Économie Évolutionniste et Culture d'Entreprise

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1.3.1 Evolution économique versus évolution biologique 14 Sans revenir sur la question de savoir si la prééminence de l’approche évolutionniste revient à l’économie ou à la biologie, nous ne pouvons évoquer l’évolutionnisme en économie ou dans toute autre science sans discuter de l’évolutionnisme biologique. Les concepts élémentaires et les deux grandes postures caractérisant toute théorie de l’évolution trouvent en effet leur origine en biologie. Nelson et Winter (1982) déclarent ainsi s’inspirer de l’évolutionnisme biologique mais sans être strictement contraints par son cadre théorique : We are pleased to exploit any idea from biology that seems helpful in the understanding of economic problems, but we are equally prepared to pass over anything that seems awkward, of to modify accepted biological theories radically in the interest of getting better economic theory (witness our espousal of Lamackianism). We also make no effort to base our theory on a view of human nature as the product of biological evolution, although we consider recent work in that direction to be a promising departure from the traditional conception of Economic Man. (Nelson et Winter, 1982, p. 11). Nelson (1995), tout en admettant la quasi-pérennité biologique des théories évolutionnistes en général, insiste sur la nécessité pour une approche économique évolutionniste de ne pas être amarrée au port biologique : One way to define evolutionary theory in general would be to start from biology, where evolutionary theory is best worked out, and explore where one can find close analogies to the variables and concepts of that theory in other areas of inquiry–in this case economics. However I believe that following this route would tie the discussion much too closely to biology (…) … to start with biology risks getting stuck in notions that, while salient in biological evolution, seem irrelevant or wrong-headed when applied to economics. (Nelson, 1995, p. 54). Il propose ainsi de considérer l’attitude évolutionniste dans un sens très général, qui ne la relie à aucune discipline particulière : It seems more fruitful to start with a general notion of evolution, and then examine applications in specific areas–like biology or economics–as special cases. (Nelson, 1995, p. 54). Cette proposition semble fédérer bon nombre d’auteurs évolutionnistes. Nous la retrouvons ainsi mise en avant chez Winter (1987b) et relayée récemment par Hodgson (2003) : In sum, natural selection and evolution should not be viewed as concepts developed for the specific purposes of biology and possibly appropriable for the specific purposes of economics, but rather as elements of the framework of a new conceptual structure that biology, economics and other sciences can comfortably share. (Winter, 1987b, p. 617). 14 La considération du modèle biologique de l’évolution n’est pas faite ici dans le but de commenter les analogies biologiques en économie, mais dans la visée d’une construction analytique dans le reste du travail. Nous ne discuterons donc pas ici de la “synthèse néo-Darwinienne” réalisée entre les années 1930 et 1950, ni des développements les plus récents de la théorie biologique de l’évolution. Le sujet exige une exploration approfondie d’un domaine riche en complexités, et qui n’est pas strictement nécessaire pour nos besoins analytiques immédiats. Nous nous focaliserons dans ce chapitre sur l’usage et l’adaptation des concepts évolutionnistes en économie et limiterons, dans la mesure du possible, la discussion de la sphère biologique.

… underneath the very real differences of character and mechanism, biological evolution and economic evolution might have types of process or structure in common, when considered at a sufficiently general level of abstraction. At this level, we are not addressing mere analogy. We are considering a degree of identity in reality. The question is whether the appropriate social and natural ontologies share sufficient features in common at some fundamental level. (Hodgson, 2003, p. 366). Nous allons retenir dans le reste du travail cette approche théorique consistant à considérer l’évolutionnisme comme une posture épistémologique ne se rattachant à aucune discipline particulière. Néanmoins, une discussion préliminaire de l’évolutionnisme biologique demeure indispensable pour saisir les concepts utilisés. L’évolution biologique est question de gènes et d’organismes. Les gènes contiennent un code qui est reproduit dans un processus de copie de haute fidélité. Le nouveau code génétique fournit les instructions qui, selon un signal de déclenchement provenant de l’environnement, vont se déployer dans les propriétés constituant l’organisme adulte qui, à son tour, possède un potentiel d’interaction avec l’environnement d’une telle manière que la réplication est imparfaite. Avec suffisamment de temps, la réplication continue et les processus d’interaction peuvent être associés aux changements accumulés dans le code pour expliquer l’évolution d’entités biologiques très complexes. Nous sommes donc en présence de deux entités, un code réplicateur correspondant aux gènes (génotype), et une entité interactrice correspondant à l’organisme (phénotype). Il est en plus important de souligner que la relation entre le code et son porteur n’est pas déterministe. Le code contient une grande gamme de possibilités qui sont déclenchées progressivement par le biais des stimuli de l’environnement au cours du processus de maturation de l’organisme. Dans ce sens, le code agit largement comme une recette d’une tarte aux pommes : bien que toutes les tartes aux pommes partagent des traits communs, elles sont toutes uniques et aucune ne ressemble à la tarte de grand-mère. L’évolution peut dès lors être expliquée en terme de deux sousprocessus : (i) les changements dans le code dus à la réplication, et (ii) les changements dans le code dus à l’interaction. Selon qu’on soit Darwinien ou Lamarckien, ces deux sous-processus peuvent être compris différemment.

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types of process or structure in common, when considered at a sufficiently general level of abstraction. At this level, we are<br />

not addressing mere analogy. We are considering a degree of identity in reality. The question is wh<strong>et</strong>her the appropriate social<br />

and natural ontologies share sufficient features in common at some fundamental level. (Hodgson, 2003, p. 366).<br />

Nous allons r<strong>et</strong>enir dans le reste du travail c<strong>et</strong>te approche théorique consistant à considérer<br />

l’évolutionnisme comme une posture épistémologique ne se rattachant à aucune discipline particulière.<br />

Néanmoins, une discussion préliminaire de l’évolutionnisme biologique demeure indispensable pour<br />

saisir les concepts utilisés.<br />

L’évolution biologique est question de gènes <strong>et</strong> d’organismes. Les gènes contiennent un code qui est<br />

reproduit dans un processus de copie de haute fidélité. Le nouveau code génétique fournit les instructions<br />

qui, selon un signal de déclenchement provenant de l’environnement, vont se déployer dans les propriétés<br />

constituant l’organisme adulte qui, à son tour, possède un potentiel d’interaction avec l’environnement<br />

d’une telle manière que la réplication est imparfaite. Avec suffisamment de temps, la réplication continue<br />

<strong>et</strong> les processus d’interaction peuvent être associés aux changements accumulés dans le code pour<br />

expliquer l’évolution d’entités biologiques très complexes. Nous sommes donc en présence de deux<br />

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à l’organisme (phénotype). Il est en plus important de souligner que la relation entre le code <strong>et</strong> son porteur<br />

n’est pas déterministe. Le code contient une grande gamme de possibilités qui sont déclenchées<br />

progressivement par le biais des stimuli de l’environnement au cours du processus de maturation de<br />

l’organisme. Dans ce sens, le code agit largement comme une rec<strong>et</strong>te d’une tarte aux pommes : bien que<br />

toutes les tartes aux pommes partagent des traits communs, elles sont toutes uniques <strong>et</strong> aucune ne<br />

ressemble à la tarte de grand-mère. L’évolution peut dès lors être expliquée en terme de deux sousprocessus<br />

: (i) les changements dans le code dus à la réplication, <strong>et</strong> (ii) les changements dans le code dus à<br />

l’interaction. Selon qu’on soit Darwinien ou Lamarckien, ces deux sous-processus peuvent être compris<br />

différemment.

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