bien, elle<br />

est a l'hotel et ne vous ecrit pas parce qu'il vaut mieux<br />

ne pas le faire. Cette affaire durera encore une semaine<br />

peut-etre, car il faut continuer encore avec son avocat<br />

aussitot qu'on saura qui a fait la fausse et ignoble accu-<br />

sation.<br />

J'ai envoye un paquet de journaux ou on en parle.<br />

L'argent vous est parvenu ? Il vous en arrivera encore.<br />

Soyez tranquille. Tout finira bien, la verite et la<br />

raison sont tres puissantes. Tout Porto est au courant<br />

de ce cas, et Lisbonne aussi. Apres, vous ferez des<br />

expositions artistiques, et le succes sera d'autant plus<br />

grand.<br />

Madame se porte bien ; elle n'est pas seule ; on s'y<br />

interesse beaucoup. Je lui fais beaucoup de compagnie.<br />

Elle ira vous rejoindre aussitot finies ces histoires.<br />

Donc, attendez-la. Donnez-moi de vos nouvelles a mon<br />

adresse a Manhufe. Donnez des nouvelles de Charlot, et<br />

soyez tranquille.<br />

Amities.<br />

SOUZA-CARDOSO


Carte postale<br />

A. de SouzaCardoso<br />

a Sonia Delaunay,<br />

Porto<br />

Chere Madame,<br />

LETTRES<br />

Manhufe<br />

Jeudi 20 avril 1916<br />

Nous sommes bien arrives et pensons a vous sans<br />

cesse. Je trouve ces cartes que je vous envoie. Je vais<br />

ecrire tout de suite. Mettez-moi toujours au courant ;<br />

je suis entierement a vous. Quant a nos expositions,<br />

on les fera tout de suite apres. Tachez de vous debarras-<br />

ser vite de toutes ces ignobles histoires de province.<br />

Bonjour a notre ami Pinto Leite.<br />

Tres affectueusement a vous,<br />

SOUZA-CARDOSO<br />

A. de SouzaCardoso<br />

a Robert Delaunay,<br />

Vigo<br />

Mon cher Ami,<br />

Je viens d'arriver a Manhufe. Je<br />

cartes, que j'envoie tout de suite a<br />

restee encore a Porto. Elle se porte<br />

Manhufe<br />

Jeudi 20 avril 1916<br />

trouve vos trois<br />

Madame, qui est<br />

bien. Hier, nous<br />

sommes alles au Consulat qu'on lui donne les<br />

papiers qu'il faut pour s'en aller. Le Consul a dit qu'il<br />

faut qu'il recoive reponse de Lisbonne, etc., enfin des<br />

trucs, apres des saletes inqualifiables. Mais Madame ne<br />

se laissera pas faire facilement ; elle a son avocat, des<br />

amis qui s'interessent et surtout la raison. Il parait que<br />

l'organisateur de toute cette ignoble pourriture fut<br />

l'employe du Consulat, qui a fait marcher les autres et<br />

qui, en ce moment, a deja fichu le camp je ne sais ou.<br />

Quant a Madame, soyez tout a fait tranquille ; elle ira


LETTRES<br />

vous retrouver aussitot debarrassee de toutes ces his-<br />

toires de province. Comme vous dites, il faut en finir<br />

avec tout ca et finir bien. La faire attendre, c'est sure-<br />

ment un truc soit pour etouffer leur responsabilite,<br />

soit pour s'accrocher a de faux riens. Lorsque je suis<br />

parti, Madame pensait aller a Lisbonne, mais avant,<br />

elle devait consulter l'avocat et des gens amis. Je ne<br />

sais pas ce qu'elle a decide. Maintenant, il faut qu'on<br />

lui donne ses papiers. Quant aux expositions, j'en ai<br />

longuement parle avec Madame. Nous ferons Lisbonne,<br />

Porto. Je m'en occuperai ; je suis parfaitement avec<br />

vous, mais avant, il faut en finir avec toutes ces histoires.<br />

J'exposerai a Stockholm avec vous ; je tiens a etre avec<br />

vous, n'ayant pas grande'quantite de tableaux a envoyer.<br />

Pour Barcelone, je suis pret. En somme, tout a fait<br />

d'accord au point de vue action artistique.<br />

On agira tout de suite apres. Moi et Madame avons<br />

beaucoup parle a ce sujet et sommes decides a agir, agir.<br />

Par Madame, je vous enverrai de mes et<br />

vous donnerai les renseignements pour me faire parve-<br />

nir les votres.<br />

Bonjour au petit peintre. Pour vous, ma meilleure<br />

amitie.<br />

A. de SOUZA-CARDOSO<br />

A. de SouzaCardoso<br />

a Sonia Delaunay,<br />

Porto<br />

Chere Madame,<br />

Manhufe<br />

Jeudi 20 avril 1916<br />

Je viens de recevoir ces mots, que je vous envoie sans<br />

retard.<br />

Je lui ai ecrit hier. Donnez de vos nouvelles,<br />

Bonjour de la part de ma femme. Bien a vous,


Carte-lettre<br />

A. de SouzaCardoso<br />

a Robert Delaunay,<br />

Vigo<br />

Mon cher Ami,<br />

LETTRES<br />

Manhufe<br />

Samedi 22 avril 1916<br />

Avez-vous recu ma lettre d'avant-hier ? J'ai envoye<br />

tous vos mots a Madame. Ces deux dernieres semaines,<br />

j'ai ete toujours a Porto. Notre ami du Credit s'en est<br />

occupe et s'en occupe tres vivement. Hier et aujourd'hui,<br />

je n'ai pas recu de nouvelles de Madame, elle devait<br />

m'en envoyer si cela ne marchait pas.<br />

Surtout, ne venez pas - attendez. Pour nos exposi-<br />

tions, on agira tout de suite apres.<br />

Bonjour a Charlot. Tres cordialement a vous,<br />

A. de SouzaCardoso<br />

a Sonia Delaunay,<br />

Porto<br />

Chere Madame,<br />

Manhufe<br />

Samedi 22 avril 1916<br />

Donnez-moi de vos nouvelles. Avez-vous recu ma<br />

lettre ?<br />

Ma femme ne va pas tres bien ; elle vous envoie des<br />

souvenirs.<br />

Bien a vous,


LETTRES<br />

Carte postale<br />

A. de SouzaCardoso<br />

a Sonia Delaunay,<br />

Hotel de Paris<br />

Porto<br />

Chere Madame,<br />

Manhufe<br />

24 avril 1916<br />

Recu votre carte postale. Vu que vous restez jusqu'a<br />

la fin de la semaine, j'irai vous voir jeudi ou vendredi.<br />

Nous nous fixerons sur notre action artistique. Voulez-<br />

vous vous charger de porter un petit nombre de toiles<br />

pour l'exposition Barcelone ? Cela me faciliterait. A<br />

bientot. S'il y a du nouveau, dites-le moi. Bien a vous,<br />

A. de SouzaCardoso<br />

a Sonia Delaunay,<br />

Porto<br />

Chere Madame,<br />

Manhufe<br />

(Avril 1916)<br />

Avez-vous recu ma lettre et avez-vous vu les endroits<br />

dont je vous ai parle ? Tenez-moi au courant.<br />

D'apres des informations, vous pouvez parfaitement<br />

envoyer tous les tableaux par chemin de fer sans que<br />

la douane vous embete.<br />

Vianna est toujours la ? Dites-lui qu'il me donne de<br />

ses nouvelles, s'il compte rentrer a Lisbonne. Y a-t-il<br />

du nouveau pour le catalogue ? Je me prepare pour cette<br />

exposition ; je voudrais des details - comme je vous<br />

l'ai demande dans mon avant-derniere lettre.<br />

J'ai trouve un papiercuir huile pour les pochoirs.<br />

On l'emploie dans l'industrie ; il me semble que diffi-<br />

cilement on peut trouver mieux.<br />

Respectueusement a vous,<br />

C ARDOSO


iIr:i-.. c nl!iil.i nz priirii.i::i\ ~\mip!ioiiiw sin~iilia:ii.!ni<br />

i!*>* iiiii-:CO-; .~ioilcrii~~.;. iii~. \'. pert1;~e-<br />

1:iv ~ I I C \'I pr? pnniiii i i(iiiiit I-f~ir:~ CII IFII~IX a<br />

YIIIJC af~~.ic~~lc pr.! pailrr diwr IWII d t ~ 41 t ~11ie<br />

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A!ew il'icso eii 1111cr11 it.r !CCI~" ismhem pr3<br />

