Économie Évolutionniste et Culture d'Entreprise

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pénale qui interdit le meurtre et la cause motrice de que normalement on ne commet plus de meurtre. (Schumpeter, 1935, p. 120). Alors que Nelson et Winter vont formuler, à partir des travaux de Cyert et March (1963), leur propre conception des routines organisationnelles qu’ils vont concevoir comme les gènes de la firme évolutionniste et sa mémoire : We use “routine” in a highly flexible way, much as a ‘program’ (…) is used in discussion of computer programming. It may refer to a repetitive pattern of activity in an entire organisation, to an individual skill, or, as an adjective, to the smooth uneventful effectiveness of such an organisational or individual performance. (Nelson et Winter, 1982, p. 97). Finalement, si Nelson et Winter ont choisi la filiation néo-Schumpeterienne, c’était peut-être tout simplement faute de mieux, comme le reconnaissaient très récemment Dosi et Winter (2003). Ce qui n’est pas très pertinent d’un point de vue épistémologique : Faute de mieux, nous avons précédemment qualifié de « post-schumpeterienne » une des perspectives de recherches d’inspiration évolutionniste. (Dosi et Winter, 2003, p. 388). Schumpeter évolutionniste ? Toujours est-il qu’il a contesté la validité d’une approche basée sur la définition des conditions de l’équilibre statique en termes marginalistes. Il a également essayé de montrer que le principe même de la régulation économique est profondément bouleversé sous l’effet du phénomène fondamental de l’innovation mise en œuvre par le personnage-clé de l’entrepreneurinnovateur. Le monde hétérodoxe de Schumpeter est ainsi peuplé non plus d’agents-automates mais d’entrepreneurs-innovateurs. Il demeure à ce titre un grand économiste hétérodoxe et inclassable. 1.2.2.3 La filiation d’Armen Alchian La contribution d’Alchian (1950) est la première conceptualisation Darwinienne rigoureuse des phénomènes concurrentiels 9 . C’est en effet Alchian qui introduisit le premier dans Uncertainty, Evolution and Economic Theory (1950) cette perspective évolutionniste d’analyse des organisations et de la compétition entre les firmes. En s’interrogeant sur les principes qui fondent la décision dans un univers incertain, Alchian entend rendre compatible la variété des comportements observés dans un cadre d’incertitude avec la possibilité de faire des prédictions sur la formation d’un équilibre économique. Il met l’accent sur le fait que les agents ne peuvent pas avoir une information parfaite dans un environnement incertain et sur les conséquences que cela implique dans la manière d’opérer des choix. Il veut montrer que l’hypothèse de maximisation des profits ne peut s’appliquer que dans un environnement certain. Il n’a pas pour ambition de réformer le noyau dur de la théorie standard mais uniquement de montrer l’incompatibilité du postulat de maximisation avec des environnements incertains. Alchian a alors recours aux métaphores biologiques de la “sélection naturelle” du marché et de la “survie” des firmes qui dégagent des profits non nuls. Il remplace la notion de maximisation explicite par le concept

Darwinien de “sélection naturelle”. Son intérêt est ainsi principalement téléonomique (porté à la sélection naturelle par le marché) et non téléologique (porté aux intentions ou à la rationalité des agents économiques) : All the preceding arguments leave the individual economic participant with imitative, venturesome, innovative, trial-and-error adaptive behaviour. Most conventional economic tools and concepts are still useful, although in a vastly different analytical framework – one which is closely akin to the theory of biological evolution. The economic counterparts of genetic heredity, mutations and, and natural selection are imitation, innovation and positive profits. (Alchian, 1950, p. 219-220). The suggested approach embodies the principles of biological evolution and natural selection by interpreting the economic system as an adaptive mechanism which chooses among exploratory actions generated by the pursuit of ‘success’ of ‘profit’. (Alchian, 1950, p. 211). Par-là, Alchian cherche à montrer que, dès l’instant où l’on place les individus dans un environnement incertain où la maximisation d’une variable est rendue impossible, le système économique prend le relais de telle sorte que les survivants peuvent apparaître comme ceux qui se sont adaptés alors que la vérité peut bien être que l’environnement les a adoptés (Alchian, 1950, p. 214). Il invente de cette manière une ligne de défense (le fameux argument “as if”) qui sera reprise et développée plus tard par Friedman (1953) 10 , Becker (1962) et Machlup (1967). Alchian avance également l’idée Darwinienne que le hasard est un élément majeur dans les processus de “sélection naturelle” que subissent les firmes. Il imagine ainsi que si toutes les firmes tiraient au sort leurs décisions, certaines décisions seront adaptées aux conditions du marché et donc ces firmes réaliseront un profit non nul et survivront alors que les autres vont disparaître. Dans ce schéma, la métaphore biologique est utilisée dans le cadre d’un raisonnement statique. La sélection apparaît comme un processus exogène, indépendant des comportements et de l’histoire des agents. Elle est “naturelle”. 11 9 Coriat et Weinstein (1995) parlent d’intuitions évolutionnistes chez Alchian (1950) plutôt que d’une véritable conceptualisation aboutie. 10 En reprenant l’argumentation d’Alchian (1950), Friedman (1953) va recourir à la métaphore des feuilles de l’arbre pour justifier la logique d’optimisation : en observant les feuilles, il apparaît qu’en recherchant systématiquement la lumière, ces feuilles se conduisent comme si elles cherchaient à maximiser la quantité de soleil qu’elles reçoivent. De la même manière que les feuilles, si les firmes survivent sur le marché, c’est comme si elles adoptaient un comportement maximisateur. “Unless the behavior of business in some way or other approximated behavior consistent with the maximisation of returns, it seems unlikely that they would remain in business for long.” (Friedman, 1953, p. 22). Ceci étant dit, cette ligne de défense orthodoxe est critiquable. Contrairement à cet irréalisme méthodologique, l’évolution n’a aucune vision d’avenir et ne produit donc pas nécessairement la meilleure solution. Elle ne peut que procéder avec ce qu’elle a, là où elle se trouve à l’instant. Les processus de sélection sont ainsi marqués par de nombreux échecs qui conduisent à ce que ce qui est sélectionné n’est pas nécessairement le plus efficace, le plus adapté ou le plus apte à survivre. La différence fondamentale entre les logiques de sélection et d’optimisation est que la première n’est pas du tout finalisée (absence d’équilibre). L’évolution économique ne peut donc être compatible qu’avec une logique de satisficing à la Simon et absolument pas avec la logique d’optimisation de la théorie économique standard. Winter (1964, 1971) mit fin à ce débat en plaçant la sélection dans un cadre temporel dynamique où il fait en particulier remarquer que le point crucial dans le processus de sélection est qu’il s’inscrit dans un temps relativement long. Un facteur d’hérédité ou de rétention est donc nécessaire. Constatant que le processus de sélection dans le milieu biologique ne s’exerce qu’à long terme sur les gènes des êtres vivants, Winter conclut que la sélection n’agit qu’à long terme sur les structures des firmes. L’analyse des comportements des firmes montre en effet qu’elles sont loin de maximiser leurs profits et pourtant elles arrivent à survivre. Ce qui dément catégoriquement la proposition de Friedman. 11 La qualification de Khalil (2000) du principe Darwinien de sélection naturelle d’optimisation évolutionnaire nous paraît parfaitement adaptée. Nous pouvons ainsi retrouver la même ligne de défense Friedmanienne “as if” dans la définition Darwinienne de Boyd et Richerson (1980, p. 100) de la sélection naturelle : “… in general, the natural selection process behaves ‘as if’ it optimizes fitness at the level of the individual”. Blaug (1994, p. 91 f) raconte cette histoire, devenue célèbre à propos de la thèse Friedmanienne d’irréalisme méthodologique : Un économiste, un ingénieur et un chimiste échouèrent

