Économie Évolutionniste et Culture d'Entreprise

Économie Évolutionniste et Culture d'Entreprise Économie Évolutionniste et Culture d'Entreprise

scd.theses.u.strasbg.fr
from scd.theses.u.strasbg.fr More from this publisher
22.06.2013 Views

1.2.2.2 La filiation de Joseph Schumpeter 1.2.2.2.1 De l’équilibre statique au circuit Le concept d’équilibre général de Walras doit constituer le point de départ pour étudier l’idée de l’évolution économique chez Schumpeter (en passant par la réduction simplificatrice du circuit). Schumpeter découvrit Walras du temps de sa jeunesse estudiantine à Vienne. Il se reconnut alors comme son disciple et ne cessa depuis lors de rappeler sa dette de reconnaissance envers l’auteur français (LeDuc, 1950, p. 441). La notion d’équilibre général est retenue par Schumpeter bien que laissant beaucoup à désirer, tant dans sa technique que dans ses détails 5 , bien que jugée valable dans la seule hypothèse, complètement irréelle, d’une concurrence parfaite, bien que considérée comme une représentation purement mécaniste d’une situation idéale, sur laquelle s’ajusteraient toujours, sans délais, résistances ni frottements, toutes les données du système (Ibid., p. 448). Une telle conception mécaniciste de l’économie représente [a] first approximation which stops far short of what we need for an analysis of processes in an incessantly disturbed economic world, and leaves out to account many facts that may practically, if not logically, be just as important as those it includes and even go far toward producing exactly opposite results. (Schumpeter, 1939, p. 47). Mais à cette statique mécaniciste, susceptible de conduire à des résultats exactement opposés, selon l’avis de Schumpeter lui-même, il désire substituer une statique fondée non sur l’équilibre général mais sur le concept de “circuit”. Le circuit économique chez Schumpeter est un état proche de l’équilibre Walrasien et caractérisé par l’existence de nombreuses firmes de petite taille, une entrée libre et l’absence d’interventions économiques (ce qui caractérise l’état de développement économique à la fin du XIX ème et début du XX ème siècle). Dans le premier chapitre de la Théorie de l’Evolution Economique (1935), l’auteur présente la notion de circuit économique comme un référent à l’économie réelle : En décrivant une économie purement stationnaire, nous recourons à une abstraction, mais à seule fin d’exposer la substance de ce qui se passe réellement. (Schumpeter, 1935, p. 8). Le circuit, tel que le présente l’auteur, demeure stationnaire tant que cela est nécessaire. Il est dominé par certaines nécessités et reste semblable à lui-même aussi longtemps que ces nécessités ne se modifient pas (Ibid., p. 76). Schumpeter décrit une économie statique (stationnaire) qui est toutefois susceptible de subir des changements extérieurs et ainsi de croître (p. 77). Cependant, dans le circuit stationnaire, seule une croissance des quantités est possible. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Schumpeter distingue la croissance (purement quantitative) de la notion d’évolution qualitative (p. 90). 1.2.2.2.2 L’introduction du changement économique 5 “Léon Walras has built the relations subsisting between the elements of the economic system into equations, and has shown that they suffice to determine unique values of variables. His proof left much to be desired in technique and details (…).” (Schumpeter, 1939, p. 46).

Schumpeter va s’intéresser ensuite au changement économique considéré comme un phénomène discontinu en raison du manque de continuité dans l’apparition de nouvelles solutions technologiques fondamentales qui émergent sous forme d’une succession de cycles majeurs (il va retracer trois cycles majeurs de 1790 à 1939, date à laquelle il publie Business Cycles). Dans la Théorie de l’Evolution Economique, Schumpeter souligne néanmoins l’incapacité de l’approche statique à rendre compte des causes spécifiques de ce mouvement économique qui sont autre chose que des perturbations au sens donné à ce terme par la théorie statique et reconnaît la nécessité d’examiner l’économie sous l’angle statique et dynamique. Le changement interne qui caractérise l’évolution économique est provoqué par des innovations ou nouvelles combinaisons, qui, par leur réalisation et leur diffusion progressive, bouleversent l’équilibre du circuit et agissent sur l’ensemble du système. Schumpeter définit l’innovation comme l’établissement d’une nouvelle fonction de production qui s’explique par le procédé de destruction créatrice. Elle est décrite comme un phénomène lié strictement à un agent particulier : l’entrepreneur, qui, seul, a la capacité de sortir de sa routine, et donc d’innover (exécuter les nouvelles combinaisons). C’est un véritable “destructeur” de l’équilibre existant (Sautet, 2002, p. 29). En mettant le processus d’innovation (plutôt que l’ajustement par les quantités) au cœur de l’analyse économique, Schumpeter inaugure ainsi une nouvelle manière de penser l’économie. Le changement économique est désormais considéré comme endogène car reposant sur une cause unique : les nouvelles combinaisons des facteurs de production (fabrication d’un bien nouveau, introduction d’une nouvelle méthode de travail, ouverture d’un débouché nouveau, conquête d’une nouvelle source de matières premières ou de biens intermédiaires et réalisation d’une nouvelle organisation). Schumpeter a ainsi une vision endogène du changement économique qui n’est pas une simple adaptation aux changements exogènes de l’environnement. 1.2.2.2.3 Du circuit à l’évolution ? Les idées Schumpeteriennes issues de l’analyse en terme d’équilibre statique sont-elles adaptées pour rendre compte des modifications spontanées et discontinues dans le circuit économique ? Si le circuit Schumpeterien n’a ainsi plus grand chose à voir avec la statique au sens habituel du mot, cela signifie-t-il pour autant la prise en compte de l’évolution économique ? Qu’est ce que Schumpeter entendait par “évolution économique” ? Nelson (1987b) cite ce passage de Schumpeter en soulignant que, quoiqu’il soit moins connu que le célèbre passage de Marshall sur la Mecque de l’économiste, il est tout aussi indicateur du penchant évolutionniste de Schumpeter : The essential point to grasp is that in dealing with capitalism we are dealing with an evolutionary process… Capitalism, then, is by nature a form or method of economic change and not only never is but never can be can be stationary. (Schumpeter, 1942, p. 82 ; cité par Nelson, 1987b, p. 615-616).