Ialhr 1104 C~>~~III!IC. .!I~I~II~.I~~I>. JC .\I:itlm~,. l)elama!-<br />

l cr'.. imi:~, in.~r.iti\li~. :NII i : v:\rn~ ~~ICII-<br />

I ilinu~i~tc :~pp: LII,!.~~. 11,~- ml!. ~JII*~. de pelc-<br />

rin no.<br />

\.. ilew a l w q-1,. tar shrir en1 Ihr~~li~m<br />

iiiiia vipfii '.,sa LII'I!!" I!I'.'.I umnlc nlr!:~ ilc .\l:i-<br />

C\,IIIIP l IC:~!I:~,, . l C T , C , II-~)II, ..,IT li


Article de Jose de Almada-Negreiros, paru dans l'hebdomadaire<br />

A Ideia Nacional, et illustre d'une photographie de Sonia Delau-<br />

nay-Terk.<br />

L'I<strong>DE</strong>E NATIONALE<br />

L'art et les artistes<br />

Madame Delaunay-Terk<br />

Rohe et voilette<br />

de couleurs simultanees<br />

Mon cher Jose Pacheco :<br />

Vous m'avez annonce que j'avais eu l'honneur d'etre choisi pour<br />

parler de Madame Delaunay-Terk. De fait. mon intellect lui doit tant<br />

que mon orgueil de grand gala deploie ses plumes de parade et voudrait<br />

crier des ordres a des divisions qui lui rendent les honneurs. Mais je<br />

ne connais pas de meilleur eloge, pour Madame Delaunay-Terk, que le<br />

fait de connaitre son et cela, vous pouvez me croire, est toute<br />

ma fierte.<br />

J'aurais pu, toutefois, en guise de presentation aux lecteurs de l'ldeia<br />

Nacional, rendre compte de l'extraordinaire fete simultanee de<br />

Stockholm, ou, conjointement avec une exposition de tableaux de<br />

Madame et Monsieur Delaunay, fut donne lecture de la Prose du Trans-<br />

siberien et Histoire de la petite Jehanne de France de Blaise Cendrars,<br />

et ou se firent entendre les premieres symphonies simultanees des<br />

musiciens modernes. Mais, pardonnez-moi si mon etat de sante ne me<br />

permet que jeudi prochain de proclamer bien haut ce que j'admire.<br />

En outre, il me faut du temps pour parler des costumes simultanes<br />

de Madame Delaunay-Terk, dont les splendeurs vivent encore dans les<br />

acclamations orientales de mes yeux de pelerin.<br />

Vous devez savoir que va s'ouvrir a Barcelone une exposition simul-<br />

tanee, a laquelle ne participeront - aux cotes de Madame Delaunay-<br />

Terk et de Monsieur Delaunay - que trois artistes portugais, qui sont :<br />

Cardoso, Eduardo Vianna et votre ami<br />

Jose de ALMADA-NECREIROS


Carte postale<br />

A. de SouzaCardoso<br />

a Robert Delaunav,<br />

Vigo<br />

Cher Ami,<br />

LETTRES<br />

Manhufe<br />

Samedi 29 avril 1916<br />

Hier, j'ai ete a Porto faire mes adieux a Madame.<br />

Elle n'etait pas sure de l'exposition Barcelone-mai, pen-<br />

chant plutot pour une grande exposition Barcelone-<br />

octobre. Je ne sais pas ce que vous deciderez, en tout<br />

cas, il faudrait une petite exposition Barcelone tout de<br />

suite, n'empechant en rien une grande en octobre.<br />

Pour Lisbonne, il faut aussi s'en occuper tout de<br />

suite. Madame a agi du cote Ideia Nacional-Negreiros.<br />

Il ne faut pas perdre de temps. Donnez-moi immediate-<br />

ment des nouvelles Barcelone pour que je sache a quoi<br />

m'en tenir.<br />

Je pourrai aller a Lisbonne, mais je veux avoir la<br />

reponse Ideia Nacional-Negreiros. Que Madame m'en<br />

avertisse.<br />

Cordialement a vous,<br />

SOUZA-CARDOSO<br />

Carte postale<br />

A. de SouzaCardoso<br />

a Robert Delaunay,<br />

Vigo<br />

Manhufe<br />

3 mai '1916<br />

Je recois a l'instant votre carte de dimanche. Felici-<br />

tations. Dites-moi retour courrier s'il y aura exposition<br />

Barcelone mois mai. Je suis pret ; pochoir aussi. Dois-je<br />

vous envoyer tout ca pour cette exposition ? Et a<br />

Lisbonne ? Avez-vous reponse Negreiros ? Ce soir, je<br />

vous ecrirai une lettre. Il faut faire Barcelone tout de<br />

suite et, a l'automne aussi, une grande exposition.<br />

Amities.<br />

SOUZA-CARDOSO


LETTRES<br />

A. de Souza-Cardoso<br />

a Robert Delaunay,<br />

Vigo<br />

Cher Ami,<br />

Manhufe<br />

Mercredi 3 mai 1916 (?)<br />

J'ai recu tous vos mots. J'attends de votre part<br />

reponse nette sur l'exposition mois de mai Barcelone<br />

pour vous remettre de suite des tableaux montes et les<br />

pochoirs. Madame m'avait parle qu'il valait peut-etre<br />

mieux remettre cette exposition a octobre et en faire<br />

alors une grande manifestation d'art - raison pour<br />

laquelle je ne l'ai pas chargee d'emporter mes toiles. Je<br />

trouve qu'on devrait faire tout de suite une exposition<br />

a Barcelone, et en faire aussi une plus complete en<br />

octobre.<br />

Deux details : se charget-on de clouer mes toiles<br />

sur chassis et de les preparer pour la presentation ?<br />

Voulez-vous la coupure du pochoir ou un tout fait ?<br />

Repondez-moi sur ces deux choses.<br />

Quant a Lisbonne, Madame a-telle recu reponse de<br />

Negreiros ? Je ne dois pas prendre la responsabilite<br />

complete de cette exposition, vu la situation actuelle<br />

qui exigerait un assez long sejour a Lisbonne, et - vous<br />

comprendrez pourquoi - cela ne me convient pas.<br />

Madame avait propose ceci : elle exposerait a Lisbonne,<br />

nous invitant, Negreiros, Vianna et moi uniquement,<br />

et, de cette facon, elle ferait travailler Negreiros avec<br />

ceux de l'ldeia Nacional pour la publication. Moi, j'irai<br />

a Lisbonne et les aiderai pour l'accrochage des tableaux,<br />

pour leur donner des idees pour la reclame, etc., et<br />

surtout eviter autant que possible qu'ils fassent des<br />

gaffes.<br />

Donc, il faut d'abord que Madame les travaille au<br />

point de vue pratique : avoir une bonne salle d'exposi-<br />

tion, l'ldeia Nacional pour la publicite, me mettre au<br />

courant et me donner une lettre de presentation pour


LETTRES<br />

Negreiros. Quant aux envois de vos choses, peut-etre que<br />

le patron de l'hotel se chargera de les faire venir sans<br />

droits d'entree. Tout de suite apres, on fera Porto et,<br />

comme je suis tout pres et qu'on peut avoir de bons<br />

appuis, ce sera facile. L'exposition Lisbonne, il faudrait<br />

que ce soit tres bien, pour demonter les pompiers perfi-<br />

des qui s'accrochent a tout. Le moment sera de plus<br />

en plus mauvais ; il n'y a deja plus de liberte d'action,<br />

on vous entrave officiellement pour n'importe quoi.<br />

Donc, il faut exposer sans retard.<br />

Je finis bientot Rimbaud et vous l'enverrai recom-<br />

mande.<br />

Voulez-vous faire l'echange des albums ?<br />

Rappelez-moi au souvenir de Madame, qui m'a promis<br />

un exemplaire de Cendrars. Presentez-lui mes meilleures<br />

amities, et au petit peintre aussi.<br />

Ecrivez.<br />

Cordialement,<br />

A. de SOUZA-CARDOSO<br />

Dites-moi toujours vos adresses.<br />

Carte postale<br />

A. de SouzaCardoso<br />

a Robert Delaunay,<br />

Vigo<br />

Cher Ami,<br />

Manhufe<br />

Vendredi 5 mai 1916<br />

Avez-vous recu mes carte postale et lettre ? J'attends<br />

reponse sur Barcelone et Lisbonne. Il faut prkparer une<br />

grande exposition en octobre prochain a Barcelone,<br />

mais il en faudrait aussi une petite tout de suite.<br />

Madame a-telle recu reponse de Negreiros ?<br />

Ecrivez.<br />

Bonjour aux votres. Amities.<br />

CARDOSO


LETTRES<br />

Carte vostale<br />

A. de ~ouza-~ardoso<br />

a Sonia Delaunay,<br />

Hotel de Francia<br />

Vigo<br />

Chere Madame et Amie,<br />

Manhufe<br />

Samedi 13 mai 1916<br />

Oui, j'irai a Lisbonne faire l'accrochage aussitot qu'il<br />

le faudra ; vous me donnerez tous les renseignements<br />

et me mettrez au courant de tout ce qui est pratique.<br />

Je travaille la cire ; il me manque des couleurs. La<br />

seule passable, meme belle, c'est la laque rose de Porto.<br />

Je developpe aussi mes connaissances dans le sombre<br />

mystere de l'huile ... Enfin, je travaille. De Lisbonne,<br />

on me dit que la chaleur commence, peut-etre qu'on<br />

tarde de trop. Je n'ai pas bien compris votre recomman-<br />

dation pour le consul d'Espagne. C'est pour l'exposition<br />

ou pour l'expedition ? Ce sera toujours interessant.<br />

Cette grande exposition Barcelone, mettez-y votre<br />

genie.<br />

Je vous prie de me laisser encore quelque temps<br />

Rimbaud ; c'est un grand soutien pour moi ! Ne craignez<br />

rien pour ce livre.<br />

Souvenirs affectueux de ma femme. Amities.<br />

Carte postale<br />

A. de Souza-Cardoso<br />

a Robert Delaunav,<br />

Vigo<br />

Cher Ami,<br />

Manhufe<br />

Samedi 13 mai 1916<br />

Hier, j'ai envoye un rouleau de cinq toiles par la<br />

poste, adresse H8tel de France. Les avez-vous recues ?<br />

Dites-le moi s'il vous plait. Les toiles s'abiment beaucoup


LETTRES<br />

en rouleau. J'en ai quelques-unes qui sont perdues, c'est<br />

pourquoi je crains d'expedier en rouleau. Mettez-moi au<br />

courant de la reponse Barcelone-Lisbonne. Quant au<br />

livre ou catalogue, il faudra le preparer tres bien pour<br />

l'automne; tachez d'y mettre des litterateurs de la<br />

Corporation.<br />

Le paysagiste de Vila do Conde' m'a ecrit hier deux<br />

mots ; il me demande de vos nouvelles.<br />

Demain, je vous enverrai un de mes albums. Ils sont<br />

tous tres abimes ; je vous envoie celui qui est en meilleur<br />

etat.<br />

Je travaille furieusement. Il me manque beaucoup<br />

de materiaux, mais tant pis.<br />

Ecrivez toujours. Amities.<br />

A. de SouzaCardoso<br />

a Robert Delaunay,<br />

Vigo<br />

Cher Ami,<br />

SOUZA-CARWSO<br />

Manhufe<br />

Mardi 16 mai 1916<br />

Avez-vous recu les cinq toiles que je vous ai envoyees<br />

par la poste ? Fait-on l'exposition Barcelone ? Voici, en<br />

tout cas, les mesures des toiles, titres et prix.<br />

Titres et mesures<br />

1 Moulins, 40 X 33<br />

2 Moulins fil telegraphique, 54 X 39<br />

3 Moulins roue dentee, 49 112 X 40<br />

4 Meunier, 34 lj2 x 27 112<br />

5 Fenetre bleue, 27 X 21<br />

1. Vianna.


LETTRES<br />

Prix<br />

Je vous ai ecrit, et aussi a Madame, parlant de<br />

l'exposition. Ici, il commence a faire chaud. J'ai com-<br />

mence des travaux a la cire, mais, franchement, j'aime<br />

mieux l'huile, c'est plus dans mon temperament. Il fait<br />

un printemps radieux, des fleurs magnifiques partout.<br />

Je travaille d'apres nature. Quant a moi, il est trop<br />

tard pour une exposition a Lisbonne.<br />

Donnez des nouvelles. Le moment, ici, n'est pas pour<br />

les arts - moi, je travaille.<br />

Bonjour a Madame et au petit peintre. Amities.<br />

A. de SouzaCardoso<br />

a Sonia Delaunay,<br />

Vigo<br />

Chere Madame,<br />

Manhufe<br />

Vendredi 19 mai 1916<br />

Merci de votre carte postale. C'est tres bien. Je<br />

n'etais pas du tout enthousiaste pour une exposition a<br />

Lisbonne en ce moment.<br />

Je travaille a l'huile - le moral est tres fort, la nature<br />

aussi. Mon jardin est superbe de couleur et de seve et<br />

de lumiere. Il y a des fraises a remplir des paniers, de<br />

á jeunes et fortes roses S. Je suis amoureux. Rimbaud


LETTRES<br />

est dans ma chambre. Je vis sous des u domes d'eme-<br />

raudes D, je vois a sur la hanche la signature du poete D ',<br />

et je suis animal, et ca me plait.<br />

Je travaille et recois des cartes postales de Viama,<br />

et ca me fait rappeler I'elemi a et le petit pharmacien.<br />

Je fais de temps en temps mon voyage d'agrement a<br />

Paris ; aux Galeries Lafayette je fais quelques provisions<br />

- pendant que nos braves soldats se battent glorieuse-<br />

ment. Je visite quelques amis. Ils sont presque tous<br />

disparus ; d'autres me rendent visite, mais il vaudrait<br />

mieux que ca ne fut pas.<br />

Mon pochoir etait destine au catalogue d'une possible<br />

exposition de suite Barcelone. C'est fini pour le moment.<br />

Pour l'automne, je ferai d'autres choses, d'autres<br />

pochoirs. Les toiles que je vous ai envoyees ne sont pas<br />

non plus pour I'automne Barcelone.<br />

Je recois la lettre de Delaunay ; j'y repondrai bien-<br />

tot. Etes-vous bien installes et contents ? Mangez-vous<br />

bien ? Etes-vous de bonnes et fortes betes ? Oui, eh bien,<br />

attention aux drogues.<br />

Ici, ca va, on l'a prevu. Cela ira a char a<br />

ca marchera quand meme.<br />

Je suis oiseau<br />

et n'ignore pas la nage<br />

et connais la chasse.<br />

Je soigne, chere Madame, ce que j'ai appris et herite.<br />

Bonjour de la part de ma femme ; elle va mieux.<br />

Bonjour au petit peintre. Affectueusement a vous,<br />

1. Allusion a l'un des a Dix-neuf poemes elastiques B de Cendrars,<br />

intitule Sur la robe elle a un corps :<br />

... Il y a des mains qui se tendent<br />

Il y a dans la traine la bete tous les yeux toutes les fanfares<br />

tous les habitues du bal Bullier.<br />

Et sur la hanche<br />

la signature du poete.<br />

2. Substance gommo-resineuse employee dans la fabrication des<br />

vernis.


LETTRES<br />

Carte postale<br />

A. de SouzaCardoso<br />

a Robert Delaunay,<br />

Vigo<br />

Mon cher Ami,<br />

Manhufe<br />

19 juin 1916<br />

Voulez-vous m'envoyer par retour du courrier les<br />

toiles que je vous ai envoyees, dans un rouleau de<br />

carton, recommandees. Elles ne sont pas destinees a<br />

l'automne-Barcelone, et j'en ai besoin ici. J'ai recu la<br />

coupure pochoir, pas encore les couleurs ni rien de ce<br />

que vous avez annonce.<br />

Bonjour a Madame. Affectueusement,<br />

Carte postale<br />

A. de Souza-Cardoso<br />

a Robert Delaunay,<br />

Vigo<br />

Mon cher Ami,<br />

Manhufe<br />

Mercredi 21 juin 1916<br />

Je viens de recevoir les couleurs et vous en remercie.<br />

Je ne les ai pas encore vues et viens de les faire chercher<br />

a la poste. Je vous ai ecrit, vous demandant de m'envoyer<br />

mes toiles. J'en ai grand besoin ici. Voulez-vous me les<br />

faire parvenir d'urgence. Comme je vous l'ai dit, elles<br />

n'ont jamais ete destinees a l'automne - Barcelone ; je<br />

vous les ai envoyees dans le cas d'une exposition imme-<br />

diate, mais, maintenant, j'en ai grand besoin.<br />

Affectueusement,<br />

CARWSO


Carte postale commerciale de l'exploitation vinicole de Jose<br />

Emygdio de Souza-iardoso, pere dlAmadeu, representant la<br />

demeure familiale de Manhufe, ou l'artiste est ne et ou il a tra-<br />

vaille. L'adresse est de la main dJAmadeu. 6 juin 1916.<br />

Verso de la carte postale illustree (domaine de Manhufe),<br />

envoyee par Arnadeu de Souza-iardoso a Robert Delaunay, le<br />

6 juin 1916. Cette phrase est le leitmotiv des lettres de l'artiste :<br />

u Je travaille furieusement ... Je travaille vertigineusement ... B Il<br />

est a noter que, par la suite, Amadeu se servira d'un pochoir pour<br />

signer ses toiles, du nom d'Amadeo de Souza-Cardoso.


Eduardo Vianna, dans le jardin des Delaunay a Vila do Conde.


Carte postale<br />

A. de SouzaCardoso<br />

a Robert Delauizay,<br />

Vigo<br />

Mon cher Ami,<br />

LETTRES<br />

Manhufe<br />

23 juin 1916<br />

J'ai recu le rouleau de papier et non pas les couleurs,<br />

comme je le croyais d'abord. Je vous remercie.<br />

J'attends les toiles que je vous ai demandees, et qui<br />

sont de petites etudes que je peux placer ici. Je vous<br />

prie de les envoyer recommandees. J'irai ces joursci a<br />

Amarante et vous enverrai le montant du papier. Ici,<br />

on ne fait pas de mandats postaux.<br />

Vianna vient de passer quelques jours ici ; il compte<br />

s'en aller demain matin.<br />

Affectueusement,<br />

SOUZA-CARDOSO<br />

Carte postale<br />

A. de Souza-Curdoso<br />

a Robert Delaunay,<br />

Vigo<br />

Cher Ami,<br />

Manhufe<br />

Samedi 24 juin 1916<br />

J'ai recu le rouleau de papier ; j'ai aussi le recu<br />

d'expedition des couleurs, mais elles ne sont pas encore<br />

arrivees. Attendons encore quelques jours et, si elles<br />

n'arrivaient pas, je vous enverrai le recu pour que vous<br />

fassiez la reclamation. J'ai une tres grande urgence de<br />

mes toiles : veuillez me les envoyer par retour de cour-<br />

rier, recomriiandees. Il me les faut tout de suite, car<br />

je crois avoir un acheteur.<br />

Tres affectueusement,<br />

CARDOSO


LETTRES<br />

A. de Souza-Cardoso<br />

a Robert Delaunay,<br />

Vigo<br />

Mon cher Delaunay,<br />

Manhufe<br />

29 juin 1916<br />

J'ai grand besoin des toiles que je vous ai envoyees.<br />

Voulez-vous me les renvoyer par poste, recommandees.<br />

Je vous remercie beaucoup.<br />

Bonjour a Madame et a Charlot. Affectueusement,<br />

Pas encore recu les couleurs. Voulez-vous reclamer ?


1916<br />

Avril - Mai - Juin<br />

EDUARDO VIANNA


E. Vianna<br />

a Sonia Delaunay,<br />

Vigo<br />

Chere Madame,<br />

LETTRES<br />

Vila do Conde<br />

8 avril 1916<br />

Je viens de recevoir deux cartes postales et une lettre<br />

que je vous renvoie aussitot.<br />

Est-ce que Beatriz n'est pas restee en panne a<br />

Valenca ? L'administrateur m'a cherche pour me dire<br />

que le sauf-conduit ne servait surement a rien d'apres<br />

les derniers decrets - qu'il dit qu'il n'avait pas lus.<br />

Alors, il fait son geste en avant et il bafouille lamen-<br />

tablement. Il dit qu'il vous faut revenir, puis repartir,<br />

puis je ne sais pas quoi de plus. Com ...p ere, va !<br />

Les dernieres nouvelles sont stupefiantes, incohe-<br />

rence, folie, quoi ...<br />

Mon seul salut est dans le tres beau souvenir que<br />

j'ai de vous tous et dans mon travail, mais ... jusqu'a<br />

quand pourrai-je travailler ? Enfin, je m'y accroche de<br />

toutes mes forces, comme un naufrage.<br />

Il pleut et il fait froid. Un employe du chemin de<br />

fer m'a cherche pour me dire qu'une grande caisse a<br />

vous etait retenue a Valenca, parce qu'elle etait fermee.<br />

Tout cela, je crois que vous l'aviez prevu.<br />

Je travaille aux pochoirs, pour vous les envoyer bien-<br />

tot. Est-ce que vous avez des nouvelles de notre monta-<br />

gnard '. Est-il dans ces regions-la '. Je voudrais bien le<br />

savoir. Vous n'oublierez pas de m'envoyer rua do Lidador<br />

28 - et non 20 comme je vous l'ai dit - le drap : je<br />

ne veux pas avoir affaire a la maquerelle.<br />

1. Amadeu de Souza-Cardoso.<br />

2. A Manhufe.


LETTRES<br />

J'ai ecrit a Lisbonne et j'attends la reponse. Ne<br />

m'abandonnez pas sans nouvelles. J'en ai trop besoin.<br />

Je vous aime tous beaucoup et je vous envoie mes<br />

meilleures amities.<br />

Eduardo VIANNA<br />

Je tiens beaucoup a un mot de Delaunay sur mon pochoir.<br />

E. Vianna<br />

a Sonia Delaunay,<br />

Porto<br />

Chere Madame,<br />

Porto, Grand Hatel de Paris<br />

(Avril 1916)<br />

Je voudrais avoir le plaisir de vous voir, et je vou-<br />

drais que vous me disiez a quelle heure je peux le faire.<br />

J'ai un train pour Vila do Conde a onze heures et<br />

quart et un a deux heures et quart (pour dejeuner).<br />

Bien a vous,<br />

E: Vianna<br />

a Robert Delaunay,<br />

Vigo<br />

Tres cher Ami,<br />

(Aprts le 14 avril 1916)<br />

Vila do Conde<br />

Et voila que je me remets a travailler apres avoir ete<br />

deux jours tres souffrant. Deux plaies se sont ouvertes,<br />

deux furoncles, l'un daris le cou et l'autre dans le bras


LETTRES<br />

droit. Maintenant que la merde qu'il y avait dedans<br />

coule, je suis plus soulage. Il parait qu'il s'est fait en<br />

moi une grande alteration du sang, avec tous ces trem-<br />

blements pour ce que j'ai passe ces joursci.<br />

Ce qu'ils m'ont emmerde tout de meme ces fous-la !<br />

C'est que c'est dangereux les fous ! Jamais je ne me<br />

serais doute qu'il y en avait tant dans mon entourage.<br />

C'est qu'il y avait des mots terribles dans l'air quand<br />

j'ai ete emmene en prison a Porto. Ce n'etait pas moins<br />

que : u Traitre a la Patrie ! Conspirateur ! ... C'est grave,<br />

tres grave ... Il sera fusille ? D Maintenant, tout est fini,<br />

c'est-a-dire les emmerdements, et l'administrateur qui a<br />

fait la gaffe a fait passer une rectification dans le jour-<br />

nal du pays. Evidemment, pour les embetements, pour<br />

ce que j'ai passe et les degats materiels, ce n'est rien -<br />

mais il faudrait depenser de l'argent et du temps pour<br />

exiger d'eux une indemnisation. Pour cela, j'ai par16<br />

avec le juge du tribunal d'ici, avec qui je suis en tres<br />

bonnes relations, et il m'a fait voir a quelle espece de<br />

gens j'ai affaire. Il parait qu'ils fabriquent tout dans la<br />

boite administrative, des documents faux, des temoins<br />

faux, et, comme ils sont mechants et fous, il faut que<br />

je fasse attention.<br />

Ce qu'il me faut, c'est de la tranquillite pour peindre,<br />

et maintenant, je crois l'avoir. J'ai depense un billet de<br />

cinquante escudos avec tout ca. Mes pochoirs,<br />

á pochards D, comme dit l'administrateur - remarquez<br />

qu'il fonce dans la biere comme un enrage - les pochoirs<br />

sont casses ; ils ont ete enroules et transportes a Porto ;<br />

en plus, ils n'etaient pas secs, et ils ont deteint sur les<br />

papiers. Mes lettres, mes malles, tout a ete vu par deux<br />

fois.<br />

Mais moi, ce n'est rien, a cote de Madame ! Et pen-<br />

dant ma detention, j'ai pense beaucoup a elle et a vous<br />

tous. Maintenant que l'affaire est dans les mains d'un<br />

avocat, j'espere qu'elle sera indemnisee largement par


LETTRES<br />

ce cochon de consul de France, l'auteur de toute cette<br />

gaffe. Je ne sais plus rien de Madame ni de Cardosu<br />

depuis que je suis revenu de Porto ; je n'ai pas recu un<br />

mot d'eux.<br />

Et vous ? Avez-vous pu faire quelque chose. Et Char-<br />

lot ? Se porte-t-il bien. Gentil petit Charlot, je voudrais<br />

bien le voir.<br />

Je travaille avec l'idee fixe de l'album de pochoirs,<br />

dont je vous ai parle. Mon deuxieme pochoir, que je<br />

viens de finir (des jouets) sera le premier de la serie<br />

que je vais continuer. Je voudrais bien que vous le<br />

voyiez, ce travail que je viens de finir : je le crois un<br />

progres dans mon nouveau metier.<br />

Et qu'estce qu'il y a de nouveau pour notre exposi-<br />

tion ? Renseignez-moi. Je compte sur votre amitie. Per-<br />

sonne ne m'ecrit, et je ne peux pas aller a Porto, car je<br />

ne peux absolument pas depenser plus d'argent. Cela<br />

m'a ete tres dur a avaler le billet qu'ils m'ont fait depen-<br />

ser juste dans le moment ou je fais le plus d'economies<br />

possibles.<br />

Mon bras me fait encore bien mal, mais je travaille<br />

quand meme. J'ai joui de mon denier travail. Je me<br />

rejouis deja du prochain que je vais commencer apres<br />

le dejeuner. Mon papier a lettre va aussi etre commence.<br />

Je pense aussi beaucoup au portrait de Madame, qui sera<br />

mis dans la premiere page. Il y aura douze pochoirs.<br />

Estce beaucoup ?<br />

Le soir, j'etudie Vibert (ne riez pas), mais je crois<br />

possible de faire d'un mauvais papier un papier qui<br />

resiste a l'humidite et a la lumiere. Je cherche, et je vous<br />

rendrai compte de tout ce que j'ai fait. Seulement, il<br />

faut que je sache au juste ou vous etes, car je veux vous<br />

envoyer des choses.<br />

Etes-vous encore a l'Hotel de Francia. Dites-le moi<br />

tout de suite.


LETTRES<br />

Pacheco vous a-t-il ecrit ? Vous comprenez, ils m'ont<br />

fouille ma correspondance.<br />

Beaucoup d'amities pour vous et baisers a Charlot.<br />

Ecrivez-moi a la meme adresse.<br />

Je vais vous envoyer un numero de l'Idee nationale - le<br />

seul que j'ai achete.<br />

J'ai recu toutes vos cartes postales. Pacheco vous a cer-<br />

tainement repondu.<br />

Carte postale<br />

E. Vianna<br />

a Robert Delaunay,<br />

Vigo<br />

Porto<br />

19 avril 1916<br />

Dites-moi ou vous voulez que je vous ecrive.<br />

Amities.<br />

VIANNA<br />

E. Vianna<br />

a Robert Delaunay,<br />

Mon cher ami,<br />

Vila do Conde<br />

(Fin avril 1916 ?)<br />

Je vous envoie ce poeme. Ce matin, ca m'a pris tout<br />

d'un coup. Il est mauvais, mais il sera beau en couleur.<br />

Ca va etre d'un metier fou, vous verrez. Je l'ai deja<br />

commence. Le travail, quel soutien !