pénale qui interdit le meurtre <strong>et</strong> la cause motrice de que normalement on ne comm<strong>et</strong> plus de meurtre. (Schump<strong>et</strong>er, 1935, p.<br />

120).<br />

Alors que Nelson <strong>et</strong> Winter vont formuler, à partir des travaux de Cyert <strong>et</strong> March (1963), leur propre<br />

conception des routines organisationnelles qu’ils vont concevoir comme les gènes de la firme<br />

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We use “routine” in a highly flexible way, much as a ‘program’ (…) is used in discussion of computer programming. It may<br />

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uneventful effectiveness of such an organisational or individual performance. (Nelson <strong>et</strong> Winter, 1982, p. 97).<br />

Finalement, si Nelson <strong>et</strong> Winter ont choisi la filiation néo-Schump<strong>et</strong>erienne, c’était peut-être tout<br />

simplement faute de mieux, comme le reconnaissaient très récemment Dosi <strong>et</strong> Winter (2003). Ce qui n’est<br />

pas très pertinent d’un point de vue épistémologique :<br />

Faute de mieux, nous avons précédemment qualifié de « post-schump<strong>et</strong>erienne » une des perspectives de recherches<br />

d’inspiration évolutionniste. (Dosi <strong>et</strong> Winter, 2003, p. 388).<br />

Schump<strong>et</strong>er évolutionniste ? Toujours est-il qu’il a contesté la validité d’une approche basée sur la<br />

définition des conditions de l’équilibre statique en termes marginalistes. Il a également essayé de montrer<br />

que le principe même de la régulation économique est profondément bouleversé sous l’eff<strong>et</strong> du<br />

phénomène fondamental de l’innovation mise en œuvre par le personnage-clé de l’entrepreneurinnovateur.<br />

Le monde hétérodoxe de Schump<strong>et</strong>er est ainsi peuplé non plus d’agents-automates mais<br />

d’entrepreneurs-innovateurs. Il demeure à ce titre un grand économiste hétérodoxe <strong>et</strong> inclassable.<br />

1.2.2.3 La filiation d’Armen Alchian<br />

La contribution d’Alchian (1950) est la première conceptualisation Darwinienne rigoureuse des<br />

phénomènes concurrentiels 9 . C’est en eff<strong>et</strong> Alchian qui introduisit le premier dans Uncertainty, Evolution<br />

and Economic Theory (1950) c<strong>et</strong>te perspective évolutionniste d’analyse des organisations <strong>et</strong> de la<br />

compétition entre les firmes. En s’interrogeant sur les principes qui fondent la décision dans un univers<br />

incertain, Alchian entend rendre compatible la variété des comportements observés dans un cadre<br />

d’incertitude avec la possibilité de faire des prédictions sur la formation d’un équilibre économique. Il<br />

m<strong>et</strong> l’accent sur le fait que les agents ne peuvent pas avoir une information parfaite dans un<br />

environnement incertain <strong>et</strong> sur les conséquences que cela implique dans la manière d’opérer des choix. Il<br />

veut montrer que l’hypothèse de maximisation des profits ne peut s’appliquer que dans un environnement<br />

certain. Il n’a pas pour ambition de réformer le noyau dur de la théorie standard mais uniquement de<br />

montrer l’incompatibilité du postulat de maximisation avec des environnements incertains. Alchian a<br />

alors recours aux métaphores biologiques de la “sélection naturelle” du marché <strong>et</strong> de la “survie” des<br />

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