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Économie Évolutionniste et Culture d'Entreprise

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2.4.1.4 Ontogenèse <strong>et</strong>/ou phylogenèse ? 33<br />

Les approches ontogénétiques en économie sont explicitement concernées par l’analyse de la firme<br />

individuelle (plutôt que les populations de firmes, les industries ou l’économie dans son ensemble). La<br />

firme est entendue dans c<strong>et</strong>te approche comme un “organisme”. Les approches phylogénétiques sont<br />

quant à elles généralement marquées par l’attention analytique accordée au niveau de l’industrie. Les<br />

deux approches sont nécessaires pour analyser le changement économique. Si les premières perm<strong>et</strong>tent de<br />

voir comment les firmes diffèrent-elles, les secondes perm<strong>et</strong>tent de voir pourquoi <strong>et</strong> comment ces<br />

différences importent-elles.<br />

La thèse fondamentale commune aux diverses versions phylogénétiques contemporaines est que<br />

l’évolution des êtres vivants résulte du seul hasard filtré par la sélection naturelle. Nelson <strong>et</strong> Winter<br />

théorisent ainsi la sélection naturelle par le marché des firmes ayant les routines les plus performantes.<br />

L’émergence par search de nouvelles routines <strong>et</strong> les processus d’imitation confortent c<strong>et</strong>te idée selon<br />

laquelle, malgré la rationalité limitée qui interdit un choix optimal ex ante, il y a une probabilité élevée<br />

que la population survivante soit celle qui utilise les routines les plus efficientes. Finalement cela revient à<br />

conforter, pour l’essentiel, les résultats néoclassiques en terme de maximisation 34 . Cependant, même en<br />

adm<strong>et</strong>tant que la définition de l’aptitude à survivre par la survie effective ne soit pas tautologique, comme<br />

chez Friedman (1953), plusieurs problèmes se posent quand même. Soulignons-en trois :<br />

(i) D’abord, rien n’interdit de penser que les éliminés du premier tour de sélection auraient pu<br />

être les meilleurs au second. Nelson <strong>et</strong> Winter adm<strong>et</strong>tent que les qualités d’efficience qui ont<br />

été sélectionnées au départ du processus ne sont plus nécessairement celles qui seront encore<br />

les plus efficientes lorsque le processus de sélection aura abouti, les sélectionnés qui ont réussi<br />

le premier tour de sélection n’étant pas forcément les mieux adaptés pour le tour suivant. Si tel<br />

peut être le cas, dès qu’il y a plusieurs tours de sélection, on peut être en présence d’une<br />

sélection adverse à la Akerlof. Sauf si, évidemment, ce sont grosso modo les mêmes aptitudes<br />

ou qualités de survie qui servent pour tous les tours de sélection, mais cela suppose que<br />

l’aptitude est connue ex ante, <strong>et</strong> on r<strong>et</strong>ombe dès lors dans la logique néoclassique.<br />

33 Ces deux concepts furent développés en biologie. L’ontogenèse y désigne les étapes du développement individuel alors<br />

que la phylogenèse désigne le développement du groupe (de la lignée). C’est Haeckel qui énonça le premier (en deux temps) sa<br />

loi biogénétique fondamentale : « L’ontogenèse est une récapitulation de la phylogenèse » (1866) ; « La phylogenèse est la<br />

cause mécanique de l’ontogenèse » (1874). L’ontogenèse selon Haeckel est un condensé, plus ou moins rapide <strong>et</strong> altéré, de la<br />

phylogenèse. Les nouveautés évolutives s’ajoutent selon Haeckel essentiellement en fin des parcours ontogénétiques. En 1922,<br />

l’embryologiste Garstang inversera les termes de l’énoncé Heackelien : « L’ontogenèse ne récapitule pas la phylogenèse, elle<br />

la crée ». Attribuer (avec Haeckel) la programmation de l’ontogenèse à la seule phylogenèse est trop réducteur. De même que<br />

l’idée de la construction des phylogenèses par l’intervention exclusive des ontogenèses. Il existe en fait une co-évolution de<br />

l’ontogenèse <strong>et</strong> de la phylogenèse : « En réalité, l’une <strong>et</strong> l’autre de ces histoires, celles de l’individu <strong>et</strong> celle du groupe, se<br />

fécondent mutuellement dans un jeu dialectique (quasi) permanent. » (Devillers <strong>et</strong> Tintant, 1996, p. 49). L’idée d’une<br />

ontogenèse vue sous l’angle d’une sériation de stades adultes peut donc être abandonnée. La progression de l’ontogenèse<br />

jusqu’à l’adulte suit des mécanismes <strong>et</strong> des lois (programme génétique fixé à la fécondation). Son déroulement est prévisible.<br />

Mais le programme peut être modifié. Qu’une ontogenèse soit stabilisée n’implique pas qu’elle soit immuable. Le<br />

déterminisme de la programmation ontogénétique réduit, sans toutefois l’éliminer complètement, la part de l’aléatoire. La<br />

phylogenèse, quant à elle, n’obéit ni à une programmation, ni à des mécanismes définis, ni à des lois. Son cours est<br />

imprévisible. Si c’est la programmation de l’ontogenèse qui engendre les événements de la phylogenèse, la rigueur de l’énoncé<br />

doit être atténuée. Deux facteurs interviennent donc dans l’élaboration du programme de construction de l’organisme : des<br />

éléments intrinsèques <strong>et</strong> des éléments extrinsèques.

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