Économie Évolutionniste et Culture d'Entreprise
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sélection naturelle pour expliquer toute la complexité du phénomène économique (<strong>et</strong> culturel plus<br />
généralement) :<br />
Ce que la sélection naturelle fournit comme instrument d’analyse des phénomènes évolutionnistes propres au monde humain<br />
s’avère trop fruste, trop niveleur pour en épuiser la complexité. Le temps humain, en d’autres termes l’histoire, se présente<br />
comme un processus incommensurable avec le temps cosmique, quasi infini de la théorie darwinienne, que la chose soit<br />
envisagée du point de vue de la vitesse de formation des variations, de la vitesse de l’accumulation <strong>et</strong> de la transmission de<br />
l’expérience ou de la vitesse d’adaptation de l’homme aux conditions changeantes de son environnement (…). (Ege, 1993, p.<br />
484).<br />
Cependant, de nombreuses tentatives contemporaines défendent l’idée de la co-existence de mécanismes<br />
Lamarckiens au niveau micro-évolutionnaire <strong>et</strong> Darwiniens au niveau macro-évolutionnaire en soustendant<br />
de facto une co-évolution culturelle (mémétique) <strong>et</strong> génétique. L’adoption d’une explication<br />
Lamarckienne de l’évolution culturelle traduit au contraire une stricte séparation des deux sphères :<br />
L’adoption des concepts lamarckiens par le spécialiste du changement technique <strong>et</strong> de l’innovation, autrement dit, l’<br />
« hypothèse lamarckienne » en économie traduit … chez l’économiste, la conscience de l’incommensurabilité de l’ordre<br />
biologique <strong>et</strong> de l’ordre humain, de l’irréductibilité de l’évolution humaine à l’évolution biologique. (Ege, 1993, p. 485).<br />
Comparée à la biologie, l’évolution dans la sphère économique ou sociale diffère amplement : les<br />
changements de l’environnement y sont beaucoup plus rapides, le facteur intentionnel y joue un rôle<br />
beaucoup plus important <strong>et</strong> le mimétisme paraît y être un mécanisme central. Le facteur d’hérédité des<br />
caractères acquis semble jouir d’une unanimité dans la sphère économique <strong>et</strong> sociale, ce qui suggère que<br />
c<strong>et</strong>te évolution prête plus à une explication de type Lamarckien. En plus de ce facteur, c’est le mécanisme<br />
de sélection <strong>et</strong> le rôle qu’y joue l’intentionnalité qui paraît être l’élément de démarcation central.<br />
L’examen rapide des traditions évolutionnistes en économie nous a permis par ailleurs de constater que la<br />
théorie économique évolutionniste demeure un programme de recherche ouvert plus qu’un paradigme<br />
stabilisé. Les approches sont fortement hétérogènes <strong>et</strong> se rattachent à des sources d’inspiration diverses.<br />
Bon nombre de ces affluents l’étant de façon indirecte ou involontaire. Nous avons néanmoins j<strong>et</strong>é la<br />
lumière sur deux approches évolutionnistes saillantes : la tradition néo-Schump<strong>et</strong>erienne <strong>et</strong> la tradition<br />
Hayekienne. Si la première tradition est celle qui reçoit aujourd’hui le plus d’adhésion, nous arguons dans<br />
ce travail que la tradition Hayekienne mérite également un plus ample intérêt <strong>et</strong> pourrait fournir bon<br />
nombre de réponses aux questions posées aujourd’hui à l’analyse économique évolutionniste.<br />
Les deux prochains chapitres nous perm<strong>et</strong>trons de développer la discussion sur ces deux approches.<br />
D’abord, en revenant sur les développements de la théorie néo-Schump<strong>et</strong>erienne <strong>et</strong> en r<strong>et</strong>raçant ses<br />
limites en terme de fondations micro-évolutionnaires <strong>et</strong> de problèmes de coordination (chapitre 2).<br />
Ensuite, en apportant des éclairages Hayekiens (chapitre 3) <strong>et</strong> en confrontant l’idée de l’évolution chez<br />
Schump<strong>et</strong>er (<strong>et</strong> les néo-Schump<strong>et</strong>eriens) <strong>et</strong> chez Hayek. Nous serons alors en mesure de proposer une<br />
matrice de coordination (chapitre 4) qui va nous perm<strong>et</strong>tre de j<strong>et</strong>er les bases de notre discussion de la<br />
culture d’entreprise dans une perspective évolutionniste mémétique (partie II) <strong>et</strong> de l’évolution culturelle<br />
de la firme (partie III).