Économie Évolutionniste et Culture d'Entreprise

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3.2.3 L’idée de l’évolution entre Hayek et Schumpeter Pour saisir le contraste avéré entre l’idée de l’évolution chez les deux grands auteurs, commençons par la considération de la liberté individuelle qui représente le soubassement de la théorie Hayekienne et qui fait apparaître la connaissance comme cœur analytique du “problème économique”. Hayek a recours au critère évolutionniste à la fois pour rendre compte de la dynamique du processus de coordination en se démarquant du concept d’équilibre, et pour marquer la cohérence de cette évolution avec une explication basée sur la liberté individuelle. Le problème de l’utilisation de la connaissance dans la société est analysé par Hayek du point de vue de l’individu qui réalise des échanges grâce à ses connaissances très limitées et non productives (prises séparément). C’est donc seulement un processus marchand qui garantit la liberté individuelle d’échange qui peut relier les fragments des connaissances dispersés. Cette approche subjectiviste constitue une première différence essentielle avec l’analyse de Schumpeter. Dans sa Théorie de l’évolution économique, Schumpeter a retenu, comme nous avons vu dans le chapitre 1, le modèle Walrasien comme point d’ancrage de son analyse. Cela suppose qu’il accepte les hypothèses sous-jacentes au modèle, notamment les hypothèses relatives à l’information. A partir de l’idée de base du modèle Walrasien, la combinaison de prix et de quantités qui caractérise l’équilibre général peut être considérée comme indéfiniment reconductible, de période en période. A l’équilibre, les plans des participants au marché sont mutuellement compatibles. En conséquence, le développement (l’évolution ?) économique peut seulement découler de chocs exogènes définis par Schumpeter comme résultant de l’action de l’entrepreneur dynamique. Hayek rejeta cette conception en considérant que le processus de coordination à travers un marché concurrentiel contient lui-même une capacité à générer des chocs qui modifient le résultat final. En restant strictement attaché au cadre Walrasien, et aux hypothèses de base qui lui sont sous-jacentes, et malgré l’introduction de la figure de l’entrepreneur, source de chocs exogènes, Schumpeter ne put donc saisir le problème économique central de la connaissance (Streit et Wegner, 1990, p. 16). La considération de la connaissance productive dans le processus d’évolution économique peut donc être un facteur de démarcation essentiel entre Hayek et Schumpeter. Dans la lignée des hypothèses néoclassiques, Schumpeter considère que les opportunités productives ne peuvent exister qu’en situation de déséquilibre. Ceci n’est possible qu’en cas d’imperfection de l’information. D’un point de vue Hayekien, l’imperfection de l’information est source d’opportunités productives et d’existence de profits purs. Lorsque ces opportunités de profit sont découvertes et saisies par l’entrepreneur, un processus mimétique de la part des autres entrepreneurs va être déclenché jusqu’à la disparition de ces opportunités. Mais ce processus produit dans le même temps de nouvelles asymétries informationnelles et cognitives qui vont être l’occasion de nouvelles opportunités de profit, et ainsi de suite. Dans l’approche standard, seule l’exposition du système économique à un choc exogène (de nouvelles technologies, de nouveaux besoins, etc.) permet l’introduction d’un nouvel ensemble d’opportunités. Là réside une seconde différence fondamentale entre les analyses Hayekienne et Schumpeterienne. Le facteur “temps” constitue un autre point de démarcation :

La découverte d’une opportunité d’échange profitable reflète une information sur le présent. Cette information est vite obsolète d’un point de vue évolutionniste, mais pas d’un point de vue néoclassique. Il n’est donc pas possible d’ajouter des éléments de connaissance présents à des éléments passés. Autrement dit, pour additionner une information supplémentaire au stock existant, il faut connaître le taux de dépréciation. La question relative à l’actualité du stock de connaissance ne doit pas être évacuée. (Streit et Wegner, 1990, p. 17). Ici, les implications du facteur “temps” sur la dépréciation de la “valeur” du stock de connaissance mais également sur la nature du processus de propagation de la connaissance productive diffèrent entre les deux auteurs. Si les analyses Hayekiennes et néoclassiques s’accordent sur le fait que les prix encapsulent toute l’information nécessaire à l’échange (concernant les conditions relatives à l’offre et à la demande, qu’aucun individu ne peut à lui seul connaître, et qu’il n’a d’ailleurs pas besoin de connaître), les deux conceptions diffèrent sur la considération de la nature de cette information : Le problème est de savoir si l’information est statique, ou si elle évolue en réponse à l’effort de recherche. On peut supposer qu’au fur et à mesure que des opportunités de profit sont découvertes et exploitées, d’autres apparaissent et seront à leur tour découvertes. Il y aurait en quelque sorte un renouvellement perpétuel du stock. (Streit et Wegner, 1990, p. 17). Les deux conceptions diffèrent également sur la propagation de cette information. Pour les néoclassiques, cette information est automatiquement (et instantanément) diffusée, alors que pour les Autrichiens, cette information doit être découverte. La découverte de cette information nécessaire à l’échange est en ellemême un problème économique central qu’il faut résoudre. Ce n’est donc pas le coût de l’information qui pose un problème de coordination mais le fait de la découvrir. C’est le “processus de découverte” (principalement entrepreneuriale) qui devient alors le cœur du “problème économique” (Sautet, 2002, p. 21). A travers son analyse du rôle des règles abstraites dans la coordination des actions individuelles et des connaissances dispersées et idiosyncrasiques à travers un processus temporel de découverte, Hayek paraît pouvoir rendre compte de la dynamique micro-évolutionnaire de résolution du “problème économique”, alors que l’analyse Schumpeterienne marque des limites et paraît plus adaptée à des explications macroévolutionnaires. Pour mieux comprendre cette dynamique de l’évolutionnisme culturel Hayekien, nous devons nécessairement la rattacher au concept qui sert de socle à tout l’édifice Hayekien : les règles abstraites.

