Économie Évolutionniste et Culture d'Entreprise

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2.3.2.2 Analyse de la connaissance La connaissance tient une place privilégiée dans l’analyse néo-Schumpeterienne depuis la synthèse de Nelson et Winter (1982) qui ont souligné particulièrement le facteur de la contextualité de la connaissance productive (p. 105). A travers leur analyse des caractéristiques intrinsèques des routines organisationnelles, Nelson et Winter ont mis la lumière sur la dimension centrale de la taciticité des connaissances productives. La connaissance engendrée par l’apprentissage collectif est en effet cristallisée dans des routines organisationnelles, au sens de modèles d’interactions qui constituent des solutions efficaces à des problèmes particuliers. Son explicitation est généralement coûteuse du fait de la complexité des contextes dans lesquels elle est encastrée. En s’appuyant sur Polanyi (mais pas sur Hayek), Nelson et Winter vont ainsi relever la distinction (devenue aujourd’hui usuelle) entre connaissance tacite et connaissance codifiée. La connaissance tacite fait référence à une connaissance difficilement codifiable ou transférable. Alors que la connaissance codifiée désigne la connaissance qui peut être facilement transférée à travers le langage ou des artefacts. La connaissance produite et maintenue dans les processus d’apprentissage individuels et organisationnels est par nature incertaine et fluctuante. C’est ce que Popper (1972) appelait une connaissance faillible, représentant ce qui, à un moment (t), est tenu pour être juste par les individus ou l’organisation. Par ailleurs, cette connaissance individuelle acquise par apprentissage doit être constamment activée pour être préservée. Deux questions peuvent cependant être soulevées par rapport à cette conceptualisation néo- Schumpeterienne de la connaissance : (i) D’abord, l’imbrication des routines individuelles et routines organisationnelles conduit à prendre à donner plus de poids à la firme au risque d’effacer l’hétérogénéité des membres qui la composent, ce qui contraindrait les auteurs à travailler à la limite de l’individualisme méthodologique. (ii) Ensuite, les modalités d’apprentissage qui passent par l’explicitation ou par d’autres modes de transmission ne sont pas explicitées 21 . Bien que nous retrouvons certaines références quant au rôle du mimétisme dans ces processus, ce rôle n’est pas (ou peu) explicité, en tout cas pas suffisamment. Finalement, malgré toute sa richesse et toute sa fécondité, la théorie néo-Schumpeterienne est encore en chantier et souffre de quelques limites théoriques. Nous allons l’interroger sur des deux principales limites qui nous intéressent dans ce travail de thèse : ses fondations micro-évolutionnaires et les mécanismes de coordination intra-organisationnelle. 2.4 LIMITES DE LA THEORIE EVOLUTIONNISTE (NEO- SCHUMPETERIENNE) DE LA FIRME : EVOLUTION ET COORDINATION 21 Les travaux de Nonaka (1994) et Nonaka et Takeuchi (1995) apportent des éléments de réponse à cette insuffisance.

2.4.1 Quelle évolution ? La présente section discute des fondations d’une théorie d’évolution culturelle de la firme, et notamment de ses fondations micro-évolutionnaires. Notre point de départ sera de dire qu’à la suite du travail séminal de Nelson et Winter (1982), c’est particulièrement la “routine” qui a focalisé l’attention des auteurs évolutionnistes, c’est-à-dire la partie macro-évolutionniste du travail de Nelson et Winter. Par conséquent, c’est la partie qui a été le plus amplement développée. Knudsen (2000a,b) parle à ce sujet de projet inachevé de Nelson et Winter. Ceci est dommageable dans la mesure où, pour comprendre tout processus évolutionnaire, il faut nécessairement une compréhension minutieuse des mécanismes micro-évolutionnaires et de leur lien avec les processus macro-évolutionnaires. La compréhension du processus d’évolution culturelle, à travers une discussion des postures évolutionnistes Lamarckienne et Darwinienne, et notamment des mécanismes micro-évolutionnaires les supportant, devrait nous permettre une meilleure compréhension de la nature et de la croissance de la firme (l’évolution économique étant une forme particulière d’évolution culturelle). Quelle est l’unité de réplication chez Nelson et Winter ? Quel est le substrat de la réplication ? Quelle est la nature de la sélection ? Le modèle de Nelson et Winter est-il suffisamment robuste pour décrire l’évolution culturelle de la firme ? Comme nous allons le voir, confronté à la théorie des réplicateurs, ce modèle paraît marquer des limites pour rendre compte de toute l’amplitude de l’évolution de la firme. La détermination d’une véritable unité de réplication paraît y être une insuffisance fondamentale. Il y a donc un réel besoin d’ouvrir la boîte noire du mécanisme micro-évolutionnaire dans la théorie néo- Schumpeterienne de la firme. Cela passe nécessairement par le questionnement du concept-clé de “routine”. Qu’est ce que Nelson et Winter (1982) entendaient-ils exactement lorsqu’ils l’ont décrite comme “gène” de la firme évolutionniste ? 2.4.1.1 Quelles fondations micro-évolutionnaires ? En proposant les routines organisationnelles comme “gènes” de la firme évolutionniste, Nelson et Winter considèrent qu’elles représentent le locus où reposent les compétences de base de la firme, résultant d’un long processus historique d’accumulation. Seulement, cette proposition de la routine comme “gène” de la firme évolutionniste, n’est pas accompagnée d’une explicitation de ce mécanisme micro-évolutionnaire. Afin d’éclaircir la nature évolutive des routines, les auteurs néo-Schumpeteriens ont certes proposé par la suite la distinction entre routines statiques et routines dynamiques 22 . Autrement dit, certaines routines peuvent laisser présager des comportements d’exploration et de recherche. 22 « Les routines peuvent être de différentes sortes. Les routines statiques comprennent la capacité de reproduire certaines tâches effectuées antérieurement. Il va sans dire que de telles routines ne sont jamais entièrement statiques car, avec la répétition, les routines peuvent être constamment améliorées. Les routines « dynamiques » ou de « niveau supérieur » sont orientées vers l’apprentissage et le développement de nouveaux produits et procédés. Ainsi, l’activité R&D procède de l’emploi de routines pour déterminer ce qu’il faut explorer, comment et dans quelle mesure. » (Dosi, Teece et Winter, 1990, p. 243).

