Économie Évolutionniste et Culture d'Entreprise
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Les routines sont définies par Nelson et Winter comme l’expression comportementale de la firme plus que comme des règles de comportement. Elles se distinguent des règles par leur caractère émergent, tacite et pragmatique et correspondent à tout comportement régulier et prévisible résultant de l’histoire de la firme (p. 15). Elles sont dépositaires d’une histoire, d’une manière de se comporter propres à l’organisation et constituent des automatismes organisationnels. Cette automaticité, acquise par répétition, les rend naturelles. Lorsqu’elles sont intériorisées, elles deviennent à la suite de ce processus l’état naturel de l’organisation. De plus, elles encapsulent une connaissance productive tacite et encastrée dans le contexte spécifique de sa création. Cette connaissance productive est acquise dans le processus d’apprentissage organisationnel et doit être constamment activée afin d’être préservée. L’hypothèse principale est que l’organisation se souvient en activant la routine, de même que les individus qui se souviennent de leurs compétences à travers leur pratique (p. 99). Cette mémoire organisationnelle, comme collection de mémoires individuelles, constitue la base de connaissance de la firme et détermine donc ses capacités idiosyncrasiques 19 . Elle est décrite sous forme de répertoires individuels activés de façon plus ou moins automatique selon le type d’environnement. La firme ne mobilise jamais tous ses répertoires, une partie seulement est mise en œuvre selon les circonstances. La mémoire organisationnelle fluctue donc au gré de cette activation, c’est-à-dire que les répertoires les plus activés tendront à gagner en performance alors que les autres tomberont en désuétude. L’économie d’attention, dans une autre filiation à Simon, est ici une idée centrale. Nelson et Winter mettent l’accent sur le contexte collectif qui supporte les expériences partagées en considérant que la mémoire organisationnelle dépasse l’agrégation des mémoires de ses membres individuels : [T]he knowledge stored in human memories is meaningful and effective only in some contexts, and for knowledge exercised in an organizational role that context is an organizational context. (Nelson et Winter, 1982, p. 105). La notion de routine est utilisée par Nelson et Winter pour caractériser (à la fois) le comportement individuel et le comportement organisationnel. Ils supposent ainsi un continuum (qu’ils utilisent comme une sorte de métaphore) entre les savoirs-faire individuels et les capacités organisationnelles, ces dernières jouant le même rôle dans l’organisation que les premiers au niveau individuel. La firme est dès lors un système cognitif dont les propriétés cognitives transcendent celles de ses membres : [T]he behaviour of an organisation is, in a limited but important sense, reducible to the behaviour of the individuals who are members of the organisation. (Nelson et Winter, 1982, p. 72). La transmission sociale de cette connaissance productive est tacite (reste hors de portée de la conscience) et protège ainsi le potentiel évolutionnaire associé à toute forme d’évolution sociale. 20 18 Un des grands projets de Simon était de représenter formellement le comportement humain “délibéré” par l’usage de l’intelligence artificielle. 19 Winter (2003, p. 6) précise la définition des capacités organisationnelles comme des agrégats de routines : “I use the term “capabilities” to refer to higher level and more significant aggregates of routines, which are more a matter of managerial discretion in their exercise.” 20 La codification systématique de la connaissance tacite peut donc de ce fait menacer le potentiel évolutionnaire de la firme (Cf. infra).