LETTRES<br />

Vous le lirez, cette page ouverte, et la demi-page<br />

ajoutee a celle-ci en bas. Ce sera la grande page de<br />

l'Album, c'est-a-dire, ce sera une page en deux; vous<br />

verrez que ca fait les dimensions de la Promenade : celle<br />

ci est a la mesure juste de l'Album. Maintenant, je<br />

travaille a la fois les quatre pages : votre poeme, la page<br />

de Cardoso, celle de Madame avec son portrait (celui-la,<br />

je ne sais pas si je le reussirai, c'est tres difficile), celle<br />

d'Almada-Negreiros, et je reduis et je transforme la<br />

page du Concert, celle de Blaise Cendrar. (Vous me direz<br />

si c'est comme ca qu'on ecrit le nom du poete.)<br />

Le Concert, Madame l'a deja vu. Quand vous m'ecri-<br />

rez, dites-moi quelques mots sur la Promenade. Vous me<br />

direz aussi ce que le petit et Madame ont dit. Les jouets,<br />

c'est une serie de trois : le Concert, la Promenade et la<br />

Campagne.<br />

L'Album est ma seule pensee maintenant. Je cherche<br />

deja comment faire la couverture. Plusieurs idees me<br />

passent par la tete. Enfin, je cherche a faire quelque<br />

chose de bien, qui ne soit pas tout a fait rengaine. Et<br />

je reussirai, ou je creve !<br />

Seulement, ce n'est pas un travail a gagner de l'argent.<br />

Tant pis ! En tout cas, je ne pourrai pas demander moins<br />

de 150 F. Dites donc, douze tableaux pour 150 francs ! ?...<br />

Mais ca me lancera un peu j'espere, et je compte sur<br />

vous la-dessus ; nous en parlerons plus tard. Maintenant,<br />

je ne serai tranquille que quand j'aurai le premier exem-<br />

plaire. Ce jour-la, je serai un Mec ! J'ai deja ecrit a<br />

Pacheco pour le prevenir.<br />

Maintenant, attention a ce qui suit :<br />

J'ai fait la nuit derniere un ignoble rouleau, large<br />

et long, pour que la page ne se plie pas sur ellememe.<br />

Le Concert, que Madame a roule pour que je l'apporte<br />

a Vila do Conde, est arrive abime. En se roulant, des<br />

morceaux de tons fonces se sont detaches et colles sur<br />

des tons frais et tres clairs, et j'ai ete oblige de le repein-


LETTRES<br />

dre presque tout entier. Eh bien, j'ai fait le rouleau<br />

pour que cela n'arrive plus. Ce sera le rouleau que je<br />

vous enverrai avec mes pages a mesure que je les fais.<br />

Seulement, vous me le reexpedierez tout de suite, car<br />

j'ai grand besoin de la Promenade. Vous allez me l'expe-<br />

dier pour que je coupe les pochoirs : c'est la premiere<br />

et seule page que j'ai faite.<br />

Vous aurez la bonte de me reexpedier la Promenade<br />

dans ce meme rouleau, mise en longueur. Le rouleau<br />

sera ficele et envoye a Vila do Conde, 28 rua do Lidador,<br />

recommande. J'aurais un tres grand chagrin si la page<br />

se perdait. Dans quelque temps, apres, je vous enverrai<br />

quatre pages d'un seul coup, et vous aurez toujours<br />

l'amabilite de me dire quelque chose ladessus. Je ne sais<br />

pas combien cela coute, recommande, mais si cela peut<br />

se faire, envoyez-le de facon a ce que je paie ici.<br />

Pensez un peu a la preface de l'Album. Amities a<br />

tous.<br />

Vos cartes postales sont des injections de mercure pour<br />

moi. Envoyez-les moi toujours.<br />

Pauvre Rossine ! '<br />

1. D. Rossine, peintre russe habitant Paris, devait faire partie des<br />

a expositions mouvantes m.<br />

147


LETTRES<br />

MA JOURNEE<br />

Poeme<br />

Poeme d'Eduardo Vianna<br />

A Robert Delaunay<br />

Mes yeux s'ouvrent<br />

mon corps est brise.<br />

Le jour est gris.<br />

Mes yeux se ferment<br />

et mon corps est brise.<br />

Je ne suis pas moi. Je suis tous les demons<br />

[qui m'ont eu la nuit.<br />

Mon corps est toujours brise<br />

et les heures sonnent ...<br />

MA VOLONTE SE REVEILLE<br />

j'ai chasse les demons,<br />

Ma volonte domine<br />

Le jour n'est plus gris.<br />

MIDI<br />

Mon corps est droit<br />

Je me regarde dans les yeux<br />

MON ORGUEIL EST ROUGE<br />

ENTOURE D'ORANGE ET <strong>DE</strong> VIOLET<br />

Il est a son apogee,<br />

pardessus, le ciel est bleu, pas le bleu<br />

lointain, nostalgique, mais le Bleu profond,<br />

ami du noir profond lui aussi.<br />

LE SOLEIL EST METALLIQUE<br />

MON AME S'AGRANDIT<br />

LE SOLEIL<br />

LA VIE<br />

MA VOLONTE


Robert Delaunay, Sonia Terk,<br />

oui ! Le metier universel,<br />

L'UNIVERS<br />

Il n'y a pas de races. Les couleurs<br />

dans le prisme s'entraident ...<br />

Je travaille ...<br />

le travail ma gloire<br />

MA SENSIBILITE<br />

Je bondis sur les couleurs<br />

les couleurs bondissent sur moi.<br />

Quelques-unes m'etranglent,<br />

mais je m'en defends,<br />

je leur flanque des ennemies a cote.<br />

D'autres se donnent le bras<br />

comme des pucelles ...<br />

et les gris bourdonnent legers tout autour.<br />

ET C'EST MOI qui fais gueuler tout ca. Ah !<br />

je jouis.<br />

MON ORGUEIL EST ROUGE<br />

ENTOURE D'ORANGE ET <strong>DE</strong> VIOLET<br />

Que je suis fatigue !<br />

Le jour est devenu gris.<br />

Mon cardiaque, mon fils,<br />

pourquoi est-il toujours inquiet ?<br />

Je lui donne pourtant mes illusions,<br />

mes reves ... Et quand je reve,<br />

je sens qu'il ralentit ;<br />

je ne l'entends presque pas.<br />

Il reve aussi le petit.<br />

VIENNENT LES TENBBRES !<br />

Les tenebres ! De la lumiere<br />

toujours, mais celle-la<br />

me fait toujours mal.<br />

Que jc suis fatigue !<br />

LETTRES


LETTRES<br />

Mes os craquent,<br />

mes yeux se ferment,<br />

l'Angoisse me prend.<br />

Mes demons viendront-ils<br />

me visiter cette nuit ?<br />

LES HEURES SONNENT<br />

mes reves m'entourent,<br />

je n'ai plus peur.<br />

Je ferme les yeux<br />

et dans le fond de mes prunelles je vois<br />

LE SOLEIL <strong>DE</strong> <strong>DE</strong>MAIN<br />

qui luit deja.<br />

Mes yeux se ferment ...<br />

Vila do Conde,<br />

Deuxieme annee de la guerre.<br />

Carte postale<br />

E. Vianna<br />

a Robert Delaunay,<br />

Vigo<br />

Mon cher ami,<br />

Eduardo de VIANNA<br />

Vila do Conde<br />

Mercredi 3 mai 1916<br />

Depuis ma derniere lettre, je n'ai pas recu de vos<br />

nouvelles. Vous devez avoir beaucoup a faire en ce<br />

moment, des malles, l'installation, etc. Mais quand vous<br />

aurez un peu de temps a vous, pensez un peu a moi.<br />

N'oubliez pas de me dire quelque chose sur mon travail<br />

et, surtout, pressez-vous de m'envoyer la Promenade


LETTRES<br />

(recommande) : j'en ai grand besoin ; inutile d'insister<br />

la-dessus, vous n'etes pas Almada-Negreiros.<br />

Dites a Madame que les lettres sont parties le lende-<br />

main du jour ou j'ai dejeune avec elle, mais je n'ai<br />

eu de reponse de personne. J'y ai mis ma meilleure elo-<br />

quence ! et vous savez, quand je m'y mets... Mais je ne<br />

sais pas ce qu'ils fichent ces couillons-la. J'ai des choses<br />

a vous envoyer, entre autres, la couverture de l'album :<br />

je viens de la finir et je ne la crois pas trop mal. Je<br />

travaille toujours dans le meme but.<br />

Que je ne m'isole pas ?<br />

Ou voulez-vous que j'aille ? A Lisbonne, non merci !<br />

Ici, je travaille ; la-bas, je n'aurais rien fichu. Et puis,<br />

je ne suis pas seul, quoi ! J'ai mon album dans ma tete,<br />

et pourvu que vous m'ecriviez. On ne peut pas tout<br />

avoir, n'est-ce pas ? Je suis tres content de la couverture<br />

de mon album, mon meilleur travail, je crois.<br />

Je viens d'envoyer les chemises a Cardoso.<br />

Quels tuyaux, s'il vous plait ?<br />

Amities a vous tous.<br />

VIANNA<br />

Avez-vous recu ma derniere lettre ? J'ai oublie de la<br />

dater.<br />

E. Vianna<br />

a Robert Delaunay,<br />

Vigo<br />

Mon cher ami,<br />

Vila do Conde<br />

Jeudi 4 mai 1916<br />

J'ai recu ce matin deux cartes postales qui m'appor-<br />

tent des nouvelles de vous tous que j'aime bien. Cela<br />

m'a mis en joie.<br />

Mais ma journee, je l'ai passee a faire une machine<br />

antipathique (cucu), des fleurs, pour offrir au docteur.


LETTRES<br />

Il faut bien que je paie de quelque maniere mes nom-<br />

breuses visites et celles que je vais recommencer a<br />

faire. Quelle ignoble journee ! Enfin, c'est presque fini,<br />

et je vais pouvoir recommencer et continuer mes pages.<br />

Je suis sorti pour chercher l'ldeia Nacional, pour voir<br />

s'il y avait quelque chose sur Madame. Eh bien, il n'y a<br />

rien du tout qui soit pour nous interessant - c'est-a-dire,<br />

pour moi, il y a une douloureuse nouvelle. SA-Carneiro<br />

s'est tue a Paris. Ce que ca m'a fait mal, vous ne pouvez<br />

pas vous imaginer ...<br />

Pauvre SA-Carneiro, je le croyais plus fort. Il avait<br />

la maladie de nous tous, le decouragement chronique.<br />

Tout de meme, je le croyais plus energique.<br />

L'ironie des choses ! Il y a quelques annees, il pre-<br />

sentait Santa-Rita comme un fou et finissait, dans son<br />

livre, par le tuer sous un train. C'etait alors un garcon<br />

vif, malin et debrouillard. Si peu de temps passe, et il<br />

se fait sauter la cervelle. Je comprends maintenant le<br />

silence des gens la-bas. Ils sont tous fort deprimes sous<br />

ce coup inattendu. Tout au fond d'eux tous, de nous<br />

tous les Portugais, il existe cette detresse, ce cauchemar<br />

de la folie, cette obsession morbide de la fin qui gate<br />

tout, qui enleve toute la crane joie de vivre et de lutter.<br />

Je les connais si bien ! Ils ne m'ecrivent pas, ils ne<br />

m'ecrivent rien de ce que je leur ai demande. Ils sont<br />

tous sous le poids de ce malheur. C'est qu'il etait char-<br />

mant ce pauvre garcon, et ca fait bien de la peine.<br />

Je ne pourrai pas m'occuper de faire des tableaux<br />

plus serieux pour nos expositions mouvantes avant<br />

d'avoir fini les pages, et je vais continuer les pages avec<br />

courage. J'ai hate de faire des tableaux grands.<br />

Envoyez-moi sans faute la Promenade. Je vous enver-<br />

rai toujours du travail.<br />

A vous, a Madame et a Charlot, mes meilleurs sou-<br />

venirs.<br />

VIANNA<br />

Je vous envoie l'ldeia Nacional.


E. Vianna<br />

a Sottia Delauiiay,<br />

Vigo<br />

Chere Madame,<br />

LETTRES<br />

Vila do Conde<br />

(Debut mai 1916)<br />

Oui, chere Madame, je voudrais bien faire quelque<br />

chose, mais mon enthousiasme est tombe. L'ennui me<br />

ronge l'ame et il m'envahit tout le corps.<br />

Mes nuits sont d'affreux cauchemars.<br />

Je commence et je recommence l'article, mais rien<br />

ne sort. Je suis tout a fait abruti. Cela me rappelle la<br />

fameuse promenade, quand Delaunay me disait : Mais<br />

parlez donc, bougre de couillon, parlez toujours nom de<br />

D... u et je ne lachais que des mots idiots et repetes.<br />

Je m'attends a tout cn ce moment. Aller a Lisbonnc<br />

pour l'inspection '... a Porto, cela aurait ete la meme<br />

chose, mais a Lisbonne, j'ai l'illusioil d'y avoir des amis.<br />

J'ai la mort dans l'ame, vous comprenez ... J'avais de<br />

si beaux projets ! Fini, bien fini tout cela ! J'ecope ;<br />

surement, bien d'autres qui ne s'y attendaient pas ont<br />

deja ecope. Quand je vous disais que je paierai cher ma<br />

legerete.<br />

A quoi sert de travailler?<br />

Ne pensez pas que ce soit de la mauvaise volonte,<br />

non. Si, par miracle, je reussis a me donner du courage,<br />

je m'y mets. Mais, pour le moment, la pensee que je<br />

vais commencer une vie pour laquelle je ne suis pas<br />

fait et que malgre tout il faut la vivre ... cette pensee-la<br />

m'ecrase, et je ne peux pas m'en debarrasser. Je pensais<br />

1. Il s'agit d'un conseil de revision. Vianna insere dans sa lettrc<br />

une coupure de journal, avec ces mots : Lisez cela, c'est paru le 8..<br />

Texte dc la coupure :<br />

a Deve ser publicada por estes dias a convocaciio dos mancebos<br />

recenseados desde 1898 para ca e que ficaram isentos do servico militar,<br />

afim de serem novamente inspeccionados. â<br />

n Il sera publie ces jours4 une convocation des jeunes gens recenses<br />

dcpuis 1898 qui ont ete exemptes de service militaire, afin dc les<br />

soumettre a un nouveau conseil dc revision. â


LETTRES<br />

a deux grands tableaux, en meme temps que les pages '.<br />

J'ai fait de trop beaux reves ; la realite n'en est que plus<br />

dure.<br />

Nord Sud<br />

Est et Ouest,<br />

le mouvement, la vie sublime, mais cela m'est defendu.<br />

Parfois, la rage des betes traquees me prend. Je tourne,<br />

je tdbrne et je ne peux pas mordre. De la-bas, je ne<br />

recois rien, mais je sais trop bien ce qui se passe. Et ou<br />

est notre vaillant montagnard ' ? Pouvez-vous me donner<br />

de ses nouvelles ?<br />

Vous, Madame, si vous ne m'en voulez pas trop,<br />

envoyez-moi un mot ami, un bon conseil, un peu de<br />

courage, un peu de soleil, un peu de vie. Je vous serai<br />

infiniment reconnaissant.<br />

Je vous embrasse fort tous, embrassez pour moi<br />

Charlot.<br />

E. Vianna<br />

a Sonia Delaunay,<br />

Vigo.<br />

Chere Madame,<br />

Vila do Conde<br />

(Debut mai 19161<br />

Vous savez, ce que j'attendais est arrive. Je crois<br />

meme que je n'irai pas a Lisbonne. Il parait que cela<br />

ne servirait a rien. Maintenant, on attend, mais tout de<br />

meme, je ne croyais pas que cela arriverait si t6t.<br />

Comment vont-ils se debrouiller, notre homme des mon-<br />

tagnes ' et le Narcisse de la-bas a... et puis encore les<br />

1. Les pages de 1'Album de la Corporation.<br />

2. Amadeu de Souza-Cardoso.<br />

3. Jose de Almada-Negreiros.


LETTRES<br />

autres dans les memes conditions ? Ca va faire du joli.<br />

J'aurai peut-etre des chances pour moi. On ne comprend<br />

pas grandchose pour le moment, trop de confusion.<br />

Je suis content pour vous que l'article doive paraitre<br />

a Porto, comme me l'annonce Delaunay.<br />

Vous savez, le proprietaire m'a accoste en pleine rue<br />

et m'a dit des saletes. Il m'accuse de l'avoir trompe sur<br />

le jour du depart ; en plus, 'il dit qu'il manque dans la<br />

maison pour 150 F de choses. Je l'ai envoye balader, on<br />

s'est appele de tous les noms, il me menace de l'adminis-<br />

trateur. Je lui ai ri au nez !<br />

Delaunay, je le remercie beaucoup de ses lettres, mais<br />

qu'il mette un peu plus d'ordre dans les projets d'avenir.<br />

Il me semble qu'il y a trop de choses a la fois. Dites-lui<br />

que mon nom s'ecrit Vianna. Amities a tous. Ma nouvelle<br />

adresse bien ecrite s'il vous plait.<br />

Amities a tous. VIANNA<br />

E. Vianna<br />

a Sonia Delaunay,<br />

Vigo<br />

Chere Madame,<br />

Vila do Conde<br />

Jeudi 11 mai ,1916<br />

La crise est passee. Un coup de soleil merveilleux,<br />

limpide, beau. Le beau soleil qui, depuis que vous etes<br />

partie, ne s'etait pas montre. Eh bien ! un coup de soleil<br />

a suffi pour me remettre. Je m'en fiche maintenant. Ah !<br />

si vous saviez comme je m'en fiche*! Tout peut venir.<br />

Je suis pret a tout.<br />

En attendant, je travaille. Entre autres choses, je<br />

fais une esquisse pour un grand tableau.<br />

Je suis tres calme.<br />

Amities a vous tous.<br />

v.


LETTRES<br />

E. Vianna<br />

a Sonia Delaurzay,<br />

Vigo<br />

Chere Madame,<br />

Vila do Conde<br />

Samedi 13 mai 1916<br />

Maintenant, tout va a peu pres comme avant, tant<br />

qu'il n'y a pas de nouveau qui me fasse bondir la-bas.<br />

Le temps est merveilleux, les journees longues, je<br />

travaille et j'en jouis. Il n'y a qu'une chose qui me tra-<br />

casse le crane ... quand j'y pense : c'est l'article.<br />

Vous le savez bien, je n'ai jamais ecrit pour les jour-<br />

naux. J'ecris tres mal ; dans les lettres pour les amis,<br />

ca va encore, mais pour un journal, cela entraine des<br />

responsabilites.<br />

J'ecris tres mal, et un article mal ecrit est toujours<br />

ridicule. Et puis, je nc sais pas au juste ce que vous<br />

voulez. Est-ce un article qui parle de Madame, ou bien<br />

un article mettant en evidence la Corporation ?<br />

Et puis, a propos de quoi ? D'une exposition que<br />

Madame realise a Porto ou bien d'une exposition collec-<br />

tive ? Je ne suis pas debrouillard pour deux sous, je<br />

n'ai pas la pratique de ces choses-la, comme vous savez.<br />

Alors, ma journee de travail finie, je m'embrouille dans<br />

les mots et je n'arrive a faire que des cochonneries illi-<br />

sibles.<br />

Cela me tourmente, parce que je vous estime et que<br />

je voudrais vous etre utile.<br />

Est-ce que vous avez recu ma lettre et la carte que<br />

j'ai envoyees poste restante ? Est-elle arrivee tout<br />

entiere ? Ecrivez-le donc, vous, l'article, en francais, et<br />

envoyez-le moi pour que je le sache a peu pres. Personne,<br />

absolument personne ne m'ecrit. Je n'ai que le soleil ei<br />

mon travail pour moi. Mes meilleures amities pour vous<br />

tous.<br />

v.<br />

L'avenir est trouble. Je n'ai jamais comme maintenant<br />

joui de la nature. C'est si beau de vivre la vie quand<br />

on croit qu'on va la perdre !


