Économie Évolutionniste et Culture d'Entreprise

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Chapitre 3 Eclairages de l’évolutionnisme culturel Hayekien 3.1 INTRODUCTION There is no reason why a polycentric order in which each element is guided only by rules and receives no orders from a centre should not be capable of bringing about as complex and apparently as “purposive” an adaptation to circumstances as could be produced in a system where a part is set aside to perform such an order on an analogue or model before it is put into execution by the larger structure. If so far as the selforganizing forces of a structure as a whole lead at once to the right kind of action (or to tentative actions which can be retracted before too much harm is done) such a singlestage order need not be inferior to a hierarchic one in which the whole merely carries out what has first been tried out in a part. Such a non-hierarchic order dispenses with the necessity of first communicating all the information on which its several elements act to a common centre and conceivably may make the use of more information possible than could be transmitted to, and digested by, a centre. Friedrich A. Hayek, Studies in Philosophy, Politics, and Economics (1967). p. 74. En confrontant dans ce chapitre l’idée du marché comme explorateur de l’innovation et du processus d’apprentissage dans l’évolutionnisme culturel Hayekien à celle des systèmes d’innovation chez Schumpeter et les néo-Schumpeteriens, nous souhaitons dégager quelques éclairages sur les deux questions restées posées dans le chapitre précédent : fondations évolutionnaires et mécanismes de coordination. L’évolutionnisme culturel Hayekien 42 , mais également dans un second temps l’économie des conventions, nous seront bien utiles pour introduire par la suite notre discussion sur la culture d’entreprise et son rôle dans l’apprentissage et la coordination intra-organisationnels. 42 Nous considérons ici principalement le cadre de l’économie Hayekienne plutôt que celui de l’économie autrichienne pour deux raisons principales. D’une part, la tradition autrichienne est loin d’être parfaitement définie et identifiée en un programme de recherche ou un paradigme unifié. D’autre part, depuis Menger, la tradition autrichienne a été pour une partie absorbée dans la logique néoclassique. Les générations d’auteurs autrichiens qui ont succédé à Menger (et notamment la première génération de Böhm-Bawerk et Wieser et la deuxième génération de Mises) y ont considérablement contribué. La génération contemporaine, à partir des années 1970, est en train de redécouvrir l’originalité Mengerienne sans arriver toutefois à asseoir un cadre unifié de recherche. Nous pouvons néanmoins retracer grosso modo trois lignes directrices des travaux autrichiens modernes : (i) une conception dynamique et élargie du subjectivisme qui fait de l’agent économique un acteur créatif et non plus un agent réactif et passif face aux conditions exogènes de l’environnement à l’image de l’homo œconomicus néoclassique ; (ii) une approche causaliste des phénomènes économiques selon laquelle, pour comprendre un phénomène économique, il est nécessaire d’identifier le processus qui conduit à son émergence ; (iii) une vision non déterministe des phénomènes économiques qui conduit à rejeter la logique néoclassique de l’équilibre. Pour simplifier la lecture de la tradition

La référence à Hayek pour expliquer une dimension de la coordination organisationnelle peut paraître à première vue fallacieuse. En effet, Hayek s’est toujours opposé aux formes de coordination délibérées et la firme comme catégorie d’analyse semble quelque peu proscrite dans sa conceptualisation. Nous verrons que, d’une part, l’opposition marché/organisation n’est pas aussi tranchée chez Hayek qu’elle semble ressortir de la littérature, et que, d’autre part, l’analyse Hayekienne du rôle de la spontanéité dans la coordination économique 43 peut être utilement étendue à l’intérieur des frontières de la firme. Pour introduire l’analyse Hayekienne de la coordination (§3.3), nous allons dans un premier temps (§3.2) revenir sur la tradition évolutionniste Hayekienne dans ses traits généraux. Dans une troisième section, nous soulèverons l’enchevêtrement des niveaux de coordination chez Hayek (§3.4), ce qui nous permettra d’introduire la notion de “culture d’entreprise”. Nous discuterons ensuite de comment l’analyse de la firme, et particulièrement la dimension de la culture d’entreprise, peut-elle être compatible avec le cadre Hayekien et en quoi peut-elle nous être utile pour la compréhension des processus de coordination intraorganisationnelle. Un des principaux enseignements de l’économie des conventions est la lumière jetée sur la dimension d’extériorité des conventions qui les rapproche des règles abstraites Hayekiennes. Nous verrons dans une dernière section (§3.5) comment cet éclairage peut nous aider à mieux comprendre la dimension de la spontanéité dans la coordination intra-organisationnelle. 3.2 UNE TRADITION EVOLUTIONNISTE MESESTIMEE : L’EVOLUTIONNISME CULTUREL HAYEKIEN En reliant l’émergence des règles abstraites à celle des institutions et de l’ordre social, Hayek offre une ébauche intéressante d’un modèle d’évolution culturelle. Malencontreusement, cette ébauche ne put être affinée car les développements évolutionnistes Hayekiens furent, comme le souligna Hodgson (1993), discontinus et et fragmentaires et, par conséquent, incomplets : [Hayek’s] conception of socioeconomic and cultural evolution is the centrepiece of his mater theory, and it relates to such topics as his theory of law, the structure of political institutions, the nature of markets, and the critique of socialism and ‘constructivism’. In view of its centrality, the relatively late development of the evolutionary idea is, therefore, somewhat surprising. (Hodgson, 1993, p. 153). La qualification (“relatively late”) de l’idée de l’évolution chez Hayek n’est pas très exacte comme le montre Caldwell (2001) qui retrace minutieusement les traces de l’évolutionnisme culturel dans toute l’œuvre Hayekienne, aussi bien dans ses principaux écrits des années 1970 et 1960 que dans ses premières conceptualisations dans les années 1950, 1940 et même 1930. Il s’agit donc plus d’une discontinuité et d’une non-saillance de l’analyse de autrichienne, le meilleur moyen demeure sans doute celui de prendre Menger comme référence. Nous reviendrons sur les liens entre Hayek et le courant Autrichien dans la section (§3.2.1). 43 Le rôle de la spontanéité dans l’économie qui a été le leitmotiv de toute l’œuvre Hayekienne, comme en témoigne son dernier ouvrage The Fatal Conceit (1988), qui vient une fois encore dénoncer les erreurs du socialisme et défendre l’idée de la supériorité de l’ordre social spontané sur les ordres calculés, thème récurrent par excellence dans l’économie Hayekienne.