1.2.2.2 La filiation de Joseph Schump<strong>et</strong>er<br />

1.2.2.2.1 De l’équilibre statique au circuit<br />

Le concept d’équilibre général de Walras doit constituer le point de départ pour étudier l’idée de<br />

l’évolution économique chez Schump<strong>et</strong>er (en passant par la réduction simplificatrice du circuit).<br />

Schump<strong>et</strong>er découvrit Walras du temps de sa jeunesse estudiantine à Vienne. Il se reconnut alors comme<br />

son disciple <strong>et</strong> ne cessa depuis lors de rappeler sa d<strong>et</strong>te de reconnaissance envers l’auteur français<br />

(LeDuc, 1950, p. 441). La notion d’équilibre général est r<strong>et</strong>enue par Schump<strong>et</strong>er bien que laissant<br />

beaucoup à désirer, tant dans sa technique que dans ses détails 5 , bien que jugée valable dans la seule<br />

hypothèse, complètement irréelle, d’une concurrence parfaite, bien que considérée comme une<br />

représentation purement mécaniste d’une situation idéale, sur laquelle s’ajusteraient toujours, sans délais,<br />

résistances ni frottements, toutes les données du système (Ibid., p. 448). Une telle conception mécaniciste<br />

de l’économie représente<br />

[a] first approximation which stops far short of what we need for an analysis of processes in an incessantly disturbed economic<br />

world, and leaves out to account many facts that may practically, if not logically, be just as important as those it includes and<br />

even go far toward producing exactly opposite results. (Schump<strong>et</strong>er, 1939, p. 47).<br />

Mais à c<strong>et</strong>te statique mécaniciste, susceptible de conduire à des résultats exactement opposés, selon l’avis<br />

de Schump<strong>et</strong>er lui-même, il désire substituer une statique fondée non sur l’équilibre général mais sur le<br />

concept de “circuit”. Le circuit économique chez Schump<strong>et</strong>er est un état proche de l’équilibre Walrasien<br />

<strong>et</strong> caractérisé par l’existence de nombreuses firmes de p<strong>et</strong>ite taille, une entrée libre <strong>et</strong> l’absence<br />

d’interventions économiques (ce qui caractérise l’état de développement économique à la fin du XIX ème <strong>et</strong><br />

début du XX ème siècle). Dans le premier chapitre de la Théorie de l’Evolution Economique (1935),<br />

l’auteur présente la notion de circuit économique comme un référent à l’économie réelle :<br />

En décrivant une économie purement stationnaire, nous recourons à une abstraction, mais à seule fin d’exposer la substance de<br />

ce qui se passe réellement. (Schump<strong>et</strong>er, 1935, p. 8).<br />

Le circuit, tel que le présente l’auteur, demeure stationnaire tant que cela est nécessaire. Il est dominé par<br />

certaines nécessités <strong>et</strong> reste semblable à lui-même aussi longtemps que ces nécessités ne se modifient pas<br />

(Ibid., p. 76). Schump<strong>et</strong>er décrit une économie statique (stationnaire) qui est toutefois susceptible de subir<br />

des changements extérieurs <strong>et</strong> ainsi de croître (p. 77). Cependant, dans le circuit stationnaire, seule une<br />

croissance des quantités est possible. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Schump<strong>et</strong>er distingue la<br />

croissance (purement quantitative) de la notion d’évolution qualitative (p. 90).<br />

1.2.2.2.2 L’introduction du changement économique<br />

5 “Léon Walras has built the relations subsisting b<strong>et</strong>ween the elements of the economic system into equations, and has<br />

shown that they suffice to d<strong>et</strong>ermine unique values of variables. His proof left much to be desired in technique and d<strong>et</strong>ails<br />

(…).” (Schump<strong>et</strong>er, 1939, p. 46).

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!