E. Viarzna<br />

a Robert Delaunay,<br />

Vigo<br />

Mon cher Delaunay,<br />

LETTRES<br />

Vila do Conde<br />

Mardi 23 mai 1916<br />

Voici ce qu'il y a pour le travail. Je fais toujours des<br />

etudes pour les pages, mais, parfois, beaucoup plus<br />

grandes que les pages. Mais vous savez bien que je ne<br />

vais jamais vite dans mon travail. Je ne vous envoie pas<br />

six etudes tout de suite, car j'ai besoin des originaux,<br />

mais dans huit dix jours, pas avant, je vous enverrai six<br />

ou huit tableaux petits et plus grands. Comme il me faut<br />

tous les originaux, il me faut les repeter, et pour cela,<br />

il me faut huit a dix jours. En plus, il me faut aller a<br />

Porto, car je n'ai plus de papier. C'est sur papier et a<br />

la cire que je travaille. Il y aura deux etudes - les plus<br />

grandes - de fleurs, trois etudes de jouets, un poeme<br />

en couleurs et une affiche pour la vitrine de la Corpora-<br />

tion, et apres je ne sais pas ... Vous etes des gens libres ;<br />

moi, ce n'est pas la meme chose, vous comprenez. Est-ce<br />

qu'on peut prevoir le lendemain ? Pour l'Album, quand<br />

j'en aurai un numero, je vous l'enverrai en entier, mais<br />

quand, je ne peux pas vous le dire. Voici ce qu'il y a<br />

pour le moment.<br />

J'ai fait faire un tube en fer blanc pour l'expedition,.<br />

tube que vous me renverrez apres. Les etudes iront chez<br />

Cardoso, et lui vous les enverra apres.<br />

Amities de


LETTRES<br />

E. Vianna<br />

a Sonia Delaunay,<br />

Vigo<br />

Chere Madame,<br />

Vila do Conde<br />

(Jeudi 25 mai ?)<br />

Beatriz est venue me parler depuis qu'elle a recu<br />

votre lettre.<br />

Peut-etre lui donnerai-je pour vous les deux etudes<br />

que je viens de finir pour que Delaunay les voie (le<br />

Concert et la Promenade), mais pas roulees. Le Covlcert<br />

est arrive abime, n'etant pas sec, et je crains la meme<br />

chose pour la Promenade. Je verrai.<br />

Les lettres doivent partir pour Lisbonne aujourd'hui,<br />

par le train de quatre heures.<br />

Je viens de recevoir une carte de Delaunay. Je vais<br />

la lire.<br />

Mes respects.<br />

E. Vianna<br />

d Sonia Delaunay,<br />

Vigo<br />

VIANNA<br />

(Mai 1916 ?)<br />

Vila do Conde<br />

Le train va arriver.<br />

J'ai fabrique hier soir ce rouleau pour que mon<br />

pochoir, qui est frais, ne s'abime pas. L'autre s'est abime.<br />

Je le refais dans la grandeur de celuici, qui est la gran-<br />

deur de l'original de l'Album. Le train arrive. Je n'ai plus<br />

le temps d'ecrire.<br />

Amities a vous, a Delaunay, a Charlot. Je vous ecrirai<br />

aujourd'hui.<br />

VIANNA


Carte postale<br />

E. Vianna<br />

a Robert Delaunay,<br />

Vigo<br />

Mon cher ami,<br />

LETTRES<br />

Vila do Conde<br />

Dimanche 28 mai 1916<br />

Merci pour vos cartes postales. Ca ne va donc pas<br />

la sante ? Toujours le genou ? Puisque la volonte est<br />

forte, c'est ca qu'il faut. Moi, ma sante n'est pas mau-<br />

vaise, mais la volonte n'est pas toujours a la hauteur.<br />

Je travaille toujours. Je fais plutot de petites choses.<br />

Vous savez, la Promenade est arrivee meconnaissa-<br />

ble : le rouleau s'est completement aplati, les couvercles<br />

ont saute, a tel point qu'au moment ou le facteur me<br />

l'a donne, je me demandais s'il y avait quelque chose au<br />

milieu de tout ce gachis. Oui, il y avait quelque chose<br />

comme un chiffon, ratatine, foutu.<br />

Cardoso m'a ecrit. J'ai ecrit une longue lettre a<br />

Negreiros pour qu'il fasse l'article de Madame.<br />

Mes meilleures amities a vous tous.<br />

VIANNA<br />

Carte postale<br />

E. Vianna<br />

a Robert Delaunay,<br />

Vigo<br />

Mon cher ami,<br />

Vila do Conde<br />

(1.. juin 1916 ?)<br />

Avez-vous recu la lettre de Pacheco ? Je travaille et<br />

j'attends. Pas de panique.<br />

L'inquietude est moins pour moi que pour l'autre.<br />

Qu'estce que vous voulez, on a des faiblesses. Je suis<br />

ce que je suis. Je ne suis pas un costaud.<br />

Amities a tous de VIANNA<br />

J'ai recu votre disque. Nous verrons quand je pourrai<br />

vous envoyer des travaux.


LETTRES<br />

Carte postale<br />

E. Vianna<br />

a Sonia Delaunay,<br />

Vigo<br />

Chere Madame,<br />

Vila do Conde<br />

3 juin 1916<br />

Excusez-moi de ne pas vous repondre par lettre,<br />

mais je n'ai pas de papier.<br />

Merci de votre lettre. Alors ? Le á torron â' n'a pas<br />

pu s'embeter en silence a Tolede ? Combien de conjonc-<br />

tivites â a-t-il rapportees de la-bas ? Et les á vouvous â V<br />

Je travaille de neuf heures a sept heures du soir. Je<br />

prends tout ce temps-la, pas pour faire beaucoup de<br />

choses (c'est-a-dire, pas dans ce but-la), mais pour per-<br />

fectionner mon metier, l'augmenter toujours et tacher<br />

de toujours faire mieux. Je decouvre toujours du nou-<br />

veau, et, une fois fini, je crois toujours avoir fait un<br />

pas en avant. Je cherche maintenant dans mes etudes la<br />

decision, la nettete. Et vous me direz si, de ce cote-la,<br />

j'ai fait des progres. Je choisis six de mes etudes pour<br />

vous les envoyer, et je suis en train de les refaire. Ce<br />

serait degoutant qu'elles arrivent collees les unes aux<br />

autres, bien que le tube que j'ai fait faire soit peutetre<br />

assez large. Elles iront chez Cardoso, et Cardoso vous<br />

les enverra. Est-ce que le disque de Delaunay, c'est la<br />

couverture de l'Album ? Repondez-moi sur ce point s'il<br />

vous plait.<br />

Voici ce que dit Pacheco dans sa lettre : Almada est<br />

parti a la campagne chez un ami. Smith a change<br />

d'adresse, il habite Montmartre maintenant. (Et dire<br />

que ce couillon-la ne m'a rien dit ! Et voila comment mes<br />

couleurs sont pour la deuxieme fois en panne.) Pacheco<br />

1. L'identite de la personne designee par ce sobriquet n'a pu etre<br />

precisee par Mme Delaunay.<br />

2. Allusion a une expression enfantine du petit Charles.


Lettre de Vianna a Robert Delaunay, 23 juin 1916 : page 1 a droite<br />

et page 4 a gauche.


Suite de la lettre de Vianna a Robert Delaunay. 23 juin 1916<br />

page 2 a gauche et page 3 a droite.


LETTRES<br />

dit encore que Almada n'ecrit aucun article, parce que<br />

l'ldeia Nacional ne publie que des choses politiques. Il<br />

parait que le directeur est absolument intransigeant<br />

pour des articles sur l'art moderne. Il dit encore qu'il<br />

voudrait bien aller en Espagne, mais que le gouverne-<br />

ment exige une forte somme en depot. Il est invite a<br />

passer l'ete a Saint-Jean-de-Luz chez un ami portugais<br />

qui s'y trouve. Et c'est tout.<br />

Amities a tous.<br />

VIANNA<br />

E. Vianna<br />

a Robert et Sonia Delaunay,<br />

Vigo<br />

Mes chers amis,<br />

Porto<br />

Vendredi 23 juin 1916<br />

Je viens de chez Cardoso ou j'ai passe quelques jours<br />

admirables. Il a beaucoup de travail a l'huile, car c'est<br />

le seul metier qui serve son beau temperament d'artiste<br />

consciencieux, ferme et spontane. La cire, il la trouve<br />

trop molle et vague, mais l'huile, il la connait deja bien,<br />

et il travaille beaucoup, toujours dans le but de per-<br />

fectionner son metier - et quelques echantillons qu'il<br />

a sont de tres belles choses. Cela fait bien voir son<br />

exposition. Il a enormement de travail fini et beaucoup<br />

de commence. On a la Rimbaud dans la montagne. On<br />

a sans cesse parle d'art. J'ai passe de tres belles journees,<br />

qui comptent dans ma vie, en compagnie d'un vieil ami,<br />

'qui est un artiste et un homme.<br />

Je suis a Porto. Ce soir, ie serai a Vila do Conde. Les<br />

etudes je les expedierai aujourd'hui d'ici, de Porto.<br />

Amities a tous de<br />

VIANNA<br />

Juin, la veille de la Saint-Jean.<br />

S'il vous plait, vous me renverrez le tube par retour du<br />

courrier.


LETTRES<br />

Carte postale<br />

E. Vianna<br />

a Sonia Delaunay,<br />

Vigo<br />

Mes chers amis,<br />

Vila do Conde<br />

Lundi 26 juin 1916<br />

Je suis de retour a Vila do Conde. Tous ces joursci<br />

ou j'ai ete en balade m'ont mis en distraction, et il m'est<br />

tres dur maintenant de reprendre le travail. J'ai recom-<br />

mence tout de meme, malgre mon peu d'enthousiasme.<br />

Parfois, on sent le besoin d'abandonner le travail, mais<br />

ce n'est que plus dur aprks pour s'y remettre. Avez-vous<br />

recu le rouleau ? N'oubliez pas de me le dire.<br />

Amities a tous.<br />

J'ai recu les couleurs Vignol, enfin !<br />

Pacheco vient d'acquerir le Salao Bobone pour expo-<br />

sitions, conferences, etc. II parait qu'il y a huit societai-<br />

res fondateurs artistes. Il m'invite. Il y a d'autres socie-<br />

taires, comtes, marquis, medecins ... la u haute D<br />

portugaise quoi ! Il me demande si je consens a exposer.<br />

Je vais lui repondre.<br />

Vous travaillez beaucoup ?<br />

Pas recu les couleurs a macarron D '.<br />

1. Sans doute un sobriquet. Il revient egalement sous la plume de<br />

Souza-Cardoso.<br />

162


Carte postale<br />

E. Vianna<br />

a Sonia Delaunay,<br />

Vigo<br />

Chere Madame,<br />

LETTRES<br />

Vila do Conde<br />

30 juin 1916<br />

On -s'est etonne! de votre resolution de venir au<br />

Minho. Je n'ai pas de conseils a vous donner, meme pour<br />

rien, mais tout de meme, je dois vous rappeler que la<br />

caracteristique des Portugais c'est une mefiance terri-<br />

blement tetue, et malgre 'toutes les preuves evidentes,<br />

ils s'obstinent a voir de travers ... mais ce que je vous<br />

dis, c'est ce que j'entends, et tout le Portugal est provincc<br />

comme vous le savez bien. Mais il est evident que vous<br />

avez la mesure et c'est moi qui me trompe peut-etre.<br />

Quand meme, comme je vous le dis aussi, ne vous fiez<br />

pas trop. Saisissez bien l'epoque, la frontiere, la betise<br />

humaine.<br />

Je vous prie de m'envoyer le tuyau le plus tot que<br />

vous pourrez, car j'en ai grand besoin.<br />

Je ne sais pas encore si je resterai a Vila do Conde ou<br />

si j'irai au Sud. Cela va dependre.<br />

Amities a tous.<br />

Je vous enverrai le bulletin que vous me demandez.


Jose Pacheco<br />

a Robert ~elauna~,<br />

Vigo<br />

Mon cher Delaunay,<br />

LETTRES<br />

Lisbonne<br />

22 avril 1916<br />

Ne soyez pas inquiet. Il y a eu un malentendu a<br />

cause de la malhonnetete du consul de France a Porto,<br />

mais, comme vous le voyez par le nouvel article que je<br />

vous envoie, tout est presque eclairci, et, bientot, vous<br />

allez revoir votre femme.<br />

Ne vous impatientez pas, ne bougez pas, n'ecrivez<br />

Pas.<br />

J'ai bien recu votre lettre ; je vous en remercie.<br />

Donnez toujours de vos nouvelles, et croyez-moi<br />

votre ami.<br />

Carte postale<br />

Josd Pacheco<br />

a Eduardo Vianna,<br />

7 rua Bento Freitas<br />

Villa do Conde<br />

Meu Caro Eduardo,<br />

Jose PACHECO<br />

Lisboa<br />

(16 mai 1916)<br />

Agradeco a tua carta : ainda niio respondi porque<br />

tenho andado como podes calcular com a morte do<br />

Mario e do Picotos Falcao. Pobres amigos !<br />

Com respeito ao artigo sobre a Delaunay, n5o posso<br />

fazer nada porque aquilo agora e s6 a porcaria da politica.<br />

O Almada ja niio collabora. Escreve e recebe um<br />

grande abraco do teu<br />

Jose PACHECO


LETTRES<br />

Traduction de la carte precedente :<br />

Mon cher Eduardo,<br />

Je te remercie de ta lettre ; je n'y ai pas encore<br />

repondu car, comme tu peux le deviner, j'ai ete boule-<br />

verse par la mort de Mariol et de Picotos Falcao. Pau-<br />

vres amis !<br />

Au sujet de l'article sur Madame Delaunay, je ne<br />

peux rien faire parce que cette feuille n'est plus mainte-<br />

nant qu'une salete de politique. Almada n'y collabore<br />

deja plus.<br />

Ecris-moi, et recois une grande accolade de ton<br />

Jose PACHECO<br />

Note de Vianna griffonnee en travers, a l'intention des Delaunay :<br />

Lisez la carte de Pacheco. C'est bien ce que je vous<br />

disais.<br />

Amities de<br />

Jose Pacheco<br />

a Eduardo Vianna,<br />

Vila do Conde<br />

Meu Querido Eduardo,<br />

VIANNA<br />

Lisboa<br />

20 de Maio de 1916<br />

Escrevi ha dias um postal para tua morada antiga,<br />

d'ahi, mas como receio que te nao te tenha sido entre-<br />

gue, e ja tivesse encontrado a tua ultima carta, na qua1<br />

vem O teu novo adresse, escrevo-te hoje novamente, nao<br />

1. Mario de Sa-Carneiro.


LETTRES<br />

para te dar novidades, que as nao ha, mas para que<br />

saibas que me lembro de ti.<br />

Sobre O artigo da Delaunay feito pelo Almada, nada<br />

se pode fazer, porque como O Homem Christo nada mais<br />

queira no jornal, que politica, e seja tudo quanto ha<br />

de mais intransigente sobre arte moderna, O Almada<br />

Negreiros nalo quiz fazer mais nada.<br />

O Almada foi antes de hontem para uma quinta em<br />

Obidos, do Ayres Pinto da Cunha, com este. Eu, agora<br />

espiritualmente encontro-me quasi s6 demais ja nem,<br />

infelismente, recebo cartas do nosso querido Mario de<br />

Sa-Carneiro.<br />

O Franco tambem ha muito tempo que me nalo<br />

escreve.<br />

O pobre Picotos Falcao enterrou-se vai hontem oito<br />

dias.<br />

O Barradas esse felismente esta bem. Tem-me escripto<br />

muitas cartas, e a familia d'elle mandou-me convidar<br />

para ir passar uns tempos a San Juan de Luz com elles<br />

e para onde V ~ O passar O verao.<br />

Disse-me O Barradas, que O Smith se mudou para<br />

Montmartre, 44 rue des Martyrs.<br />

Eu nao sei se poderei sahir, porque querem oitenta<br />

e cinco mil reis de deposito : no entant0 ja fiz requeri-<br />

mento.<br />

Peco-te, quando escreveres aos Delaunay, lhe apre-<br />

sentes os meus respeitos e de minha mulher.<br />

Um grande abraco do teu<br />

Jose PACHECO<br />

A Exposicao da Sociedade e um horror exceptuando<br />

Mily Possoz e Dordio Gomes.