Les routines ont dans cette vision un rôle central dans la résolution des problèmes de recherche de rentes improductives et, donc, de permission de la recherche de rentes productives. Cependant, en considérant les routines principalement dans leur dimension productive, les dimensions de surveillance, de motivation et de coordination, que Nelson et Winter supposent également incorporées dans la routine, principalement à travers ce qu’ils appellent dans la lignée de l’école béhavioriste un “mécanisme de trêve”, ne sont cependant pas explicitées. Nous y reviendrons dans la section 2.4.2. De plus, la discussion de Nelson et Winter sur les activités de recherche ou d’exploration semble ambiguë. Un des rôles centraux des routines est celui de permettre à l’organisation de composer avec les turbulences de l’environnement. Les routines ont donc pour fonction de ramener l’inconnu de la nouveauté (les nouveaux stimuli de l’environnement) au connu des réponses. En fournissant des cadres d’action stables et homogènes, les routines introduisent de la prédictibilité dans l’organisation. Comment peut-on alors concilier cette vision avec l’impératif d’exploration ? Nelson et Winter répondent en distinguant les “routines statiques” des “routines dynamiques”, ces dernières étant orientées vers l’apprentissage et le développement de nouveaux produits et processus. Ce que Lazaric et Mangolte (1998) expliquent par le fait que les routines intègrent à la fois un stock de connaissances inertes et l’activation de ce dernier. Les routines seraient ainsi d’une double nature : elles seraient à la fois l’ensemble des connaissances de leurs membres et leurs compétences (c’est-à-dire leur mise en œuvre). Cette ambiguïté dans la définition des routines organisationnelles, surchargées de significations, ne va pas aider dans la compréhension des routines comme “gènes” de la firme évolutionniste (Cf. §2.4.1.1). 2.2.2 Le rôle (occulté) de l’entrepreneur La théorie de l’entrepreneurship a une longue tradition en économie remontant à Cantillon et Say. Sa conceptualisation demeure cependant complexe et hétérogène. Selon les auteurs, l’entrepreneur joue les rôles fondamentaux et risqués (Knight) que sont les fonctions d’innovation et de création (Schumpeter), d’acquisition et d’exploitation de l’information (Hayek, Kirzner), d’organisation et de coordination de la production (Liebenstein). C’est un spécialiste dans la prise de décisions relatives à la coordination de ressources rares (Casson). L’aspect le plus saillant de l’entrepreneurship qui ressort de la littérature est la détention d’une connaissance tacite ou d’une image d’un l’environnement souvent complexe (Penrose) qui permet à l’entrepreneur de saisir de nouvelles opportunités (Kirzner), sur la base d’informations souvent incomplètes (Casson), et donc sa capacité d’effectuer des destructions créatrices (Schumpeter). C’est chez Schumpeter que l’entrepreneur recouvre le rôle le plus saillant pour devenir le deus ex machina de l’évolution économique. La théorie de l’évolution (ou développement) économique de Schumpeter repose sur le rôle central de l’entrepreneur dans l’exécution de nouvelles combinaisons. Combinaisons qui se manifestent par l’apparition de nouveaux produits ou la modification des produits existants, de nouveaux procédés de production et de distribution, de nouveaux marchés, par l’exploitation ou l’exploration de nouvelles sources de matières premières et par de nouvelles formes d’organisation. Néanmoins, en relevant la centralité de l’innovation et de son moteur, l’entrepreneur-innovateur, chez Schumpeter, la théorie évolutionniste néo-Schumpeterienne de la firme chez et à la suite de Nelson et
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De plus, la discussion de Nelson <strong>et</strong> Winter sur les activités de recherche ou d’exploration semble<br />
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C<strong>et</strong>te ambiguïté dans la définition des routines organisationnelles, surchargées de significations, ne va pas<br />
aider dans la compréhension des routines comme “gènes” de la firme évolutionniste (Cf. §2.4.1.1).<br />
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La théorie de l’entrepreneurship a une longue tradition en économie remontant à Cantillon <strong>et</strong> Say. Sa<br />
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qui perm<strong>et</strong> à l’entrepreneur de saisir de nouvelles opportunités (Kirzner), sur la base d’informations<br />
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C’est chez Schump<strong>et</strong>er que l’entrepreneur recouvre le rôle le plus saillant pour devenir le deus ex<br />
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Schump<strong>et</strong>er repose sur le rôle central de l’entrepreneur dans l’exécution de nouvelles combinaisons.<br />
Combinaisons qui se manifestent par l’apparition de nouveaux produits ou la modification des produits<br />
existants, de nouveaux procédés de production <strong>et</strong> de distribution, de nouveaux marchés, par l’exploitation<br />
ou l’exploration de nouvelles sources de matières premières <strong>et</strong> par de nouvelles formes d’organisation.<br />
Néanmoins, en relevant la centralité de l’innovation <strong>et</strong> de son moteur, l’entrepreneur-innovateur, chez<br />
Schump<strong>et</strong>er, la théorie évolutionniste néo-Schump<strong>et</strong>erienne de la firme chez <strong>et</strong> à la suite de Nelson <strong>et</strong>