Économie Évolutionniste et Culture d'Entreprise

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4. Dans le cas d’une “culture forte” qui code l’histoire de l’organisation et permet de coordonner rapidement les intérêts divergents des communautés, l’organisation peut fonctionner d’une manière largement auto-organisée (y compris dans la détermination de son cœur, qui peut se faire sans interventions hiérarchiques trop marquées) que l’on se situe dans un contexte émergent ou stabilisé. Il est probable que dans une telle situation, le bouillonnement incessant des communautés fait que l’organisation innove sans cesse (ce cas pourrait être sans doute rapproché des conditions de fonctionnement de la spirale créatrice de Nonaka et Takeuchi, 1995). Dans ce cas, et les objectifs et l’incertitude procédurale sont élevés, les situations de décision consistent en des problèmes relativement indépendants, des solutions, des participants et des opportunités de choix dynamiques. Une décision se passe alors quand les problèmes, solutions, les participants et les choix coïncident. Ce mode de coordination est largement spontané. Il s’agit ici d’une idée forte que nous avons défendue, dans la lignée de Langlois (1997), dans ce travail de thèse. Le transfert du concept Hayekien d’ordre spontané au contexte organisationnel peut être expliqué par le fait que les organisations sont trop complexes dans le nouveau régime culturel pour qu’elles puissent être panifiées d’une manière strictement “rationnelle” pièce par pièce. Nous ne pouvons ici contrôler la manière particulière dans laquelle l’ordre résultant va se manifester, mais nous pouvons essayer de manipuler quelques éléments des circonstances particulières de l’environnement direct, et de cette façon, être capable d’initier un changement de l’ordre. Se référer ici à un système spontané plutôt qu’une planification délibérée a l’avantage de permettre aux organisations de bénéficier de la connaissance spécialisée possédée par les membres individuels de l’organisation. 9.6 REPENSER LA COORDINATION INTRA-ORGANISATIONNELLE Nous avons soutenu dans ce chapitre que la communauté intensive en connaissance apparaît dans le régime culturel post-Taylorien comme un principal mode de coordination, à la fois autonome et complémentaire au marché et à la hiérarchie. Ce qui appelle à revisiter la nature de la coordination intraorgansationnelle, en étroite relation avec l’impératif de création de ressources. Le tableau ci-dessous résume les principales caractéristiques des trois modes de coordination : marché, hiérarchie, communauté.

Mécanisme Mode de coordination Nature de coordination Conception de la firme Asymétries Logique économique Coordination par le Marché Coordination par la Hiérarchie Coordination par les Communautés Prix Autorité Confiance et normes sociales Décentralisé Centralisé Décentralisé Spontanée Délibérée Spontanée Boîte noire Nœud de contrats Faisceau de ressources Information (presque) parfaite Allocation de ressources/Création de ressources Asymétries informationnelles Allocation de ressources Asymétries cognitives Création de ressources Tableau 9.3. Complémentarité des modes de coordination dans le régime culturel post-Taylorien. Le principal problème posé par ce tableau est donc celui de l’arbitrage complexe entre ces trois modes de coordination. Plus particulièrement, comme le soulignent Cohendet et al. (1998), c’est la question de l’arbitrage délicat entre les processus d’exploitation et les processus d’exploration qui est posée avec insistance aux théories économiques de la firme : [T]he firm is an economic institution which performs multiple functions by implementing different mechanisms which interact in complex, sometimes conflicting and still largely unexplored ways. We maintain that a theory should (…) address specifically the interaction among such mechanisms, seeing the firm (…) as a delicate balance between such interacting processes. (Cohendet et al., 1998, p. 3). La dimension création de ressources n’est pas complètement absente dans les modes de coordination par la hiérarchie. Elle y est tout simplement secondaire. Alors que la communauté, par le biais de sa dynamique interactionnelle et communicationnelle, paraît bien plus adaptée pour mettre en œuvre des plates-formes cognitives supportant l’apprentissage et la création de nouvelles ressources dans l’organisation. Elle revêt dès lors une importance capitale dans le contexte d’une économie de plus en plus basée sur la connaissance. L’un des avantages majeurs de la communauté est que, dans la mesure où la mise en œuvre de la connaissance repose sur l’existence d’une proximité cognitive et organisationnelle (Gallié et Guichard, 2002), d’une connaissance commune (Lewis, 1969) et d’un langage commun (Foray, 2000), l’accumulation et le traitement de parcelles de savoirs de plus en plus spécialisés, se fait naturellement, sans une nécessité absolue de recourir à des mécanismes puissants d’incitation, au sein d’une communauté donnée. Dans une économie fondée sur la connaissance, la communauté prend la