LETTRES<br />

Traduction de la lettre prtctdente : Lisbonne<br />

20 mai 1916<br />

Mon tres cher Eduardo,<br />

J'ai ecrit il y a quelques jours une carte postale a<br />

ton ancienne adresse de Villa do Conde, mais, comme je<br />

crains qu'elle ne t'ait pas ete remise et qu'entre-temps<br />

j'ai trouve ta derniere lettre avec ta nouvelle adresse,<br />

je t'ecris de nouveau, non pour te donner des nouvelles<br />

- car il n'y en a pas - mais pour que tu saches que je<br />

pense a toi.<br />

En ce qui concerne l'article de Madame Delaunay fait<br />

par Almada, on ne peut rien faire, parce que Homem<br />

Christo ' n'accepte dans son journal que de la politique<br />

et qu'il est tout ce qu'il y a de plus intransigeant sur<br />

l'art moderne. Almada-Negreiros a decide de ne plus rien<br />

faire.<br />

Almada est parti avant-hier dans une ferme, a Obidos,<br />

chez Ayres Pinto da Cunha et avec ce dernier. Moi, en<br />

ce moment, je me trouve spirituellement presque seul,<br />

et, en outre, malheureusement, je ne recois plus de lettres<br />

de notre cher Mario de Sa-Carneiro.<br />

Franco, lui aussi, il y a longtemps qu'il ne m'a pas<br />

ecrit.<br />

Le pauvre Picotos Falcao a ete enterre il y a eu huit<br />

jours hier.<br />

Barradas, lui, heureusement, va bien. Il m'a ecrit<br />

plusieurs lettres, et sa famille m'a invite a aller passer<br />

quelque temps chez elle, a Saint-Jean-de-Luz, ou elle<br />

passe l'ete.<br />

Barradas me dit que Smith a demenage a Montmartre,<br />

44 rue des Martyrs.<br />

170<br />

1. Directeur de la revue A Ideia Nacional.


LETTRES<br />

Moi, j'ignore si je pourrai sortir du pays, parce qu'on<br />

me demande quatre-vingtcinq mille reis de depot. J'ai<br />

tout de meme fait la demande.<br />

Quand tu ecriras aux Delaunay, je te prie de leur<br />

presenter mes respects et ceux de ma femme.<br />

Une grande accolade de ton<br />

Jose PACHECO<br />

L'Exposition de la Societe, c'est une horreur, a l'excep-<br />

tion de Mily Possoz et de Dordio Gomes.<br />

Note de Vianna griffonnee en travers de cette lettre a t'intention<br />

des Delaunay :<br />

Mon papier a lettre va etre bientot pret.<br />

La petite affiche est faite.<br />

Je vous ai dit que j'avais ecrit une lettre a Almada<br />

sur l'article.<br />

Voici ce que je recois de Pacheco.<br />

Amities.<br />

VIANNA<br />

Je vous enverrai six etudes dans quelques jours.' Est-<br />

ce que l'album no 1 est dans les dimensions du papier<br />

que Delaunay m'envoie ? Vous croyez qu'un album fait<br />

a la main peut se vendre pas cher ?<br />

Je vous ai envoye une carte postale a l'Hotel de<br />

Francia.


1916<br />

Avril - Mai - Juin<br />

<strong>josE</strong> <strong>DE</strong><br />

ALMADA-NEGREIROS


Almada<br />

a Sonia Delaunay,<br />

Hotel de Paris<br />

Porto<br />

Madame,<br />

LETTRES<br />

Lisbonne<br />

23 avril 1916<br />

Toujours merci.<br />

Je voudrais vous ecrire une tres longue lettre, mais<br />

la vie que je mene n'est pas la mienne.<br />

Pacheco m'a dit que vous veniez ici et alors je vous<br />

dirai tout. J'ai beaucoup travaille la couleur simultanee.<br />

Toujours merci.<br />

Almada<br />

a Sonia Delaunay,<br />

Vigo<br />

Praca Marques de Pombal<br />

Lisbonne<br />

30 mai 1916<br />

Ne croyez-vous pas qu'on n'ecrit pas A quelqu'un<br />

parce qu'on l'aime trop ? Moi, je le crois et je l'ai fait.<br />

J'ai toujours avec moi vos lettres, vos belles lettres,<br />

et pensez-vous que j'ai aussi des reponses ecrites, mais<br />

pas suffisantes d'Art et de Poesie.<br />

Zenith ' vit avec moi, et je vous le demande A genoux<br />

si vous voulez. Oui, c'est par amour qu'il est chez moi.<br />

Je le comprends si bien, comme si c'etait mon portrait<br />

ou j'apparaisse plus beau. Je ne comprends meme pas<br />

que Zenith n'ait pas ete fait pour moi.<br />

1. Poeme de Cendrars et composition de Sonia Delaunay, marquant<br />

l'avknement du poeme-tableau.


LETTRES<br />

0 ! j'aime ma vanite epatante. Combien de jours<br />

Zenith va vivre la-haut chez vous ?<br />

Plus je vis, plus je suis jeune, bellement jeune, plus<br />

j'aime mon talent grandissant en vous admirant excessi-<br />

vement, a la maniere du luxe imperial de la Russie-Sonia.<br />

O ! ce vice de vous croire la seule,<br />

Celle qui rit dans les eclairs,<br />

sujet de mon Poeme qui Fera tourner le monde plus vite,<br />

La seule qui fait taire et qui vit<br />

dans les images des miroirs Veronese aux gestes<br />

[phosphorescents<br />

de mon dCsir surnaturel delire de vous croire<br />

descendue en Europe pour precher<br />

La Verite des choses.<br />

Mon ex-libris :<br />

Vivent les choses !<br />

Vivam as coisas !<br />

Bravo a las cosas !<br />

Hurrah for things !<br />

Es leben die Lachen !<br />

O ! je veux vous Ccrire tous les jours<br />

Je veux vos lettres pour moi.<br />

J'Ctais en province a faire mon artiste aristocratique des<br />

chateaux du feodalisme, pour dire<br />

a messieurs les marquis<br />

et mesdames les marquises<br />

La seule qui vaut plus que la vie,<br />

La seule dont on peut chanter le genie de faire la paix.<br />

Demain je serai soldat<br />

et Madame ma marraine de guerre, oui ?<br />

Je veux avoir un bracelet de fer inscrit Sonia, oui ?<br />

Apres-demain sort un<br />

u MANIFESTO ANTI-DANTAS E POR EXTENSO â<br />

par JosC de Almada-Negreiros<br />

Le numCro 1 sera pour Madame.<br />

Je vous remercie.


37. RUA 00 M UN00<br />

26, 4 JA DAS GAVEAS<br />

lu


Lettre dAlmada a Sonia Delaunay, 23 avril 1916.


Derniere page du Manifeste anti-Dantas de Jose de Almada-<br />

Negreiros, dedicace a Sonia Delaunay-Terk.<br />

Liste des litteraires de Jose de Almada-Negreiros, incluvznt<br />

des Poemes portugais, par Mme Sonia Delaunay-Terk et Jose<br />

de Almada-Negreiros â, demeures a l'etat de preparation, ainsi<br />

que le á Ballet Veronese et Bleu D.<br />

On peut lire, au bas de la page, cette note de l'auteur : u Tacs<br />

ces livres doivent etre lus au moins deux fois par les plus intelli-<br />

gents; doubler la dose a chaque echelon degressif. â


LETTRES<br />

a Poemes portugais par Madame Delaunay-Terk<br />

et Jose de Almada-Negreiros D<br />

Ca reussira.<br />

J'ai de belles aquarelles pour M. Robert Delaunay.<br />

Ce soir meme je lui dirai ma sympathique opinion sur les<br />

expositions mouvantes.<br />

Sur mon article d'ldeia Nacional :<br />

je suis sorti de cette chose ignoble,<br />

et je lirai la semaine prochaine a des gens comme il faut<br />

une conferenceeloge sur l'art de Madame, et tout de<br />

suite je la ferai imprimer, et toute l'edition vous appar-<br />

tient deja.<br />

Je ne peux pas oublier nos ballets. Et vous ?<br />

Vianna, je ne sais pas. Cardoso m'a envoye une lettre a<br />

cause de mon article d'ldeia Nacional sur Madame. Je<br />

me suis borne a la reproduction de la lettre du pauvre.<br />

J'ai des poemes EXTRAORDINAIRES<br />

Ca vous etonnera,<br />

moi aussi, je suis etonne.<br />

Les bons amis de Lisbonne vont me faire l'hommage<br />

d'un diner, mais, malgre ca, moi seul je me comprends<br />

comme il faut.<br />

J'attends notre rendez-vous de Porto. Dites-moi vite,<br />

pour preparer les choses a cause de la vie militaire. O<br />

merde ! Perestrello a ete a Porto emerveille par Madame<br />

Sonia qui lui parla de moi gentiment.<br />

Savez-vous ? Je ne sais pas ce qu'est un malheureux.<br />

Je ne veux meme pas le savoir.<br />

Et bientot, je serai parfaitement moi.<br />

Cela me fait sourire ma difficulte d'ecrire le francais.<br />

Je saurai aussi le grec pour me faire entendre<br />

des gens que je veux.<br />

J'ai recu une photo de Madame que j'ai aimee a ma<br />

maniere.


LETTRES<br />

Et comme je suis trop long<br />

MADAME SAIT TRES BIEN<br />

QUE JE ME <strong>DE</strong>FENDS<br />

<strong>DE</strong> NE PAS VOUS AIMER<br />

AVEC INTELLIGENCE<br />

JOSE<br />

<strong>DE</strong><br />

ALMADA-NEGREIROS<br />

Nous nous sommes efforces de reproduire typographiquement la<br />

disposition du manuscrit de cette lettre-poeme, qui en traduit le tempo<br />

et les intonations.


191 6<br />

Juillet - Aout - Septembre<br />

AMA<strong>DE</strong>U <strong>DE</strong><br />

SOUZA-CARDOSO


Carte postale<br />

A. de SouzaCardoso<br />

a Sonia Delaunay,<br />

Vigo<br />

Chere Madame,<br />

' LETTRES<br />

Porto<br />

Mercredi 5 juillet 1916<br />

Je viens de recevoir la somme d'argent et de remet-<br />

tre a P. Leite1 votre Rimbauda dans le meme etat de<br />

conservation que je l'ai eu de vos mains. Je vous remer-<br />

cie.<br />

Bonjours a Delaunay et a Charlot.<br />

Tres respectueusement a vous,<br />

A. de SouzaCardoso<br />

a Robert Delaunav,<br />

Vigo<br />

Cher Ami,<br />

Manhuf e<br />

Mardi 11 juillet 1916<br />

J'ai recu les toiles, merci. Quant aux couleurs, pas<br />

encore arrivees. J'ai fait chercher plusieurs fois a la<br />

gare aussi bien qu'a la poste - et rien. Je vous renvoie<br />

ci-joint la feuille d'expedition pour que vous puissiez<br />

reclamer.<br />

Au Portugal, selon les decrets en vigueur maintenant,<br />

tous les etrangers sujets des pays allies doivent se pre-<br />

1. Joaquirn Pinto Leite Homem de Almeida, banquier a Porto.<br />

2. Il s'agit peut-@tre de l'exemplaire de Rimbaud relie par Sonia<br />

Delaunay. a Ces reliures sont des ensembles de papiers de couleurs<br />

decoupes et colles selon un sens plastique ne d'un etat poetique en<br />

relation avec le poete des IlIwnimtions (R. Delaunay).


LETTRES<br />

senter au service militaire - pour ainsi faciliter a cha-<br />

cun la possibilite de servir sa patrie, bien entendu.<br />

Mes couleurs a la cire sont toutes pourries et sentent<br />

une infection. Je travaille beaucoup a l'huile. Vianna est<br />

reparti dans son cher petit pays.<br />

Bonjour a Madame et a Charlot. Affectueusement,<br />

Carte postale<br />

A. de SouzaEardoso<br />

a Robert Delaunay,<br />

Vigo<br />

Cher Ami,<br />

Manhufe<br />

Mercredi 12 juillet 1916<br />

Enfin, les couleurs sont arrivees ! Voulez-vous me<br />

dire si vous etes encore a Vigo pour que je vous fasse<br />

parvenir la somme de 3 F 50 que je vous dois.<br />

Cordialement,<br />

CARDOSO<br />

A. de SouzaCardoso<br />

a Robert Delaunay,<br />

Cher Ami,<br />

Manhuf e<br />

27 juillet 1916<br />

Tres content d'avoir de vos nouvelles - pas moins<br />

de vous savoir en plein travail. C'est tres bien, il faut<br />

un grand travail.<br />

Le manifeste Negreiros est tres bien et tres portugais.


LETTRES<br />

Comptez-vous passer l'ete sur les plages du Nord ?<br />

Donnez toujours de vos nouvelles. Bons souvenirs a<br />

tous.<br />

Affectueusement,<br />

CARWSO<br />

Ma femme est tres tres malade en ce moment !<br />

A. de SouzaCardoso<br />

a Robert Delaunay,<br />

Vigo<br />

Mon cher Delaunay,<br />

Manhufe<br />

Lundi 31 juillet 1916<br />

Je vous envoie ci-joint la somme, en timbres-poste,<br />

montant du papier : 3 F 50. Merci.<br />

Etes-vous contents du pays ? Y passez-vous l'ete ?<br />

Vous etes en grand travail. C'est tres bien.<br />

Moi aussi je travaille. Suis tres heureux - l'ai tou-<br />

jours ete - grace a Dieu !<br />

Je serai aussi content d'avoir de vos nouvelles.<br />

Madame m'a promis un Transsiberien, et aussi de<br />

me preter Laforgue. Veuillez lui dire que je n'oublie<br />

pas sa parole.<br />

Bon souvenirs a tous. Affectueusement,


LETTRES<br />

A. de SouzaCardoso<br />

h Sonia Delaunay,<br />

Vigo<br />

Chere Madame,<br />

\<br />

Jeudi 3 aoUt 1916 (?)<br />

Votre lettre m'est arrivee hier mercredi. Je viens de<br />

la 'lire, ayant ete absent. Je ne connais le Minho que de<br />

passage dans le train ; je ne puis vous donner des rem<br />

seignements precis. Il y a environ dix ans, j'ai passe<br />

deux jours dans une petite plage au nord de Viana,<br />

desservie par le chemin de fer qui conduit a Valenca.<br />

Des personnes de ma famille, qui y ont sejourne plusieurs<br />

fois, me disent que c'est un petit endroit tranquille, avec<br />

des environs tres beaux et verdoyants. A part cela, il<br />

y a une bonne ligne de chemin de fer vous conduisant du<br />

nord au sud, pres d'une ville assez approvisionnee. Enfin,<br />

allez-y ; vous verrez ; il me semble que cela vous plaira.<br />

Cette plage s'appelle Ancora, au nord de Viana.<br />

Donnez toujours de vos nouvelles. Tres respectueuse-<br />

ment a vous,<br />

SOUZA-CARWSO<br />

A. de SouzaCardoso<br />

h Robert Delaunay,<br />

Vigo<br />

Mon cher Delaunay,<br />

Manhufe, vendredi<br />

(4 aout 1916 ?)<br />

Nous avons une maison a Espinho ', mais nous ne<br />

comptons pas la louer : mes parents y passent les mois<br />

d'ete. Quant aux renseignements que je peux vous don-<br />

ner, je sais tout simplement que c'est horriblement<br />

bourgeois, et les petites plages entre Porto et Espinho,<br />

1. Plage situee a une vingtaine de kilometres au sud de Porto, et<br />

ou l'artiste devait mourir le 25 octobre 1918.


LETTRES<br />

c'est encore plus mal. S'il y a quelque chose qui puisse<br />

vous plaire, c'est au sud d'Espinho, entre Ovar et Aveiro,<br />

ou d'autres petits endroits, ou alors dans le Minho. Je<br />

ne sors jamais de mes montagnes ou je me donne au<br />

travail, donc je ne pourrai pas vous etre utile dans la<br />

recherche de ce qui vous interesse.<br />

Quant aux couleurs, je n'ai encore rien recu, l'argent<br />

non plus. Je viens de recevoir un mot de Confienca, me<br />

disant que, jusqu'a present, rien n'est arrive.<br />

Je regrette de vous dire que je ne ferai pas de<br />

pochoirs. Je suis absolument nul dans ce travail, c'est<br />

un esclavage que je ne veux pas subir. J'ai essaye et<br />

vite regrette : c'est une industrie horrible avec des resul-<br />

tats mauvais. Je parle pour moi. C'est peut-etre tres<br />

bien pour d'autres, mais, au fond, c'est remplacer la<br />

mecanique par la mecanique. Il faudrait autre chose que<br />

les vieux systemes, quelque chose de tres varie et de<br />

tres moderne.<br />

Je travaille. Au fond, tout se resume a connaitre bien<br />

son metier - c'est fini la destruction.<br />

Je suis etonne que vous reveniez dans ce pays !<br />

Bonjour a Madame et a Charlot. Affectueusement,<br />

Carte-lettre<br />

A. de Souza-Cardoso<br />

a Robert Delaunas,<br />

Poste restante<br />

Moncuo<br />

Cher Ami Delaunay,<br />

Manhufe, Vila Me5<br />

Mercredi 19 aout 1916<br />

Je ne vous ecris que maintenant, ayant ete absent.<br />

Recu votre carte postale, pas encore la lettre de Madame,<br />

que j'attends.