3.2.3 L’idée de l’évolution entre Hayek <strong>et</strong> Schump<strong>et</strong>er<br />

Pour saisir le contraste avéré entre l’idée de l’évolution chez les deux grands auteurs, commençons par la<br />

considération de la liberté individuelle qui représente le soubassement de la théorie Hayekienne <strong>et</strong> qui fait<br />

apparaître la connaissance comme cœur analytique du “problème économique”. Hayek a recours au<br />

critère évolutionniste à la fois pour rendre compte de la dynamique du processus de coordination en se<br />

démarquant du concept d’équilibre, <strong>et</strong> pour marquer la cohérence de c<strong>et</strong>te évolution avec une explication<br />

basée sur la liberté individuelle. Le problème de l’utilisation de la connaissance dans la société est<br />

analysé par Hayek du point de vue de l’individu qui réalise des échanges grâce à ses connaissances très<br />

limitées <strong>et</strong> non productives (prises séparément). C’est donc seulement un processus marchand qui garantit<br />

la liberté individuelle d’échange qui peut relier les fragments des connaissances dispersés. C<strong>et</strong>te approche<br />

subjectiviste constitue une première différence essentielle avec l’analyse de Schump<strong>et</strong>er.<br />

Dans sa Théorie de l’évolution économique, Schump<strong>et</strong>er a r<strong>et</strong>enu, comme nous avons vu dans le chapitre<br />

1, le modèle Walrasien comme point d’ancrage de son analyse. Cela suppose qu’il accepte les hypothèses<br />

sous-jacentes au modèle, notamment les hypothèses relatives à l’information. A partir de l’idée de base du<br />

modèle Walrasien, la combinaison de prix <strong>et</strong> de quantités qui caractérise l’équilibre général peut être<br />

considérée comme indéfiniment reconductible, de période en période. A l’équilibre, les plans des<br />

participants au marché sont mutuellement compatibles. En conséquence, le développement (l’évolution ?)<br />

économique peut seulement découler de chocs exogènes définis par Schump<strong>et</strong>er comme résultant de<br />

l’action de l’entrepreneur dynamique. Hayek rej<strong>et</strong>a c<strong>et</strong>te conception en considérant que le processus de<br />

coordination à travers un marché concurrentiel contient lui-même une capacité à générer des chocs qui<br />

modifient le résultat final. En restant strictement attaché au cadre Walrasien, <strong>et</strong> aux hypothèses de base<br />

qui lui sont sous-jacentes, <strong>et</strong> malgré l’introduction de la figure de l’entrepreneur, source de chocs<br />

exogènes, Schump<strong>et</strong>er ne put donc saisir le problème économique central de la connaissance (Streit <strong>et</strong><br />

Wegner, 1990, p. 16). La considération de la connaissance productive dans le processus d’évolution<br />

économique peut donc être un facteur de démarcation essentiel entre Hayek <strong>et</strong> Schump<strong>et</strong>er. Dans la lignée<br />

des hypothèses néoclassiques, Schump<strong>et</strong>er considère que les opportunités productives ne peuvent exister<br />

qu’en situation de déséquilibre. Ceci n’est possible qu’en cas d’imperfection de l’information. D’un point<br />

de vue Hayekien, l’imperfection de l’information est source d’opportunités productives <strong>et</strong> d’existence de<br />

profits purs.<br />

Lorsque ces opportunités de profit sont découvertes <strong>et</strong> saisies par l’entrepreneur, un processus mimétique<br />

de la part des autres entrepreneurs va être déclenché jusqu’à la disparition de ces opportunités. Mais ce<br />

processus produit dans le même temps de nouvelles asymétries informationnelles <strong>et</strong> cognitives qui vont<br />

être l’occasion de nouvelles opportunités de profit, <strong>et</strong> ainsi de suite. Dans l’approche standard, seule<br />

l’exposition du système économique à un choc exogène (de nouvelles technologies, de nouveaux besoins,<br />

<strong>et</strong>c.) perm<strong>et</strong> l’introduction d’un nouvel ensemble d’opportunités. Là réside une seconde différence<br />

fondamentale entre les analyses Hayekienne <strong>et</strong> Schump<strong>et</strong>erienne. Le facteur “temps” constitue un autre<br />

point de démarcation :

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