Mécanisme<br />

Mode de<br />

coordination<br />

Nature de<br />

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Conception de<br />

la firme<br />

Asymétries<br />

Logique<br />

économique<br />

Coordination par le<br />

Marché<br />

Coordination par la<br />

Hiérarchie<br />

Coordination par les<br />

Communautés<br />

Prix Autorité Confiance <strong>et</strong> normes sociales<br />

Décentralisé Centralisé Décentralisé<br />

Spontanée Délibérée Spontanée<br />

Boîte noire Nœud de contrats Faisceau de<br />

ressources<br />

Information<br />

(presque) parfaite<br />

Allocation de<br />

ressources/Création de<br />

ressources<br />

Asymétries<br />

informationnelles<br />

Allocation de<br />

ressources<br />

Asymétries<br />

cognitives<br />

Création de<br />

ressources<br />

Tableau 9.3. Complémentarité des modes de coordination dans le régime culturel post-Taylorien.<br />

Le principal problème posé par ce tableau est donc celui de l’arbitrage complexe entre ces trois modes de<br />

coordination. Plus particulièrement, comme le soulignent Cohend<strong>et</strong> <strong>et</strong> al. (1998), c’est la question de l’arbitrage<br />

délicat entre les processus d’exploitation <strong>et</strong> les processus d’exploration qui est posée avec insistance aux théories<br />

économiques de la firme :<br />

[T]he firm is an economic institution which performs multiple functions by implementing different mechanisms which<br />

interact in complex, som<strong>et</strong>imes conflicting and still largely unexplored ways. We maintain that a theory should (…)<br />

address specifically the interaction among such mechanisms, seeing the firm (…) as a delicate balance b<strong>et</strong>ween<br />

such interacting processes. (Cohend<strong>et</strong> <strong>et</strong> al., 1998, p. 3).<br />

La dimension création de ressources n’est pas complètement absente dans les modes de coordination par<br />

la hiérarchie. Elle y est tout simplement secondaire. Alors que la communauté, par le biais de sa<br />

dynamique interactionnelle <strong>et</strong> communicationnelle, paraît bien plus adaptée pour m<strong>et</strong>tre en œuvre des<br />

plates-formes cognitives supportant l’apprentissage <strong>et</strong> la création de nouvelles ressources dans<br />

l’organisation. Elle revêt dès lors une importance capitale dans le contexte d’une économie de plus en<br />

plus basée sur la connaissance. L’un des avantages majeurs de la communauté est que, dans la mesure où<br />

la mise en œuvre de la connaissance repose sur l’existence d’une proximité cognitive <strong>et</strong> organisationnelle<br />

(Gallié <strong>et</strong> Guichard, 2002), d’une connaissance commune (Lewis, 1969) <strong>et</strong> d’un langage commun (Foray,<br />

2000), l’accumulation <strong>et</strong> le traitement de parcelles de savoirs de plus en plus spécialisés, se fait<br />

naturellement, sans une nécessité absolue de recourir à des mécanismes puissants d’incitation, au sein<br />

d’une communauté donnée. Dans une économie fondée sur la connaissance, la communauté prend la

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