LETTRES<br />

Je sens que vous travaillez, cela me fait plaisir. Ne<br />

comptez-vous pas revenir a Porto ? On pourrait se<br />

revoir, cela nous changerait les idees.<br />

Ma femme va bien maintenant.<br />

Affectueusement,<br />

A. de SouzaEardoso<br />

a Sonia Delaunay,<br />

MoncZo<br />

Chere Madame,<br />

Manhufe<br />

Lundi 28 aout 1916<br />

Recu votre tres charmante lettre. Quand je serai<br />

sage et que ma comprehension des pochoirs sera plus<br />

developpee, vous me dedicacerez le Transsiberien. C'est<br />

tres amusant.<br />

Ma femme se porte bien maintenant, elle vous envoie<br />

ses meilleurs souvenirs. Je vous felicite pour vos succes<br />

a travers le monde ; le travail est vainqueur.<br />

J'aime vraiment votre art, c'est dommage que vous<br />

fassiez tant de politique.<br />

L'entraide n'etant pas naturelle et franche n'aboutit<br />

jamais.<br />

J'ai fait en troisieme classe un tres bon voyage a<br />

Lisbonne ; il faisait tres chaud.<br />

Je serai content d'avoir toujours de vos nouvelles.<br />

Mes meilleures amities pour Delaunay et Charlot,<br />

et, pour vous, mes sentiments respectueux.<br />

Amadeu de SOUZA-CARWSO


191 6<br />

Juillet - Aout - Septembre<br />

EDUARDO VIANNA


E. Vianna<br />

a Sonia Delaunay,<br />

Vigo<br />

Madame Delaunay,<br />

LETTRES<br />

Vila do Conde<br />

6 juillet 1916<br />

J'avais ecrit hier soir une lettre a Delaunay - pas<br />

le Delaunay que j'ai connu, mais le Delaunay, comme il<br />

a si bien dit, de toutes les devantures des bistrots de<br />

Paris. C'etait la reponse a sa lettre grossiere et vulgaire<br />

d'esprit, sentant plutot le pet - excusez-moi - d'un<br />

monsieur trop gros qui a mal digere ... l'histoire des<br />

pochoirs.<br />

Ce matin, deja interesse par la continuation de mon<br />

dernier tableau, emballe par la decouverte d'une nou-<br />

velle matiere riche, grasse, sans l'inconvenient de laisser<br />

de vilaines taches de l'autre cote du papier, content<br />

parce que mes essais ont finalement abouti a un resultat<br />

merveilleux pour moi et pour bien d'autres, content de<br />

la vie, content du travail, je me suis dit : á Non, parce<br />

qu'un monsieur qui a le mur trop gros etouffe, eclate et<br />

pete, ce n'est pas une raison pour qu'on pete aussi ! n<br />

Excusez-moi de vous parler ainsi, mais l'esprit de<br />

Robert m'a tourne le ciboulot. Donc, pour finir cette<br />

histoire si peu interessante, je dirai que j'ai fourre tout<br />

dans un tiroir, en attendant que, par son indelicatesse<br />

et sa malproprete, il me pousse a lui dire des verites<br />

qui, je le sais, lui seront tres dures, bien qu'il veuille<br />

faire croire le contraire,<br />

Maintenant, je travaille. Je n'ai pas de temps pour<br />

des commerages, car, en somme, vous concevez qu'on<br />

peut travailler fort et dur sans passer son temps a faire<br />

ce pauvre travail abrutissant de pochoirs ? Je ne com-<br />

prends rien du tout. Comment diable avez-vous pu penser<br />

que les etudes que je vous ai envoyees etaient faites<br />

au pochoir ? Pourtant, vous etes cales dans le metier.<br />

Estce qu'on obtient la degradation des tons par la


LETTRES<br />

rengaine des cartons. Vous voyez bien qu'on peut obtenir<br />

le meme resultat qu'avec les pochoirs - avec la sensi-<br />

bilite en plus - sans s'avilir par des moyens mecaniques.<br />

Mon Album est fait tout simplement comme les etudes,<br />

avec une matiere nouvelle. Mais je m'eloigne de mon<br />

but, et je vais finir.<br />

Ce n'est pas tout de se dire adieu ; il faut que ma<br />

situation soit nette envers vous. Vous avez de l'argent a<br />

moi, c'est-adire mes tableaux destines a etre exposes<br />

dans toutes ces fantastiques expositions. Mon grand<br />

tableau et les six petits que vous m'avez demandes<br />

dans le but deja mentionne, et les statuettes negres que<br />

vous avez emportees pour les vendre. Et voila : c'est<br />

mon travail, c'est mon argent. Donc, Madame, voulez-<br />

vous avoir la bonte, s'il vous plait, de me dire, avant<br />

que je parte pour Lisbonne dans quelques jours, com-<br />

ment il faut faire pour que je reprenne mes choses.<br />

Voulez-vous avoir la bonte, s'il vous plait, de m'en-<br />

voyer a mes frais, ce qui m'appartient. Je vous donnerai<br />

mon adresse a Lisbonne pour l'expedition, mais il faut<br />

que je sache quelles sont vos intentions la-dessus.<br />

J'espere en vous, de qui je n'ai rien a dire jusqu'a ce<br />

moment, et de qui je n'ai rien que de bons souvenirs.<br />

J'espere que vous me repondrez avec la nettete et l'honne-<br />

tete qui vous caracterisent.<br />

Mes salutations distinguees.


Carte postale<br />

E. Vianna<br />

a Sonia Delaunay,<br />

Poste restante, MoncSo<br />

LETTRES<br />

Vila do Conde<br />

16 septembre 1916<br />

Voulez-vous bien avoir l'amabilite de m'envoyer les<br />

tableaux dont j'ai tant besoin. Je ne vois rien de mieux<br />

que de rouler les six petits en dedans, enveloppes de<br />

gros papier et bien ficeles, envoyes en grande vitesse,<br />

Vila do Conde, rua do Lidador 28. Pour le moment, seule-<br />

ment les tableaux. Voulez-vous avoir la bonte de me<br />

dire combien ca peut couter, pour vous envoyer l'argent ?<br />

Excusez-moi de vous deranger, mais je ne vois pas un<br />

autre moyen d'avoir mes tableaux. Mes beaux souvenirs<br />

persistent, malgre tout.<br />

Mes salutations a tous.<br />

E. Vianna<br />

a Sonia Delaunay.<br />

Valenca do Minho<br />

Chere Madame,<br />

Vila do Conde<br />

Jeudi 21 septembre 1916<br />

J'ai su par Cardoso que vous vous portez bien et<br />

que vous travaillez beaucoup, ce que vraiment, j'ai<br />

apprecie.<br />

Nous l avons ete a Lisbonne. quelque temps.<br />

Je viens d'arriver a Vila do Conde, ou je passerai<br />

encore quelque temps, deux mois a peu pres. J'ai pense<br />

aller directement de la-bas a Valenca pour vous voir et<br />

emporter avec moi mes choses, dont j'ai grand besoin,<br />

surtout le grand tableau que je veux refaire.<br />

1. Vianna et Souza-Cardoso.


LETTRES<br />

Je vous ai ecrit ladessus, il y a longtemps de cela,<br />

mais n'ai obtenu de vous aucune reponse.<br />

Apres avoir reflechi, j'ai pense que ma visite inatten-<br />

due serait peutetre pour vous une surprise desagreable.<br />

Chere Madame, je sais que le temps vous est pre-<br />

cieux et je ne vous aurais pas embetee avec mes affaires<br />

si ce n'etait le grand besoin que j'ai de les avoir.<br />

Et c'est cela qui me fait ecrire pour vous demander,<br />

pour la deuxieme fois, si vous voulez bien avoir la bonte,<br />

la gentillesse, l'amabilite de me faire envoyer a mes<br />

frais le grand tableau, les six petits et les deux statuettes.<br />

Je vous demande mille excuses de vous deranger et<br />

je vous serai tres reconnaissant si vous voulez bien faire<br />

ce que je vous demande.<br />

En attendant de vous lire bientot, recevez, chere<br />

Madame, mes beaux souvenirs et mes salutations distin-<br />

guees.<br />

Vila do Conde<br />

Rua do Lidador 28<br />

E. VIANNA<br />

Carte postale<br />

E. ~ianna<br />

a Sonia Delaunay,<br />

Casa do Consul. Vuleqx<br />

Chere Madame,<br />

Espinho l<br />

Mercredi 27 septembre 1916<br />

Je vous ai ecrit a Valenca il y a de cela huit jours<br />

a peu pres. Avez-vous recu ma lettre ? Je vous prie d'avoir<br />

l'amabilite de me repondre, toujours a Vila do Conde.<br />

Salutations a vous tous.<br />

VIANNA<br />

1. Sans doute, au cours d'un sejour de Vianna dans la maison d'ete,<br />

au bord de la mer, de la famille Souza-Cardoso.<br />

192


1916<br />

Juillet - Aout - Septembre<br />

<strong>josE</strong> <strong>DE</strong><br />

ALMADA-NEGREIROS


Almada<br />

a Sonia Delaunay,<br />

Poste restante<br />

MoncGo<br />

Tous les jours je veux vous ecrire.<br />

Moi = soldat !<br />

Moi > < soldat !<br />

Demain, je vous dirai tout.<br />

LETTRES<br />

Lisbonne<br />

17 aout 1916


1916<br />

Octobre - Novembre - Decembre<br />

... et apres<br />

EDUARDO VIANNA


E. Vianna<br />

a Sonia Delaunay,<br />

Valenca<br />

Chere Madame,<br />

LETTRES<br />

Vila do Conde<br />

(Automne 1916)<br />

L'automne s'annonce merveilleux. On est souple et<br />

plein de bonheur. Il est evident qu'il faut etre souffrant<br />

pour etre mechant. Et je suis d'autant plus content que<br />

je ne suis ni l'un ni l'autre.<br />

J'ai laisse de cote Ia serie des petits tableaux,~et je<br />

suis dans les grands. Je travaille quatre matieres - la<br />

gomme, la cire, l'huile et - dans le meme tableau.<br />

C'est un travail difficile qui demande du tact, de la<br />

souplesse et de la nettete, mais c'est aussi un travail<br />

d'un charme tres grand, chaque matiere ayant sa qualite,<br />

comme vous le savez bien. Vibert n'est pas un sot,<br />

seulement, voila, il faut se renseigner.<br />

Vous avez fait de belles promenades a MoncZio, le<br />

long de la riviere, vous etes alles en Galicie naturellement.<br />

C'est tres joli par la. J'ai ete a MoncZio un mois<br />

dans le temps.<br />

Votre carte postale ne m'a pas emu du tout. Elle<br />

est trop malhonnete pour etre sincere. Je vous ai connu<br />

de plus beaux sourires que celui du pochoir.<br />

Je mets de l'ordre dans ma vie et dans ma conscience<br />

(ce n'est pas que je fasse ma biographie). Ce qui se<br />

brise dans la vie ne s'arrange plus, et je ne trouve cela<br />

ni triste ni malheureux. C'est comme ca - et, dans la<br />

vie, il y a plusieurs chemins a suivre. Chacun de nous<br />

est fort avec sa force, sensible avec sa sensibilite. Il est<br />

evident qu'on ne peut pas etre ce qu'on a ete, mais, du<br />

moment qu'il n'y a pas eu mort d'homme ni muflerie<br />

des plus grosses, on peut bien rester sur les souvenirs<br />

des beaux moments qu'on a eus de la camaraderie.<br />

Je vous ai ecrit deux cartes postales, auxquelles vous<br />

n'avez pas repondu. Je ne me suis pas etonne. Je ne<br />

m'etonne de rien. Comme je vous l'ai dit, j'ai un besoin


LETTRES<br />

immediat de mes tableaux. Pour vous eviter des demar-<br />

ches, que d'ailleurs vous n'auriez jamais faites pour moi,<br />

je suis en train de trouver par mon frere un individu<br />

de confiance avec lettre de moi, qui doit aller chez vous<br />

chercher mes choses. Il faut maintenant que vous me<br />

disiez si vous voulez bien les donner au porteur de ma<br />

lettre.<br />

Sur deux points, je vous prie d'avoir l'amabilite de<br />

me repondre. D'abord, ce que je viens de vous demander ;<br />

ensuite ceci : je vous offrirais bien un de mes derniers<br />

tableaux et serais bien content qu'il se trouve dans<br />

votre galerie en souvenir de moi. Eh bien, vous me<br />

direz si vous l'acceptez avec plaisir.<br />

Traitez-moi comme vous vaudrez, ne vous genez pas,<br />

mais surtout, je vous prie d'avoir l'amabilite de me<br />

repondre. Je vous salue, Madame, ainsi que Delaunay,<br />

Charlot et aussi Beatriz.<br />

Eduardo VIANNA<br />

Rua do Lidador 28. Vila do Conde.<br />

E. Vianna<br />

a Sonia Delaunay,<br />

Valenca<br />

Chere Madame,<br />

Vila do Conde<br />

(Automne 1916)<br />

Le 10<br />

C'est convenu, vous aurez votre tableau, ma parole<br />

d'honneur, et je n'en ai qu'une.<br />

Vous etes des gens de travail, vous avez un but dans<br />

la vie, et vous y arriverez, VU votre talent, votre energie,<br />

votre perseverance. C'est ce que je dis quand on me<br />

demande des nouvelles de vous. Et, en tant que gens<br />

de travail, vous avez droit a tous les respects qui vous<br />

sont dus.


Jouets portugais, tableau d'Eduardo Vianna. Huile sur toile,<br />

154 x 104 cm, 1916. Ce tableau fut, par la suite, retravaille par<br />

l'artiste.


La Revolte des poupees, tableau dlEduardo Vianna, 1916, offert<br />

par l'artiste a Sonia Delaunay (lettre du 27 octobre 1916). Actuelle-<br />

ment, collection particuliere.


LETTRES<br />

A part ca, vous etes un peu comme tout le monde.<br />

Quelques manies, pas trop de tact parfois, et pas mal<br />

de blague, a mistura '.<br />

A propos, avez-vous parle a Negreiros du bon poete<br />

que vous avez deniche a Monciio ? Cela doit l'interesser<br />

beaucoup. Mefiez-vous tout de meme un peu des talents<br />

trouves en province.<br />

Avec moi (vous me connaissez un peu je pense), pas<br />

de torron ' surtout : franchise pour franchise, honnetete<br />

pour honnetete, mais aussi ... mechancete pour mechan-<br />

cete. Cela, je vous le garantis ! Vous allez avoir l'amabilite<br />

de me dire que vous m'enverrez, dans la caisse que je<br />

ferai faire (ou ira votre toile) : la grande toile, les six<br />

papiers et la plus petite statuette. Vous m'enverrez aussi<br />

la largeur du tableau pour que je fasse faire la caisse<br />

immediatement. J'attends le plaisir de vous lire.<br />

Je vous souhaite a tous les trois de la sante pour<br />

supporter votre gros travail, car Charlot travaille aussi<br />

beaucoup surement.<br />

Salutations a Delaunay et a Charlot, et mes beaux<br />

souvenirs pour vous.<br />

Eduardo VIANNA<br />

E. Vianna<br />

a Sonia Delaunay,<br />

Chere Madame,<br />

Vila do Conde<br />

27 octobre 1916<br />

Quand je vous ai promis le tableau, j'etais en train<br />

de finir un grand tableau qui s'appelle la Revolte des<br />

poupees. Eh bien, je l'ai mis de cote pour en faire un<br />

petit pour vous. Je viens de le finir, et la semaine pro-<br />

chaine vous l'aurez chez vous.<br />

1. Pele-mele.<br />

2. Touron, friandise espagnole : pas de paroles mielleuses.<br />

201


LETTRES<br />

C'est le tableau le plus difficile que j'ai fait jusqu'a<br />

present. Je ne vous dis pas cela pour le faire valoir, ce<br />

chique n'est pas dans ma nature, mais vraiment, il est<br />

difficile, et le petit beaucoup plus dur que le grand. Si<br />

ce n'etait les quelques rouges qui ne sont que des anili-<br />

nes, car je n'en ai pas d'autres, ce serait un tableau<br />

capable de resister de nombreuses annees, car il n'est<br />

pas fait a la legere. Ce sont quelques jours de ma vie<br />

que je vous offre avec le plus grand plaisir, en souvenir<br />

du beau temps.<br />

Il est fait en plusieurs matieres, comme vous le<br />

verrez facilement. J'ai, du meme tableau, deux esquisses,<br />

l'une est a Lisbonne et l'autre m'a servi pour le tableau,<br />

votre petit tableau. Car j'ai tenu a vous faire un tableau.<br />

C'est l'etude numero 3 pour le grand tableau la Revolte<br />

des poupees, le dernier de la serie des tableaux sur les<br />

jouets portugais.<br />

J'ai quatre autres grands tableaux entre les mains et,<br />

quand la Pisseuse viendra, cela fera cinq, car j'ai le<br />

courage de l'attaquer de nouveau ! Celui-ci, le definitif,<br />

sera fait tout autrement.<br />

Vos travaux marchent n'est-ce pas ? Delaunay aura<br />

pour le commencement du mois prochain son petit<br />

tableau de la meme serie des jouets : l'Idole.<br />

Il faut vraiment du courage pour travailler dans les<br />

conditions ou je travaille, mais je crois fermement qu'un<br />

effort n'est jamais perdu, et c'est cela qui me soutient.<br />

Quant a des projets pour ma vie a venir, je n'en ai<br />

aucun, ou plutot j'en ai plusieurs, mais je pense d'abord<br />

a avoir mon compte de tableaux petits et grands. Et<br />

c'est assez parler de moi. Je vous serai reconnaissant de<br />

me donner de vos nouvelles.<br />

J'espere que vous n'etes pas froissee de rna 'blague<br />

ci la portugaise.<br />

Je vous souhaite a tous la sante et du travail fecond.<br />

Mes salutations a tous.<br />

VIANNA


E. Vianna<br />

a Sonia. Delaunay,<br />

Valenca<br />

Chere Madame,<br />

LETTRES<br />

Vila do Conde<br />

(Novembre 1916 ?)<br />

Merci pour vos amabilites.<br />

Ce n'est qu'hier que j'ai revu la Pisseuse '. Je ne sors<br />

pas de ma chambre, car mon sang, qui me fait des bla-<br />

gues, ne me le permet pas. Mais, dans quelques jours,<br />

apres un bon coup de canif, j'espere recommencer le<br />

travail et attaquer mon grand Vermeer, mon champ de<br />

bataille pour l'hiver.<br />

J'ai ete reinspectionne : Zsento condicionalmente !<br />

C'est assez equivoque, n'est-ce pas ?<br />

Quand je regarde ma Pisseuse, je pense a l'evidencz<br />

de la perte de mon sifflet.<br />

Madame, j'ai perdu mon sifflet !<br />

Mais je constate avec joie que le tableau revenu est<br />

mort a cote d'autres recents. Je travaille maintenant les<br />

dents serrees.<br />

Il est evident, quand on ecrit, qu'on ne dit que la<br />

moitie de ce que l'on pense. Il est vrai aussi qu'il y a<br />

une curiosite maligne a deviner l'autre moitie. Il y a tout<br />

de meme un passage dans votre lettre que je ne voudrais<br />

pas laisser passer une petite contestation, si vous me le<br />

permettez.<br />

Comment, diable, moi qui suis tout nerfs et ame dans<br />

mon travail puis-je faire une chose qui ne me ressemble<br />

meme pas ? Concevez-vous qu'on puisse creer sans joie ?<br />

11 n'y a pas de joie sans inquietude, car, en devoilaot<br />

les mysteres de nous-memes, les merveilleuses profon-<br />

deurs de notre ame, on ne le fait pas, mon Dieu, sans<br />

1. 11 semble qu'il s'agisse d'un tableau que Vianna avait envoye<br />

aux Delaunay, et que ceux-ci, a sa demande, lui ont reexpedie.<br />

2. Vianna a passe un nouveau conseil de revision et a ete reforme<br />

a titre temporaire.