2.3.2.2 Analyse de la connaissance<br />

La connaissance tient une place privilégiée dans l’analyse néo-Schump<strong>et</strong>erienne depuis la synthèse de<br />

Nelson <strong>et</strong> Winter (1982) qui ont souligné particulièrement le facteur de la contextualité de la connaissance<br />

productive (p. 105). A travers leur analyse des caractéristiques intrinsèques des routines<br />

organisationnelles, Nelson <strong>et</strong> Winter ont mis la lumière sur la dimension centrale de la taciticité des<br />

connaissances productives. La connaissance engendrée par l’apprentissage collectif est en eff<strong>et</strong><br />

cristallisée dans des routines organisationnelles, au sens de modèles d’interactions qui constituent des<br />

solutions efficaces à des problèmes particuliers. Son explicitation est généralement coûteuse du fait de la<br />

complexité des contextes dans lesquels elle est encastrée. En s’appuyant sur Polanyi (mais pas sur<br />

Hayek), Nelson <strong>et</strong> Winter vont ainsi relever la distinction (devenue aujourd’hui usuelle) entre<br />

connaissance tacite <strong>et</strong> connaissance codifiée. La connaissance tacite fait référence à une connaissance<br />

difficilement codifiable ou transférable. Alors que la connaissance codifiée désigne la connaissance qui<br />

peut être facilement transférée à travers le langage ou des artefacts.<br />

La connaissance produite <strong>et</strong> maintenue dans les processus d’apprentissage individuels <strong>et</strong> organisationnels<br />

est par nature incertaine <strong>et</strong> fluctuante. C’est ce que Popper (1972) appelait une connaissance faillible,<br />

représentant ce qui, à un moment (t), est tenu pour être juste par les individus ou l’organisation. Par<br />

ailleurs, c<strong>et</strong>te connaissance individuelle acquise par apprentissage doit être constamment activée pour être<br />

préservée.<br />

Deux questions peuvent cependant être soulevées par rapport à c<strong>et</strong>te conceptualisation néo-<br />

Schump<strong>et</strong>erienne de la connaissance :<br />

(i) D’abord, l’imbrication des routines individuelles <strong>et</strong> routines organisationnelles conduit à<br />

prendre à donner plus de poids à la firme au risque d’effacer l’hétérogénéité des membres qui<br />

la composent, ce qui contraindrait les auteurs à travailler à la limite de l’individualisme<br />

méthodologique.<br />

(ii) Ensuite, les modalités d’apprentissage qui passent par l’explicitation ou par d’autres modes de<br />

transmission ne sont pas explicitées 21 . Bien que nous r<strong>et</strong>rouvons certaines références quant au<br />

rôle du mimétisme dans ces processus, ce rôle n’est pas (ou peu) explicité, en tout cas pas<br />

suffisamment.<br />

Finalement, malgré toute sa richesse <strong>et</strong> toute sa fécondité, la théorie néo-Schump<strong>et</strong>erienne est encore en<br />

chantier <strong>et</strong> souffre de quelques limites théoriques. Nous allons l’interroger sur des deux principales<br />

limites qui nous intéressent dans ce travail de thèse : ses fondations micro-évolutionnaires <strong>et</strong> les<br />

mécanismes de coordination intra-organisationnelle.<br />

2.4 LIMITES DE LA THEORIE EVOLUTIONNISTE (NEO-<br />

SCHUMPETERIENNE) DE LA FIRME : EVOLUTION ET<br />

COORDINATION<br />

21 Les travaux de Nonaka (1994) <strong>et</strong> Nonaka <strong>et</strong> Takeuchi (1995) apportent des éléments de réponse à c<strong>et</strong>te insuffisance.

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