Chapitre 3<br />

Eclairages de l’évolutionnisme culturel Hayekien<br />

3.1 INTRODUCTION<br />

There is no reason why a polycentric order in which each element is guided only by<br />

rules and receives no orders from a centre should not be capable of bringing about as<br />

complex and apparently as “purposive” an adaptation to circumstances as could be<br />

produced in a system where a part is s<strong>et</strong> aside to perform such an order on an analogue<br />

or model before it is put into execution by the larger structure. If so far as the selforganizing<br />

forces of a structure as a whole lead at once to the right kind of action (or to<br />

tentative actions which can be r<strong>et</strong>racted before too much harm is done) such a singlestage<br />

order need not be inferior to a hierarchic one in which the whole merely carries<br />

out what has first been tried out in a part. Such a non-hierarchic order dispenses with<br />

the necessity of first communicating all the information on which its several elements act<br />

to a common centre and conceivably may make the use of more information possible<br />

than could be transmitted to, and digested by, a centre.<br />

Friedrich A. Hayek, Studies in Philosophy, Politics, and Economics (1967). p. 74.<br />

En confrontant dans ce chapitre l’idée du marché comme explorateur de l’innovation <strong>et</strong> du processus<br />

d’apprentissage dans l’évolutionnisme culturel Hayekien à celle des systèmes d’innovation chez<br />

Schump<strong>et</strong>er <strong>et</strong> les néo-Schump<strong>et</strong>eriens, nous souhaitons dégager quelques éclairages sur les deux<br />

questions restées posées dans le chapitre précédent : fondations évolutionnaires <strong>et</strong> mécanismes de<br />

coordination.<br />

L’évolutionnisme culturel Hayekien 42 , mais également dans un second temps l’économie des<br />

conventions, nous seront bien utiles pour introduire par la suite notre discussion sur la culture d’entreprise<br />

<strong>et</strong> son rôle dans l’apprentissage <strong>et</strong> la coordination intra-organisationnels.<br />

42 Nous considérons ici principalement le cadre de l’économie Hayekienne plutôt que celui de l’économie autrichienne<br />

pour deux raisons principales. D’une part, la tradition autrichienne est loin d’être parfaitement définie <strong>et</strong> identifiée en un<br />

programme de recherche ou un paradigme unifié. D’autre part, depuis Menger, la tradition autrichienne a été pour une partie<br />

absorbée dans la logique néoclassique. Les générations d’auteurs autrichiens qui ont succédé à Menger (<strong>et</strong> notamment la<br />

première génération de Böhm-Bawerk <strong>et</strong> Wieser <strong>et</strong> la deuxième génération de Mises) y ont considérablement contribué. La<br />

génération contemporaine, à partir des années 1970, est en train de redécouvrir l’originalité Mengerienne sans arriver toutefois<br />

à asseoir un cadre unifié de recherche. Nous pouvons néanmoins r<strong>et</strong>racer grosso modo trois lignes directrices des travaux<br />

autrichiens modernes : (i) une conception dynamique <strong>et</strong> élargie du subjectivisme qui fait de l’agent économique un acteur<br />

créatif <strong>et</strong> non plus un agent réactif <strong>et</strong> passif face aux conditions exogènes de l’environnement à l’image de l’homo œconomicus<br />

néoclassique ; (ii) une approche causaliste des phénomènes économiques selon laquelle, pour comprendre un phénomène<br />

économique, il est nécessaire d’identifier le processus qui conduit à son émergence ; (iii) une vision non déterministe des<br />

phénomènes économiques qui conduit à rej<strong>et</strong>er la logique néoclassique de l’équilibre. Pour simplifier la lecture de la tradition

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