LETTRES<br />

inquietude, comme le chasseur emerveille et terrorise<br />

qui traverse la foret vierge'et merveilleuse !<br />

Mais nous causerons, n'estce pas ? Et je vous ecou-<br />

terai, et je me rejouis deja de vous revoir et de pouvoir<br />

plonger dans d'autres mondes que ceux de mon imagi-<br />

nation. Cela me reposera de mes idees, comme vous le<br />

dites.<br />

Seulement, si vous n'avez pas l'intention de m'inviter,<br />

ne me faites pas compter d'avance sur le plaisir de vous<br />

revoir, vous et VQS<br />

Pour le livre de Cendrars ', inutile de vous dire la<br />

joie enorme pour moi de l'avoir dedicace par vous, mais<br />

je ne crois pas que Pacheco me l'enverra, meme avec un<br />

ordre de vous. C'est que, s'il suspecte que vous me le<br />

donnez, il preferera le garder pour lui, bien que nous<br />

soyons amis et pour cette raison meme !<br />

Comment faire donc ? J'y tiens a ce beau livre. Votre<br />

ame et celle de Cendrars seront de bonnes copines a moi<br />

cet hiver, car je l'aime ce livre-la. Je pense donc qu'il<br />

est preferable que vous le demandiez a Pacheco avec<br />

insistance et, quand il sera chez vous, ecrivez un mot<br />

aimable sur la couverture et envoyez-le moi tout de suite.<br />

Allez-vous le faire tout de suite ?<br />

Dommage que vous ne m'ayez pas envoye la petite<br />

statuette, car, il y a deja longtemps de cela, depuis mon<br />

dernier sejour a Lisbonne, un collectionneur de choses<br />

anciennes la voulait pour lui, et cela m'aurait paye un<br />

complet dont j'ai vraiment besoin. Voulez-vous la faire<br />

venir de Paris, s'il vous plait, et me l'envoyer tout de<br />

suite. Il l'avait vue dans le temps, et maintenant, il m'a<br />

ecrit plusieurs fois de suite a ce sujet ; j'ai enormement<br />

besoin d'argent, et je ne voudrais pas rater l'occasion.<br />

La grande, ce n'est pas la peine ; on ne la veut pas, elle<br />

est encombrante.<br />

1. Le Transsiberien.


LETTRES<br />

Amities a vous tous, et j'espere vous lire bientot.<br />

Charlot continue a avoir des joues de paysan ? Tant<br />

mieux ! Donc, un bon baiser a lui de ma part.<br />

Carte postale<br />

E. Vianna<br />

a Sonia Delaunay,<br />

Va2 de Flor<br />

Casa do Consul<br />

Valenca<br />

Chere Madame,<br />

Eduardo VIANNA<br />

Vila do Conde<br />

Jeudi 9 novembre 1916<br />

Je viens de lire votre lettre, dont je vous remercie,<br />

ainsi que des invitations aux expositions. Ce n'est pas<br />

moi qui peux en profiter. Ce n'est pas le moment. La-<br />

dessus, je vous ecrirai plus tard.<br />

Votre envoi de tableau est reste en panne quelques<br />

jours, car j'ai ete appele a rendre un service, mais je<br />

suis de retour et je vais m'y mettre.<br />

Un bonjour et de la sante a tous.


LETTRES<br />

Carte postale<br />

E. Vianna<br />

a Sonia Delaunay,<br />

Val de Flor<br />

Vila do Conde<br />

Casa do Consul Dimanche 26 novembre 1916<br />

Valenca<br />

Chere Madame,<br />

J'ai ete trois jours au lit malade. Aujourd'hui, j'ai fait<br />

venir le menuisier pour les caisses. Demain midi, elles<br />

seront pretes, et le tableau va partir chez vous, et vous<br />

m'expedierez le mien. Je vous ecrirai plus longuement<br />

dans une lettre demain. Aujourd'hui, je suis esquinte.<br />

Amities a tous. '<br />

C'est seulement ces joursci que j'ai recu de l'argent pour<br />

les caisses, qui sont au nombre de deux.<br />

E. Vianna<br />

a Sonia Delaunay,<br />

Valenca<br />

Chere Madame,<br />

Vendredi lu decembre 1916<br />

Votre tableau vient de partir chez vous, emba1Ie dans<br />

une caisse que j'ai fait faire expres, et qui va me servir<br />

pour d'autres envois. Ainsi, vous me la renverrez sans<br />

faute, car j'en ai grand besoin, et ca coute de I'argent ici<br />

de faire faire quelque chose. Ce n'est pas comme cette<br />

poire de menuisier que nous avions deniche dans le<br />

temps !


LETTRES<br />

Avec cette caisse, une autre part aussi, qui servira a<br />

mettre mon grand tableau roule, les six petits et la sta-<br />

tuette la plus petite. La grande, je vous en fais cadeau.<br />

J'ai eu beaucoup de plaisir a travailler pour vous, et<br />

j'ai fait de mon mieux. Je vous ai dit : honnetete pour<br />

honnetete, mais je crois inutile d'insister la-dessus. J'ai<br />

confiance en vous.<br />

Les choses n'ont pas ete plus vite, car on ne fait pas<br />

toujours ce qu'on veut malheureusement. Noel va arri-<br />

ver, et cela me fait souvenir du bon diner de l'annee<br />

derniere, de la jolie table, de la joie de Charlot et du<br />

torron! Sur ce point, faites beaucoup d'attention !...<br />

Et puis, les bonbons ? Cette annee, pour moi, c'est tres<br />

different. J'ai plus de metier, plus de tableaux, mais aussi<br />

plus de cheveux blancs et une grande solitude dans mon<br />

ame.<br />

Beaucoup d'amities a tous les trois et un bonjour a<br />

Beatriz.<br />

Eduardo VIANNA<br />

P.S. Quand vous enleverez le couvercle de la petite caisse,<br />

enlevez-le tout d'une piece, car les bois rentrent les uns<br />

dans les autres et sont cloues par derriere avec des tra-<br />

verses.<br />

Pour enlever le tableau, enlevez une vis de chaque<br />

cote : vous les verrez facilement, elles sont entourees de<br />

deux cercles noirs. Les couvercles se trouvent du cote<br />

des cercles blancs.<br />

Les couvercles des caisses que vous enleverez sont<br />

marques d'un disque blanc sur les deux caisses.<br />

Ne passez pas la main sur le tableau : quelques tons<br />

qui sont a l'huile ne sont pas secs.<br />

J'ai trouve la recette de Vibert pour rendre la cire<br />

miscible a l'eau et a la glycerine. Je crois qu'elle peut etre<br />

d'une grande utilite et j'etudie la question. Si Delaunay<br />

la veut, je la copie et je la lui envoie. Elle est tres sim-<br />

ple.


LETTRES<br />

De bonnes joies pour le Noel de cet ete a Charlot.<br />

Je vous fais une dedicace (je ne sais pas si c'est comme<br />

ca qu'on dit et qu'on ecrit) derriere le tableau.<br />

Carte postale<br />

E. Vianna<br />

cf Sonia Delaunay,<br />

Vol de Flor<br />

Casa do Consul<br />

Valenca - Minho<br />

Chere Madame,<br />

Vila do Conde<br />

Mercredi 3 janvier 1917<br />

Non, je ne suis pas alle a Lisbonne, et je ne compte<br />

pas y aller dans les mois qui viennent. Vous serez bien<br />

gentille, donc, de demander le livre ' a Pacheco, car j'ai<br />

hate d'avoir l'immense plaisir de l'ouvrir.<br />

Beatriz est venue me voir; elle a l'air de se porter<br />

tres bien. Elle est venue avec son frere, pour me le<br />

montrer certainement ... mais il a l'air couillon ! 11 parait<br />

qu'elle ne restera pas longtemps ici, car elle vous aime<br />

bien. Elle m'a dit des mots du cher Charlot qui m'ont<br />

fait bien rire. Je n'ai pas oublie le petit tableau de Delau-<br />

nay. Qu'il compte ladessus.<br />

Je vous souhaite une annee feconde en travail. Baiser<br />

a Charlot.<br />

P.S. J'aurais tant voulu avoir le livre de Cendrars. Il<br />

m'aurait ete un bon copain dans certaines heures.<br />

1. Le TranssibCrien.


E. Vianna<br />

h Sonia Delaunay,<br />

Valenca<br />

Chere Madame,<br />

LETTRES<br />

Vila do Conde<br />

ii janvier 1917<br />

J'ai eu la surprise d'une carte postale de Delaunay.<br />

Allons, je vois que vous etes tous les deux un peu<br />

trop indignes par l'action d'art des cubefuturistes, fumis-<br />

tes, etc. Je ne vois pas qu'un mouvement artistique de<br />

si peu d'importance, de succes europeen si douteux, de<br />

gens deja ages et inoffensifs, eh bien, je ne vois pas que<br />

ces gens-la, avec leur sterile, puissent retenir votre<br />

attention. Voyons, s'ils sont morts, on les enterre, et on<br />

va de l'avant.<br />

Parlez-moi de choses plus interessantes, de votre fort<br />

et noble but artistique, de votre dernier effort sirnultanCl<br />

de la representation formelle, de la peinture pour tout<br />

le monde ... cela, oui, cela m'interesse.<br />

Qu'y a-t-il de nouveau pour le livre de Cendrars ? Pour-<br />

rai-je esperer un jour de l'avoir ' ? Vous avez du me rCcrire<br />

ladessus, et je n'ai rien repondu, car je ne sais que<br />

repondre.<br />

Une de mes petites Ctudes pour le Vermeer sera pour<br />

Delaunay. Inutile de vous rappeler que je ne manque<br />

pas a ma parole, et je ne donne a personne le droit d'en<br />

douter, mais ... pour que je donne, il faut qu'on me donne<br />

1. Vianna finit par recevoir, offert par Sonia Delaunay, cet exem-<br />

plaire tant desire du Transsibdrien. Il le conserva pendant de longues<br />

annees, mais vint un jour, peutetre vers 1949, ou, presse, semble-t-il, par<br />

un besoin d'argent, il se resigna A s'en defaire. Au cours d'un skjour<br />

Paris, ii demanda conseil & Sonia Delaunay pour le vendre. Ceiie-ci<br />

lui recommanda un libraire, pr&s de Notre-Dame, qui lui en offrit trente<br />

mille francs de l'epoque. Vianna prit un taxi pour lui porter le precieux<br />

volume, mais il l'oublia sur la banquette de la voiture et ne le retrouva<br />

plus jamais. Cet acte manque peut laisser presumer que Vianna &mu-<br />

vait une grande repugnance & vendre son livre et qu'il prefera, incons-<br />

ciemment, le perdre.


LETTRES<br />

aussi, et je ne vois rien pour le moment. Donc, quand<br />

j'aurai le livre simultane et une reponse sur le sort du<br />

petit negre, j'aurai alors le grand plaisir d'offrir. A quand<br />

le plaisir de vous lire ?<br />

Recevez, vous tous, -mes amities sinceres.<br />

P.S. Beatriz m'a parle de Charlot. Il parait qu'il a grandi.<br />

II a deja onze ans. Il doit etre bien beau le petit gars !<br />

E. Vianna<br />

a Sonia Delaunay,<br />

Paris<br />

Chere Sonia,<br />

Lisbonne<br />

1923 (?)<br />

Je vous presente Mademoiselle Sarah Af’onsol,<br />

artiste peintre portugaise, et qui fait de la decoration.<br />

Elle a vu et entendu souvent parler de vos<br />

dont elle raffole.<br />

Quant a moi, je lui ai tellement loue vos vertus et<br />

vos talents qu'elle brule de vous connaitre.<br />

Je pense qu'en souvenir de quelques belles journees<br />

passees au Portugal, vous lui donnerez l'appui moral et<br />

pratique qu'elle voudrait solliciter de vous.<br />

Avec mes meilleures amities pour vous et pour<br />

Robert.<br />

Eduardo VIANNA<br />

1. Nee a Lisbonne en 1889. Eleve de 1'Ecole des Beaux-Arts de cette<br />

viiie. Part pour Paris en 1923 et y restera jusqu'a I'annee suivante.<br />

Elle prendra rang parmi les grands noms de la peinture portugaise<br />

contemporaine. Elle epousera Jose de Aimada-Negreiros. De ce mariage<br />

naitront deux enfants : un fils, qui deviendra architecte, et une fille,<br />

poete.


1916<br />

Octobre - Novembre - Decembre<br />

AMA<strong>DE</strong>U <strong>DE</strong><br />

SOUZA-CARDOSO


ERSTER<br />

<strong>DE</strong>UTSCHER<br />

HERBSTSALON<br />

BERLIN 1913<br />

<strong>DE</strong>R STURM<br />

LEITUNG: HERWARTH WAL<strong>DE</strong>N<br />

-<br />

i i 1<br />

1<br />

j!<br />

1<br />

1<br />

l<br />

1


Page de titre du catalogue du Herbstsalon (Salon d'Automne)<br />

qui se tint a la galerie a Der Sturm D, a Berlin, en 1913.


Double page illustree du catalogue du Herbstsalon de 1913 : en<br />

page de droite, reproduction d'une toile, l'Athlete, d'Arnadeu de<br />

SouzaCardoso.


Plantes, tableau de Robert Delaunay. Cire sur toile; 81 x 100 cm.<br />

Portugal, 1916. Composition inspiree a l'artiste par son jardin<br />

de Vila do Conde.


Plantes, tableau de Robert Delaunay. Cire sur toile ; 81 x 100 cm.<br />

Portugal, 1915. Composition inspiree a l'artiste par son jardin<br />

de Vila do Conde.


I<br />

A. de Souza-Cardoso<br />

cf Sonia Delauraay,<br />

Valenca<br />

Chere Madame,<br />

LETTRES<br />

Manhufe<br />

Dimanche 19 novembre 1916<br />

Mon pere a recu votre lettre du 13 novembre, je vous<br />

reponds a sa place.<br />

Veuillez m'excuser, mais je ne peux pas encore vous<br />

envoyer ce que vous desirez et le ferai aussitot que pos-<br />

sible. J'ai enormement de travail pour New York ; bien-<br />

tot, je partirai pour Paris, d'ou je ferai les envois.<br />

Et le Transsibkrien, que vous m'avez si aimablement<br />

donne en parole et jamais envoye ?<br />

Bonjour a tous. Tres respectueusement,<br />

los& Emy dio de SouzaCardoso<br />

cf Robert Be~aunay,<br />

valm<br />

Monsieur,<br />

Manhufe<br />

7.12.1916<br />

Meu filho Arnadeu esta actualrnente em Lisboa a<br />

tractar da sua exposicao, que deve fechar no proximo<br />

domingo.<br />

Envielhe hoje para la a sua estimada carta, com<br />

recomendaq50 para Ihe dar resposta imediata e fazer<br />

lhe O mais breve possivel a remessa do Catalogo que<br />

Ihe pede e ao que elle na0 faitara.<br />

Corn a <strong>home</strong>nagem de M.to respeito e cons.cso. Sou<br />

de V. Ex.a M.to V.O~ e 0brig.do. t<br />

Jose Emygdio de Sz.a CARD~SO


LETTRES<br />

Traduction de la lettre precedente .<br />

Monsieur.<br />

Mon fils Amadeu est actuellement a Lisbonne ou il<br />

s'occupe de son exposition '. qui doit fermer diman-<br />

che prochain.<br />

Je lui envoie la-bas aujourd'hui votre estimee lettre,<br />

en lui recommandant de vous repondre immediatement<br />

et de vous envoyer aussitot que possible le catalogue que<br />

vous lui demandez, chose a laquelle il ne manquera pas.<br />

Avec l'hommage de mon respect et de ma considera-<br />

tion, je suis etc.<br />

A. de Souza-Cardoso<br />

h Robert ou a Sonia Delaunay,<br />

Valenp<br />

Jose Emygdio de SOUZA-C~mso<br />

Manhufe<br />

Mardi 2 janvier 1917<br />

Par ce meme courrier, je vous envoie le catalogue du<br />

Herbstsalon (Sturm) - recommande.<br />

Mon pere m'a tellement gronde, m'a leve les jupes<br />

et tape durement - ce que vous m'avez fait verser de<br />

larmes ! - c'est trop cruel de votre part. Enfin, voila<br />

le catalogue, c'est ce qui importe !<br />

Quant au Transsiberien - tant pis !<br />

Salutations a tous et pour vous.<br />

1. Allusion a l'exposition faite par A. de Souza-Cardoso a Lisbonne<br />

en decembre, qui renouvelait celle, ouverte en novembre, a Porto. Voir<br />

pages suivantes.


L'EXPOSITION<br />

<strong>DE</strong> SOUZA-CARDOSO<br />

A PORTO, EN 1916


Au COURS <strong>DE</strong>S <strong>DE</strong>UX r~~ees<br />

1915-1916, AMA<strong>DE</strong>U <strong>DE</strong> Souw-<br />

Cardoso a, selon sa propre expression, travail16 a comme<br />

un animal D. Il est curieux de remarquer que, dans ses<br />

lettres aux Delaunay, du moins dans celles dont nous<br />

avons connaissance - ou il est surtout question de pro-<br />

jets d'exposition en commun a Stockholm, a Barcelone, a<br />

Lisbonne - il ne fait pas la moindre allusion a l'exposi-<br />

tion qui l'obsede et a laquelle il consacre tous ses efforts,<br />

son exposition individuelle de Porto. Celle-ci se tiendra, du<br />

1" au 12 novembre 1916, dans la Salle des fetes du Jardin<br />

Passos Manuel, et elle provoquera un tel scandale qu'on<br />

en parlera pendant de longues annees. Cette importante<br />

exposition, qui se renouvellera a Lisbonne, dans les<br />

salons de la Liga Naval, a partir du 4 d6cembre de la<br />

meme annee, rassemble quatre-vingts peintures a l'huile,<br />

vingt aquarelles et dix dessins de Souza-Cardoso, qui


LETTRES<br />

l'a placee sous le signe de 1' a abstractionnisme u et cite,<br />

en exergue de son catalogue, ce poeme de Rimbaud :<br />

Nous savons donner notre vie tout entiere<br />

tous les jours.<br />

Benissons la vie !<br />

Saluons la naissance du travail nouveau.<br />

Le monde n'a pas d'age, l'humanite se deplace<br />

tout simplement.<br />

Je ne suis pas prisoiznier de ma raison.<br />

Dieu fait ma force et je loue Dieu.<br />

Splendeurs des villes.<br />

Point de cantique - tenir toujours le pas gagne.<br />

Rappelons que, cette meme annee, Sonia Delaunay<br />

avait prete a Amadeu un exemplaire de Rimbaud - sans<br />

doute relie par elle-meme - et que cette lecture avait<br />

profondement impressionne le jeune peintre.<br />

L'opinion publique et la critique locale se dechainent<br />

devant cet art neuf, auquel leur formation academique<br />

et leur predilection pour le pompierisme ne les a en rien<br />

preparees. Des commentaires injurieux sont accroches<br />

aux cadres, on veut denoncer le peintre comme fou au<br />

prefet de police, des bagarres eclatent entre les jeunes<br />

de l'avant-garde et les champions de la vieille ecole, un<br />

inconnu va meme jusqu'a frapper Amadeu qui doit<br />

aller se faire soigner a l'hopital de la Misericorde. Mais<br />

l'artiste fait front. Un mois plus tard, influence par des<br />

propos futuristes, il declare que a les critiques d'art sont<br />

inutiles et pernicieux, steriles de nature u, et qu'ils<br />


LETTRES<br />

a retentissant, sensationnel, inattendu B de son exposi-<br />

tion de Porto qui, sans exageration, a remue toute une<br />

population B. 11 s'enthousiasme aussi pour une future<br />

exposition a New York que lui a proposee Walter Pach :<br />

á Vous ne vous imaginez pas combien d'espoirs de jeu-<br />

nesse je depose dans vos mains. a 11 se sent de taille a<br />

conquerir le Nouveau Monde : a L'Amerique est notre<br />

grand marche, dira-t-il au cours d'une interview; tous<br />

les tableaux se valorisent enormement la-bas. bb Il n'est<br />

plus question des u expositions mouvantes B. C'est pro-<br />

mis : aussitot apres la cloture de son exposition de<br />

Lisbonne, il passera les fetes de Noel a Manhufe, en<br />

famille, puis volera a Paris, rue de Fleurus, afin de tout<br />

organiser. Malheureusement pour lui et pour l'art por-<br />

tugais, Amadeu ne suivra pas ce programme. Au lieu<br />

d'aller a Paris, il reste au Portugal. Il y restera jusqu'a<br />

ce fatal mois d'octobre 1918 ou, en trois jours, la grippe<br />

espagnole viendra mettre un terme brutal a sa fulgu-<br />

rante carriere.


POSTFACE


AP&S AVOIR LU CES LETTRES, ON NE PEUT QUE RFXRETTER<br />

encore davantage l'absence des reponses des Delaunay<br />

a leurs amis. Nous pouvons juger du prix qu'ils y atta-<br />

chent par les expressions qui reviennent sans cesse sous<br />

leur plume : á Bcrivez ... Ecrivez ... Il me faut toujours<br />

avoir de vos nouvelles ... D, repetent Souza-Cardoso et<br />

Pacheco. Almada a besoin d'une force a cote de lui.<br />

Il lui manque l'emulation, il a besoin de vos lettres.<br />

Ecrivez-lui ... recommande a ses amis Delaunay Eduardo<br />

Vianna. Et lui-meme avoue : u Vos cartes postales sont<br />

des injections de mercure pour moi. â<br />

Mais ici, il faut noter une difference marquee entre<br />

l'attitude de Vianna, dlAlmada ou de Pacheco, tous trois<br />

enclins au decouragement de la a solitude spirituelle â,<br />

et celle de Souza-Cardoso, dont la personnalite d'elite,<br />

energique et independante, semble sans faille. Amadeu


POSTFACE<br />

ne sollicite ni eloges ni conseils (a part quelques indica-<br />

tions techniques mineures), ne se livre pratiquement a<br />

aucun commentaire sur son art ou ses projets person-<br />

nels et poursuit en solitaire sa propre voie, alors que<br />

Vianna envoie ses travaux a Vigo et. demande l'avis de<br />

Robert, de Sonia - et meme du petit Charles. Ce Vianna<br />

qui, avec ses eclats de voix et sa brutalite de langage,<br />

s'est acquis la reputation d'un rustre mal degrossi, se<br />

revele dans ses lettres un ami attentif et chaleureux,<br />

un mur d'une inepuisable generosite, un etre sensible<br />

et vulnerable : u Je suis ce que je suis ... On a ses fai-<br />

blesses ... Je ne suis pas un costaud ... s Il faut relire sa<br />

lettre sur la mort de Sa-Carneiro : a Si vous saviez ,ce<br />

que ca m'a fait mal, vous ne pouvez pas vous imaginer ...<br />

Tout au fond de nous &us les Portugais, il existe cette<br />

detresse, ce cauchemar de la folie, cette obsession de la<br />

fin ... P (4 mai 1916). Cela ne l'empeche pas, a l'occasion,<br />

de montrer de la fermete a l'egard des Delaunay : u Dites<br />

a Robert qu'il mette un peu plus d'ordre dans ses pro-<br />

jets d'avenir ... s ou bien : a Allons, je vois que vous<br />

etes tous les deux un peu trop indignes par l'action<br />

d'art des cubo-futuristes, fumistes, etc.. . Parlez-moi. de<br />

choses plus interessantes, de votre fort et noble but<br />

artistique ... D Sans parler de sa reaction fracassante a<br />

certaine lettre de Robert Delaunay au sujet des pochoirs<br />

de l'Album ...<br />

Tous ces peintres ont en commun une meme et unique<br />

passion : celle de l'art, de leur art, liee a celle du travail.<br />

Il n'entre pas dans notre propos de rechercher ici de<br />

quelle maniere et dans quelle mesure l'orphisme des<br />

Delaunay a influence les executees a partir de<br />

cette epoque par leurs amis portugais. Certes, Almada<br />

declare qu'il a a beaucoup travaille la couleur simulta-<br />

nee m. Certes, Vianna reconnait que son gout a change<br />

depuis sa rencontre avec le couple francais '(parlant des<br />

etudes a trop compliquees et trop litteraires P d'Almada,<br />

il ecrit : á Il y a quatre mois, je les aurais bien aimees s).


POSTFACE<br />

Certes, Souza-Cardoso dit, avec sa reserve habituelle :<br />

a J'aime vraiment beaucoup votre art. B Des cercles<br />

chromatiques, en particulier, apparaissent dans les<br />

tableaux que les deux peintres portugais consacrent. a<br />

la meme epoque que les Delaunay, aux jouets et aux<br />

poteries de l'art populaire du Minho. Mais il semble bien,<br />

dans l'ensemble, qu'il s'agisse d'une influence de á cli-<br />

mat â et de stimulation plutot que d'une stricte influence<br />

d'orientation.<br />

Chacun reste preoccupe par ses propres recherches<br />

dans un domaine personnel determine.<br />

Pour les Delaunay importent avant tout les proble-<br />

mes de l'irradiation de la lumiere, des contrastes et<br />

des dissonances simultanes de la couleur generatrice de<br />

la forme : á La lumiere d'Espagne et du Portugal nous<br />

a aides a decouvrir la distinction, l'acuite d'une couleur,<br />

sa vie personnelle n, a ecrit Sonia Delaunay.<br />

Souza-Cardoso, lui, est en proie a une frenesie de<br />

travail, a une fievre de creation tournee vers une dyna-<br />

mique invention structurale, riche, selon l'expression de<br />

Jean Cassou, de u toutes les plus vehementes inquietudes<br />

du temps n, et á toute portee en avant, vers la prevision<br />

de la plus prochaine outrance B.<br />

L'objet essentiel de la quete dlAlmada, a cette epo-<br />

que, c'est lui-meme : a Ici, si bas, je ne suis que meta-<br />

morphoses ... â mais, ajoute-t-il, á je suis sur que je me<br />

trouverai, que je me rencontrerai ... Et bientot, je serai<br />

parfaitement moi. â Quant a Vianna, il s'adonne a l'etude<br />

de la technique, de la matiere et des secrets de metier,<br />

avec la patience et la curiosite d'un decouvreur. Dans sa<br />

vieillesse, il nous confiera son reve de transmettre a un<br />

jeune artiste tout ce precieux heritage de connaissances<br />

accumulees.<br />

Le metier : c'est la un point sur lequel tous ces<br />

artistes, francais et portugais, sont unanimes : Vianna,<br />

bien sur, qui, avec sa modestie de bon artisan tient pour<br />

une victoire chaque progres accompli ; Souza-Cardoso,


POSTFACE<br />

aussi, qui ecrit : á Je travaille. Au fond, tout se resume<br />

a bien connaitre son metier. â Robert Delaunay egale-<br />

ment, qui notera plus tard : á C'est seulement dans la<br />

technique qu'on pourra s'evader du deja vu, du conven-<br />

tionnel. D Sonia Delaunay enfin, lorsqu'elle dit : Il<br />

s'agit de reapprendre a peindre ... Pour etre complete et<br />

har.monieuse, d'art doit etre soutenue par un<br />

metier reel et prosaique. â Il n'est pas jusqu'a l'utilisa-<br />

tion simultanee de procedes divers dans une meme toile<br />

dont on ne trouve une allusion, a la fois sous la plume<br />

de Vianna en 1916 - a Je travaille quatre matieres, la<br />

gomme, la cire, l'huile et dans le meme tableau.<br />

C'est un travail d'un charme tres grand, chaque matiere<br />

ayant sa qualite, comme vous le savez bien D - et,<br />

rapprochement inattendu, sous celle du theoricien Delau-<br />

nay, dans ses notes de 1917-1919 : M Dans le meme<br />

tableau, la matiere est traitee selon la necessite : a la<br />

cire, a l'huile, a la colle - selon que la couleur a besoin<br />

d'une surface seche (colle) ou de transparence (cire) ou<br />

de matiere couvrante (huile). D<br />

Il est un autre point, tres important, sur lequel tous<br />

ces amis expriment une communaute de vue : c'est le<br />

sentiment qu'ils sont parvenus a une etape, ou la neces-<br />

site qui s'impose a eux n'est plus de detruire, mais de<br />

construire. u Vivent les choses ! 3 s'ecrie en francais, en<br />

portugais, en espagnol, en anglais et en allemand, le<br />

jeune Almada. A ce propos, il semble que leur sejour au<br />

Portugal ait ete tres significatif pour les Delaunay, pour<br />

Robert en particulier, qui voit se terminer alors, comme<br />

il le dira plus tard, la periode de la á peinture catastro-<br />

phique â et s'ouvrir une ere nouvelle : Apres un tel<br />

orage - orage humain, destruction consciente et incons-<br />

ciente - a la fin, le concept constructif, clair, grand, uni-<br />

versel ... â On dirait que, lasses, un temps, de la cerebra-<br />

lite de l'abstraction, tous deux redecouvrent la nature<br />

a la lumiere de prismes qui ne sont plus a electriques B,<br />

mais solaires. á Les moyens nouveaux, poursuit Robert,


POSTFACE<br />

creent les tableaux avec la puissance formelle et objec-<br />

tive de la nature. â Ces reflexions, redigees apres la<br />

guerre, commentent le grand panneau decoratif realise<br />

par Sonia Delaunay pour la Misericordia de Valenca do<br />

Minho, en 1916, l'annee meme ou Arnadeu de Souza-<br />

Cardoso ecrit a Robert Delaunay :


Grande Enciclopedia Portuguesa e Brasileira, EdicSo Enciclopedia,<br />

Lisboa.<br />

GUILLAUME APOLLINAIRE, Calligrammes, Ed. N.R.F./Gallimard, Paris,<br />

1925.<br />

DICIGO <strong>DE</strong> MACEDO, 14 clte Falguiere, Ed. Seara Nova, Lisboa, 1930.<br />

F. GILLES <strong>DE</strong> LA TOCRETTE, Robert Delaunay, Charles Massin et Cm,<br />

Librairie Centrale des Beaux-Arts, Paris, 1950.<br />

JosEAucus~o FRANCA, Amadeo de Souza-Cardoso, Editorial Sul,<br />

Lisboa, 1956.<br />

Catalogue de l'Exposition Robert Delaunay. Preface de Jean Cassou.<br />

Musee national d'Art moderne, 25 mai - 30 septembre<br />

1957, Ed. des Musees nationaux, Paris.<br />

ROBERT <strong>DE</strong>LAUNAY, DU cubisme a l'art abstrait. Documents inedits<br />

publies par Pierre Francastel et suivis d'un catalogue de<br />

de Robert Delaunay, par Guy Habasque, S.E.V.P.E.N.,<br />

Paris, 1957.<br />

DI^ <strong>DE</strong> MACEDO, Amadeo Modigliani e Amadeo de Souza-Cardoso,<br />

Edicoes Panorama, Lisboa, 1959.<br />

Catalogue. de 1'Exposicao retrospectiva de Amadeo de Souza-<br />

Cardoso. Preface de Jean Cassou. Secretariado Nacional da<br />

Informacaio, Lisboa, mai 1959:<br />

CHARLES GOERG, a Les Marches au Minho de Sonia Delaunay â.<br />

Extrait de Genava, ns., tome XIII, Geneve 1965.<br />

MICHEL Hom, Robert et Sonia Delaunay, Ed. des Musees nationaux,<br />

Paris, 1967.<br />

Catalogue de 1'ExposicSo retrospectiva de Eduardo Vianna, S.N.I.,<br />

Palacio Foz, Lisboa, avril 1968.<br />

Catalogue de l'Exposition Sonia Delaunay, Denise Rene, Paris,<br />

novembre 1968.<br />

BLAISE CENDRARS, Euvres completes, Le Club francais du Livre,<br />

tome 1, 1968 (Ed. Denoel, 1952, 1959); tome XIII, 1971 (Ed.<br />

Denoel, 1947).<br />

ORPHEU P 1, reedition, avec etude de Maria Aliete Dores Galhoz :<br />


TABLE <strong>DE</strong>S ILLUSTRATIONS


En couverture: Pro.jet de Robert Delaunay pour le bulletin<br />

de souscription de l'Album no 1 des áExpositions mouvan-<br />

tes â, prevoyant la collaboration de S. Delaunay-Terk, A. de<br />

Souza-Cardoso, E. Vianna, J. de Almada-Negreiros, R. Delau-<br />

nay, D. Rossine, G. Apollinaire, B. Cendrars. Bibliotheque<br />

nationale, Paris.<br />

La famille Delaunay dans le jardin- de la villa u la<br />

Simultanee n a Vila do Conde. (Archives Mnie S.<br />

Delaunay.) ...................<br />

Sonia Delaunay-Terk en 1915-1916. (Archives Mme S.<br />

Delaunay.) . . . . . . . . . . . . . . . . . . .<br />

La famille Delaunay a Vila do Conde. (Archives<br />

We S. Delaunay.) . . . . . . . . . . . . . . . .<br />

Eduardo Vianna. (Archives Paulo Ferreira.) ....<br />

Arnadeu de Souza-Cardoso. (Archives Mme L. de<br />

Souza-Cardoso. ) ................<br />

JosC Pachcco ....................<br />

Jose de Almada-Negreiros . . . . . . . . . . . . .<br />

La villa u la Simultanee rn a Vila do Conde. (Archives<br />

Fondation Calouste Gulbenkian.) ........<br />

Materiel utilise par les Delaunay pour leurs peintures<br />

a la cire. (Archives Mme S. Delaunay.) . ...<br />

Nature morte portugaise, tableau de Robert<br />

Delaunay. (Collection We S. Delaunay.) ....<br />

L'Hommage au donateur, projet definitif d'un decor<br />

architectural, par Sonia Delaunay. (Musee d'Art<br />

moderne de la Ville de Paris.) .........<br />

Pages<br />

16-17<br />

24-25<br />

24-25<br />

32-33<br />

32-33<br />

32-33<br />

32-33<br />

40-41<br />

40-41<br />

56-57<br />

56-57


TABLE <strong>DE</strong>S ILLUSTRATIONS<br />

Sonia Delaunay-Terk travaillant a la toile du Marche<br />

au Minho. (Archives me S. Delaunay.) ......<br />

Le Marche au Minho, tableau de Sonia Delaunay.<br />

(Collection particuliere. Archives de Mme S.<br />

Delaunay.) . ..................<br />

Sonia Delaunay parmi ses creations. (Archives Mme S.<br />

Delaunay.) . . . . . . . . . . . . . . . . . . .<br />

Interieur de l'atelier des Delaunay a Vila do Conde.<br />

(Archives Mme S. Delaunay.) ..........<br />

Projet de pochoir pour la couverture de l'Album no 1<br />

de la u Corporation nouvelle P, par A. de Souza-<br />

Cardoso. (Archives MLne S. Delaunay.) .....<br />

Projet de pochoir pour la couverture de l'Album no 1<br />

de la u Corporation nouvelle D, par A. de Souza-<br />

Cardoso. (Archives Mme S. Delaunay.) ......<br />

Carte postale de Robert Delaunay a A. de Som-<br />

Cardoso. (Archives Mme L. de Som-Cardoso.) . .<br />

Carte postale de Jose Pacheco a R. Delaunay. (Archives<br />

me S. Delaunay.) . .............<br />

Chanson populaire : la Russe et le Figaro, tableau<br />

d'A. de Souza-Cardoso. (Collection Fondation<br />

Calouste Gulbenkian.) . .............<br />

Chanson populaire et Oiseau du Bresil, tableau<br />

d'A. de Souza-Cardoso. (Collection Mme L. de<br />

Souza-Cardoso. ) ................<br />

La Petite, tableau d'E. Vianna. (Collection Fondation<br />

Calouste Gulbenkian.) ..............<br />

Poupee de chiffon, art populaire portugais. (Archives<br />

Mme L. de Souza-Cardoso.) . .........<br />

Portugaise assise, tableau de Sonia Delaunay. (Collection<br />

particuliere. Archives de Mme Sonia Delaunay.)<br />

.....................<br />

Jouets portugais, tableau de Sonia Delaunay. (Col-<br />

lection particuliere.) ..............


TABLE <strong>DE</strong>S ILLUSTRATIONS<br />

Article paru dans un journal de Porto, avril 1916.<br />

(Archives MTIP S. Delaunay.) . . . . . . . . . .<br />

Femme azuc pasteques, tableau de Sonia Delaunay.<br />

(Collection particuliere. Archives de Mm' Sonia<br />

Delaunay.) . . . . . . . . . . . . . . . . . . .<br />

Article de J. de Almada-Negreiros, paru dans A<br />

Ideia Nacional. (Archives Mime S. Delaunay.) . . .<br />

Carte postale d'A. de Souza-Cardoso a Robert Delau-<br />

nay, 6 juin 1916. (Archives Mm' S. Delaunay.) . .<br />

Eduardo Vianna dans le jardin des Delaunay a Vila<br />

do Conde. (Archives M'y S. Delaunay.) . . . . .<br />

Lettre d'E. Vianna a Robert Delaunay, 23 juin 1916.<br />

(Archives Molle S. Delaunay.) . . . . . . . . . .<br />

Lettre de J. de Almada-Negreiros a Sonia Delaunay,<br />

23 avril 1916. (Archives Mm' S. Delaunay.) . . . .<br />

Derniere page du Manifeste anti-Dantas, de J. de<br />

Almada-Negreiros. (Archives Mm" S. Dela~uiay.) . .<br />

Jouets portugais, tableau d'E. Vianna. (Collection<br />

du Secretariat d'Etat de l'Information et de la<br />

Culture, Lisbonne.) . . . . . . . . . . . . . .<br />

La Revolte des poupees, tableau d'E. Vianna. (Collec-<br />

tion particuliere. Archives Mme S. Delaunay.) . . .<br />

Page de titre du catalogue du Herbstsalon, galerie<br />


- --<br />

ACHEV& D'IMPRIMER EN AVRIL<br />

MCMLXXXI SUR LES PRESSES<br />

A. COELHO DIAS, LDA.,<br />

48-A RUE CON<strong>DE</strong> DAS ANTAS<br />

1 O00 LISBONNE. PORTUGAL<br />

Depot legal: 2' trimestre 1981

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